ESPRIT ES-TU LÀ ? Les peintres et les voix de l’au-delà. En  1848, les sœurs Fox, installées dans une ferme réputée hantée près de la ville  de Rochester, établissent un contact avec un supposé « esprit ». L’événement  prend de l’ampleur. Les sœurs Fox ouvrent un cabinet de consultations spiritualistes.  Elles parcourent les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne. Le « spiritisme »  devient un véritable phénomène de société en moins de cinq ans et fait de  nombreux adeptes. Parmi les plus célèbres citons Victor Hugo, Thomas Edison, Camille  Flammarion, Arthur Conan Doyle, Jean Jaurès, Pierre Curie, Sigmund Freud. En  1888, Margaret Fox confesse que leurs séances étaient un canular !
                Cela n’empêche nullement le  spiritisme de continuer et de se développer. Dans une première salle, on voit  toutes sortes d’objets : main spirite, tablette ouija, guéridon,  trompette, télégraphe, etc. tous supports destinés à communiquer avec l’au-delà.  Des créations dictées par des voix intérieures, des guides de l’au-delà, se  développent, particulièrement dans les milieux populaires. Des artistes  renommés comme Théophile Bra ou Fernand Desmoulin s’affranchissent de leurs  productions habituelles et exécutent des dessins, parfois en état de transe.  Mais les trois figures majeures de ce courant sont deux anciens mineurs et un  plombier-zingueur, tous trois issus du bassin minier du nord de la France, Fleury-Joseph  Crépin, Augustin Lesage et Victor Simon. Ils sont mis à l’honneur dans cette  exposition réalisée grâce au concours du LaM de Villeneuve d’Ascq, qui possède  la plus importante collection d’art spirite au monde.
                Tous trois ont en commun de ne  pas avoir appris la peinture. Rien ne les prédestinait à peindre, jusqu’à ce  que des voix leur enjoignent de le faire. Leurs tableaux sont étranges, souvent  symétriques, d’une minutie exceptionnelle, d’une grande qualité plastique,  conçus comme des édifications spirituelles, associant des influences et des  motifs d’origines disparates : chrétiennes, hindoues, orientales ou encore  inspirées de l’Égypte antique. Tous trois sont aussi guérisseurs.
                En 1911, Augustin Lesage (1876-1954),  seul dans une galerie de mine, entend une voix qui lui dit « N’aie  crainte, nous sommes près de toi, un jour tu seras peintre ». Il commence  par quelques dessins puis se lance dans la peinture à l’huile, réalisant en  1913 une première toile, disparue, de 9 m2. Ce sont les esprits qui choisissent  les couleurs et les pinceaux. Il est remarqué et peu à peu devient le peintre  officiel du mouvement spirite. Son œuvre  est apprécié par André Breton dès les années  1930. À côté des formes géométriques architecturales, des motifs floraux et des  figures religieuses de ses débuts, ce sont les symboles issus de l’Égypte  antique qui dominent dans ses tableaux à partir des années 1920.
                Le destin de Fleury-Joseph Crépin  (1875-1948) est encore plus curieux. Un soir de décembre 1938, alors qu’il  recopie de la musique, sa main cesse de lui obéir pour tracer d’étranges  motifs. En 1939 des voix mystérieuses lui disent : « Quand tu auras  peint 300 tableaux, ce jour-là la guerre finira. Après la guerre, tu feras 45  tableaux merveilleux et le monde sera pacifié ». Tous ses tableaux sont  numérotés et datés. Nous en voyons quelques-uns dont le numéro 300, achevé le 7  mai 1945, la veille de l’armistice. En 1947, il commence la série des Tableaux merveilleux. À sa mort, en  1948, deux Tableaux merveilleux restent inachevés.
                Le plus jeune des trois, Victor  Simon (1903-1976), assiste en 1920 à une séance de spiritisme qui le marque  profondément. Quelques années plus tard, il reçoit une mission des esprits qui  lui ordonnent de peindre. C’est l’année de sa rencontre avec Augustin Lesage  qui le considère comme son « continuateur ». S’il n’a jamais cessé de  peindre et d’exposer ses œuvres, sans le souhait de les vendre, il est avant  tout un thaumaturge universel. Il fonde la revue Forces spirituelles, qu’il animera jusqu’à sa mort, et rédige trois  livres théoriques. Son œuvre peint est considérable et malgré l’anticléricalisme  de son auteur, elle est très œcuménique.
  À côté de ces trois grandes  figures, l’exposition consacre quelques cimaises à des femmes très impliquées  dans le spiritisme, comme Madge Gill, Elise Müller, Yvonne Cazier ou encore la  bien connue Séraphine Louis. On y voit aussi des œuvres d’artistes plus anciens  comme Victorien Sardou et d’autres de contemporains tels le duo Hervé et  Maillet, Renier Lericolais ou encore Elmar Trenkwalder. Une exposition qui nous  fait découvrir des peintres originaux loin d’être dépourvus de talent. R.P. Musée Maillol 7e. Jusqu’au 1er novembre 2020.  Lien: www.museemaillol.com.