Parcours en images de l'exposition

GÉRARD GAROUSTE

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°554 du 28 septembre 2022





Titre de l'exposition
Sous le signe de l'étude mais aussi de la folie, la vie et l'œuvre de Gérard Garouste « l'intranquille » se nourrissent mutuellement en un dialogue saisissant. L'exposition suit ainsi pas à pas le parcours de l'un des plus importants peintres français, né en 1946, adepte d'une figuration sans concession.
Les premières salles évoquent les recherches autour d'un fonctionnement de la peinture comme énigme, objet indéchiffrable, avant que la mythologie grecque ne vienne innerver les sujets de grands tableaux, qui mettent en scène les figures complémentaires et antagonistes du Classique et de l'Indien, inventées par l'artiste. Les genres de la peinture sont tour à tour explorés et de grands récits littéraires mobilisés, telle La Divine comédie de Dante, qui est aussi pour Garouste une introduction aux différents niveaux de lecture biblique.
Cette initiation prendra par la suite toute sa dimension à travers l'étude du Talmud et du Midrach, à laquelle se consacre l'artiste. Sous-jacente à ses travaux à partir du milieu des années 1990, elle inspire l'iconographie de toute sa production artistique dès les années 2000. Pour Gérard Garouste, le sujet n'est cependant que prétexte à l'activation du regard et de la pensée.
Si l'artiste livre quelques clés pour aborder ses peintures, il invite davantage à la réflexion, à une lecture personnelle de son œuvre.
 
Texte du panneau didactique.
 
Portrait de Gérard Garouste. Photo de Bertrand Huet-Tutti, 2019.


1 - Le Classique et l'Indien

Scénographie
 
Odalisque, 1970. Mine de plomb et pastel gras  sur panneau. Collection particulière, France.

Gérard Garouste fréquente de 1967 à 1972 les Beaux-arts de Paris, mais cherche sa voie hors de cet enseignement, en étudiant assidûment en bibliothèque et en observant les grands maîtres au Louvre. Malgré son admiration pour la posture de Marcel Duchamp et sa mise en question de la peinture de chevalet, il ne s'intéresse pas aux nouvelles pratiques conceptuelles qui émergent alors. C'est la démarche de Dubuffet qui inspire la série de dessins monumentaux qu'il présente lors sa première exposition personnelle, Galerie Zunini à Paris, en 1969, et dont il ne subsiste que de petits formats dans la même veine.
 
Le Classique, années 1970. Huile sur papier marouflé sur toile, 79 × 66 cm. Collection particulière, France. © Adagp, Paris, 2022. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans et Hélène Mauri.
Photographies prises lors de la représentation de la pièce de Gérard Garouste Le Classique et l'Indien, 1977. Photo © Michel Maiofiss.

Dès 1965, Garouste, attiré par le théâtre, avait cofondé la Compagnie du Pallium avec son ami de collège Jean-Michel Ribes. Dans la seconde moitié des années 1960, il réalise des décors et costumes pour des pièces mises en scène par ce dernier, et joue même ponctuellement en tant qu'acteur. En 1977, il crée au Théâtre Le Palace, dans le cadre du Festival Trans-Théâtres, sa propre pièce expérimentale, Le Classique et l'Indien, présentée les 26 et 28 mai. Les rôles sont tenus par lui-même pour le Classique, Hervé Half pour l’Indien, et David Rochline, frère d'Elizabeth, son épouse, pour le Chien, qui évoque le subconscient.


2 - Le Palace

Vue du diaporama sur le Palace
Le Palace

En mars 1978, le Théâtre Le Palace est reconverti par Fabrice Emaer en haut lieu de la vie parisienne nocturne. Garouste se voit proposer la réalisation des décors de l'ancienne cage de scène, animée par des lasers multicolores. Ce travail alimentaire, qui le plonge dans les milieux les plus en vogue du show business, de l'art, de la mode et du monde politique et intellectuel, se complète en 1980 par la commande du décor du restaurant VIP du Palace, le Privilège, qu'il réalise avec son épouse Elizabeth, designer.
 
Texte du panneau didactique.
 
Une vue sur le mur de droite.
 
Une vue sur le mur de gauche.
 
Une vue sur le mur de face.


3a - Comédie policière

Scénographie
Comédie policière, 1978

Parallèlement à son activité de décorateur du Palace, Garouste reprend le chemin de l'atelier. En février 1979 s'ouvre à la Galerie Travers à Paris sa deuxième exposition personnelle, « Comédie policière », dix ans après la première. Elle inaugure un cycle de deux années avec plusieurs expositions liées par les codes du théâtre, du jeu et des mythes. «Comédie policière» propose une énigme au spectateur à travers une dizaine de tableaux mettant en scène selon diverses combinaisons, un homme, deux femmes, un enfant et trois accessoires : un bâton de rouge à lèvres, un bouchon de champagne, un cavalier de jeu d'échecs.
 
Texte du panneau didactique.
 
Comédie policière (Bouchon de champagne), 1978. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Comédie policière (Rouge à lèvres), 1978. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Comédie policière (Rouge à lèvres et Bouchon de champagne), 1978. Huile sur toile. Collection de l’artiste. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York.


3b - La Règle du jeu

Scénographie
La Règle du jeu

Une troisième exposition sur le thème du jeu, intitulée «"Cerbère et le Masque" où “La Neuvième Combinaison”» s'ouvre en septembre 1980 chez Liliane & Michel Durand-Dessert à Paris, qui devient la galerie de l'artiste. Le thème policier est abandonné au profit de la mythologie grecque, avec les personnages d'Atropos, Clotho, Thanatos et Cerbère. Des pieux à leur effigie ainsi que de petits tableaux, des photographies et un jeu sur une table sont présentés dans l'espace. Au cours de la déambulation dans la galerie, l'apparition et la disparition des pieux du champ de vision permettent de résoudre une énigme liée à une toile absente.
 
Texte du panneau didactique.
 
La Neuvième Combinaison, 1980. 6 toiles. Huile sur toile. Collection particulière.
La Neuvième Combinaison, 1980. 3 toiles. Huile sur toile.
Collection particulière, France.
 
La Règle du jeu (avec Maud Molyneux et Istvan Dohar), 1979. Photographies noir et blanc de Georges Méran. Collection particulière, France.

