Parcours en images de l'exposition

HARRIET BACKER (1845-1932)
La musique des couleurs

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°601 du 2 octobre 2024


 

Titre de l'exposition
Scénographie
 
INTRODUCTION

Méconnue en dehors des frontières de son pays, Harriet Backer a été la peintre femme la plus célèbre en Norvège à la fin du XIXe siècle. Elle a réalisé une synthèse très personnelle des scènes d’intérieur et de la pratique du plein-air, puisant aussi bien son inspiration dans le courant réaliste que dans les innovations de l’impressionnisme à travers une touche libre, une palette qui s’éclaircit progressivement et un très grand intérêt porté aux variations de la lumière. Alors que la peinture de Backer a beaucoup évolué d’un point de vue stylistique au cours de sa longue carrière, elle est restée fidèle à un nombre resserré de sujets et à l’étude directe sur le motif. Sœur d’une compositrice renommée dont elle était très proche, elle a placé la musique au cœur de son travail, tant comme sujet que comme modèle, en cherchant à suggérer une atmosphère, une émotion, un instant, au moyen de la touche, du rythme et de couleurs subtiles.
De retour en Norvège au début des années 1890 après une formation dans les grandes capitales artistiques européennes Munich et Paris, elle ouvrit une école mixte de peinture qui devint l’une des plus importantes du pays avant la création de l’Académie des beaux-arts. Participant à de nombreux jurys d’expositions, Backer fut aussi, pendant vingt ans, membre du conseil d’administration et du comité d’acquisition de la Galerie nationale de Norvège.

Harriet Backer (1845-1932). Autoportrait (inachevé), 1910. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Texte du panneau didactique.
 
Boîte de peinture et tabouret de l'artiste. Oslo, National Trust of Norway.
 
Cartel à l'attention du jeune public
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur, le soir [Aften, interiør], 1896. Huile sur toile, 54 × 66 cm. Oslo, National museum. © National Museum / Børre Høstland.
 
Eilif Peterssen (1852-1928). Harriet Backer, 1878. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Peintre d'histoire et portraitiste de renom, Eilif Peterssen a une grande importance dans la formation artistique d'Harriet Backer depuis leur rencontre à Munich en 1874. Elle partage avec lui un vrai talent de coloriste. Peterssen représente ici son amie avec beaucoup de dignité et évoque subtilement son statut d'artiste en figurant sa palette et ses pinceaux sur la table. Le regard direct et intense de la peintre traduit son caractère déterminé.


1 - Une formation européenne, Munich et Paris

Scénographie

Harriet Backer manifeste dès l’enfance un goût prononcé pour le dessin et la peinture. Comme de nombreux artistes norvégiens, elle poursuit sa formation dans les grandes capitales artistiques de l'Europe de l'Ouest et du centre. En compagnie de sa sœur Agathe qui étudie le piano, elle se rend à Berlin puis à Florence. Elles s'installent en 1874 à Munich qui abrite une dynamique communauté d'artistes scandinaves. Backer y fait la connaissance de certains de ses amis les plus proches notamment Eilif Peterssen et Kitty Kielland. Dès ses premiers voyages, Backer se forme aussi en copiant les maîtres anciens dans les musées et s'intéresse tout particulièrement à la peinture hollandaise du XVIIe siècle. C’est à Paris qu’elle effectue son plus long séjour.
Elle y réside dix ans à partir de 1878 et s’inscrit à l’académie de Mme Trélat de Vigny, une école réservée aux femmes, très appréciée par les artistes nordiques où enseignent Léon Bonnat, Jean-Léon Gérôme et Jules Bastien-Lepage. Backer, jusqu’alors férue de peinture d’Histoire, s’intéresse au naturalisme et observe également les impressionnistes.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur bleu [Blått interiør], 1883. Huile sur toile, 84 x 66 cm. Oslo, National museum. © National Museum / Børre Høstland.

Backer délaisse le rendu des détails très précis et parfaitement exécutés de ses précédents tableaux au profit des modulations de couleurs, très probablement suite à son observation des tableaux des peintres impressionnistes, dont elle disait admirer le travail. Son rendu riche et subtil des teintes et du scintillement de la lumière ont fait dire à divers critiques qu'elle peignait du «plein-air en intérieur». Son amie Asta Nørregaard pose ici dans l'appartement d'un consul norvégien à Paris. Backer présente ce tableau pour la première fois à l'exposition d'art nordique à Copenhague en 1883.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Andante, 1881. Huile sur toile, 70 × 82 cm. Stavanger, Stavanger Art, Museum.

Avec ce tableau, Harriet Backer participe pour la seconde fois au Salon, à Paris. Elle décrit avec minutie, dans des teintes douces et chaleureuses, le chatoiement des textiles et boiseries d’une salle du musée de Cluny (musée du Moyen-Âge à Paris). L'atmosphère délicate et sereine de la composition s'accorde avec le tempo modéré, Andante, du jeu de la pianiste au geste suspendu. L’adéquation entre la musique et les effets picturaux est le véritable sujet de cette œuvre.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Au musée de Cluny, 1885. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Solitude, 1878-1880. Huile sur toile, 68,5 × 92,5 cm. Collection particulière.

