Parcours en images de l'exposition
GIOVANNI BELLINI
Influences croisées
avec des visuels
mis à la disposition de la presse,
d'autres glanés sur le Web
et nos propres prises de vue
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Affiche de l'exposition |
1 - DANS L'ATELIER DE JACOPO
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Scénographie
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Figure éminente de la Renaissance italienne, Giovanni Bellini est aujourd'hui considéré comme le maître de l’école vénitienne ayant donné naissance à l'art du colorito qui fit la gloire de la Sérenissime. Cette exposition est la première exposition en France à rendre hommage à celui qui fut la peintre officiel de Venise, et dont l'ascension correspond au début de l’âge d’or de la peinture vénitienne. Bellini occupe très tôt une place privilégiée parmi les artistes de son temps, aussi bien par son statut social que par sa célébrité. Sa brillante carrière repose sur un renouvellement permanent de son art qui n'a eu de cesse d'évoluer en fonction de ses rencontres et des œuvres qui lui parviennent, lui apportant de nouvelles sources d’inspiration.
Giovanni Bellini naît à Venise vers 1435. Il est le fils illégitime du peintre Jacopo Bellini, qui travaille dans le style gothique international alors en vogue. Jacopo a appris son métier auprès de Gentile da Fabriano (1370-1427), à qui il a rendu hommage en appelant son fils légitime du même prénom. Son œuvre se caractérise par un allongement des figures, une perspective marquée et une observation minutieuse de la nature. Ses livres de modèles reflètent son intérêt pour le développement d’une peinture plus réaliste, tendance qui s'affirme alors à Florence depuis le milieu des années 1420.
Giovanni, élevé dans le foyer paternel, se forme avec son frère aîné Gentile (1429-1507) au sein de l'atelier de Jacopo. À l'instar de son frère, Giovanni copie au plus près les œuvres du père et, jusqu’au milieu des années 1450, il est difficile de distinguer avec certitude sa main dans les productions des Bellini. Le jeune peintre absorbe alors avec talent les nombreuses innovations artistiques de l’époque tout en déployant une extraordinaire créativité.
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Texte du panneau didactique. |
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Jacopo Bellini (v.1400-1470/1471). Saint Jean l’Évangéliste, vers 1430-1435. Tempera et or sur bois. Gemäldegalerie, Berlin. |
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Scénographie avec la biographie de Giovanni Bellini (voir ci-dessous pour des agrandissements) |
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Gentile Bellini (v.1429-1507). Annonciation, vers 1464-1465. Tempera et or sur bois. Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid. Photo © Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid.
Vêtu de blanc, ses petites ailes encore déployées, l'archange Gabriel vient d’atterrir sur le sol pavé d'une ville italienne de la Renaissance. Il baisse la tête et lève la main droite pour saluer Marie. Celle-ci se tient dans sa maison, en prière devant les Saintes Écritures. Le cadre de la scène, un édifice de marbre à l’antique, avec des colonnes cannelées aux chapiteaux de bronze dorés, fait écho aux compositions architecturales des fresques qu’Andrea Mantegna a réalisées à Padoue. Si les œuvres de Jacopo sont marquées par un souci de géométrie et de profondeur, la monumentalité de l’architecture fortement découpée de cette Annonciation démontre que Gentile s'éloigne peu à peu du style délicat de son père. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516) et Gentile Bellini (v.1429-1507), dans l'atelier de Jacopo Bellini. Naissance de la Vierge, vers 1453. Tempera sur toile. Musei Reali - Galleria Sabauda, Turin. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516) et Gentile Bellini (v.1429-1507), dans l'atelier de Jacopo Bellini. Annonciation, vers 1453. Tempera sur toile. Musei Reali - Galleria Sabauda, Turin. |
Ces deux toiles ont été réalisées pour une riche confrérie aujourd’hui disparue, la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista, et faisaient partie à l'origine d’une série de 8 ou 9 peintures. Remises en valeur par d’importantes restaurations, ces toiles témoignent du style précoce du jeune Giovanni, alors débutant dans l’atelier de son père. Les rehauts d’or et la minutieuse description des détails naturalistes reflètent le goût décoratif encore très imprégné de la culture gothique de Jacopo Bellini. On reconnaît ici l’intervention des deux frères: la participation de Gentile se retrouve dans le groupe des trois femmes situées à gauche dans la Naissance de la Vierge, tandis que les quatre servantes aux contours nets et à l’attitude délicate reflètent l’intervention de Giovanni. Le détail extraordinaire des deux carafes opalescentes présentées sur le plateau de l’une des servantes révèle par ailleurs l’intérêt de Giovanni Bellini pour l'art flamand. La netteté des profils et la délicatesse des mouvements et des détails témoignent déjà du talent du jeune peintre. |