Une seconde exposition sur le thème de la comédie policière, intitulée « La règle du “Je” » s'ouvre à Milan au Studio d'arte Cannaviello en novembre 1979. S'y ajoute une dimension performative avec la présence dans l'espace de la galerie du manipulateur d'un jeu en bronze et terre cuite qui reprend les personnages et les objets de la « Comédie policière » initiale. Une série de photographies met en scène dans ce rôle l'écrivain transgenre Maud Molyneux et l'architecte hongrois Istvan Dohar. Cette exposition est reprise au début de l'année 1980 au Museum van Hedendaagse Kunst de Gand.
 
La Règle du Jeu, 1979. Bronze et terre cuite, 27 × 35,5 × 25 cm. Collection particulière, France. © Adagp, Paris, 2022. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans et Hélène Mauri.


4 - Adhara

Adhara, 1981. Huile sur toile, 253 × 395 cm. Collection Liliane & Michel Durand-Dessert. © Adagp, Paris, 2022. Photo © Florian Kleinefenn.
 
Adhara, 1981
Huile sur toile. Collection Liliane & Michel Durand-Dessert.

Dans le cadre d'une exposition de promotion de la scène française à New York en 1982, le tableau de Garouste, Adhara - construit selon le tracé de constellations et du nom de la seconde étoile la plus brillante de l'une d'entre elles - est choisi par le critique Otto Hahn pour être exposé à la Galerie Holly Solomon. C'est le début d'une reconnaissance fulgurante : le succès de l'œuvre incite le grand marchand américain Leo Castelli à prendre Garouste dans sa galerie. Il l'exposera dès l'année suivante, puis en 1985 et en 1987

L’Indien, le Chien et le Miroir, 1982. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Texte du cartel.


5 - Ineffable

Scénographie
 
La Chambre rouge, 1982. Huile sur toile. Ludwig Museum Koblenz.

Dans cette composition mettant en scène un homme et une femme dans un intérieur, les rôles traditionnels sont inversés : l'homme nu se languit sur le divan tandis que la femme, habillée, se tient à ses côtés. Le décor à l'antique évoquant l'ordre contraste avec le guéridon renversé et les objets épars sur le sol, comme pour mieux inviter à bousculer les codes et les certitudes.
 
Les Incendiaires, 1982. Huile sur toile. Museu Coleçäo Berardo.

Dans une composition très classique, sur un fond sombre rappelant l'admiration de Garouste pour les peintres du Siècle d’or (17e siècle), trois personnages fomentent un complot destructeur. La torsion des membres et le tournoiement qui imprime un mouvement au tableau ont poussé les critiques à qualifier la peinture de Garouste de maniériste, à la suite d'artistes tel Le Greco ou Le Tintoret, dont il ne nie pas l'héritage.
Scénographie
 
Sainte Thérèse d'Avila, 1983. Huile sur toile. FRAC - Artothèque Nouvelle-Aquitaine.

Cette œuvre de commande du Comité national d'art sacré dans le cadre du quatrième centenaire de la mort de la sainte, a représenté un vrai défi pour Garouste, qu'il a toutefois souhaité relever. Comment, après Picasso ou Duchamp, et par le moyen traditionnel de la peinture à l'huile sur toile, est-il encore possible de rendre le phénomène de l'extase d'une sainte, à mi-chemin entre douleur et jouissance ?.
 
Le Déjeuner sur l’herbe, 1982. Mine de plomb sur papier. Collection particulière.
Scénographie
 
Orion le Classique, Orion l'Indien, 1981. Huile sur toile. Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris. Achat en 1982.

De tous les grands tableaux qui marquent le début des années 1980 et le recours à un travail de peintre pleinement assumé, Orion le Classique, Orion l'Indien est l'un des plus emblématiques. Il met en scène la figure du beau chasseur aveuglé de la mythologie grecque, qu'il superpose à celles du Classique et de l'Indien, issues de la mythologie personnelle de l'artiste. Orion, représenté parfois avec Cédalion sur ses épaules qui le guide, pourrait être une métaphore du peintre oscillant entre force et fragilité, entre quête de la connaissance - le Classique - et excès - l'Indien.
 
Les Lutteurs, 1982. Huile sur toile. Collection particulière.

Autour d'une arène où deux colosses luttent, se tient une femme visiblement indifférente à la scène, un homme amusé et un enfant. Ce qui se joue dans l'arène suscite l'interrogation : quels sont ces personnages qui s'affrontent ? Le Classique et l'Indien ? Jacob et l'Ange tels que les a peints Delacroix? Qui gît au sol ? Le peintre ? Caractéristique du fonctionnement de la peinture de Garouste, ce tableau ne nous livre pas de lecture univoque pour mieux nous faire prendre conscience de la nécessité de notre propre interprétation.


6 - Natures mortes

Scénographie
 
La Barque et le Pêcheur, le Pantalon rouge, 1984. Huile sur toile. Collection De Carbon.

Assimilables aux recherches sur la nature morte, des peintures sur le thème du pêcheur inanimé semblent suggérer que la nature morte est davantage une manière d'aborder un sujet qu'un défi lancé quant à la représentation d'une composition d'objets. Ces tableaux mettent en scène corps inertes et personnages gesticulant, barques au repos et arrière-plans aux narrations indéchiffrables, dans un traitement similaire de tons sombres, empâtements à outrance et touches à la gestuelle dévoyée.
 
Orion, Maera et le miroir, 1984. Diptyque. Huile sur toile. Collection Jean-Michel Wilmotte.

Le miroir est omniprésent dans l'œuvre de Garouste des années 1980. Il se devine ici, entre les deux panneaux du diptyque, puisque la chienne Maera, issue de la mythologie grecque, est inversée dans le panneau de droite. Orion, majestueux, est peint en empereur romain, mais il a disparu d'un panneau à l’autre, comme absorbé par le miroir, mettant en péril l'idée de représentation. Cette œuvre est à la charnière du cycle précédent et d'un nouveau cycle autour de la nature morte.
Le Pendu, le vase et le miroir, 1985. Huile sur toile, 250 × 500 cm.
Ludwig Museum – Museum of Contemporary Art, Budapest. © Adagp, Paris, 2022. Photo © József Rosta / Ludwig Museum.
 
Le Commandeur et la Règle du jeu, 1985. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Le Commandeur et le Vase bleu ou Le Commandeur renversé, 1985. Huile sur toile. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

Un personnage, le Commandeur, que l'on retrouvera dans d'autres tableaux de la série, s'ajoute à cette nature morte. Dans l'histoire de Don Juan à laquelle l'artiste fait directement allusion, le Commandeur est à la fois un être mort et une statue vivante. Garouste se joue de cette ambiguïté pour revisiter un genre de la peinture qu'il cherche avec ironie à épuiser.