Backer représente ici un intérieur d'inspiration Renaissance lors d'un séjour à Schliersee, en Bavière, en 1875, en compagnie d'Eilif Peterssen. Installée à Paris, elle reprend cette pièce de mémoire. Sur les conseils de Léon Bonnat, elle ajoute ultérieurement la figure de la dentellière absorbée dans ses pensées. Backer expose ce tableau à sa première participation au Salon de 1880 à Paris. Elle reçoit du jury une mention honorable.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Fourre-tout, Intérieur de Rochefort en Terre, Bretagne, 1882. Huile sur toile. Collection particulière.

À l'été 1881, Backer séjourne en Bretagne avec les peintres Kitty Kielland et Germain Pelouse. Le labeur quotidien des paysans bretons lui inspire cette scène, qui rejoint les aspirations des mouvements réalistes et naturalistes. Backer s'abstient de fournir des éléments de contexte et centre son travail sur le jeu de lumière qui éclaire la jeune femme de face et le clair-obscur qui dévoile peu à peu les détails du tableau.
Scénographie
 
Harriet Backer, (1845-1932). Le bon Samaritain, copie d'après Constantijn van Renesse, élève de Rembrandt, 1884-1886. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Le tableau copié par Harriet Backer au musée du Louvre était alors attribué à Rembrandt. Depuis, il a été donné comme étant de Constantin-Adrien Renesse, élève de Rembrandt, et daté vers 1650.
 
Harriet Backer (1845-1932). L’adieu [Avskjeden], 1878. Huile sur toile, 80,6 × 99,3 cm. Oslo, National museum.

Dans ce tableau, peint à la fin de son séjour à Munich, Backer décrit pour la première fois une scène et un intérieur qui lui sont contemporains. Si elle porte une grande attention aux détails et soigne le rendu riche et subtil des textures, l'attention est ici principalement portée sur les figures. Cette scène d’une jeune femme quittant ses parents a probablement une dimension autobiographique pour une artiste qui a vécu plus de douze ans à l'étranger, loin de sa famille.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Dans les quartiers des domestiques, 1877. Huile sur toile. Collection privée.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Un érudit dans son étude, 1877. Huile sur toile. Collection particulière.

Lors de son séjour à Munich, Backer fréquente régulièrement l'Alte Pinakothek, consacrée à l'art européen du XIIIe au XVIIIe siècle. Ses premières compositions s'inspirent des maîtres anciens germaniques et hollandais et comportent de nombreuses références historiques. Elle représente ici un savant qui étudie un manuscrit religieux. Elle place en décor de cette scène une peinture flamande et un sablier, symbole récurent de la fragilité de l'existence humaine dans les natures mortes.


2 - Cercle d'artistes femmes scandinaves

Scénographie

À Munich puis à Paris, Harriet Backer rencontre des artistes venues de Norvège, Suède, Danemark et Finlande qui partagent son ambition de devenir des peintres professionnelles. De nombreuses femmes scandinaves viennent se former dans des ateliers privés en Allemagne et en France car les Écoles et Académies des Beaux-Arts leur sont encore fermées.
En 1875, à Munich, Harriet Backer se lie à Kitty Kielland, paysagiste et militante pour les droits des femmes avec qui elle partage toute sa vie son logement-atelier. Leur compagnonnage bouscule les normes de genre de l’époque. Une union aussi étroite entre deux femmes peintres n’était cependant pas rare au tournant du XXe siècle, la majorité d’entre elles restant célibataires pour garder leur indépendance personnelle et professionnelle.
Dans les années 1880, à Paris, Backer retrouve nombre d’artistes des pays du Nord qui complètent leur formation dans cette capitale artistique. Elles s’y professionnalisent, construisent leurs propres réseaux, exposent au Salon et gagnent une reconnaissance publique et critique. Ces artistes femmes vivent ensemble et se représentent dans des portraits croisés où l’atelier a un rôle symbolique de pièce à soi, où se conquiert l’indépendance par la création.

 
Texte du panneau didactique.
 
Kitty Kielland (1843-1914). Paysage à Ogna, Jæren, vers 1879. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

En 1879, Kitty Kielland expose pour la première fois au Salon de Paris avec deux peintures de Jæren qui lui ouvrent la voie du succès. Jæren, au Sud-Ouest de la Norvège, près de la ville de Stavanger, est une région côtière de lande et de bruyère, sablonneuse et plate, moins spectaculaire que les autres côtes norvégiennes. Kielland est la première à s'intéresser à ce paysage, qui devient son motif favori. À l'été 1884, Harriet Backer l’y accompagne.
 
Kitty Kielland (1843-1914). Harriet Backer dans son atelier, Paris [Harriet Backer I atelieret, Paris], 1883. Huile sur toile, 43 × 37 cm. Lillehammer, Lillehammer Kunstmuseum. © Lillehammer kunstmuseum / Jan Haug.

Kielland représente son amie pendant une pause, dans leur logement-atelier de la rue de l’Université. Sur le mur du fond, on aperçoit un paysage de Jæren (Norvège) par Kielland. La dualité au cœur du tableau peut être lue comme une manière discrète de représenter le couple formé par les artistes. Le tableau coupé sur le chevalet n'est autre que le portrait de Kielland par Backer, visible dans l'exposition. La discrétion étant de mise à une époque où l'homosexualité était condamnée, la nature de la relation entre les artistes n'est pas connue.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Portrait d’Inger Kathrine Smith Petersen, vers 1870. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Asta Nørregaard (1853-1933). Dans l'atelier à Paris, 1883. Huile sur toile. Oslo, Norske Selskab.