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Scénographie |
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BELLINI DANS LA COLLECTION
JACQUEMART-ANDRÉ
Édouard et Nélie André ont consacré une part importante de leurs acquisitions à l’art vénitien, en commençant par le XVIIIe siècle (Canaletto, Guardi, Tiepolo). À une époque où peu d'amateurs s’intéressaient à la Renaissance vénitienne, Nélie Jacquemart complète la collection avec des œuvres de cette école : le plafond à caissons de la salle dite «vénitienne», des sculptures, comme le Lion de Saint-Marc qui veille sur la salle 12 du «musée italien», ainsi que des peintures et divers éléments décoratifs. Mais lorsqu'elle achète cette Vierge en trône, Nélie Jacquemart ignore vraisemblablement qui en est l’auteur. On pense aujourd’hui que ce tableau est un fragment de retable d’autel plus important, qui comportait peut-être des personnages agenouillés aux pieds du trône recevant la bénédiction de l'Enfant, ce qui le rapproche d’autres œuvres datant de la dernière période de Giovanni Bellini. La Vierge et l'Enfant sont disposés par le peintre dans une mise en scène théâtrale, à l’avant d'un paysage naturel. La matérialité du trône divin est rendue palpable par la maîtrise de la perspective atmosphérique. La manière de traiter les figures, aux contours adoucis par un léger sfumato, les effets de lumière et leur insertion dans un paysage sont typiques de la production tardive de Bellini qui réussit à rendre la scène vivante sans renoncer à la symétrie et à la majesté des figures saintes. |
Giovanni Bellini et atelier. Vierge à l’enfant, vers 1500. Huile sur panneau de bois, 131 x 103 cm. Musée Jacquemart-André, Paris. Photo © Culturespaces / Studio Sébert Photographes. |
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Texte du panneau didactique. |
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Gentile Bellini (v.1429-1507). Vierge à l'Enfant (Madone de Constantinople), vers 1462-1463. Tempera et or sur bois. Museo Piersanti, Matelica.
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Jacopo Bellini (v.1400-1470/1471). La Vierge d’Humilité adorée par un prince de la maison d’Este, vers 1435-1440. Tempera et or sur bois. Musée du Louvre, Département des peintures, Paris.
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2 - LES MODÈLES PADOUANS
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Scénographie
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En 1453, le mariage de Nicolosia Bellini, la sœur de Giovanni, avec Andrea Mantegna (1431-1506), constitue un événement fondamental pour le jeune peintre, qui a sans doute déjà eu l’occasion de reconnaître le génie de son nouveau beau-frère. Contrairement à Giovanni, Mantegna développe un style personnel bien affirmé dès ses premières œuvres produites à Padoue. Celles-ci remettent au goût du jour la culture antique, en suivant notamment la voie tracée par le sculpteur florentin Donatello (v. 1386-1466) qui vient de passer une décennie à Padoue à réaliser d'importantes commandes en bronze. Le jeune peintre ne peut rester insensible à une ambition aussi ouvertement moderne : il abandonne alors la leçon du père pour se tourner vers celle de ses nouveaux modèles padouans.
Bellini transpose en deux dimensions les Madones sculptées de Donatello et reprend des inventions mantégnesques: Mantegna et Bellini étant désormais de la même famille, il est même possible que certaines commandes du premier aient été sous-traitées par Bellini. Les correspondances entre les deux artistes sont telles que pendant plusieurs siècles, nombre des créations de Bellini datant de ces années ont été prises pour des œuvres de Mantegna. Le départ en 1460 de Mantegna pour Mantoue, où il est nommé peintre officiel de la cour, marque une rupture dans l’œuvre de Giovanni qui affirme dès lors plus librement sa personnalité. Il se spécialise notamment dans la production de Madones pour des commanditaires privés, répliquant ses compositions afin d'en tirer un meilleur profit. Bellini a trouvé son style et son public, et les exemples de Donatello et Mantegna auront été décisifs dans ce tournant de sa carrière.
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Texte du panneau didactique. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Sainte Justine Borromée, vers 1475. Détrempe sur panneau, 128,4 x 54,5 cm. Museo Bagatti Valsecchi, Milan. Photo © Electa / Bridgeman Images.