7 - Dante

Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
Dante et Cerbère, 1986. Huile sur toile. Collection Liliane & Michel Durand-Dessert.

La descente aux enfers de Dante se fait depuis la forêt obscure par une longue route qui traverse les neuf cercles concentriques menant au Diable. Chaque palier, correspondant à l'expiation de péchés, est une scène où se jouent les supplices sur fond de fange, de pluie, de vent, d'eau boueuse, de fleuves de sang, de terre brûlante, de fossés, de ravins. Cerbère est le gardien du troisième cercle, celui des gourmands, mordus et griffés par le monstre.
 
Manto, 1986. Huile sur toile, 235 × 200 cm. Collection Bernard Massini. Photo © Adam Rzepka. © Adagp, Paris, 2022.

Des formes, souvent indistinctes, que l'œuvre de Dante inspire à Garouste émergent par moments des personnages plus ou moins nets que l'on pourrait associer, comme certains titres le suggèrent également, à un épisode donné du récit. Manto, fille de Tirésias et dotée des mêmes pouvoirs de divination, est ici convoquée, mais là n'est pas l'essentiel. Avec La Divine Comédie, Garouste développe une peinture de l’imprécision d'une force saisissante.
 
La Visitation, 1987. Huile sur toile. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

Marie, qui porte en son sein le Christ, rend visite à sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean-Baptiste : tel est le thème de la Visitation dans la tradition chrétienne, souvent traité par les peintres. Lointain écho de l'œuvre de Giotto (13e-14e siècle), cette Visitation s'inscrit dans le cycle de Garouste autour de Dante, même si cet épisode n'est pas directement évoqué dans La Divine Comédie. Récit aux multiples strates d'interprétation, le chef d'œuvre du poète est un réservoir de sujets pour le peintre. La question des origines, au cœur des préoccupations de Garouste, transparaît en filigrane dans La Visitation.
 
Sans titre, 1986-1987. Huile sur toile. Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg.

Peindre L'Enfer pour Garouste, c'est peindre les éléments déchaînés, la nature exacerbée et hostile dans son imbrication avec le supplicié, mais sans précision voyeuriste. Ainsi, le motif se dilue dans le paysage, genre sous-jacent abordé par le peintre dans cette série. Le point culminant de cette osmose est l'évocation des « Violents contre eux-mêmes », résidus filiformes devenus branches contre lesquelles les Harpies s'acharnent à mener une lutte éternelle.
 
Les Rives de l’Eunoé, 1986. Huile sur toile. FRAC Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux.
 
Sans titre, 1986-1987. Huile sur toile. Collection Patrick Fourtin.
Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
Si les peintures inspirées de la lecture de Dante datent des années 1986-1987, Garouste prolonge, à partir de 1990, ce thème en sculpture. Le bronze, le fer forgé et la terre cuite sont les matériaux de prédilection de ces œuvres qui transposent en trois dimensions la vision fragmentaire et les motifs en délitement du corpus peint foisonnant de La Divine Comédie. Ces matériaux constituent en quelque sorte un pendant, en sculpture, de la traditionnelle peinture à l'huile que l'artiste privilégie pour ses tableaux.
 
Texte du panneau didactique.
 
Sans titre, 1990-1991. Fer forgé. Collection particulière, France.
 
L’Impératrice, 1993. Terre cuite et fer forgé. ING Collection, Belgique.
 
Sans titre, 1990-1991. Bronze. Collection particulière, France.


8a - Les Indiennes

Scénographie (sur les murs : les Indiennes; au centre : La Dive Bacbuc). © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
Indienne (Les Suppliciés), 1987
Acrylique sur toile. Collection particulière, France.

A l'occasion d'une exposition collective au Musée des Beaux-Arts de Reims en 1987, Garouste découvre d'imposantes tentures en toile de lin des 15e-16e siècles, succédanés de tapisseries, qui servaient de décors provisoires lors de cérémonies. Ces Indiennes deviennent l'objet des nouvelles recherches de Garouste. La Divine Comédie de Dante continue à être le thème de prédilection de ces toiles libres écrues et peintes à l'acrylique, suspendues à des barres en métal. L'Indienne au sous-titre "Les Suppliciés" inaugure la série, qui comporte aussi plusieurs variations autour du thème biblique de la chute des anges.
 
Texte du panneau didactique.
 
Indienne (La Chute des anges 1), 1988. Acrylique sur toile. Collection particulière, France.
Indiennes (La Chute des Anges 3 ; Indiennes), 1988. Acrylique sur toile. Collections particulières.
 
Indienne, 1988. Acrylique sur toile. Collection particulière.
 
Indienne, 1988. Acrylique sur toile. Collection particulière.
Indienne, 1988. Acrylique sur toile, 210 × 700 cm. Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole.
© Adagp, Paris, 2022. Photo © Cyrille Cauvet / Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole.


8b - La Dive Bacbuc

La Dive Bacbuc, 1998. Acrylique sur toile et structure en fer battu, H. : 285 × diam. : 752 cm (toile : h. : 270 × diam. : 600 cm).
Collection particulière, France. Photo © Adam Rzepka. © Adagp, Paris, 2022
(Nota : il est impossible de voir cette œuvre sous cet angle dans l'exposition).
La Dive Bacbuc, 1998. Vue extérieure avec les dispositifs permettant de voir les peintures intérieures.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.
 
La Dive Bacbuc, 1998. Vue d'une peinture intérieure.


9 - Salle des livres, rouleaux et carnets

Scénographie
À partir des années 1990, Gérard Garouste s'intéresse à la tradition exégétique juive à travers l'étude du Talmud et du Midrach, et il apprend l'hébreu. Sa peinture s'en fait désormais l'écho. La figure y devient lettre : elle surgit des récits jamais univoques de ces textes sacrés pour lesquels l'artiste se passionne toujours davantage. La question de l'interprétation, qui selon cette tradition herméneutique ouvre à une multiplicité de lectures, trouve son contrepoint dans le choix des sujets par le peintre, empruntés à la Bible ou aux œuvres littéraires d'écrivains tels Cervantès ou Kafka.
Forte de cette approche, la peinture de Gérard Garouste ne se veut pas séduisante. Elle ne craint ni les aberrations, ni les déformations, mutilations ou recompositions de la figure. C'est une peinture qui questionne sans relâche, bouscule les certitudes : une peinture qui dérange, mais sur le mode d'un jeu dont les règles seraient sans cesse à réinventer.
 
Texte du panneau didactique.
 
