HANS HARTUNG
La fabrique du geste

Article publié dans la Lettre n°494 du 8 janvier 2020



 
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HANS HARTUNG. La fabrique du geste. Pour sa réouverture après une année de travaux de rénovation, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris présente une vaste rétrospective (300 œuvres) d’Hans Hartung (1904-1989). Celle-ci fait suite à celle de 1968-1969 en ce même lieu, mais en portant un regard nouveau sur cet artiste. Si, au début du parcours, on voit un Autoportrait (1922) figuratif, voire un Grand Cheval (1922) tout à fait reconnaissable, nous avons déjà des dessins et des aquarelles qui ne sont que des ensembles de traits ou de taches de peinture qui annoncent ce qu’il fera plus tard d’une manière exclusive, de la peinture abstraite. Hartung fut un précurseur de cette invention artistique marquante de son temps : l’abstraction.
Né dans un milieu aisé ouvert à la musique et à la peinture, Hartung se passionne très jeune pour la peinture et la photographie. En 1926 il voyage en Italie et en France et visite à Dresde une grande exposition de peinture où il admire Rousseau, Rouault, Matisse, Léger, Braque, Picasso, etc. L’année suivante, il va à Paris et s’inscrit à l’académie André Lhote. En 1929 il épouse la peintre norvégienne Anna-Eva Bergman dont il divorcera avant la guerre pour épouser en 1939 la fille du sculpteur Julio González. Finalement ils se remarieront en 1957 ! Une grande partie des œuvres exposées ici proviennent d’ailleurs de la Fondation Hartung-Bergman à côté de celles prêtées par de nombreux musées et collectionneurs privés, français et étrangers.
Le parcours de l’exposition comprend quatre sections. La première « 1904-1939 : vers l’abstraction » nous montre comment le jeune artiste met au point son style et son vocabulaire plastique fait de grilles, de barreaux noirs et d’éléments calligraphiques sur de grands aplats colorés. Il utilise aussi la méthode de la mise au carreau et du report de certains pastels ou dessins pour les agrandir sur la toile. Dans cette section nous voyons aussi l’unique sculpture réalisée par Hartung, en 1938, dans l’atelier de González.
La deuxième section « 1940-1956 : peindre à tout prix » est consacrée à une période douloureuse dans la vie d’Hans Hartung. Ayant des problèmes en 1935 avec la gestapo, Hartung se réfugie à Paris. Pendant la guerre, il s’engage dans la Légion étrangère. Il est blessé et amputé de la jambe droite. De retour à Paris, dans un grand dénuement, il s’installe dans l’atelier de González, décédé en 1942. Son handicap le contraint à travailler différemment. C’est ainsi qu’il peint directement sur de petits formats tandis qu’il donne plus d’importance aux signes noirs sur fonds colorés.
Les choses vont mieux à la fin des années 1950. La troisième section « 1957-1970 : agir sur la toile » nous montre les nombreux changements survenus dans sa vie et son travail. Il a maintenant des assistants et une documentaliste qui établit le catalogue de ses œuvres. Hartung travaille alors principalement sur papier. S’il utilise encore la technique du report, il s’en affranchit de plus en plus pour agir directement sur la toile. À côté des traditionnels brosses et pinceaux, il utilise maintenant toutes sortes d’outils empruntés à la cuisine (fourchettes), au ménage (balais et brosses diverses), au jardinage (ramasse-feuilles, etc.). Il expérimente aussi l’aérosol, le spray ou encore le pistolet de carrossier à air comprimé. Les effets obtenus avec de tels outils sont tout à fait originaux.
Dans cette section nous avons aussi diverses photographies prises par Hartung. En 1980, le musée Nicéphore-Niepce, à Chalon-sur-Saône, lui consacre d’ailleurs une exposition « Les photographies de Hans Hartung ». À côté des portraits des personnes qui croisèrent sa vie, tels Marc Rothko, Georges Pompidou, Éric Rohmer et bien d’autres que l’on voit ici, nous avons des photos presqu’abstraites bien qu’elles aient été prises dans la nature.
Cette exposition présente aussi d’autres types de travaux de l’artiste : des éditions limitées illustrées, des gravures, des expérimentations sur céramique et même des galets peints.
La dernière section « 1971-1989 : le geste libéré » est la plus spectaculaire. Hartung utilise de nouveaux supports tels le carton baryté, dont il exploite la brillance, et surtout de nouveaux outils tout aussi inattendus que les précédents. Citons le balai de branches de genêts trempées dans la peinture, la serpette, la tyrolienne (un appareil utilisé dans le bâtiment pour les enduits), le pulvérisateur à vigne, etc. Il travaille essentiellement dans ses deux ateliers d’Antibes, dont un à l’air libre, avec une équipe qui s’active autour de lui à la manière de la factory d’Andy Warhol. Sa production est intense, même en 1986 après un accident cardiaque. En 1973, année record, il réalise 854 œuvres dont 142 peintures. Dans une même journée, le 29 mars 1977, il peint 14 cartons, tous exposés ici. Il travaille sur des formats de plus en plus grands sur lesquels il projette des peintures sur une épaisseur pouvant atteindre 4 cm. Ces toiles sont à la fois belles, apaisantes et empreintes d’une grande douceur. Une très belle exposition sur un artiste majeur du XXe siècle. R.P. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 1er mars 2020. Lien : www.mam.paris.fr.


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