HERGÉ

Article publié dans la Lettre n° 402
du 9 novembre 2016


 
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HERGÉ. Cette exposition permet de découvrir le célèbre auteur de Tintin sous d’autres aspects que ceux qu’on lui connaît à travers ses bandes dessinées. Il s’agit d’une rétrospective riche en documents de toutes sortes qui vont du tout premier dessin connu du jeune Georges Remi (1907-1983) alors qu’il avait quatre ans, jusqu’aux dernières planches de son album inachevé Tintin et l’Alph’art dont on comprend mieux le sujet après cette visite.
En effet George Remi, qui a pris le pseudonyme de Hergé en référence aux initiales de son nom dès 1924, souhaitait que la bande dessinée soit considérée « comme un moyen d’expression à part entière, comme la littérature ou le cinéma » et s’intéressait beaucoup à l’art et en particulier à l’art contemporain. C’est ainsi que dès le début de l’exposition nous voyons des croquis et sept peintures à l’huile réalisées par Hergé, vers 1960, de style abstrait pour la plupart, et une partie des œuvres de sa collection personnelle. Il y a deux des quatre portraits qu’il avait commandés à Andy Warhol, une série de six tableaux de Roy Lichtenstein, Rouen Cathedral, des œuvres de Poliakoff, Fontana, Dubuffet etc. et une statuette péruvienne prêtée par les Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, tout à fait semblable à celle de L’Oreille cassée (1935).
En effet Hergé est un fin observateur, curieux de tout (son nom totémique de scout était « Renard curieux » !) et, au fil des albums et des rééditions, il s’attache à ancrer ses histoires dans un contexte réaliste. Ses premiers albums, tel Tintin au pays des Soviets (1929), où Tintin et Milou apparaissent pour la première fois, sont publiés en feuilleton dans le Petit Vingtième, supplément pour la jeunesse du Vingtième Siècle, dont il est rédacteur en chef. Ce premier album n’est officiellement réédité qu’en 1978 tellement la vision qu’il présente de l’Union soviétique est négative et caricaturale. C’est également le cas de Tintin au Congo (1931), son deuxième album, lui aussi retiré de la vente dans les années 1950 pour son coté trop « colonialiste », mais qui reflétait simplement l’esprit de l’époque.
En 1934, Hergé fait la connaissance d’un jeune étudiant chinois, Tchang Tchong-jen, qui lui fait découvrir la Chine, son histoire, ses conflits avec le Japon, sa pensée. Cette rencontre marque un tournant décisif dans la carrière d’Hergé, à l’occasion de la création du Lotus bleu. Cette aventure de Tintin s’appuie sur une réalité solide. Les textes chinois sont de véritables idéogrammes dont la traduction nous est donnée dans la salle 8, La leçon de l’Orient. Il en sera ainsi pour toutes les autres aventures même si le « politiquement correct » oblige Hergé à utiliser des pays et des noms imaginaires. Hergé retrouvera Tchang en 1981. Celui-ci fera alors son portrait en bronze. Il est exposé avec les autres objets de la collection d’œuvres d’art d’Hergé.
Dans une salle constellée des innombrables albums de Tintin dans toutes sortes de traductions, y compris des langues régionales, nous pouvons voir une émission de télévision où Yves Robert montre à Hergé qu’il crée ses planches comme lui conçoit les plans d’un film. C’est tout à fait passionnant !
La recherche de la réalité se manifeste particulièrement dans L’Île noire. La première version est publiée en 1938. En 1943 sort la version en couleur qui oblige Hergé à revoir tous ses dessins comme pour les autres albums en noir et blanc. Mais Hergé, sans doute peu satisfait de sa description de l’Ecosse, y envoie un collaborateur pour prendre des notes et sort, en 1966, une troisième version, beaucoup plus fouillée et minutieuse en ce qui concerne les costumes, les habitations, les paysages. Cette dernière version est tout à fait remarquable. 
Une des salles les plus intéressantes est « Une famille de papier » où l’on voit des planches crayonnées où sont dessinés les principaux personnages d’Hergé : Tintin, Milou, le capitaine Haddock, personnage préféré du dessinateur, les Dupondt, Tournesol, la Castafiore et des personnages moins importants comme Müller ou le professeur Topolino. A côté de ces crayonnés sont exposés les pages de l’album en couleur correspondant, permettant de voir tout le travail accompli depuis les premiers coups de crayon jusqu’à cette fameuse ligne claire, caractéristique du style et du génie d’Hergé.
Hergé ce n’est pas que Tintin. Pour la revue Cœurs Vaillants, qui ne se satisfaisait pas de ce héros sans papa ni maman, sans enfants et qui ne gagnait pas sa vie (!), il crée la série des Jo, Zette et Jocko, sans enthousiasme d’autant plus que l’impression est médiocre. Hergé qui met du temps à passer du noir et blanc à la couleur, comme le lui demande Casterman, son éditeur, est en effet très exigeant, là aussi, sur le coloriage. Il est appuyé en cela en 1943 par Edgar P. Jacobs qui joue un rôle important dans la conception des Sept Boules de cristal et du Temple du soleil, avant de créer sa propre BD : Le Secret de l’Espadon, un chef-d’œuvre, première aventure de Blake et Mortimer.
D’autres personnes jouent un rôle important dans la vie et l’œuvre d’Hergé. La photo de l’Atelier Hergé où l’on voit de nombreux coloristes travailler sur ses planches témoigne de la taille de son entreprise. Celle-ci ne fait pas que des BD. Hergé est aussi un maître de la réclame comme on dit à cette époque. Ses affiches sont tout à fait remarquables, épurées, joliment coloriées, humoristiques. Là aussi c’est un maître ! D’autres salles sont consacrées à l’apport de Tchang, dont nous avons déjà parlé et à ses tout débuts, à l’époque où il est boy-scout, avec Les aventures de Totor, C.P. des Hannetons. La période trouble de la guerre est également évoquée en ce qui concerne ses œuvres mais assez peu en ce qui concerne sa collaboration avec Le Soir, alors dirigé par l’occupant nazi et baptisé par les belges Le Soir volé, sa création de personnages juifs caricaturaux, qu’il doit revoir après la guerre, etc. Il n’en reste pas moins que nous en savons beaucoup plus sur Hergé après la visite de cette exposition exceptionnelle. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 15 janvier 2017. Lien : www.rmn.fr.


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