FANTIN-LATOUR. À fleur de peau. Artiste inclassable, dernier des  romantiques pour les uns, premier des symbolistes pour les autres, héritier de Chardin  et de Courbet dont il avait pu admirer l’œuvre lors de l’exposition universelle  de 1855 avec le « pavillon du réalisme », Henri Fantin-Latour  (1836-1904) est surtout connu pour ses natures mortes et ses portraits de  groupes. La présente exposition, tout en présentant ces œuvres-là, nous montre  des aspects moins connus mais tout aussi intéressants de son œuvre. Le parcours  s’articule en quatre grands thèmes dans une logique chronologique et présente  plus de 120 œuvres. La scénographie, particulièrement soignée et habile, aide à  la compréhension de la carrière de l’artiste en nous faisant progresser pas à  pas d’un thème à l’autre, tout en ménageant des ouvertures dans les cimaises,  permettant ainsi de voir les autres thèmes. En effet ceux-ci se recoupent dans  le temps et Fantin-Latour n’en a jamais vraiment abandonné un pour se consacrer  exclusivement à un autre.
                Nous commençons la visite par un  grand couloir consacré au thème « Espérance et courage (1854-1873) »  avec des autoportraits nombreux et variés (Autoportraits  assis devant son chevalet, 1858) et des portraits de ses proches, en  particulier ses deux sœurs, Marie et Nathalie, (Les Deux Sœurs, 1859 ; La  Liseuse, 1863). Le refus de ses premières toiles au Salon affecte beaucoup  le jeune peintre qui n’y est accepté qu’à partir de 1861. C’est à cette époque  qu’il fait des séjours en Angleterre où ses natures mortes remportent un très  grand succès. Il en a fait plus de 500. Nous en voyons une dizaine ici, surtout  de magnifiques compositions florales d’un rendu tout à fait réaliste. La plus  célèbre est la Nature morte dite « de  fiançailles » (1869) qu’il offrit pour ses fiançailles à Victoria  Dubourg, peintre rencontrée en 1866, au Louvre, où elle copiait elle-aussi des  tableaux et qu’il épousa enfin en 1876 ! C’est elle qui offrit les œuvres de  son mari en sa possession après sa mort à divers musées français afin que celles-ci  soient en sûreté.
                Nous arrivons ensuite, avec « Ambitions  et innovations (1864-1872) » à ces fameux portraits de groupes, très  originaux tant sur la forme que sur le fond, à l’opposé de l’impressionnisme  naissant auquel Fantin-Latour était hostile tout en connaissant Renoir, Monet  et Bazille. Son premier tableau est l’Hommage  à Delacroix (1864), mort l’année précédente, où l’on voit, parmi les dix personnages,  outre Fantin-Latour, Legros, Whistler, Manet et Baudelaire. Suivent dans la  salle suivante Un atelier aux Batignolles (1870), qui sera acquis par l’Etat en 1892, et Un coin de table (1872) où l’on reconnait Verlaine et Rimbaud. Les  commissaires nous présentent aussi les travaux préparatoires d’un autre tableau  de groupe, Le Toast, présenté au  salon de 1865, où il reçut un accueil mitigé. Fantin-Latour décida alors de le  détruire et il ne reste que des esquisses !
                La section suivante, « Nature  et vérité (1870-1890) », présente encore des natures mortes à base de  bouquets de fleurs, toujours aussi somptueuses et délicates, et un ensemble de  portraits à contre-courant des œuvres de commande que Fantin-Latour détestait.  L’artiste préfère peindre sa famille et ses amis, gardant malgré tout une  certaine distance vis-à-vis de ses personnages et les représentant dans des  attitudes tout à fait naturelles. A propos du Portrait de Léon Maître (1886), un critique écrivait « C’est  le contraire de l’art. Ce monsieur n’a pas l’air de soupçonner qu’on le portraiture ;  il va, il se promène, il fait ce qu’il fait. Et le voilà sur la toile, c’est  lui ! Non, l’art ne saurait aller plus loin. » Ces toiles de grandes  dimensions sont d’un naturel confondant.
                Avant de passer au dernier thème  traité dans cette rétrospective, nous sommes invités à étudier le travail de  Fantin-Latour dans deux petites salles.   Dans la première, à côté de quelques toiles de nue comme Etude de femme nue (1872) ; Au bord de la mer (1903) ou Le Réveil (1904), sont exposées des  dizaines de photographies de nus lui ayant appartenu. Ce fond considérable en  nombre de clichés, légué par sa veuve à la Ville de Grenoble, où Fantin-Latour  est né, servait aussi de modèles à l’artiste comme on le voit avec les petites  toiles exposées. Il semble que c’était plus simple pour Fantin-Latour de  travailler à partir de photographies qu’avec des modèles vivants.
                L’autre petite salle nous montre  comment le peintre s’y est pris pour réaliser une œuvre ambitieuse, L’Anniversaire (1876) intitulée aussi Hommage à Berlioz, où il utilise la  lithographie au même titre qu’un dessin préparatoire et où il tente de  concilier deux aspects apparemment antagonistes de la peinture, le réalisme et  l’imagination.
                Cela nous amène assez  naturellement au dernier thème « Fééries (1854-1904) » qui est le  préféré de Fantin-Latour, et cela, dès ses débuts. A travers ses premières  compositions d’imagination, il rend hommage aux musiciens qu’il aime et qu’il  est parmi les premiers à défendre comme Richard Wagner (Les Filles du Rhin, 1876 ; Finale  de la Walkyrie, 1877 ; Prélude  de Lohengrin, 1892), Robert Schumann ou Hector Berlioz. De nouveau il  réalise un dernier portrait de groupe, Autour  du piano, 1885, où il réunit un ensemble de personnalités du monde musical  comme Emmanuel Chabrier, Vincent d’Indy ou le critique musical Adolphe Jullien.
                L’exposition se termine sur les  toiles qu’aimait peindre Fantin-Latour qui s’écria en 1899 « Je ne fais  plus de fleurs. Je puis, grâce au ciel, faire ce qui me plaît ». Nous  avons ainsi une dizaine de nus à sujets mythologiques comme La Nuit, 1897 ; Le Lever, 1898 ; Ariane abandonnée, 1899 ; La Toilette de Vénus (Le Jugement de Pâris),  1901, ou religieux avec La Tentation de  saint Antoine, 1897. Une très belle rétrospective, la première depuis celle  de 1982 au Grand Palais. R.P. Musée du Luxembourg  6e. Jusqu’au 12  février 2017. Lien : www.museeduluxembourg.fr.