Haggada, 2001. 220 pages, ouvrage tiré sur papier chiffon en 10 couleurs. Couverture pleine toile. 250 exemplaires numérotés avec une lithographie originale signée Gérard Garouste. Présentation sous coffret toilé incluant une édition intégrale pour la prière. Illustré de 50 gouaches et encres originales. Éditions Assouline, Paris. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

La Haggada, ou récit, est un texte rédigé en hébreu ancien, remontant à près de deux millénaires. Il comporte des histoires sous la forme de contes, légendes, paraboles ou fables, propres à rendre plus accessibles les messages sacrés de la tradition juive. Il est utilisé en particulier dans la cérémonie de la Pâque juive. Garouste a illustré deux Haggadot, dans deux éditions différentes. Celle présentée ici, avec un ensemble de gouaches de l'artiste qui ont servi à sa réalisation, est commentée par le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin.
Rouleau d'Esther, 2015. Gérard Garouste, Armand Benhamron, Elizabeth Garouste. Lithographie numérique pigmentaire, gouache, feuille d'or. Étui en carton entoilé. Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris. Don de la Fondation Excelvy.

Garouste a illustré la Meguila ou «rouleau» d'Esther. Il s'agit  d'un texte biblique en hébreu lu à l'occasion de la fête juive de Pourim. Il évoque l'intercession de la reine Esther afin de déjouer les plans du grand vizir Haman qui projetait l'extermination des Juifs dans l'empire perse. Garouste accorde une place particulière à ce texte, porteur d'avenir, qui résonne comme une mise en garde. Il constituerait aux yeux des maîtres du Talmud l'ultime récit susceptible de résister au temps.
 
Carnet de Gérard Garouste avec feuilletage numérique.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir le feuilletage du carnet.

 
Carnet de Gérard Garouste avec feuilletage numérique.

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Ensemble de 14 dessins. 1996-1998. Gouache sur papier. Collection particulière, France.

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La Pierre et la Cruche, 1996-1998. Gouache sur papier. Collection particulière, France.
 
Les Voyelles, 1996-1998. Gouache sur papier. Collection particulière, France.
Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
Œuvre préparatoire pour le livre Haggada, 2000-2001. 10 gouaches sur papier. Collection particulière, France.

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Œuvre préparatoire pour le livre Haggada, détail, 2000-2001. Gouache sur papier. Collection particulière, France.
 
Œuvre préparatoire pour le livre Haggada, détail, 2000-2001. Gouache sur papier. Collection particulière, France.


10 - Tal la rosée

Scénographie
 
L’Adam purifié, 1995-1996. Huile sur toile. Collection Philippe Starck.
 
Le Guérisseur, 1995. Huile sur toile. Collection particulière, France.
 
La Rosée. Extraits du Livre des Ressemblance de Edmond Jabès, détail, 1997.

La Rosée. Extraits du Livre des Ressemblance de Edmond Jabès, 1997. Un volume sous coffret. Lithographies en couleur de Gérard Garouste imprimées à l’atelier Franck Bordas. Les Francs Bibliophiles, Paris. Collection particulière, France.
 
Jonas, 2011-2013. Bronze, papier. Edition 1/8. Collection Ronan Grossiat, Paris. Cette sculpture, conçue par Garouste en collaboration avec le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin, donne à voir la charpente d'une arche, une voile, des vagues, autant d'éléments que l'on peut associer à la figure biblique de Jonas. Dans un tiroir secret qui pourrait être la cale du bateau, se trouvent pliés sous forme de leporellos les quatre chapitres du Livre de Jonas, écrits en hébreu, phénicien, grec, latin, allemand, anglais, yiddish et français, proposant ainsi «un voyage entre les langues ».
Scénographie
 
Il établira, 1995-1996. Huile sur toile. Fonds François Fauchon pour l'art contemporain (Fffac).

Le titre donné par Garouste à cette œuvre, Il établira, est la traduction de « Yakhin », qui désigne l'une des deux colonnes d'airain dressées à l'entrée du temple de Jérusalem par le roi Salomon. À partir de la Bible hébraïque, ces colonnes ont fait l'objet de nombreuses interprétations.
 
L'Adam et les Trois Lumières, 1995-1996. Huile sur toile. Collection particulière, France.

Garouste approfondit dans les années 1990 sa connaissance de la Bible hébraïque et la richesse de son exégèse, à travers les études talmudiques. En 1995-1996, un ensemble de tableaux sur le thème de Tal la rosée (Tal en hébreu = rosée) marque le début d'un dialogue assumé entre image et mot. Les personnages ressemblent souvent à des lettres, et leurs bras sont démesurés, tordus, de même que leurs jambes.
 
Le Chien au baptême, 1995-1996. Huile sur toile. Collection particulière, France.

Les thèmes récurrents de cette série sont Adam, la mort, la résurrection, le châtiment, le feu, et surtout, l'eau. Garouste se refuse résolument à une quelconque justesse de proportions dans la représentation humaine, ou à une véracité des propriétés physiques inhérentes à la matière. Nous sommes dans un espace-temps indéfinissable et ouvert à tous les possibles, où la logique et la rigueur scientifique ne sont pas de mise.
 
Entre chien et loup, 1995-1996. Huile sur toile. Collection particulière, France.


11 - Don Quichotte

Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
Don Quichotte, 2013. Bronze, Édition de 4 + 2EA. Collection particulière, Paris.
 
La Duègne et le Pénitent, 1998. Huile sur toile. The Art Collection from the European Central bank.
Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
Le Théâtre de Don Quichotte, 2012. Huile sur toile, 200 × 260 cm. Collection Hervé Lancelin, Luxembourg. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti.

La thématique de Don Quichotte ressurgit à plusieurs reprises dans la peinture de Garouste. Dans cette scène, les personnages du livre forment un défilé tragi-comique, dans lequel l'artiste s'est représenté en bouffon diabolique aux côtés de l'ange qui confie des secrets à l'âne.
 
Don Quichotte et les livres brûlés, 2013. Huile sur toile. Collection particulière.

Les livres brûlés est un thème récurrent dans la peinture de Garouste. Dans l'œuvre de Cervantès, représenté ici sous les traits de l'homme de théâtre et ami de l'artiste Jean-Michel Ribes, Don Quichotte est victime de la destruction criminelle par le feu d'une partie de sa bibliothèque. Mais le « Livre brûlé » renvoie également au rabbin Nahman de Bratslav (fin 18e-début 19e) auteur de l'ouvrage éponyme, qu'il fit détruire intentionnellement par les flammes.


12 - Kezive la ville mensonge

Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
La Croisée des sources, 1999-2000. Huile sur toile, 114 × 146 cm. Collection particulière, France. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Johansen Krause.