Asta Nørregaard se représente dans son atelier parisien, loué depuis l'automne 1882, situé près de la pension rue du Faubourg-Saint-Honoré où elle loge. Elle travaille alors au monumental retable de l'église de Gjøvik, en Norvège, dont elle a reçu un projet très prestigieux. Première artiste femme à recevoir une commande officielle pour une œuvre religieuse, elle met en avant sa position de peintre professionnelle.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Kitty Kielland (1843-1914). L'Écrivain Arne Garborq dans l'atelier de Kielland, 1887. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

En 1887, Kielland represente Arne Garborg (1851-1924), journaliste et auteur, nonchalamment assis dans son atelier, fumant et lisant un manuscrit sous le regard d'un perroquet. Dans cette scène, Kielland fait de son logement-atelier parisien partagé avec Backer un espace d'échanges intellectuels pour les artistes et écrivains modernes. Garborg et Backer débattent en effet du rôle social et politique de l’art: tandis que Garborg défend un art engagé, Backer ne pense pas que le rôle de l'art soit d'être «moralement supérieur» mais d'être du «bon art».
 
Hildegard Thorell (1850-1930). Sigrid Lindberg (1871-1942), violoniste, 1890. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum. Achat avec les fonds du Nationalmusei Vänner, 2020.

La correspondance d'Hildegard Thorell est une source importante pour connaître les relations entre les artistes femmes scandinaves à Paris entre 1878 et les années 1880. Elle étudia à l’Académie Trélat, comme Bauck, Wegmann, Kielland et Backer. Elle complèta sa formation par des cours privés donnés par Bertha Wegmann. Sigrid Lindberg était une violoniste suédoise. Elle partit en 1890 étudier au Conservatoire de Paris avant de connaître une renommée européenne.
Scénographie
 
Sofie Werenskiold (1849-1926). Pensive, 1881. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Bertha Wegmann (1847-1926). L'artiste Jeanna Bauck, 1881. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum, don Mme Toni Agnes Möller-Wegmann, 1930.
 
Kitty Kielland  (1843-1914). Paysage, Cernay-la-Ville, vers 1880. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Au Salon de 1879, Kielland remarque les paysages de Léon Pelouse, un artiste qui vit à Cernay-la-Ville, en Île-de-France, au Sud-Ouest de Paris. Bien qu'il ne prenne plus d'élèves, il accepte cependant de travailler avec elle en découvrant ses paysages de Jæren (Norvège). L'été 1881, Kielland voyage en Bretagne, à Rochefort-en-Terre, avec Backer et Pelouse.
 
Sofie Werenskiold (1849-1926). Femme lisant dans un parc, vers 1881. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

On sait peu de choses de Sofie Werenskiold, peintre et tisserande. Avec son époux, le peintre Erik Werenskiold, elle passe l'été 1886 dans la ferme de Fleskum à Bærum (localité proche d’Oslo) où ils retrouvent notamment Harriet Backer, Kitty Kielland et Eilif Peterssen. L'été de Fleskum désigne un moment particulier dans l’histoire de l’art norvégien qui marque le développement de la peinture de plein air.
 
Jeanna Bauck (1840-1926). L'artiste danoise Bertha Wegmann peignant un portrait, 1889. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum, don Mme Toni Agnes Möller-Wegmann, 1930.

La suédoise Jeanna Bauck dépeint sa collègue et amie Bertha Wegmann (1847-1926) travaillant au portrait du médecin neurologue danois Peter Dethlefsen dans l'atelier qu'elles partagent à Munich. Dans cet intérieur cossu, une statuette d’après la Vénus de Milo, signe une culture classique. Les deux peintres se sont rencontrées à Munich en 1871. Elles vécurent plusieurs années ensemble et firent de nombreux portraits l’une de l'autre.
 
Asta Nørregaard (1853-1933). Intérieur musical, 1880. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Asta Nørregaard (1853-1933) étudie avec Eïlif Peterssen à Munich de 1875 à 1878 puis poursuit sa formation à Paris, comme Harriet Backer. Elle voulait se spécialiser dans le portrait mais réalisa aussi des paysages et des compositions avec figures comme cet intérieur musical. Elle avait des positions plus conservatrices que Backer en termes de peinture, considérant que les impressionnistes et en particulier Monet «allaient trop loin dans l’extravagance».


3 - Chez moi, l'atelier musical

Scénographie

Harriet Backer grandit dans un milieu musical. Sa sœur Agathe Backer Grøndahl est l’une des plus importantes compositrices norvégiennes de son temps. Son neveu Johan Backer Lunde, fils de son autre sœur Inga, est également compositeur. Comme beaucoup de femmes de la bourgeoisie, Backer maîtrise le piano. L’instrument de musique trône au cœur de son appartement, à Paris et à Kristiania (Oslo) et ses amis mélomanes se retrouvent pour des concerts intimistes. La peinture Chez moi (1887) montre l’autrice Asta Lie au piano dans l’appartement-atelier que Backer partage à Paris avec Kitty Kielland. Ce thème de la femme au piano infuse l’œuvre de Backer tout au long de sa carrière. Il est associé dans l’exposition aux portraits de ses proches, souvent réunis autour de la musique.
Davantage qu’un thème, la musique est un modèle pour Backer : elle souhaite que le tableau soit «une musique pour l’œil». Comme beaucoup d’artistes de son temps, elle voit dans la musique l’aspiration et le modèle de tout art. Au moyen de la touche, de la composition et de la couleur, elle crée des rythmes et des harmonies colorées qui traduisent les impressions produites par la musique.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). Le vieux chalet de Kolbotn, la maison de Hulda et Arne Garborg, 1896. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Hulda (1862-1934) et Arne Garborg (1851-1924) étaient parmi les auteurs naturalistes norvégiens les plus connus dans leur pays. Hulda Garborg était renommée pour ses livres sur le folklore musical norvégien; Arne Garborg, représenté ici en train d'accorder son violon, se caractérisait par un fort engagement à gauche. Le couple se retira à partir de 1887 dans les montagnes du Kolbotn où Backer leur rendait visite l'été. Au mur, on devine une photographie des écrivains Thomasine et Jonas Lie et un paysage de Kitty Kielland.
 