Ce panneau, l'un des chefs-d'œuvre de Giovanni Bellini, illustre la capacité du peintre à s'inspirer de plusieurs sources visuelles, tout en parvenant à créer une synthèse d'une indéniable originalité. Le principal modèle sur lequel il s'appuie ici est une Sainte Justine peinte vingt ans plus tôt par Mantegna. Giovanni emprunte notamment à son beau-frère sa vision monumentale, la manière de représenter les drapés, le motif du couteau perçant la poitrine de la sainte et le geste de sa main qui tient la palme du martyre, Giovanni, cependant, n'imite pas servilement son modèle : il substitue au fond d'or un ciel oscillant entre le bleu et le jaune, qui éclaire la sainte d'une lueur chaude, démonstration magistrale de sa maîtrise du rapport entre la lumière et la couleur. L'apparence de sa Sainte Justine est par ailleurs plus gracieuse que dramatique. Les lignes onduleuses du drapé, la courbe de la palme et le floconnement des nuages en arrière-plan créent un léger effet de mouvement qui semble lui donner vie. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant, vers 1475-1480. Huile sur bois. Gemäldegalerie, Berlin.
À partir des années 1470, l'atelier de Giovanni devient à Venise le plus important pourvoyeur de Madones, exploitant un schéma récurrent: Marie, vêtue d’une robe de brocart, semble attristée tandis qu'elle présente son fils au spectateur. Ici, la Vierge est couverte d’un manteau bleu roi qui s'oppose fortement au rouge éclatant de la draperie du fond. Un tel jeu de couleurs contrastées est plutôt rare dans la production de Giovanni Bellini. Le rendu de la lumière est subtilement maîtrisé, et la couleur rouge donne à l'ensemble une tonalité impériale et majestueuse. Cette image insiste autant sur le lien d’intimité entre la Mère et l'Enfant que sur celui du Spectateur avec eux; elle répond à l'émergence d'une nouvelle spiritualité, qui encourage chez les chrétiens des pratiques de dévotion dans un cadre privé. |
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Andrea Mantegna (1431-1506). Vierge à l'Enfant entre saint Jérôme et saint Louis de Toulouse, vers 1455. Tempera sur bois. Musée Jacquemart-André, Paris.
L'attribution de ce tableau à Andrea Mantegna a longtemps été débattue : il a parfois été vu comme un hommage à Mantegna par Gentile, ou par Giovanni Bellini, voire par un autre peintre de leur entourage. La perspective créée par l’artifice du parapet, le coloris saturé, l'attitude impassible des figures et la finesse d'exécution des détails sont pourtant caractéristiques de la période padouane de Mantegna. Cette Vierge est peinte lorsque la relation entre Andrea et Giovanni atteint son paroxysme, et témoigne du dialogue artistique fécond entre les deux peintres. Le sentimentalisme et la lumière diffuse dont cette œuvre est empreinte montrent l’influence de la veine tendre de Giovanni sur son beau-frère. L'échange d'idées est réciproque : les Madones de Mantegna constituent à leur tour des modèles que Giovanni ne cessera de réinterpréter. |
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D’après Donato di Niccolo di Betto Bardi, dit Donatello (v.1386-1466). Vierge à l'Enfant, dite Madone de Vérone, vers 1450-1460. Papier mâché polychromé. Collection Grimaldi Fava..
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant, vers 1457-1458. Tempera sur bois. Collection particulière.
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3 - RÉMINISCENCES BYZANTINES
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Scénographie
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Réminiscences byzantines
Durant des siècles, Venise aura d’abord été une colonie de Byzance puis un partenaire commercial privilégié de la capitale de l’Empire romain d’Orient. Grâce à sa position stratégique, sa prospérité économique et ses liens avec l’Orient, Venise devient l’une des villes les plus riches et cosmopolites du monde chrétien. En 1453, lorsque Constantinople tombe aux mains des Ottomans, des milliers de réfugiés affluent à Venise apportant avec eux nombre de manuscrits grecs, d’icônes et de reliques. L’ancienne culture de la Lagune, régénérée par ce mouvement migratoire, revient en force dans les modèles que se choisissent les artistes vénitiens. Bellini adopte alors parfois le fond d’or, ou tels gestes codifiés de la manière orientale, tout en les intégrant aux nouveautés plastiques dont il est le génial promoteur.
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Texte du panneau didactique. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant, vers 1455. Tempera, huile et or sur bois. Collection particulière.