Garouste se plaît à réinventer la polysémie de l'hébreu en images. Dans cette langue, c'est le même mot qui désigne à la fois le carrefour, la croisée des sources, et l'échange des regards. Ainsi l'eau jaillit des yeux des deux personnages qui se rencontrent.
 
L'Alliance, 1999-2000. Huile sur toile. Collection particulière.

La jeune femme pourrait être Tamar, personnage du récit biblique auquel Garouste se réfère dans cette série. En guise de couvre-chef, elle arbore le petit instrument chirurgical utilisé dans la circoncision, appelé maguèn, «protection, bouclier». Le chemin croise une rivière qui passe sous un pont, dans une possible évocation du flux vital.>
 
L’Antipode, 1999-2000. Huile sur toile. Collection Bruno-Eugène Bone.
 
Le Vieillard et la Prostituée, 1999-2000. Huile sur toile. Collection particulière.


13 - Portraits

Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
Le Masque de chien, 2002. Huile sur toile. FNAC. Centre national des arts plastiques.

Garouste a réalisé plusieurs autoportraits. Il se représente ici dans un paysage, portant sous le bras un masque de chien. Le chien guidé par son flair, que l’on retrouve aussi à l'arrière-plan avec les personnages du Classique et de l‘Indien, renvoie à l'intuition. Les pieds de l'artiste, orientés vers l'arrière, soulignent le refus d'une direction unique et invitent à l’errance. L'artiste a trouvé l'inspiration de ce motif, qu'il détourne, dans des représentations pseudo-scientifiques des Indiens d'Amérique par les premiers colons.
 
Portrait d'Elizabeth, 2005. Huile sur toile. Collection particulière.

Garouste commence en 2002 une série de portraits de proches et de personnalités du monde de l'art. Il part d'une photographie du modèle auquel il fait subir des déformations grâce à un logiciel informatique. Puis il le fait poser à nouveau en cherchant à lui faire atteindre la posture suggérée, et le photographie à nouveau. La peinture issue de ces images parachève la torsion et le démembrement des corps, laissant le visage presque intact et reconnaissable. Elizabeth, l'épouse de l'artiste, s'est prêtée au jeu, ainsi que leurs fils Guillaume et Olivier, et leurs belles-filles, Stéphanie et Noémie.
 
La Mouche (Portrait de Guillaume), 2003-2004. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Sans titre (Portrait de Stéphanie), 2003. Huile sur toile. Collection particulière.


14 - L'Ânesse et la Figue

Scénographie
 
Balaam, 2005. Huile sur toile, 270 × 320 cm. Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris. Don de la Société des Amis du Musée national d’art moderne en 2006. © Adagp, Paris, 2022. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. RMN-GP.

Dans la Bible, Balaam est un devin à qui le roi Balak ordonne de maudire le peuple d'Israël. Sur la route qui mène Balaam au roi, l'ange du Seigneur, invisible, dont l’une des ailes est une main à quatorze doigts, empêche l'ânesse d'avancer. En réponse aux coups frappés par son maître, l'ânesse devient douée de parole et ramène Balaam à la raison. Se retrouvant face à l’« ennemi », Balaam bénira alors le peuple d'Israël au lieu de le maudire. Cette prophétie émanant d'un devin profane reste encore aujourd'hui d'une importance majeure pour l'histoire de ce peuple.
 
Alma, 2005. Huile sur toile, 270 × 320 cm. Collection particulière. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo ArtDigitalStudio.

Explorant le thème de la nativité, Garouste revient sur la question de la virginité de la Vierge. En hébreu, « alma » désigne la jeune fille, et «betula», la vierge. Les traductions en grec et latin de la Bible hébraïque auraient fait glisser le sens de « jeune fille » à « vierge ». Par ailleurs, l'âne et le bœuf, issus d'une représentation traditionnelle de la crèche, renvoient à une transposition abusive d'un verset du prophète Isaïe, fustigeant le peuple d'Israël : comment ne peuvent-ils reconnaître la venue du Messie, alors que même ces animaux dociles sont capables de reconnaître leur maître ? À droite au premier plan du tableau, le designer Philippe Starck, ami de l'artiste, appuyé sur son fameux tabouret Bubu 1er, en perd son latin!
 
Ave Eva, 2005. Huile sur toile. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

Selon l'artiste, ce tableau, inspiré d'une carte postale reçue par un ami, peut être lu comme une « approche approximative » de l'épisode biblique de la fuite en Égypte. Nulle urgence ne transparaît toutefois dans cette pérégrination tranquille à dos d'âne, où une jeune femme, lascive à l'ombre d'un figuier, donne à voir la rondeur de son ventre, annonciatrice d'un heureux événement.
 
L'Ânesse et la Figue, 2005. Huile sur toile. Collection particulière, Paris.

En 2005, Garouste réalise une série d'œuvres sur le thème de «L'Ânesse et la Figue». Il remarque qu'en hébreu, il existe une proximité consonantique entre les mots « ânesse » et « figue », et qu'ils sont mis en relation dans le Talmud. Ce constat déclenche dans la peinture de Garouste une kyrielle d'associations entre ânesse et figue, ainsi que d'innombrables digressions autour de la figure animale de l'âne, que l'artiste affectionne tout particulièrement.
Scénographie
 
Les Libraires aveugles, 2005. Huile sur toile. FNAC, Centre national des arts plastiques.

Ce tableau met en image les propos méprisants de saint Augustin concernant le rapport des Juifs aux écritures saintes. Les Juifs seraient en effet les dépositaires des livres (l'Ancien Testament) qui portent en germe la venue du Messie. Mais ils n'auraient pas été capables de le comprendre. Ils sont comme des libraires aveugles - incarnés ici par l'écrivain François Rachline et le mathématicien Henri Berestycki - qui diffusent des livres qu'ils ne savent pas lire. L'idée de la preuve, réclamée par les Chrétiens, est ici mise à mal avec ironie comme procédant d'une quête dangereuse.
 
Dina, 2005. Huile sur toile. Collection Daniel Templon.

Le sujet du tableau renvoie à un passage de la Genèse, dans lequel est contée l'histoire de Dina qui, après avoir été violentée par Sichem, sera aimée de lui avec le cœur. Garouste saisit la scène avant que le violeur n'opère, d'une certaine manière comme si la jeune fille était consentante, n'étant en réalité pas vierge. Le thème de la virginité dans la Bible hébraïque est souvent discuté par ses commentateurs, et Garouste s'en empare en observateur curieux, remarquant au passage les glissements de sens entre « pupille » et «jeune fille».
 