Harriet Backer (1845-1932). Le compositeur Johan Backer Lunde, 1896. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Johan Backer Lunde (1874-1958) était le neveu d’Harriet Backer, le fils de sa sœur aînée, Inga. Comme sa tante Agathe qui fut son professeur, il était pianiste et compositeur. Un groupe d'artiste norvégiens dont Edvard Munch offrirent ce portrait à la Galerie Nationale d'Oslo.
 
Harriet Backer (1845-1932). Nenna Janson Nagel, née Backer Lunde, 1896-1897. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Ce portrait inachevé de Lena Backer Lunde, une nièce d'Harriet Backer, est toujours resté dans l'atelier de l'artiste.
 
Harriet Backer (1845-1932). Vedastine Aubert, vers 1910. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Vedastine Aubert (1855-1933), enseignante, était l'une des plus proches amies d’Harriet Backer. Elles échangèrent une riche correspondance. C’est Aubert qui l'encouragea à peindre l'église médiévale d'Udval. Son mari l'historien d'art Andreas Aubert contribua à la promotion de l’œuvre d'Harriet Backer.
 
Harriet Backer (1845-1932). L'artiste Kitty Kielland, 1883. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Backer et Kielland, qui habitaient et travaillaient ensemble, formaient un duo inséparable dans la vie culturelle norvégienne. Dans les années 1890, Kielland mentionne avec humour leur relation dans une lettre à l'écrivain Jonas Lie: «Nous sommes encore inséparables, bien que nous ne vivions pas ensemble, mais pour les autres nous avons grandi comme une seule personne, alors ils ont l'habitude de nous confondre. Ils nous voient comme le grand magasin Steen og Strøm; on connaît l'entreprise mais on ne peut pas dire qui est Steen et qui est Strøm.»
 
Harriet Backer (1845-1932). Au piano de mon arrière-grand-mère, 1921. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Harriet Backer (1845-1932). Lavande [Lavendler], 1914. Huile sur toile, 46 × 48 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Harriet Backer tente, grâce à la peinture, de faire appel à d’autres sens que la vue: l’ouïe, par la musique jouée par la pianiste et l’odorat par le parfum de lavande suggéré dans le titre de la toile qui fait référence au pot bleu. Au moment où Backer peint ce sujet, elle développe une cataracte qu’elle ne fera opérer qu’après avoir terminé sa toile. Cet état explique peut-être l’importance accordée ici aux autres sens.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de la résidence du régisseur du château, 1896. Huile sur toile. Collection particulière.
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Le Grand Frère jouant au piano, 1890. Huile sur toile. Göteborg, Gothenburg Museum of Art.

Quand ce tableau apparaît sur le marché de l'art dans les années 1920, il est d’abord considéré comme une œuvre des débuts d'Edvard Munch. Il dit qu'il aurait aimé en être l'auteur mais que ce n'était pas le cas. L'œuvre est alors présentée à Harriet Backer qui reconnaît un tableau peint une trentaine d'années plus tôt. On y voit son neveu Johan Backer Lunde jouant du piano avec sa petite sœur Lolla qui l'écoute avec une grande attention.
 
Harriet Backer (1845-1932). Chez moi, 1887. Huile sur toile, 88,7 × 100,4 cm. Oslo, National museum.

Dans l'appartement de Backer et Kielland à Paris, l'écrivaine Asta Lie joue au piano. L'étui à violon ouvert sur la chaise et le violon sur le piano font allusion à son frère, Mons Lie, qui jouait de cet instrument. Le piano est l'un des premiers meubles installés par les deux peintres dans leur logement parisien. Cette toile est montrée par Backer à l'Exposition universelle de1889 et récompensée par une médaille d'argent.
 
Harriet Backer (1845-1932). Au piano [Ved pianoet], 1894. Huile sur toile, 27,5 x 34,4 cm. Oslo, National museum.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Harriet Backer (1845-1932). Musique, Paris, 1887. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Musique, intérieur à Paris [Musikk, interiør fra Paris], 1887. Huile sur toile, 38,5 × 55,5 cm. Oslo, National museum. © National Museum / Børre Høstland.

La femme au piano est Asta Lie Isaachsen et l'homme Mons Lie, son frère. Asta Lie est la fille des écrivains, cousins et époux, Thomasine et Jonas Lie.
 
Harriet Backer (1845-1932). Musique, Intérieur à Kristiania, 1890. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

La femme au piano est Agathe Backer Grøndahl, chez elle, et l’homme assis qui l'écoute est son neveu et celui d'Harriet Backer, Johan Backer Lunde.
 