Dans cette œuvre de jeunesse qui devait, à l’origine, orner la maison d'un riche patricien ou marchand vénitien, Giovanni Bellini convoque ses différents modèles. Alors que la composition évoque les Madones de son père Jacopo, le parapet et la pomme représentée en trompe-l'œil font plutôt référence à Mantegna, tandis que le fond d’or est issu des exemples byzantins. L'insistance de la ligne de contour évoque quant à elle le style de son frère, Gentile. Enfin, la pose très dynamique de l’Enfant dérive d’un relief antique. Le peintre fait déjà ici usage d'un liant en partie à l’huile, ce qui ne sera le cas de façon systématique qu'à partir des années 1470. |
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École crétoise. Vierge à l’Enfant (Vierge Glycophilousa), vers 1500-1520. Tempera et or sur bois. Petit Palais - Musée des Beaux-arts de la Ville de Paris, Paris. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant, vers 1475. Tempera et or sur bois. Palais Fesch - Musée des Beaux-Arts, Ajaccio. |
4 - ENTRE NORD ET SUD
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Scénographie
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Au XVe siècle, il n’est pas surprenant que les tableaux les plus modernes parviennent dans la Cité lagunaire, alors au centre des circulations commerciales mondiales. C'est notamment le cas de ceux peints en Flandre à l’aide d’une nouvelle technique, celle de la peinture à l’huile, qui permet un mimétisme inédit et un réalisme des détails sans précédent. Bellini a ainsi pu voir des panneaux de Jan van Eyck (1390-1441) et de Hans Memling (1430-1494). Sans rencontrer ces artistes flamands ni connaître leurs procédés, Bellini va néanmoins s'approprier cette technique, qui permet de représenter des paysages à la fois réalistes et poétiques, et d'obtenir des glacis transparents dans les carnations et les drapés.
L'art du Nord est aussi l’un des modèles privilégiés de Bellini qui s’approprie les sources visuelles flamandes pour les transposer dans une esthétique qui lui est propre. Il se montre particulièrement sensible aux œuvres qui procèdent de la Devotio moderna, un courant qui incite le fidèle à la prière privée et à la méditation personnelle, et qui établit un rapport d'empathie entre le spectateur et les figures du Sacré. Les allégories moralisantes de Memling, comme ses Christ au dolorisme prononcé, s'adressent ainsi directement aux sentiments du fidèle et le conduisent à la méditation. Cette approche ne pouvait qu'alimenter les recherches de Bellini sur la conception d’un lien plus intime entre image et spectateur.
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Texte du panneau didactique. |
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Hans Memling (v. 1435/1440-1494).Christ bénissant, vers 1480-1490. Huile sur bois. Musei di Strada Nuova - Palazzo Bianco, Gênes.
Ce panneau constituait autrefois le volet gauche d’un diptyque et faisait face à une Vierge en prière. L'idée d'associer dans une même image de dévotion le Christ de douleur et la Vierge éplorée est née au milieu du XVe siècle en Flandre. Cette iconographie procède de la Devotio Moderna. Les signes de souffrance du Christ s'adressent aux sentiments du fidèle, appelé à s'identifier au sacrifice du Sauveur, tandis que le cadrage resserré conduit à une réflexion intime. S'il s'approprie l'approche dévotionnelle de ces modèles flamands, Bellini développe une esthétique et un message religieux différents : ses œuvres ont moins une portée compassionnelle privée qu'une valeur universelle. |
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Andrea Mantegna (1431-1506). Jésus-Christ, 1493. Détrempe à la colle sur toile de lin. Museo Civico «Il Correggio», Correggio. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Christ Benissant, vers 1505-1510. Huile sur bois. Galerie Hans, Hambourg.
La représentation frontale et hiératique du Christ bénissant était très répandue à Venise au XVe siècle, influencée à la fois par la tradition des icônes byzantines et par la peinture flamande contemporaine. Le succès de cette iconographie est indissociable du développement de la dévotion privée, courant qui se répand au nord comme au sud des Alpes, et qui incite le fidèle à la prière privée et à la méditation personnelle. Le visage du Christ est ici mis en valeur dans un plan resserré par le contraste entre le fond noir et l'intense lumière dorée venant de la gauche. La douceur qui se dégage de ce visage aux traits gracieux, son air absorbé, le raffinement de la passementerie et la délicatesse de la chevelure sont caractéristiques du style de la maturité de Giovanni Bellini. Celui-ci réussit d’ailleurs ces effets délicats grâce à la technique à l'huile qu'il affectionne particulièrement. |
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Scénographie |
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Hans Memling (v.1435/1440-1494). Triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste, vers 1485 (avant).