Passage, 2005. Huile sur toile. Collection particulière.

Dans un tableau qui met en scène une ânesse affublée du costume des suppliciés de l'Inquisition et l'artiste dans une posture contorsionnée qui suggère le malaise et l'indignation, trois livres sont stigmatisés, par ordre croissant : la Septante, le commentaire du Psaume 56 de saint Augustin, et Mein Kampf d'Hitler. L'artiste dénonce crûment les dangers du dogme en montrant qu'un fil relie les approximations et contresens volontaires issus de la traduction de la Bible hébraïque en grec et en latin, aux exactions qui ont conduit au génocide des Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans ce raccourci détonnant, la question centrale de l'interprétation des textes est réaffirmée avec force.
 
Épaule fils d'âne (Autoportrait), 2005. Huile sur toile. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

Ce titre intriguant est en réalité la traduction littérale du nom de l'Hévéen Sichem ben Hamor, celui qui avait, selon la Genèse, séduit Dina, représentée dans un tableau voisin. Mais il s'agit d'un autoportrait en âne, où Garouste semble empêché avec deux moignons en guise de bras, comme s'il nous mettait en garde contre le piège de la traduction littérale, qui peut conduire à des aberrations. Par chance, un bras parvient à se dégager, brandissant un serpent, le mot « Hévéen »,  apprend-on, signifiant « serpent » en araméen.


15 - La Bourgogne, la famille et l'eau tiède

Scénographie
 
Le Lit en portefeuille, 2011. Huile sur toile. Collection particulière.

Parmi ses souvenirs d'enfance de Bourgogne, Garouste se rappelle la cuisine de la maison à la fois chaleureuse et inquiétante, comme dans un conte de fées, où le lit de sa tante était toujours en portefeuille. L'artiste apparaît comme enserré dans les montants du sommier métallique que dévoile le matelas roulé, suggérant le refus de se reposer afin de privilégier la quête de la connaissance, à laquelle il semble s'atteler avec un compas.
 
Le Coup de l'étrier, 2007. Huile sur toile. Collection UBIK.

Garouste se réfère à un épisode terrifiant de son enfance. Son père, dont le comportement conduisit les médecins à le qualifier de «psychopathe», menaça un jour sa mère avec un révolver, agacé de la voir tenir l’aiguière par le goulot.  Rétrospectivement, l'artiste s'amuse du titre de la tapisserie accrochée dans la salle à manger où la scène s'était déroulée : Le Coup de l'étrier.
Isaïe d'Issenheim, 2007. Diptyque. Huile sur toile. Collection Marc et Martine Jardinier.

En proposant sa relecture du retable d'Issenheim de Grünewald (début du 16e siècle), Garouste en appelle à notre vigilance quant à la question de l'interprétation des textes et de l'iconographie qui en résulte. L'artiste met au premier plan le personnage d'Isaïe qui tient le livre des Prophètes, ouvert mais illisible dans le retable, tandis que le livre tenu par la Vierge, déchiffrable, est censé en être la traduction. Cependant, le retour au texte hébraïque d'origine prouve que cette traduction est erronée. L'artiste s'est représenté en camisole, et à terre pris de délire, pour mieux signifier le choc de cette duperie.
 
Chartres, 2007. Huile sur toile, 270 × 320 cm. Collection particulière, Paris. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti. Chartres, 2007. Huile sur toile. Collection particulière, Paris.

L'instabilité psychique de Garouste a marqué les années 1970 et le début des années 1980. Après une longue période de répit, une nouvelle crise survient en 1991, à laquelle ce tableau renvoie directement. L'artiste a maintes fois raconté sa route vers Chartres, dictée par une pulsion incontrôlable qui le conduit dans la cathédrale au fameux labyrinthe, où il interrompt un mariage, casse des cierges, sème le désordre, puis se retrouve interné.
 
Le Cirque Rosselin, 2007. Huile sur toile. Collection Magnus Konow.

La Bourgogne est l'un des trois termes du titre d'une nouvelle série commencée en 2007 : La Bourgogne, la famille et l'eau tiède. Cette région était, dans l'enfance de Garouste, le doux lieu de séjours répétés chez la tante Eléonore et l'oncle Casso, artiste brut sans le savoir. Garouste transpose dans l'époque contemporaine un souvenir de cirque où, âgé de 6 ans, il faisait le pitre affublé d'une peau d'âne et agitant un balai entre ses jambes. C'est donc un homme de 60 ans que l'on voit entouré de sa mère, son oncle et ses tantes, plus jeunes que lui, comme pour signifier la capacité de l'artiste à conserver éternellement une âme d'enfant.


16 - Songe d'une nuit de Walpurgis

Scénographie
 
Dérive, 2010. Huile sur toile. Collection particulière, Paris.

Garouste se projette dans la dérive des continents dans des millions d'années, et en a reproduit sommairement la modélisation sur une sphère. Il représente son ami mathématicien Henri Berestycki dans une scène où le scientifique perplexe contraste avec un grand singe satisfait, une banane à la main, qui semble peu perturbé par ce phénomène inéluctable.
 
L’Harfang et la Souris rouge, 2011. Huile sur toile. Collection Nathalie Obadia.
 
Le Pacte, 2011. Huile sur toile. Collection particulière.

Le «pacte» est celui conclu entre Faust, incarné par Garouste, et Méphistophélès, sous les traits de son ami l'homme de théâtre Jean-Michel Ribes, tous deux s'opposant souvent dans la vie sur des questions métaphysiques. Cette contradiction mise en scène dans le cadre du Faust de Goethe s'inscrit dans la continuité des figures du Classique et de l'Indien. La goutte de sang censée sceller le pacte entre les deux protagonistes perle d'un doigt qui prolonge un bras surgi de la bouche de Garouste - une bouche qui parle, qui jure, qui vomit.
 
Wagner, Méphistophélès et l'Homonculus, 2013. Huile sur toile. Collection particulière.

L'apprenti-alchimiste Wagner montre avec fierté sa créature, l'Homunculus, à Méphistophélès qui, sous couvert de flatteries, en réalité se moque de lui. La quête de la connaissance, toujours inassouvie, n'est-elle pas immanquablement vouée à l'échec ? Telle est la tourmente qui ravage Faust.
Scénographie
 
Le Golem, 2011. Huile sur toile, 275 × 326 cm. Collection particulière, France. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti.

