FOUJITA
Peindre dans les Années Folles (1913-1931)

Article publié dans la Lettre n° 457
du 20 juin 2018


 
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FOUJITA. Peindre dans les Années Folles (1913-1931). Foujita naît en 1886 à Tokyo. Son père est général de l’armée impériale du Japon. Après des études aux Beaux-Arts de Tokyo et un brillant début de carrière dans son pays, il part pour la France, terre de liberté et d’innovation, en 1913. « On me prédisait que je serais le premier peintre du Japon mais c’était le premier peintre de Paris que je rêvais d’être. Il me fallait aller aux sources ». Il s’installe à Montparnasse, quartier de prédilection des artistes de l’art moderne. Entouré de ses amis Modigliani, Zadkine, Soutine, Indenbaum, Kisling, Pascin et d’autres, il étudie avec minutie toute la jeune création parisienne durant les trois premières années. Après quelques œuvres de jeunesse, la présente exposition, qui commémore le cinquantenaire de sa mort en 1968, nous montre une centaine d’œuvres de Foujita réalisées durant cette période, accompagnées de quelques-unes de ses amis cités ci-dessus, provenant de quelque quarante-cinq collections privées et publiques du Japon, des États-Unis et d’Europe.
Le parcours est divisé en seize sections principalement chronologiques. Il commence par des œuvres touchantes de son enfance, tel ce carnet de dessins faits vers 1892 (il a alors six ans !) ou cette Poule et ses œufs peinte quand il avait douze ans. Dans cette section qui montre comment Foujita marie les styles occidentaux et japonais, on trouve un « autoportrait » de Foujita, sept ans, habillé à l’occidental et peint en 1940, alors qu’il est engagé par l’armée japonaise comme peintre officiel de la guerre. Sans doute est-ce l’image qu’il souhaite retenir de son enfance.
Foujita s’imprègne donc de la France, préférant la force synthétique d’Henri Rousseau aux impressionnistes. Le rapprochement entre un tableau du Douanier et ceux de Foujita à cette époque est révélateur.
En mars 1917, Foujita rencontre Fernande Barrey, peintre et modèle et l’épouse 13 jours plus tard. Celle-ci l’encourage à montrer ses aquarelles, peintes sur de simples papiers teintés, signées discrètement et lui obtient une première exposition à la Galerie Chéron. La critique et les artistes découvrent enfin, avec enthousiasme, le travail de ce japonais si secret.
L’année suivante, en 1918, il passe l’été sur la Côte d’Azur, à Cagnes, avec Soutine et Modigliani. Utilisant les mêmes couleurs et les mêmes modèles, Modigliani et Foujita montrent leur passion commune pour les Arts premiers. En 1919, dans un tout autre registre, qui étonne ses contemporains, Foujita propose à la Galerie Chéron des « Compositions mystiques ». Nous voyons deux d’entre elles, La Vierge et trois dames (1917) et une Mère et enfant (1917) ainsi qu’une Crucifixion, plus tardive (vers 1920). Dans ces aquarelles, Foujita, pour qui le Bouddhisme, le Shintoïsme et le Catholicisme ne font qu’un dans son esprit, utilise des feuilles d’or.
A l’annonce de l’armistice de la Première Guerre mondiale, Montparnasse bascule dans l’euphorie. De cette période, nous avons des toiles peintes dans des lieux festifs : 4e Bal de l’A.A.A.A. au Moulin de la Galette (1926), Trois Femmes (1930), Le Salon à Montparnasse (1930).
La section suivante « Autoportraits, miroirs et objectifs » regroupe un ensemble de portraits qu’il faisait pour offrir et s’interroger sur son image. Plus que tout autre artiste, il savait l’importance qu’avait son image, surtout la photographie, pour se faire connaître. Ses autoportraits révèlent l’image d’un artiste dandy, aux caractéristiques singulières (lourde frange, fine moustache, lunettes rondes, etc.), à l’avant-garde de la mode, et lui assurent la célébrité.
Vient ensuite, avec « Le culte du modèle », un ensemble de nus inspirés des odalisques d’Ingres, du Titien, de Vélasquez, de Manet et de Modigliani (censurées en 1917). Mais Foujita les réalise en utilisant des fonds blancs, telle la céruse dont les beautés du monde flottant se couvrent le visage. Il choisit ses modèles dans tous les milieux, recherchant la spontanéité et le débridé. Parmi ceux-ci, il rencontre, à La Rotonde, Lucie Badoud, qui n’a pas vingt ans et a perdu ses parents. La blancheur de sa peau lui inspire un nouveau nom. Il la nomme Youki, « neige » en japonais, et elle devient sa nouvelle compagne.
Une section est consacrée à « L’Art de l’enfance ». On y voit plusieurs portraits d’enfant, dont celui de Gérard Oury à huit ans (1927), incarnation peut-être de ceux que Foujita n’a pas eus.
Nous arrivons ensuite dans la salle des « Grandes compositions ». Il s’agit de quatre panneaux de trois mètres par trois destinés à la maison du Japon à la Cité Internationale Universitaire de Paris. Suite à un différend avec le commanditaire, cette commande devient un projet personnel pour Foujita. Dans ces deux diptyques intitulés Grande composition et Combats, l’artiste démontre pour la première fois dans des grands formats sa virtuosité et son art du dessin, avec des nus académiques qui rappellent le Jugement dernier de Michel-Ange ou Le Baiser de Rodin. À côté, est exposée une autre des grandes commandes que reçut Foujita à la fin des années 1920. Il s’agit d’un ensemble de huit panneaux destinés à orner l’un des salons du Cercle de l’Union interalliée. Alors qu’il avait utilisé des thématiques occidentales pour la Maison du Japon, il s’inspire ici de l’art japonais traditionnel.
Les dernières sections montrent les talents protéiformes de Foujita. À côté de la peinture et du dessin Foujita pratique aussi la gravure, la sculpture, la couture, la photographie, le théâtre et le cinéma. On peut ainsi admirer des meubles pour le paquebot Normandie et des pierres de LAP réalisés à partir de ses dessins.
À la surprise de tous, Foujita quitte la France le 31 octobre 1931 en compagnie d’une jeune danseuse et modèle, Madeleine Lequeux, laissant Youki à ses amours avec Robert Desnos tout en lui confiant toutes ses œuvres et, en particulier, ses grandes compositions, tableaux qu’il considérait comme les plus aboutis. Mais, ce faisant, Foujita fuit aussi la crise économique qui sévit maintenant en Europe et qui a provoqué la chute des commandes.
Les années suivantes, 1932-1968, sont racontées en fin de parcours dans une vidéo très intéressante. Une exposition remarquable et variée. R.P. Musée Maillol 7e. Jusqu’au 15 juillet 2018. Lien : www.museemaillol.com.


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