Huile sur bois. Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. |
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Hans Memling (v.1435/1440-1494). Triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste, vers 1485 (arrière).
Huile sur bois. Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Cinq allégories (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise.
Ces cinq panneaux auraient servi de décor pour un restello, meuble pourvu d’un miroir et destiné à la toilette des Vénitiennes. Giovanni l'aurait réalisé pour la chambre de sa propre épouse, Ginevra. La thématique de ces petits tableaux est remarquable dans son œuvre, dans laquelle on compte peu de sujets savants, et leur symbolique est complexe. On peut y voir, de gauche à droite, la représentation de la Persévérance se moquant de la Paresse, suivie de la Fortune, de la Calomnie et de la Prudence. Le cinquième panneau combine quant à lui plusieurs vertus et s'écarte de la cohérence des quatre autres, si bien qu'il pourrait s'agir d'un ajout d'un élève de Bellini, Andrea Previtali.
La Prudence représente un nu féminin, le premier dans l'œuvre de Giovanni, et peut-être même dans l'histoire de la peinture vénitienne. Le peintre s'est inspiré ici de la peinture flamande, et notamment d'un triptyque de Memling présenté dans cette salle (ci-dessus et détail ci-dessous). Dans le miroir tenu par la femme nue de Bellini, on aperçoit d'ailleurs le reflet d’un homme, qui pourrait n'être autre que le peintre lui-même. |
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Hans Memling (v.1435/1440-1494). Triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste, vers 1485 (détail). Huile sur bois. Musée des Beaux-Arts, Strasbourg.
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Allégorie de la Persévérance se moquant de la Paresse (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise.
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Allégorie de la Fortune (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Allégorie de la Calomnie (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Allégorie de la Prudence (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Allégorie (provenant du «Restello de Vicenzo Catena»), vers 1490-1495. Huile sur bois. Gallerie dell'Accademia, Venise. |
5 - ANTONELLO DE MESSINE, L'ALTER EGO
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Scénographie
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En 1475, l'arrivée à Venise d'Antonello de Messine (1430-1479), peintre sicilien lui aussi très marqué par l’art du Nord, a un impact déterminant sur l'œuvre de Bellini. Contrairement à ce dernier, Antonello a dû beaucoup voyager et s'est forgé une riche culture visuelle personnelle. La rencontre des deux artistes produit un échange réciproque fécond: Antonello reprend à son compte nombre d'idées belliniennes, et Bellini considère le Sicilien non seulement comme un modèle, mais comme un véritable alter ego, qui le conduit à perfectionner son expérimentation de la technique à l'huile. La linéarité des œuvres de Bellini s'estompe alors au profit d'un coloris plus affirmé.
Bellini imite également les portraits d'Antonello de Messine, dans lesquels le regard du modèle est directement tourné vers le spectateur, avant d'opter pour des représentations plus distanciées. Ce jeu d'influences croisées aurait pu conduire les deux peintres à d’autres sommets, mais Antonello quitte Venise en 1476 et meurt trois ans plus tard.
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Texte du panneau didactique. |
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Antonello de Messine (v.1430-1479). Christ mort soutenu par trois anges, vers 1476. Huile sur bois. Fondazione Musei Civici, Museo Correr, Venise.