Harriet Backer, (1845-1932). La Ferme de Grimahar [Grimahar gård], 1919. Huile sur toile, 27 × 36 cm. Collection particulière.


4 - Intérieurs rustiques

Scénographie

«Peu importe que j'aie promis d'arrêter de peindre des intérieurs, de me tourmenter avec des lignes de perspective et de me battre avec des pieds de chaise. Dès que j'entre dans une pièce aux couleurs bleues et rouges sur des meubles rustiques ou des murs mats et brillants, où la lumière réfléchie par les arbres et le ciel entre par une fenêtre ou une porte, je ne tarde pas à me retrouver devant une toile».
C'est ainsi que Harriet Backer décrit sa fascination pour les intérieurs ruraux lors d'une conversation avec le peintre Christian Krohg. Elle aborde ce motif en 1881 lors d’un voyage d’étude en Bretagne avec les peintres Kitty Kielland et Germain Pelouse. Harriet Backer peint alors deux fermes, respectivement le matin et le soir, en explorant la manière dont la lumière transforme les couleurs et les atmosphères selon les heures du jour; une approche qui rappelle celle des impressionnistes. Elle continue d’explorer ces motifs lors de ses différents séjours en Norvège en offrant indirectement une vision de la vie quotidienne, simple et authentique, des paysannes et paysans contemporains, sans en faire toutefois son sujet principal.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de ferme, Skotta, Bærum [Bondeinteriør, Skotta i Bærum], 1887. Huile sur toile, 38 × 48 cm. Oslo, National museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Femme cousant, 1890. Huile sur toile. Collection particulière.

Tout en restant concentrée sur les effets de lumière et de couleurs, Backer assouplit progressivement sa touche, certainement sous l'influence des tableaux impressionnistes observés à Paris. À partir de la décennie 1890, elle est moins précise dans le rendu des textures et simplifie davantage les formes, parfois uniquement composées de larges plages colorées.
 
Harriet Backer (1845-1932). Femme cousant à la lueur de la lampe [Syende kvinne ved lampelys], 1890. Huile sur toile collée sur panneau de bois, 37 × 44,1 cm. Oslo, National museum.

Le puisant clair-obscur créé par la lueur de la bougie témoigne de l'intérêt de Backer pour les maîtres hollandais du XVII siècle, en particulier Rembrandt, observé à Munich et à Paris. Cet effet est manifeste dans ses tableaux d'intérieurs avec une figure féminine. Toutefois, la scène reste remarquablement moderne, la jeune femme se tenant devant une machine à coudre, invention assez récente.
 
Harriet Backer (1845-1932). À la lumière de la lampe [Lekselesing ved lampelys], 1890. Huile sur toile, 64,7 × 66,5 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Dans ses intérieurs, Backer représente souvent des activités traditionnellement dévolues aux femmes, comme le soin des enfants ou la couture. Cette scène de lecture souligne les indispensables progrès dans l'alphabétisation des jeunes filles en cette fin du XIXe siècle. La lecture, perçue comme une occupation oisive par la classe ouvrière, ne trouve place qu'une fois effectuées les tâches quotidiennes, dans le calme apporté par la nuit. La lampe crée un clair-obscur puissant qui sature les couleurs de la pièce.
 
Cartel à l'attention du jeune public
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur, Strålsjohaugen, 1900. Huile sur toile. Trondheim, Trondheim Kunstmuseum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Près du berceau suspendu, 1898. Huile sur toile. Oslo, Norske Selskab.

Formée auprès de peintres réalistes, Harriet Backer puise ses sujets dans la vie rurale traditionnelle norvégienne et s'intéresse en particulier au quotidien des femmes. Plutôt qu’une description précise des intérieurs qui serait centrée sur le pittoresque, elle privilégie leur atmosphère lumineuse. Cette scène maternelle lui offre ainsi l'opportunité d'une véritable abstraction colorée, sur le mur à droite de la jeune femme.
 
Harriet Backer (1845-1932). Joueurs de cartes, 1897. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Les Cordonniers, 1887. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum, don Torsten Laurin, 1925.
Scénographie
 
Harriet Backer, (1845-1932). Intérieur de Rochefort-en-Terre, Bretagne (motif de l’après-midi) [Interiør fra Rochefort-en-Terre, Bretagne (ettermiddagsmotivet)], 1882. Huile sur toile, 73 × 100 cm. Oslo, Det Kongelige Slott / The Royal House of Norway.

Dans cet intérieur breton, Backer s'intéresse tout particulièrement au clair-obscur créé par l'arrivée de la forte lumière de l'après-midi dans le corps de ferme aux murs épais. Les personnages au premier plan légèrement décentrés, animent la scène mais l'attention du spectateur est appelée vers les trouées de soleil parvenant des deux fenêtres.
 
Harriet Backer (1845-1932). Ferme à Rochefort-en-Terre, Bretagne, 1881. Huile sur panneau de bois. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de Rochefort-en-Terre, Bretagne (Matin), 1882. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Affranchi de toute présence humaine cet intérieur est peint à la manière d'une nature morte. Le soleil matinal éclaire faiblement la pièce et la peintre se concentre sur les reflets colorés et les variations de teintes sur les meubles et autres objets effleurés par la lumière.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur du pensionnat de Nordgård, 1926-1930. Collection particulière.

