FRANZ WEST. Avec cette rétrospective, la première de cette importance pour cet artiste autrichien, le Centre Pompidou, puis la Tate Modern de Londres, rendent hommage à un artiste inclassable. Franz West (1947-2012), fâché avec l’école qu’il quitte à seize ans, est un autodidacte. Il commence par des dessins de petit format, souvent emprunts d’érotisme, dont on voit les premiers, rarement exposés, datés des années 1970-1973. À partir de 1973-1974, il réalise ses premières sculptures adaptables au corps que le spectateur peut manipuler pour « révéler ses névroses ». D’abord sans titre, un ami les désigne sous le nom de Passstücke, ou « pièces qui s’adaptent ». Plusieurs exemplaires de ces Passstücke en plâtre sont ainsi à la disposition des visiteurs qui peuvent les manipuler, éventuellement dans une cabine devant une caméra, reprenant ainsi une installation de West.
A partir des années 1980, West réalise des sculptures en papier mâché. Certaines sont de grandes dimensions comme ses Têtes de Lémures, gueule grande ouverte, pour inviter les spectateurs à y jeter des ordures et leur donner mauvaise haleine ! On retrouve ce goût pour le paradoxe dans la glorification du laid par West. Celui-ci aurait même détruit certaines de ses œuvres si on les trouvait belles.
Une autre caractéristique de l’œuvre protéiforme de West est son rapport à la psychanalyse et sa collaboration avec d’autres artistes. L’exposition nous en donne plusieurs exemples. Le plus spectaculaire, Auditorium, est un ensemble de 90 divans en métal recouverts de tapis persans, présenté en 1992 à l’occasion de la documenta 9 de Cassel. Cet ensemble, acquis par le CNAP, est aujourd’hui en dépôt au Centre Pompidou. Parmi les autres exemples, nous avons des sculptures réalisées par West et peintes par des amis ou encore l’incorporation de peintures d’autres artistes dans ses installations (Viennoiserie, 1998).
Le parcours de l’exposition est chronologique, alors que West présentait ses œuvres dans un ordre différent. Quelque 190 objets sont exposés sur un total recensé de 6 000. Après avoir traversé Auditorium, où l’on peut se reposer, la première salle est consacrée aux dessins de ses débuts. Viennent ensuite les tout premiers Passstücke (1978-1994), y compris les quatre que l’on peut manipuler (Passstücke mit Box und Vidéo, 1996). La suite est constituée d’îlots où sont présentées une dizaine d’ensembles. Nous avons ainsi, entre autres, un ensemble de sculptures abstraites en papier mâché (Desiderat, 1988), une installation avec des gouaches, des sculptures et des assises (Wegener Räume 2/6 - 5/6, 1988), quatre Lemurenköpfe (1992), un ensemble de huit sculptures en papier mâché (Gruppe mit Kabinett, 2001), un ensemble de 23 œuvres sur papier ou carton (L’Art pour l’art, 1973-1997), montrant comment West réutilise des œuvres anciennes pour en composer des nouvelles.
Nous pouvons également voir des maquettes de ses sculptures monumentales, exposées en plein air. Plusieurs d’entre elles sont présentées à l’occasion de cette rétrospective. La première se trouve dans le hall du Centre Pompidou (Rrose/Drama, 2001). Quatre autres sont dans les environs du musée (jardin du Musée Picasso, cour du Musée Cognacq-Jay, cour de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris). Une exposition très réussie qui permet de mieux connaître cet artiste très original. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 10 décembre 2018. Lien : www.centrepompidou.fr.