Ce chef-d'œuvre à l’état lacunaire est le seul tableau d'Antonello de Messine encore conservé à Venise. Natif de Messine, ville sicilienne évoquée dans le paysage à l'arrière-plan, Antonello séjourne dans la cité des Doges en 1475-1476. Il exerce une influence majeure sur l'évolution de la peinture vénitienne, et sur Bellini en particulier. Peintre voyageur, Antonello a étudié des œuvres flamandes et il contribue à diffuser la technique de la peinture à l’huile en Italie. Sa maîtrise de cette dernière lui permet des effets de transparence et une grande précision dans le rendu des détails. Cette composition audacieuse, avec le choix d'un point de vue en biais, présente des analogies avec des tableaux de même sujet peints par Bellini, comme le Christ mort ici présenté à droite. L'idée du bras gauche à la main inerte soutenu par un ange est ainsi reprise de Giovanni, à qui Antonello emprunte aussi un langage dévotionnel rempli d'émotion. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Crucifixion, vers 1459. Tempera, huile et or sur panneau. Fondazione Musei Civici di Venezia - Museo Correr, Venise. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Christ en Croix, vers 1475. Huile sur bois. Galleria Corsini, Florence. |
CRUCIFIXIONS
Dans ces deux œuvres, le motif de la Croix fixée dans un sol rocheux devant un vaste paysage dérive de modèles flamands. Le plus ancien des deux tableaux convoque également l'influence des icônes byzantines, dans la manière de peindre à l’or les séraphins et d'ajouter l'inscription en grec au sommet de la Croix. L'anatomie du Christ, la manière de représenter les drapés et la tension pathétique de l’ensemble rappellent quant à elles certaines œuvres de Donatello et de Mantegna. Quinze ans plus tard, Bellini adopte une composition plus aérée et épurée, bien loin désormais de l'exhaustivité des détails recherchée par les peintres nordiques. Le rendu perspectif et l'intensité émotionnelle témoignent de ses recherches sur la peinture de dévotion et la représentation du paysage: c'est l'exemple d'Antonello de Messine qui est ici convoqué.
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Légende.
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Christ mort soutenu par deux anges, vers 1475. Détrempe sur panneau, 82,9 x 66,9 cm. Gemäldegalerie, Berlin. Photo © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie / Christoph Schmidt.
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6 - PATHOS
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Scénographie
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Rompant avec les représentations antérieures du Christ de douleur, l’Ecce Homo d’Andrea Mantegna présenté ici adopte un cadrage très resserré destiné à susciter une véritable interaction avec le spectateur. Le goût pour l’art antique, dans lequel les figures émouvantes sont légion, et le modèle des sculptures de dévotion de Donatello ont certainement joué dans le développement de cette iconographie. Dans les œuvres réunies dans cette salle, le pathos de la représentation témoigne ainsi des souffrances du Christ afin de susciter la compassion du fidèle. Comme le montrent ses dessins de Pietà,
Bellini est lui aussi à même d'innover dans des œuvres dévotionnelles qui cherchent, dans le contexte de la Devotio moderna, à créer un puissant lien d'empathie entre le fidèle et les figures sacrées.
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Texte du panneau didactique. |
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Attribué à Giovanni Bellini (v.1435-1516). Pietà, vers 1480. Plume et encre brune (deux types d’encre) sur papier crème anciennement collé en plein sur un montage du XVIIIe siècle. Musée des beaux-arts, Rennes. |
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Donato di Niccolo di Betto Bardi, dit Donatello (v.1386-1466). Christ mort (Imago pietatis), vers 1450-1453. Marbre. Église San Gaetano, Padoue. |
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Andrea Mantegna (1431-1506). Ecce Homo, vers 1500. Détrempe à la colle sur toile de lin tendue sur panneau de bois. Musée Jacquemart-André, Paris. |
7 - LE PAYSAGE
Entre rêve et réalité
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Scénographie
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L'art de Giovanni Bellini exalte la beauté naturelle des paysages : les arrière-plans de ses Madones ou de ses Crucifixions sont conçus comme autant d'espaces à parcourir mentalement. Cette prédilection se teinte de notations flamandes, tout en se référant aux panoramas majestueux de son beau-frère Mantegna. Avec les années, les paysages de Bellini se font plus topographiques, notamment sous l’influence d’un artiste plus jeune, Cima de Conegliano (1459-1517), qui renouvelle le thème du paysage par un rendu minutieux des détails et un usage audacieux des couleurs franches. Son art joue à la fois un rôle de suiveur assumé du maître et de source d’inspiration pour celui-ci. Car Bellini fait sien ce nouveau credo: la représentation méticuleuse des arrière-plans ne se limite plus à créer une vue décorative, mais fait partie intégrante de son œuvre. Certains paysages de cette époque représentent ainsi des édifices reconnaissables et constituent de précieuses indications sur les voyages de Bellini, que les témoignages contemporains ne mentionnent pourtant presque jamais hors de Venise (il aurait à ce titre refusé de peindre une vue de Paris, en 1497, ne s'étant jamais rendu dans cette ville).
L'atelier de Giovanni joue un rôle central sur la scène artistique vénitienne où se forme toute une génération d'artistes. Au tournant du XVIe siècle, le vieux peintre assiste, dans son propre atelier, à l’éclosion du talent de jeunes artistes qui, en écho au sfumato de Léonard de Vinci, baignent leurs paysages d’une ambiance brumeuse et vibrante: Giorgione (v. 1478-1510) et Titien (v. 1488-1576) délaissent la netteté du dessin de contour et privilégient la liberté de la touche et la force de la couleur. Le style de Giorgione, prolongé par Titien, constitue le dernier modèle que Bellini, éternel étudiant, s'efforce d'intégrer à son propre langage pictural.