Tout au long de sa carrière, Backer ne s'attache qu'à un nombre restreint de motifs. Les intérieurs occupent une place très importante dans son œuvre. On peut y suivre les fortes évolutions de son style et de ses recherches picturales destinées à rendre l'atmosphère des lieux à travers les ambiances colorées. Ses toiles des années 1920 et 1930 révèlent une touche très dissoute qui brouille les formes jusqu'à les rendre difficilement identifiables.


5 - Rites et reflets intérieurs d'églises

Scénographie

Après son retour en Norvège en 1888, les intérieurs d'églises et les rituels religieux deviennent des sujets importants pour Harriet Backer. Ils participent grandement à sa renommée dans son pays natal. Dans un contexte politique de revendication d’une identité norvégienne propre, sa préférence va aux édifices anciens, médiévaux, construits avant la colonisation danoise puis suédoise. Les églises qu'elle représente sont pour la plupart luthériennes. Le Luthéranisme est le plus ancien courant protestant du Christianisme et est toujours la religion la plus répandue en Norvège. Harriet Backer peint inlassablement les églises en dépit des conditions matérielles parfois compliquées, dues à la vétusté ou au grand isolement des bâtiments, insistant sur les éléments architecturaux qui donnent à ces édifices une atmosphère toute singulière. Elle s'attache ainsi aux jeux de lumière et de couleurs sur les boiseries vernissées, sur la pierre ou sur les bancs patinés par le temps et décrit les cérémonies religieuses du quotidien, traduisant ainsi tout à la fois son altruisme pour ses contemporains et sa vision de la foi, humble, personnelle et centrée sur l'introspection.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). Sainte Communion dans l'église de Stange (étude), 1899. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de l'église de Tanum (esquisse), 1891. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Backer peint plusieurs vues de l'église de Tanum (visibles dans cette salle) qui, ensemble, donnent à voir l'organisation intérieure du bâtiment. Elle porte son intérêt sur l'atmosphère générale de ces lieux rustiques et anciens, aux dimensions très réduites, où la lumière produit des effets uniques entre les boiseries vernissées dans la pénombre et le soleil pénétrant à travers le verre épais des fenêtres.
 
Harriet Backer (1845-1932). Baptême dans l’église de Tanum [Barnedåp i Tanum kirke], 1892. Huile sur toile, 110,8 × 143 cm. Oslo, National Museum.

L'église de Tanum, un édifice en pierre du XIIe siècle, est située à l'ouest de Bærum, un lieu de villégiature estivale de Backer. La scène, dont l'effet de perspective décentrée est très original, décrit les instants précédant la cérémonie du baptême. Au premier plan, la jeune femme qui se retourne conduit notre regard vers le groupe qui s'apprête à entrer. La percée de lumière provenant de l'extérieur est rendue par de subtils jeux de reflets irisés. Ce tableau figure à l'Exposition universelle de Chicago en 1893, où il est acquis par le Saint Louis Art Museum avant d'être revendu à la galerie nationale d'Oslo en 1899.
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). L'Autel de la stavkirke d'Uvdal, 1909. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Harriet Backer (1845-1932). Activités pastorales, 1892. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer (1845-1932). Le Chœur de l'église de Tanum, 1892. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de l'église de Tanum (esquisse), 1891. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer (1845-1932). L'Autel de l'église de Tanum, 1891. Huile sur toile. Collection particulière.
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Intérieur de la stavkirke [Interiør fra Uvdal stavkirke], 1909. Huile sur toile, 114,7 × 134,8 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Au cours des étés 1904 et 1909, Backer travaille longuement dans l'église «en bois debout» d'Udval, un édifice médiéval construit intégralement en bois, caractéristique de la Norvège, dont les décors peints datent ici du XVIIe siècle. L’église, désaffectée en 1893, appartient depuis 1901 à la Société norvégienne pour la préservation des monuments historiques, qui facilite les séjours de l’artiste, très inspirée par cette architecture originale et cet intérieur aux couleurs vives, typiquement norvégiens.
 
Harriet Backer (1845-1932). La sacristie de l'église de Stange, 1908. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

Chaque été de 1899 à 1903, Backer travaille dans l'église de Stange à Innlandet, dans l'est de la Norvège, l'une des plus anciennes en pierre du pays. En 1897, Jacob, le frère aîné de son amie Kitty Kielland, en est devenu le curé. Il permet à l'artiste d'y peindre à sa guise. Dans cette vue de la sacristie, Backer traduit les reflets colorés de la lumière sur la voûte à la manière d'une auréole, comme une allégorie du caractère sacré de la pièce.
 
Harriet Backer (1845-1932). Sainte Communion dans l'église de Stange, 1903. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Relevailles, sacristie de l'église de Tanum, 1892. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

La cérémonie des relevailles, destinée à accueillir à nouveau au sein de la communauté ecclésiastique les femmes ayant récemment accouché, a été officiellement abolie en Norvège dès le XVIIIe siècle. Elle est cependant toujours fréquemment pratiquée à la fin du XIXe siècle, certainement en raison des inquiétudes liées à la mortalité encore très élevée chez les nourrissons et les jeunes mères.