Garouste se saisit du parallèle entre la création par Wagner - ancien disciple de Faust - de l'Homunculus, et celle, par le Maharal de Prague, du Golem. Cet être artificiel fait d'argile, dans la mythologie juive, ne doit pas son existence, contrairement à Adam, au souffle divin. La scène est inspirée d'un passage du Journal de Franz Kafka. Elle représente autour de la bête informe le maître, incarné par Garouste en alchimiste dément, et les étudiants, dont les visages sont ceux de familiers de l'artiste : l'avocat Olivier Coutard, le médecin et philanthrope Francis Charhon, le réalisateur Joël Calmettes, Guillaume et Elizabeth, fils et épouse de Garouste, et le collectionneur Stéphane Magnan.
 
La Guitare brisée, 2009. Huile sur toile. Collection particulière.

À la fin des années 2000, Gérard Garouste choisit de s'approprier le Faust de Goethe (15e siècle), dont la légende et les personnages variés (Faust, Méphistophélès, Marguerite, Wagner, les sorcières, ….) sont autant de sujets pour cette série qu'il intitule Songe d'une nuit de Walpurgis. La guitare brisée se réfère directement à une scène de la pièce de théâtre.


17 - Zeugma

Scénographie. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.
 
Les Trois Maîtres et les Oies grasses, 2017. Huile sur toile, 200 × 260 cm. Collection de l’artiste. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti. Les Trois Maîtres et les Oies grasses, 2017. Huile sur toile. Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York.

Ce tableau s'inspire d'un récit talmudique selon lequel des oies, si grasses qu'elles en perdent leurs plumes en plein désert, se plaignent à trois maîtres du Talmud. Garouste leur a donné les traits de Borges, Chouchani et Kafka. Chouchani, penseur majeur de la vie intellectuelle juive, à la biographie mystérieuse, né à la fin du 19e siècle, est une figure de référence pour Garouste. Il aurait imprégné de son enseignement de nombreux philosophes, dont Emmanuel Levinas.
 
Le Pont de Varsovie et les Ânesses, 2017. Huile sur toile. Collection Daniel Templon.

Garouste intitule Zeugma une nouvelle série, terme signifiant en grec « le lien », « le pont », et qui renvoie en rhétorique à une figure de style consistant en l'omission d'un mot ou groupe de mots, dont la répétition s'avère inutile. Il s’agit alors de faire travailler l'esprit pour restituer les termes manquants, avec les mots, comme ici avec la peinture. Si la figure du vieillard est issue d'une image tristement célèbre du ghetto de Varsovie, les ânesses qui se sont multipliées et le caroubier qui a donné des fruits renvoient à un récit du Talmud. Tragique symbole du ghetto, le fameux pont en bois, reproduit fidèlement par l'artiste et littéralement étouffé par le caroubier, semble délivrer un message d'espoir.
Scénographie. À gauche : Le Centaure et le Nid d'oiseaux, 2013. Huile sur toile. Collection particulière.

Dans la continuité des interrogations sur la place du nid d'oiseaux dans l'exégèse talmudique, Garouste l'a représenté sur la tête d'un chien, en lequel on reconnaît immédiatement Milou, le fidèle compagnon de Tintin dans la fameuse bande dessinée. Cette association rappelle à quel point l'artiste s'accorde une totale liberté dans la mise en relation de registres apparemment très éloignés, telle la mythologie avec le personnage du centaure et la littérature populaire, avec la référence à cet épisode de Tintin issu du Lotus bleu.
 
Le Rabbin et le Nid d’oiseaux, 2013. Huile sur toile, 162 × 130 cm. Collection particulière. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti. Le Rabbin et le Nid d'oiseaux, 2013. Huile sur toile.  Collection particulière.

Le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin, grand commentateur de l'œuvre de Garouste, incarne ici le thème du nid d'oiseau, présent dans la littérature talmudique. On le trouve ainsi formulé dans le Deutéronome : « Si par hasard en chemin tu rencontres un nid d'oiseaux (...), chasse la mère, prends les enfants, la vie sera meilleure pour toi et tes jours seront prolongés ». Invitation à ne pas se soumettre à la fatalité d'une cause responsable de toute chose, ce verset donna lieu, au-delà du principe de causalité, à d'innombrables commentaires, en particulier sur la question de la place du nid et ses conséquences sur l'interprétation du verset.
 
Pêche nocturne, 2017. Huile sur toile. Collection particulière, Paris.

Le thème du pêcheur, abordé dès les années 1980 par Garouste, est moins un rappel de la pêche miraculeuse biblique qu'une réflexion sur le mot « sagesse », qui peut signifier « hameçon » en hébreu, permettant de rapprocher la pêche d'une quête de la sagesse. L'attente du pêcheur à la ligne, de surcroît ici dans la nuit, est également, dans la philosophie extrême-orientale, une attitude mystique de disponibilité, d'éveil.
Scénographie avec, au centre : L’Étudiant et l’Oie grasse, 2017. Huile sur toile. Collection particulière
 
Balaam et le sous-main, 2017. Huile sur toile. Collection de l’artiste. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York.
 
Pinocchio et la partie de dés, 2017. Huile sur toile, 160 x 220 cm. Collection particulière. © Adagp, Paris 2022. Courtesy Templon, Paris – Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti.
Scénographie
 
Midrash, 2016. Huile sur toile. Collection Olivier et Patricia Fragnière.

Dans le judaïsme le Midrash est une méthode d'exégèse biblique utilisant l'allégorie, la parabole, la métaphore les jeux de mots et les glissements de sens permettant l'occurrence de nouveaux récits. Le tableau semble renvoyer directement aux séances d'étude de l'hébreu suivies par Garouste avec le professeur Yakov à partir du milieu des années 1990, en compagnie de son ami François Rachline La contorsion des deux élèves est à l'image de la  complexité du sens des textes.
 
Actéon et le Repentir, 2017. Huile sur toile. Collection Mme Diane Binder.

En 2018, dans le cadre d'une triple exposition à Paris sur le thème de « zeugma », Garouste présente des œuvres sur le mythe de Diane et Actéon, qu'il a exploré pour le Musée de la chasse et de la nature. Dans cette approche audacieuse, où Garouste incarne Actéon, l'anamorphose de la tête de Diane sous les traits d'Elizabeth, l'épouse de l'artiste, cache l'érection du chasseur frustré, dont l'artiste a imaginé qu'il avait assouvi son désir avec ses chiens. Diane représente le repentir en peinture, que Garouste associe à une connotation morale, de censure.