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Texte du panneau didactique. |
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Giorgio (Zorzi) da Castelfranco, dit Giorgione (v.1478-1510). Vierge à l’Enfant, vers 1505. Huile sur panneau de peuplier, 68 x 48,1 cm. Collection particulière, avec la permission d’Eckart Lingenauber, en dépôt de longue durée à la Gemäldegalerie, Staatliche Museen, Berlin. Photo © Eckart Lingenauber. |
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Giovanni Battista Cima, dit Cima da Conegliano (1459-1517). Vierge à l'Enfant avec un donateur, vers 1492-1494. Huile sur bois. Gemäldegalerie, Berlin. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant entourée de saint Jean-Baptiste et d'une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500. Tempera et huile sur bois. Gallerie dell’Accademia, Venise.
Parmi les innombrables Madones destinées à la dévotion privée qui sortent de l'atelier de Giovanni, ce tableau se distingue par sa qualité et son inventivité. Cette Sainte Conversation Giovanelli, du nom de la famille vénitienne la possédant antérieurement, témoigne notamment du dialogue fécond entre le peintre et les travaux de Giorgione. Le Christ est entouré par trois figures saintes et son œil fixe le spectateur avec une rare insistance, l'invitant à entrer dans le tableau. Toute la science de coloriste de Bellini se ressent ici dans le riche traitement des drapés, dans les jeux de clair-obscur et dans les reflets Chatoyants, magnifiés par la technique de la peinture à l'huile. Cette œuvre inspirera de nombreux disciples de Bellini, comme Lorenzo Lotto et Andrea Previtali. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516) et atelier. Vierge à l'Enfant, vers 1485. Huile sur bois. Collection particulière. |
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Giovanni Battista Cima, dit Cima da Conegliano (1459-1517). Vierge à l'Enfant, vers 1493. Tempera sur bois. Musée Jacquemart-André, Paris. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Vierge à l'Enfant, vers 1500. Huile sur bois. Museo e Galleria Borghese, Rome.
Ce type de Vierge à l'Enfant représentée à mi-corps est l'un des succès populaires de l’atelier de Bellini au tournant du siècle, parallèlement à sa production de retables monumentaux pour les églises vénitiennes. L'apparition d'un paysage en arrière-plan marque un changement significatif dans son œuvre. Comme souvent chez lui, la gravité de l'expression des deux figures, présageant le sacrifice à venir, est tempérée par la tendresse silencieuse des gestes de la mère et de son enfant. Le paysage est peuplé de détails symboliques : le chemin que parcourent deux voyageurs se termine à côté de la Vierge, au pied d’un peuplier - symbole funéraire annonçant la Passion du Christ. La relation que Bellini établit entre les protagonistes et l'arrière-plan démontre sa grande habilité en matière de composition.
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Giovanni Battista Cima, dit Cima da Conegliano (1459-1517). Vierge à l'Enfant, vers 1500-1502. Huile sur bois. Petit Palais - Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Paris.
Peintre spécialiste d'images dévotionnelles, Cima da Conegliano a produit de nombreuses versions de cette composition intimiste. Directement inspirée d'une Madone de Bellini, cette œuvre représente l'Enfant nu sur les genoux de sa mère, tous deux placés devant un paysage. Alors que Cima privilégie ailleurs les vues topographiques, le paysage à connotation symbolique reprend ici les idées belliniennes. La richesse du paysage, la subtilité des gestes tendres entre la Vierge et l'Enfant ainsi que les superbes accords chromatiques entre les tons froids du paysage et les tons chauds des carnations et des drapés sont typiques de l'art de Cima da Conegliano.
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8 - LE CRÉPUSCULES DES DIEUX
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Scénographie
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Le prestige de Bellini s'étend désormais bien au-delà des frontières de la Vénétie, si bien que lorsqu'Albrecht Dürer séjourne à Venise en 1506, il déclare que Giovanni, bien que très âgé, y est le meilleur des peintres. Après s'être longtemps inspiré des autres artistes, Bellini est devenu une référence incontournable pour ses contemporains.