6 - Extérieurs

Scénographie

Harriet Backer s’intéresse tardivement au paysage. Ses premiers essais connus datent de l’été 1884. Ils sont influencés par le naturalisme de Jules Bastien-Lepage dont elle a suivi l’enseignement à Paris et coïncident avec le goût pour la peinture de plein air très en vogue chez les artistes nordiques. Ses paysages associent un intense travail sur la couleur et une touche très libre rappelant l’impressionnisme. Backer réside de juin à octobre 1886 à la ferme de Fleskum, près d’Oslo, avec certains de ses amis très proches rencontrés à Munich. Cette colonie artistique improvisée initie un mouvement profond dans la peinture de toute l'Europe du Nord. Le travail conjoint de Kitty Kielland et Eilif Petersen aboutit en effet à l'éclosion d'un néo-romantisme national qui exalte la puissance intrinsèque des paysages et des identités nordiques. Il accompagne l'intensification des revendications d’autonomie politique des pays scandinaves. Backer ne s'engage dans cette voie qu'à la décennie suivante, avec des paysages centrés sur des formes plus denses, aux teintes assombries et mystérieuses qui théâtralisent la nature norvégienne.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). Paysage à Bœrum, 1890. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). La Ferme de Jonasberget [Jonasberget], 1892. Huile sur toile, 69,7 × 100,2 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Ce tableau est singulier dans l’œuvre de Backer. Il s’agit de son unique représentation d’un jardin, un sujet largement renouvelé par les impressionnistes dans les années 1880. Il se distingue également par sa facture: une couche picturale plus épaisse, avec des empâtements marqués dans les frondaisons et la pelouse fleurie. Sa technique s’apparente ici à la touche impressionniste de Monet pour lequel Backer a plusieurs fois exprimé son admiration.
 
Harriet Backer (1845-1932). Blanchiment du linge [Blekevollen], 1886-1887. Huile sur toile, 90,5 × 110 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Dans ce paysage, Backer opère une synthèse d'influences caractéristique de son style. La tendance naturaliste est manifeste dans le choix du sujet. Les coups de pinceaux juxtaposés en hachures, les quelques touches de couleurs pures et l’utilisation de teintes bleues et rouges, non naturelles, pour décrire les ombres et le paysages évoquent l’impressionnisme. La pose des figures, qui n’interrompent pas leurs gestes, fait de cette toile un instantané de la vie rurale norvégienne.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Le Mont Einund [Einunfjell], 1897. Huile sur toile, 51 × 78 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

À partir du milieu des années 1890, Backer se rapproche du néo-romantisme caractéristique du travail de ses amis Kitty Kielland et Eilif Peterssen depuis leur séjour commun à Fleskum à l’été 1886. Les paysages de Backer prennent une tonalité plus lyrique destinée à exprimer la puissance de la nature norvégienne. La tourbière au premier plan et les hauts reliefs de la montagne sont travaillés en puissants dégradés colorés tandis que la lumière dorée, sans doute crépusculaire, prend une tonalité mystérieuse et presque inquiétante.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Harriet Backer (1845-1932). Automne, Strålsjøen, 1894. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

En 1893, à l’occasion d’un séjour chez le couple d’écrivains Arne et Hulda Garborg dans les montagnes à Østerdalen, Backer découvre une nouvelle facette des paysages norvégiens, impressionnants et majestueux. Elle écrit à ses amis pour les remercier: «Vous m’avez rendu un grand service en m’invitant à visiter la montagne dans ma vieillesse, cette topographie qui ne m’était pas familière et qui est le seul paysage naturel que j’ai envie de peindre.»
 
Harriet Backer (1845-1932). Séchage du linge, 1886. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.

À Jæren, lors d’un séjour avec Kitty Kielland dans le sud de la Norvège, Backer tente pour la première fois de peindre des figures dans un paysage. Dans la lumière de l’aube, trois paysannes étendent du linge à sécher et à blanchir dans l’herbe. Le large ciel pâle, les couleurs claires et l’aspect esquissé de la toile lui confèrent une grande fraîcheur. Backer ne signe que très tardivement cette œuvre, probablement inachevée, sans doute à l’occasion d’une exposition en 1914.
 
Harriet Backer (1845-1932). À Sandvikselven, 1890. Huile sur toile. Oslo, National Museum.

Backer montre ici son grand talent de coloriste en élaborant dans cette représentation de maison au bord d'une rivière un jeu de reflets magistral et délicat. On y retrouve également la vibration de la touche si caractéristique de ses intérieurs contemporains et une simplification des formes qui tend vers l’abstraction, pour certains détails. La tonalité générale bleutée est également spécifique aux paysages nordiques peints à cette époque.
 
Harriet Backer (1845-1932). Paysage, Eggedal, 1888. Huile sur toile. Stockholm, Nationalmuseum, don Roi Oscar II, 1905.

Eggedal, petite localité des montagnes du centre de la Norvège, était l'un des lieux de résidence estival habituel de Backer. Elle s'affranchit ici des sujets naturalistes et peint la nature norvégienne pour elle-même, mettant ses qualités de coloriste au service d'une lumière limpide et éclatante caractéristique des paysages nordiques.


