HIROSHIGE, L’ART DU VOYAGE.
Si tout le monde connaît Hokusai (1760-1849), le maître
de La Vague, bien peu ont entendu parler de Utagawa Hiroshige
(1797-1858). Pourtant c’est ce dernier qui est considéré
par les japonais comme le plus grand peintre de leur pays. Les musées
français l’ignorent et, pour réaliser la présente
exposition, la Pinacothèque de Paris a fait appel au musée
d’Ethnographie de Leyde dont le fonds ukiyo-e (estampes et
livres illustrés) comporte pas moins de huit mille numéros.
Les estampes japonaises étaient, depuis le XVIe siècle, des souvenirs bon marché que l’on achetait comme les cartes postales à notre époque. Leur tirage pouvait être important (jusqu’à 20.000 exemplaires) selon le sujet et la qualité des planches d’impression. Leur réalisation a évolué au cours du temps, surtout lorsque les artistes ont pu s’approprier les techniques de perspective occidentales, l’utilisation de hachures comme dans les gravures et certaines couleurs tel le bleu de Prusse, très utilisé par Hiroshige.
Deux types de sujets sont en vogue à l’époque, les portraits d’acteurs ou de courtisanes célèbres (nigao-e) et les vues célèbres (meisho-e). Faute de place dans la classe de nigao-e, la plus cotée, Hiroshige devint l’élève de Utagawa Toyohiro (1773-1828). Un an plus tard, il obtint déjà son diplôme ! Il dessina lui aussi à ses débuts des portraits mais sa renommée provient de ses paysages. On en recense quelque cinq mille dont plus de mille pour les seuls lieux célèbres d’Edo (aujourd’hui Tokyo), où il vivait.
Nous pouvons admirer plusieurs séries de ces paysages, telle la série des Lieux célèbres de la capitale de l’Est (Edo), les Cent vues célèbres d’Edo, divisées en quatre séries, Printemps, Eté, Automne, Hiver, et surtout les séries des Cinquante-trois étapes du Tôkaidô et des Soixante-neuf étapes du Kisokaidô. La réalisation des dessins de ces deux dernières séries est très intéressante. Le Tôkaidô est le nom donné à la route allant d’Edo (capitale, de 1603 à 1868, des shogun Tokugawa) à Kyoto (capitale de l’empereur), en longeant la mer, tandis que le Kisokaidô est celui de la route passant par l’intérieur des terres. Ces itinéraires étaient très fréquentés et il existait des guides touristiques illustrés pour aider les voyageurs. Contrairement à ce que l’on a cru au début, Hiroshige n’a jamais fait en totalité ces parcours de plus de 500 km et n’a pas fait de dessins préparatoires sur le motif. Il s’est appuyé sur les représentations des guides touristiques et a surtout fait appel à son imagination.
En effet la peinture japonaise ne cherche pas à reproduire la réalité, pas plus que ne le firent les impressionnistes, mais à « évoquer l’idée d’un paysage ». Selon Matthi Forrer, commissaire de l’exposition, « ce qui importait le plus dans les estampes japonaises de paysage, c’était avant tout de transmettre une vision. Et pour traduire une vision, il faut une bonne dose d’imagination ». Il est donc inutile d’aller au Japon pour voir « en vrai » les vues célèbres d’Hiroshige, elles n’ont jamais existé !
Les collectionneurs à l’origine du fonds du musée
de Leyde ont privilégié les tirages de qualité
exceptionnelle où l’on retrouve le nom des artistes
qui s’illustrent à l’époque. C’étaient
des témoignages du niveau incomparable atteint par l’imprimerie,
la gravure et l’édition au Japon au début du
XIXe siècle, sans équivalent en Europe à cette
époque. Nous pouvons donc contempler quelques-unes des plus
belles estampes d’Hiroshige, qui firent l’admiration
des artistes européens quand ils les virent lors de l’exposition
universelle de 1867, puis dans différentes manifestations.
Si Pissarro notait en 1893 que « Hiroshige est un merveilleux
impressionniste », on a pu voir (Lettre n°349)
l’influence déterminante de ce peintre sur Vincent
Van Gogh, comme le montre l’exposition consacrée simultanément
à ce dernier. Quelque deux cents œuvres à voir
en prenant son temps, car elles fourmillent de petits détails
amusants ou pittoresques. Pinacothèque de Paris 8e.
Jusqu’au 17 mars 2013. Lien
: www.pinacotheque.com.