18 - Correspondances

Scénographie avec, au centre, Le Banquet, 2021. Triptyque (de g. à dr. 1er panneau : Pourim ; 2e panneau : Festin d’Esther ;
3e panneau : Le Don de la manne). Huile sur toile, 300 × 270,5 cm chaque panneau.
Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon. Paris - Brussels - New York. © Centre-Pompidou / Audrey Laurans.

Le triptyque Le Banquet, œuvre majeure de cette série consacrée à Franz Kafka, renvoie à de multiples clés de lecture : la fête de Pourim, avec ses confettis, qui célèbre le festin d'Esther: le glissement de sens du mot confetti, soit « coriandolo » en italien, qu'on peut rapprocher des grains de coriandre de la manne céleste; le tableau La Récolte de la manne (1577) du Tintoret qu'inspire le panneau de droite... (voir ci-dessous).
Le Banquet, 2021. 2e panneau : Festin d’Esther. Huile sur toile, 300 × 270,5 cm.
Collection de l’artiste. © Adagp, Paris, 2022.  Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti.

Kafka, dans le panneau central (ci-dessus) est entouré, en plus des personnages du livre d'Esther, de la psychanalyste Eliane Amado Levy-Valensi, de l'historien de la Kabbale Gershom Scholem, du philosophe Martin Buber, de deux de ses fiancées, Dora Diamant et Milena, de ses trois sœurs,  du philosophe Walter Benjamin, de l'acteur yiddish Itshaq Löwy et de la figure du théâtre yiddish La Shulamith
 
Le Banquet, 2021. 1er panneau : Pourim. Huile sur toile, 300 × 270,5 cm. Collection de l’artiste.
 
Le Banquet, 2021. 3e panneau : Le Don de la manne. Huile sur toile, 300 × 270,5 cm. Collection de l’artiste.
Scénographie
 
La Branche brisée et les Deux Pies, 2019. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Médisance, 2013. Bronze, Édition 1/4 + 2EA. Collection de l’artiste. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York.
 
Aboulafia, 2021. Technique mixte sur papier. Collection particulière.

Garouste rend hommage à Abraham Aboulafia, exégète talmudiste du 13e siècle. Considéré comme le grand tenant du kabbalisme extatique et prophétique médiéval, Aboulafia est notamment l'auteur du Sefer ha Oth - Le livre du Signe -, un ouvrage essentiel donnant des clefs de lecture des textes sacrés, à partir de méthodes d'interprétation de la Bible hébraïque.
 
H'avrouta (la Martre et Pinocchio), 2019. Huile sur toile. Collection particulière.

Deux compères, qui ne sont autres que Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin, semblent partager un moment d'exception dans un échange joyeux. Le titre fait allusion à la H'avrouta que les deux amis ont engagée depuis plusieurs années. Il s'agit de séances régulières autour de l'étude de la Bible, au cours desquelles maître et élève se nourrissent des réflexions de l’un et de l'autre, sans méthode et sans hiérarchie. La scène dit combien ces exercices intellectuels, même complexes, procurent un vrai plaisir, tant pour le philosophe que pour l'artiste, qui y puise nombre de sujets pour ses œuvres.
Scénographie
 
La Martre et l'Ecureuil (Portrait de Kafka et Chouchani), 2019. Huile sur toile. Collection particulière.

Kafka et l'exégète kabbaliste à la biographie mystérieuse Chouchani sont ici associés à une martre et à un écureuil. Les bestiaires tiennent une place particulière chez Garouste, puisque les animaux sont sous-jacents aux fables, aux mythes, aux récits bibliques. Dans l'esprit des études talmudiques, ils se prêtent aux combinatoires interprétatives, tel l'écureuil, dont le mot en hébreu est dérivé du mot « buisson ». Il pourrait ainsi renvoyer au buisson ardent de Moïse et à cette rencontre avec Dieu qu'incarnerait dès lors chaque apparition du rongeur à la queue flamboyante.
 
Alt-Neu Shul sur le Pont-Neuf, 2020. Huile sur toile, 160 × 220 cm. Collection Daniel Templon. © Adagp, Paris, 2022. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York. Photo Bertrand Huet-Tutti.

La série Correspondances autour de Kafka a été conçue en étroite complicité avec le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin, qui se consacre depuis des années à l'interprétation des écrits de l'homme de lettres tchèque à l'aune de la tradition exégétique juive. Il a inventé une formulation « Alt-Neu Kunst » (art ancien-nouveau) pour caractériser à la fois l'œuvre de Kafka et celle de Garouste, toutes deux mues par « une dialectique de l'ancien et du nouveau ». L'idée de « Alt-Neu », empruntée au nom de la synagogue de Prague, vagabonde ici sur le Pont-Neuf, qui bruisse du souvenir de la Samaritaine doublement millénaire
Scénographie
 
Le Caroubier, la Canne et la Besace, 2020. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Milena, 2020. Huile sur toile. Collection particulière.
Le Clown blanc et l'Auguste, 2019. Diptyque. Huile sur toile. Collection particulière.

Deux personnages très identifiables, le Clown blanc et l'Auguste à la fois opposés et complémentaires comme le sont le Classique et l'Indien, arborent chacun un système de signes. Le Clown blanc montre les équations de Maxwell, grâce auxquelles on peut expliquer scientifiquement le phénomène de la lumière : sur le rebord du chapeau de l'Auguste, on peut lire la fameuse phrase de la Genèse, en hébreu, à traduire plutôt par « Lumière! » que par la formule : « Que la lumière soit. Et la lumière fut ». Ce sont ainsi deux langages, deux codes, l'un issu du grec, l'autre de l'hébreu, que ces figures de clown incarnent pour exprimer la lumière, offrant ainsi quatre niveaux de lecture, selon que l'on comprenne les deux langues, l’une d'entre elles, ou aucune. Reste alors la peinture, dans toute sa matérialité et son mystère.
 
Méphisto Quichotte ou le Pied-Bot, 2011. Bronze, Édition de 4 + 2EA. Collection Stéphane Magnan.
 
L’Indien et le Nid d’oiseaux, 2015. Bronze, Édition de 3/4 + 2EA. Collection de l’artiste. Courtesy Templon, Paris - Brussels - New York.
Gérard Garouste dans son atelier.


19 - Chronologie illustrée

Chronologie illustrée de Gérard Garouste.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir les différents panneaux.

     


20 - Le grand atelier de La Source
(galerie des enfants)

Vue d'ensemble de l'atelier.
 
Une vue de l'atelier.
 
Une vue de l'atelier.
Une vue de l'atelier.
 
Une vue de l'atelier.
 
Une vue de l'atelier.
Une vue de l'atelier. Miroirs déformants