DUFY AU HAVRE. Né au Havre en 1877, Raoul Dufy conserve toute sa vie un profond attachement à sa ville natale. Lors d’une permission durant la Première Guerre mondiale, il fait promettre à son épouse Émilienne, née à Nice, de ne « jamais oublier le Havre ». C’est pourquoi le MuMa est riche d’un fond d’œuvres de Dufy comptant 128 numéros dont 70 légués directement au musée par Mme Dufy en 1963. Si la présente exposition puise dans ce fond pour cet hommage à Dufy, elle fait également appel aux grandes institutions nationales, à d’autres musées de province ainsi qu’à des institutions étrangères et des collectionneurs privés. Ainsi, tout en mettant l’accent sur des sujets en relation avec Le Havre, nous avons une vue d’ensemble de la carrière du peintre, de son évolution au fil des ans et de ses recherches sur la question de la lumière et de la couleur.
Si le parcours manque de clarté dans ces espaces largement ouverts de tous côtés, en revanche il aborde avec précision les différents styles et motifs de Dufy, sans trop se soucier de la chronologie. Un grand panneau nous montre un ancien plan du Havre avec les lieux où Dufy a posé son chevalet, parfois en compagnie d’un autre havrais, Othon Friesz, ou de son ami Albert Marquet. Si Dufy connaît intimement sa ville natale, celle-ci lui apporte ce dont le peintre a besoin, selon lui, à savoir « une certaine qualité de lumière, un scintillement, une palpitation aérienne qui baigne ce qu’il voit ».
Quelques tableaux évoquent les débuts de Raoul Dufy. En premier lieu, Fin de journée au Havre, peint en 1901 dans un contexte social agité. C’est un tableau réaliste montrant des charbonniers épuisés quittant leur labeur. C’est avec ce tableau ambitieux que Dufy fait ses débuts à Paris au Salon des Artistes Français. Sa Fillette assise, peint vers 1898-1900, témoigne déjà de sa grande maîtrise de moyens et d’un sens aigu de la psychologie du modèle.
Les sections suivantes nous montrent comment Dufy s’imprègne des grands courants picturaux de son époque. Il y a d’abord l’impressionnisme avec les toiles de ses aînés que sont Boudin, mort en 1898 et Monet. Comme eux il installe son chevalet sur la plage et reprend leur iconographie. Mais, très vite, il prend conscience des limites d’une représentation du réel essentiellement visuelle et descriptive et cherche le moyen de rendre non pas ce qu’il voit, mais ce qui existe pour lui, sa réalité.
En 1905, Dufy découvre Luxe, calme et volupté de Matisse. Il comprend alors la « nouvelle mécanique picturale » et exerce son nouveau style, une sorte de fauvisme, de 1905 à 1907. Il peint le port, la fête, les rues et les bateaux pavoisés. Il remplit ses tableaux de personnages dans un bouillonnement de couleurs. Cela ne dure pas. Dès 1907 ses œuvres s’orientent vers de nouvelles préoccupations formelles nettement empreintes des recherches de Paul Cézanne. Il passe l’été de 1908 à l’Estaque, en compagnie de Georges Braque, sur les pas de Cézanne. La section « Déconstruire, simplifier, construire : le Cézannisme de Raoul Dufy » évoque cette mutation avec des toiles « cézanno-cubistes » de Dufy. Néanmoins la rigueur géométrique s’estompe peu à peu au profit d’un espace plus clair et d’une stylisation décorative où s’épanouissent courbes et arabesques qui deviennent la marque de son originalité.
C’est ce que l’on retrouve dans le thème des baigneuses, qu’il traitera de 1914 avec La Grande Baigneuse jusqu’en 1950 avec divers Baigneuse.
Une section met l’accent sur « Le bleu « Lumière – couleur » ». Cette couleur, que Dufy utilise en abondance à partir du milieu des années 1920 est, selon lui, « la seule qui, à tous les degrés, conserve sa propre individualité ». Un grand nombre de toiles, traitant tous les sujets tels que L’Artiste et son modèle dans l’atelier du Havre, Les Régates au Havre, L’Estacade du Havre, Fête nautique au Havre, Maison et jardin au Havre, montre son attirance pour cette couleur.
Le bleu se retrouve encore dans son ultime série « Les Cargos noirs ». Le motif du cargo apparaît dès le milieu des années 1920 mais il devient « le prétexte à de nouvelles recherches picturales » après-guerre. Ce qu’il voudrait avec ces petits cargos noirs dans des paysages, « c’est tordre le cou à la peinture », explique-t-il en 1948. Cette série consacre l’aboutissement des recherches de l’artiste sur la question de la lumière et de la couleur. Dufy mourra peu de temps après en 1953.
Le parcours est complété avec d’autres toiles léguées au Havre par Mme Dufy ainsi qu’avec des dessins exposés par roulement. Un bel hommage à ce grand peintre havrais. R.P. MuMa, musée d’Art moderne André Malraux, 76 Le Havre. Jusqu’au 3 novembre 2019. Lien : muma-lehavre.fr