FRÉDÉRIC BAZILLE (1841-1870). La jeunesse de l’impressionnisme. C’est la première rétrospective dans un musée national de ce peintre né à Montpellier. Elle a été réalisée grâce à la collaboration des institutions ayant les trois plus grandes collections de ses œuvres, le musée Fabre de Montpellier, le musée d’Orsay et la National Gallery of Art de Washington, qui présentent tour à tour cette exposition.
Frédéric Bazille nait dans une famille de la grande bourgeoisie protestante qui le destine à la médecine. Tout en suivant les cours de cette discipline, à Montpellier puis à Paris, il suit des cours de dessin puis, en 1862, de peinture dans l’atelier du peintre suisse Gleyre. C’est là qu’il fait la connaissance de Sisley, de Renoir et de Monet qui deviendra son ami. Pendant sept ans il se partage entre Paris et Montpellier où il se rend durant l’été. Pour une raison inconnue (crise personnelle ?), Bazille s’engage en 1870 dans un régiment de zouaves, alors que Monet s’enfuit à Londres avec sa famille et que Cézanne se cache à l’Estaque. Trois mois plus tard il est tué au cours de son premier assaut, à Beaune-la-Rolande, près d’Orléans. Il n’a même pas vingt-neuf ans. Son costume de zouave et quelques souvenirs sont exposés à la fin du parcours. Son œuvre comporte à peine une soixantaine de peintures et quelques dessins, surtout des esquisses pour ses toiles. Même s’il est caricaturé comme indolent par son entourage, c’est un esprit éclairé, un pianiste et un amateur de musique (Berlioz, Wagner) et de spectacles. Son meilleur ami, Edmond Maître, dira « Bazille était le mieux doué, le plus aimable dans tous les sens du mot ». En effet il partage ses ateliers successifs avec ses amis moins fortunés et leur vient en aide grâce à la rente que lui ont consentie ses parents. S’il avait vécu plus longtemps comme Renoir (78 ans) ou Monet (86 ans), quelle place aurait-il occupée dans l’histoire de la peinture ? En voyant certaines de ses toiles, nécessairement de jeunesse, la réponse est évidente.
La présente exposition est à la fois thématique et chronologique. Près de cinquante toiles de Bazille (quasiment toute sa production) sont présentes à côté d’œuvres de Cabanel, Cézanne, Courbet, Corot, Delacroix, Fantin-Latour, Glaize, Manet, Monet, Berthe Morisot, Renoir, Théodore Rousseau, Sisley et quelques autres. Cela permet de replacer son travail au cœur des grandes problématiques de la peinture d’avant-garde des années 1860 (la vie moderne, le renouvellement des genres traditionnels comme le portrait, le nu ou la nature morte, le plein air et la peinture claire, etc.). Bazille y contribue largement et fait preuve d’originalité.
Le parcours se déroule en douze étapes allant de ses débuts (Nu couché, 1864 ; Autoportrait, 1865) jusqu’à son dernier tableau, inachevé, Ruth et Booz (1870) d’après la Bible et un poème de Victor Hugo. On admire surtout ses grandes toiles, très innovantes comme ce portrait peint en plein air dans le bois dominant le Lez intitulé Vue de village (1868). Avec La Réunion de famille (1867), Bazille fait le portrait des membres de sa famille dans leur jardin, comme Monet avec ses Femmes au jardin, une toile qu’il avait acquise. Dans une grande toile de format carré, Scène d’été (1869), Bazille représente des hommes se baignant ou faisant de la lutte. Ses personnages appellent plus au farniente qu’aux tâches viriles des héros néoclassiques. Cette toile suscita des réactions d’admiration et de vifs rejets au Salon de 1870, où elle fut acceptée comme d’autres toiles de Bazille les années précédentes.
Parmi les grands thèmes mis en exergue par les commissaires, on note celui de l’atelier. On l’a vu, Bazille fait profiter ses amis de ses ateliers successifs et, à la manière de Fantin-Latour, les représente dans L’Atelier de la rue La Condamine (1869-1870) où il fait réaliser par Courbet son propre portrait. Aux murs sont accrochés des tableaux refusés au Salon. Autre thème, les trophées de chasse avec La Macreuse (1864), la Nature morte au héron (1867) qui voisine avec Le Héron aux ailes déployées (1867) de Sisley, qui utilisa le même modèle, ainsi que divers poissons. Avec le thème du Nu on voit aussi bien des scènes de plein air, Le Pêcheur à l’épervier (1868) que d’intérieur, La Toilette (1870) qui renvoie autant à Delacroix qu’à Manet. Comme les autres peintres de son époque (on pense en particulier à Fantin-Latour qui s’en fit une spécialité alimentaire), Bazille peint lui-aussi des fleurs. Cinq tableaux de ce genre sont présentés dont deux, intitulés Jeune femme aux pivoines (1870), avec un personnage. La part belle est également faite aux toiles peintes « sur le motif ». A ce sujet on trouve, parmi ses nombreuses lettres, ces mots que Bazille écrit à sa mère en 1863 : « Je suis allé passer huit jours au petit village de Chailly près de la forêt de Fontainebleau. J’étais avec mon ami Monet, du Havre, qui est assez fort en paysages, il m’a donné des conseils qui m’ont beaucoup aidé ». On voit ici certains de ses paysages de la forêt de Fontainebleau (Paysage à Chailly, 1865) ou de la côte normande (Marine à Sainte-Adresse, 1865) tout à fait intéressants. Une exposition éblouissante et pleine de lumière. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 5 mars 2017. Lien : www.musee-orsay.fr.