GÉNÉRATION EN RÉVOLUTION. Dessins français du musée Fabre, 1770-1815. Comment se sont adaptés ces artistes qui avaient trente ans au moment de la Révolution, dans un système artistique totalement bouleversé ? C’est à cette question que tente de répondre cette exposition, à partir d’une centaine de feuilles provenant du musée Fabre de Montpellier. En effet, par son intimité, le dessin est un support privilégié pour révéler la richesse et la diversité de cette époque charnière. Le passage du XVIIIe au XIXe siècle est marqué, dans le monde des arts, par la disparition des commandes royales, la suppression des Académies (à la demande de David) et l’annulation des grands chantiers. Les sujets religieux disparaissent. Ils sont remplacés par des scènes tirées de l’Antiquité exaltant le patriotisme ou par des représentations de scènes intimes et pittoresques.
Présentés pour la première fois à Paris, ces dessins du musée Fabre proviennent des collections de François-Xavier Fabre (1766-1837), peintre et collectionneur, qui en fit don à sa ville. Élève de David, comme Girodet, Gros, Gérard, Isabey, pour ne citer que ceux que le maître appréciait le plus, Fabre obtient le Grand Prix de Rome en 1787. Peu enclin aux idées révolutionnaires, il fait le choix de s’établir à Florence où il développe une activité de peintre et d’expert en œuvres d’art. Ce n’est qu’en 1825 qu’il rentre définitivement en France, à Montpellier, sa ville natale. De lui nous voyons divers dessins dans les principales sections de l’exposition.
Le parcours s’articule en quatre sections thématiques présentant les différents genres pratiqués par les artistes de l’époque. Dans la première, « Dessiner pour apprendre », à côté d’un beau portrait de Fabre par Girodet, on voit une Étude d’après La Jeune martyre morte de Guido Cagnacci de David(avant 1775) et surtout trois académies, un préalable dans l’enseignement classique à la maîtrise de tous les autres arts, dont une de Fabre, Personnage nu saisissant un cube de pierre (1787-1792) très expressive.
Dans la section suivante, « Éloge de l’individu », sont mises en avant deux catégories de dessins, le portrait et la scène de genre, adaptées, dans des conditions économiques difficiles, au nouveau marché de l’art. On y voit, entre autres, un Autoportrait de Prud’hon (vers 1778) et L’Amour et une fillette jouant avec un chat (1805) également de ce dernier.
La troisième section « Les vertus de l’histoire » présente un grand nombre de dessins aux sujets empruntés à l’Antiquité et, à partir de 1799, de nouveau à la religion. Parmi les premiers nous avons Ménélas perçant de sa lance le cou d’Euphorbe de Jacques Gamelin (1780) ; Énée et ses compagnons abordant dans le Latium de Girodet (vers 1790-1793) ; Le Retour du père de famille de Gérard (vers 1790-1793) ; Paris et Hélène devant Priam (1793) et Milon de Crotone (1795)de Charles Meynier ou encore Les Remords d’Oreste de Philippe-Auguste Hennequin (vers 1800). Parmi les seconds, à côté de dessins de Jacques Gamelin (Le Déluge, vers 1779), de Jean-Baptiste Regnault (Le Déluge, vers 1789), de Girodet (Le Christ mort soutenu par la Vierge, vers 1789) nous avons plusieurs dessins de Fabre dont Moïse présentant les Tables de la Loi (après 1800) ; Vision de Saül (vers 1803) et Déploration du Christ au pied de la Croix (vers 1809).
La dernière section, « Voyages et nature » est consacrée au paysage. A l’exemple de Claude Lorrain ou de Nicolas Poussin, les artistes de cette époque sont inspirés par les paysages romains, en particulier par les monuments antiques, et aussi par les us et coutumes de la population locale. Néanmoins un intérêt se fait jour pour le paysage français, en particulier celui du midi avec ses vestiges gallo-romains (Temple de Diane à Nîmes, homme allongé de Jacques Moulinier, vers 1793) mais aussi Le Palais du Luxembourg de Pierre-Antoine Demachy (1772). À côté de dessinateurs tels que Victor-Jean Nicolle, Nicolas-Didier Boguet, Claude-Louis Châtelet, Louis-Jean Desprez, Antoine-Laurent Castellan et d’autres, nous trouvons de nouveau Fabre. Celui-ci, qui s’est toujours voulu peintre d’histoire, éprouve aussi beaucoup d’intérêt pour le paysage comme le montrent les quatre dessins exposés ici dont Vue du lac de Bientina (vers 1806-1810) et Vue de la vallée des bains de Lucques (vers 1806-1809).
Le parcours se poursuit dans les magnifiques collections permanentes du musée où des cartels particuliers signalent les peintures et sculptures de cette époque (1770-1815) et se termine dans le Grand Comble où ont lieu des initiations gratuites au dessin, à côté de la reproduction du grand tableau de Charles Matet, L’Atelier des élèves de David. Une exposition instructive permettant de voir ou revoir ce splendide musée. R.P. Musée Cognacq-Jay 3e. Jusqu’au 21 juillet 2019. Lien : www.museecognacqjay.paris.fr.