DU DOUANIER ROUSSEAU À SÉRAPHINE
Les grands maîtres naïfs

Article publié dans la Lettre n°495 du 22 janvier 2020



 
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DU DOUANIER ROUSSEAU À SÉRAPHINE. Les grands maîtres naïfs. Déjà en 2012, en marge de l’exposition consacrée à Artemisia, le musée Maillol nous avait présenté des tableaux de Séraphine Louis dit Séraphine de Senlis et de Camille Bombois (Lettre 340). Le Grand Palais et le musée d’Orsay ont tous les deux rendu hommage à Henri Rousseau, dit Le Douanier Rousseau, successivement en 2006 (Lettre 256) et en 2016 (Lettre 396). Aujourd’hui, six autres peintres, André Bauchant, Dominique Peyronnet, Louis Vivin, René Rimbert, Jean Ève, Ferdinand Desnos,  viennent s’ajouter à ces trois-là. Ils ont en commun d’avoir été exposés par Dina Vierny (1919-2009), modèle de Maillol et Matisse et galeriste à partir de 1947. C’est également elle qui est à l’origine, en 1995, de la Fondation Dina Vierny - Musée Maillol.
Henri Rousseau (1844-1910), que l’on s’obstine à appeler Le Douanier Rousseau, un surnom que lui avait donné Alfred Jarry car il était employé d’octroi, était bien connu, vu son ancienneté et l’estime que lui portaient d’autres peintres, comme Picasso, qui le collectionnait. S’adressant à ce dernier, au cours d’un banquet organisé en son honneur en 1908, il déclara : « Nous sommes les deux plus grands peintres de l’époque, toi, dans le genre égyptien, moi dans le genre moderne », ce qui n’était pas faux en ce début du XXe siècle.
Dina Vierny  découvre André Bauchant chez Jeanne Bucher pendant l’occupation. Plus tard, Anne-Marie Uhde lui cède la collection de son défunt frère Wilhelm. Celui-ci avait découvert cinq artistes qui s’ignoraient et les avait exposés en 1928 (« Les Peintres du Sacré-Cœur ») et en 1932 (« Les Primitifs modernes »).
Le terme de « naïf » est manifestement impropre (on utilise aussi les qualificatifs de « primitifs modernes » comme l’a fait Uhde ou de « maîtres populaires de la réalité ») mais les historiens de l’art ont du mal à désigner ces peintres. Ils ont en commun d’être issus de milieu modeste, de n’avoir aucune formation artistique, à l’exception de Rimbert qui avait découvert la peinture hollandaise du XVIIe siècle et celle de Rousseau, d’être autodidacte, de s’être mis sur le tard à la peinture et d’avoir beaucoup d’imagination. Ils s’affranchissent de la perspective et de la réalité. Ils mêlent dans un même vase des fleurs qui poussent à des saisons différentes. Ils représentent des animaux dans des forêts imaginaires. Ils ont un souci incroyable du détail, représentant un arbre feuille à feuille avec les nervures de celles-ci, ou un mur avec toutes ses briques. Ils prennent leur modèle autour d’eux, se consacrant essentiellement à la peinture de genre : natures mortes, scènes domestiques, paysages et portraits de leurs proches. Le résultat tient du merveilleux et si Henri Rousseau a été moqué, il est devenu, grâce à son obstination, l’un des peintres qui figurent aujourd’hui dans les collections les plus prestigieuses. Les quelque 75 peintures exposées ici proviennent justement, pour la plupart, de ces collections.
L’exposition adopte un parcours thématique en huit sections. Elle commence par un hommage à Dina Vierny et à Wilhelm Uhde en exposant les tableaux que ceux-ci avaient collectionnés. Viennent ensuite « Les Portraits-paysage », selon l’appellation de Rousseau, qui représentait ses modèles, ou lui-même, dans des paysages très élaborés, peuplés parfois d’animaux (Bauchant (1873-1958) : Autoportrait dans les dahlias, 1922 ; Jean Ève (1900-1968). Autoportrait, 1936 ; Desnos (1900-1958) : Portrait de Paul Léautaud et ses chats, 1953).
Sous le titre « Les tables magnétiques », la section suivante est consacrée aux natures mortes, soigneusement composées, où les objets peuvent être vus, dans le même tableau, aussi bien de face pour certains et de profil pour d’autres (René Rimbert (1896-1991) : Nature morte au jeu de cartes, 1930).
Alors que ces peintres vivaient tous loin de la mer, plusieurs ont peint celle-ci. C’est le cas de Rousseau, de Bauchant et surtout de Peyronnet dont on admire les plages lisses et droites bordant la mer avec parfois une baigneuse sortant de l’eau (Dominique Peyronnet (1872-1943) : Après le bain, 1931).
Avec « Le Plaisir des jours », on entre dans une section entièrement consacrée à Camille Bompois. C’est le seul qui a abordé frontalement et sans pudeur le nu. Ses toiles reflètent une réalité saisie avec une minutie peinte au poil (Camille Bombois (1883-1970) : Nu de face, 1935).
Après « Les génies de la forêt » où l’on voit ces peintures de forêts peuplées d’animaux de toutes sortes (Henri Rousseau : Deux Lions à l'affût dans la jungle, 1909-1910 ; Ferdinand Desnos : Les Sangliers au clair de lune ; André Bauchant : La jungle aux singes, 1924 ; etc.) vient une autre section consacrée à une même artiste, la seule femme de ce groupe, Séraphine Louis (1864-1942) très célèbre aujourd’hui. Cette modeste domestique a peint, avec du Ripolin, des toiles représentant des fleurs et des fruits dans des compositions délirantes, exubérantes et fantasmées, du plus bel effet et sans équivalent.
L’exposition se termine avec le thème des « Vues sur la ville », où s’illustre tout particulièrement René Rimbert (Vue sur la ville ou la fenêtre ouverte, 1929 ; L’Affiche rose, 1928), et celui de la « chasse » avec deux tableaux de Louis Vivin (1861-1936) (La Chasse aux sangliers, 1925). Une exposition enthousiasmante. R.P. Musée Maillol 7e. Jusqu'au 23 février 2020. Lien : www.museemaillol.com.


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