Pendant les premières années du XVIe siècle, Bellini poursuit ses recherches vers une vision atmosphérique de plus en plus sereine. La Dérision de Noé, l’un de ses derniers tableaux peint vers l'âge de 80 ans, dépeint une scène d'ivresse comme dans sa délicate et gigantesque bacchanale réalisée pour le duc de Ferrare, Alphonse d'Este (Le Festin des Dieux, 1514, National Gallery of Art, Washington). Noé, le Patriarche qui a sauvé l’humanité du Déluge, n'y est pas représenté triomphant sur son Arche, mais dénudé, endormi et raillé par l’un de ses fils. Même l’homme le plus pur est voué au péché, enseigne la Bible; le choix d’un tel thème peut être vu comme une sorte d'ultime confession du peintre, dans cette œuvre que l'historien Roberto Longhi voyait comme inaugurale de la peinture moderne.
Bellini s'éteint en 1516, et c'est Titien qui s'impose désormais comme peintre officiel de Venise. Le maître laisse cependant derrière lui un héritage très important: ce sont ses leçons qui fonderont l'avènement de la peinture vénitienne au XVIe siècle, une école qui séduira l'Europe entière pendant des siècles.
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Sculpteur vénitien. Dieu le Père, vers 1500. Marbre. Bode-Museum (Skulpturensammlung), Berlin.
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Texte du panneau didactique. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Dieu le Père, vers 1505-1510. Huile sur bois. Palazzo Mosca - Musei Civici, Pesaro.
Ce tableau devait constituer la partie supérieure d'un retable aujourd'hui démantelé, représentant sans doute le Baptême du Christ. L'Éternel apparaît dans un ciel crépusculaire peint dans de riches contrastes de couleur et de lumière, à la manière des artistes de la jeune génération. Or, Bellini refuse de céder complétement à la modernité et fait appel à la typologie traditionnelle d'un Dieu le Père figuré à mi-corps selon le canon hérité à la fois de la peinture byzantine et de la sculpture gothique. Comme la sculpture présentée en regard dans cette salle (ci-dessus), ce tableau montre comment, à l'époque, cette iconographie continue de prévaloir pour la représentation des figures sacrées. |
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Giorgio (Zorzi) da Castelfranco, dit Giorgione (v.1478-1510). Christ portant la Croix, vers 1508. Huile sur toile. Scuola Grande di San Rocco, Venise.
Dès le XVIe siècle, on attribuait à cette image des pouvoirs miraculeux: elle devint, de fait, une source inépuisable d’aumônes pour la confrérie de la Scuola Grande di San Rocco qui en était propriétaire. Le thème du Christ portant sa Croix pendant l'ascension au Calvaire est alors répandu à Venise. Giovanni Bellini, notamment, a popularisé les cadrages resserrés sur la figure du Christ traitée presque comme un portrait, en éliminant toute indication de contexte au profit d’un fond noir, de manière à éveiller chez le spectateur le sentiment d’une participation intime à la souffrance du Sauveur. Ici, le peintre développe cette invention bellinienne en ajoutant la figure du bourreau qui noue la corde au cou du Christ, ainsi que deux autres personnages en arrière-plan. |
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Vittore Belliniano (v.1456-1529). Christ de pitié, vers 1518-1520. Huile sur toile. Scuola Grande di San Rocco, Venise. |
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Giovanni Bellini (v.1435-1516). Dérision de Noé, vers 1513-1515. Huile sur toile, 103 x 157 cm.
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon. Photo © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – Photographie C2RMF Thomas Clot.
Ce tableau représente une scène de l'Ancien Testament, un choix exceptionnel dans l’œuvre de Giovanni Bellini. L'épisode fait suite au Déluge: Noé, enivré, est découvert nu et endormi par son fils Cham. Celui-ci, reconnaissable à son air moqueur, désigne à ses deux frères la nudité de leur père. Sem et Japhet, outrés, détournent alors le regard et tentent de recouvrir le corps de Noé. Le cercle visuellement créé par les trois frères inclut le spectateur dans la scène, le prenant à témoin. La disposition du corps nu allongé emprunte aux scènes mythologiques de Mantegna, comme aux Vénus de Giorgione et Titien. Sur le plan technique, Bellini se rapproche également de la manière de ses anciens élèves: le vieux maître peint par touches larges et expressives en réajustant fréquemment son dessin, à l'opposé des procédés de sa jeunesse qui privilégiaient la précision du contour et une surface picturale lisse. À la fin de sa vie, Bellini abandonne ainsi la linéarité au profit d'effets colorés qui dissolvent les formes dans une lumière automnale.
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