7 - La vie silencieuse

Scénographie

En 1903, Harriet Backer s'installe dans un atelier situé Hansteensgate 2 à Kristiania (Oslo), où elle vit et travaille jusqu’à la fin de sa vie, à côté de ses amies peintres Kitty Kielland et Asta Nørregaard. Vers 1910, elle renoue avec les natures mortes pour la première fois depuis ses années munichoises. Elle peint la vie secrète et silencieuse des choses, comme elle peignait les figures dans leurs intérieurs. Elle explore les rapports entre couleur et forme avec quelques objets et plantes qui reviennent d’un tableau à l’autre. Certaines de ses représentations de vases et de pommes rappellent les tableaux de Cézanne, dont elle fut qualifiée de «sœur» par son élève Henrik Sørensen. L’autre motif développé au début du XXe siècle est celui de la fenêtre. Elle en simplifie les détails et se concentre sur ce foyer de lumière, lieu de passage entre l’intérieur et l’extérieur, un motif récurrent dans son œuvre. Backer disposait d’un second atelier, près de son atelier personnel, où, fait exceptionnel pour l’époque, elle formait des élèves femmes et hommes. Cet enseignement complétait ses revenus car elle peignait si lentement qu’elle ne pouvait vivre de la seule vente de ses tableaux. Comme professeur elle incitait chacun à développer son style propre. Backer eut une influence considérable sur toute une jeune génération d’artistes norvégiens.

 
Texte du panneau didactique.
 
Harriet Backer (1845-1932). La Bibliothèque de Thorvald Boeck [Thorvald Boecks bibliotek], 1902. Huile sur toile, 95,4 × 89,5 cm. Oslo, National museum.

En 1899, le collectionneur de livres Thorvald Boeck vendit plus de 31000 ouvrages à la Société Royale Norvégienne de Sciences et de Lettres à Trondheim. Il possédait la plus grande bibliothèque privée d'Europe. Backer était passionnée de littérature. Elle avait écrit des nouvelles dans sa jeunesse et comptait de nombreux écrivains parmi ses amis. Les livres de couleurs vives contrastent avec l'harmonie en brun doré de la pièce en bois.
 
Harriet Backer (1845-1932). Chambre à coucher, La maison Einabu à Folldal, 1920. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Intérieur d’Øvre, Nanset [Interiør fra Øvre, Nanset], 1885. Huile sur toile, 48 × 59 cm. Oslo, Ministère des Affaires étrangères.
 
Harriet Backer (1845-1932). Nature morte avec coupe de fruits et vase bleu, 1914. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer, (1845-1932). La Maison Einabu à Folldal [Kjøkkenet, Einabu i Foldalen], 1920. Huile sur toile, 54 × 81 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum. © Kode / Dag Fosse.
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Nature morte, dite aussi Image éternelle (inachevée), 1918-1931. Huile sur toile. Tonsberg, Tonsberg, Haugar Vestfold Kunstmuseum.

En 1918, le directeur de la Galerie Nationale, Jens Thiis, passa commande d’une nature morte à Harriet Backer. Il était alors inhabituel qu’un directeur de musée demande une œuvre spécifique directement à un(e) artiste. Pour Backer, c'était à la fois un honneur et un véritable défi. Elle mettait en effet des années à terminer ses tableaux et ne parvint jamais à finir celui-ci. À sa mort, la nature morte dite «peinture éternelle» était toujours sur son chevalet.
 
Harriet Backer (1845-1932). Mon atelier [Mitt atelier], 1918. Huile sur toile, 76 × 93 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum.

Cette vue d’atelier est plutôt inhabituelle, avec son grand sofa qui occupe un quart de la composition et l’absence de matériel de peintre, à l’exception des moulages en plâtre que Backer utilisait pour enseigner. On trouve dans cette pièce de vie et de travail des objets récurrents dans son œuvre, comme le vase bleu et les plantes vertes. La présence de la femme penchée devant la fenêtre donne l’impression d’un moment suspendu capté par la peintre, dans la lignée de Vermeer et de Chardin. Le plaid jeté sur le sofa est une véritable palette de couleurs.
 
Harriet Backer, (1845-1932). Nature morte avec plante en pot [Oppstilling med alkemugge], 1912. Huile sur toile, 69,5 × 61,2 cm. Bergen, Kode Bergen Art Museum. © Kode / Dag Fosse.

Un pichet en forme de petit pingouin est au centre de la composition. C'était un nouvel objet dessiné en 1910 par un ami de Backer, le peintre Jacob Somme (1862-1940). Le pichet fut produit jusque dans les années 1960 par l'usine de poterie Egersund Fajansefabrik, sur la côte sud-ouest de la Norvège. Quant au vase bleu, il revient dans de nombreux tableaux de l'artiste.
 
Cartel à l'attention du jeune public
 
Harriet Backer (1845-1932). Nature morte (inachevée), 1914-1916. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Harriet Backer (1845-1932). Nature morte, 1916. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
Scénographie
 
Harriet Backer (1845-1932). Vue de ma fenêtre, 1919. Huile sur toile. Collection particulière.

Le motif de la fenêtre est l'aboutissement de décennies de travail: l'artiste se concentre désormais sur l'essentiel des peintures d’intérieurs, le lieu de passage de la lumière, sujet principal de ses tableaux.
 
Harriet Backer (1845-1932). Vue de mon balcon, Hansteengate 2, 1915. Huile sur toile. Oslo, National Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Vue de ma fenêtre, 1918. Huile sur toile. Bergen, KODE Bergen Art Museum.
 
Harriet Backer (1845-1932). Nature morte au masque, 1916. Huile sur toile. Collection particulière.



BIOGRAPHIE D'HARRIET BACKER