DORA MAAR

Article publié dans la Lettre n°483 du 10 juillet 2019



 
Pour voir le parcours en images et en diaporamas de l'exposition, cliquez ici.

DORA MAAR. C’est la première grande rétrospective présentée dans un musée national, puis au J. Paul Getty Museum de Los Angeles et à la Tate Modern à Londres, consacrée à cette artiste. Décrite trop souvent comme la « Maîtresse et la muse de Picasso », Dora Maar (1907-1997), née Henriette Théodora Markovitch, est enfin reconnue comme une artiste à part entière, non seulement en tant que photographe mais aussi en tant que peintre. Plus de 400 œuvres et documents provenant de 80 prêteurs institutionnels et particuliers permettent d’apprécier les talents multiples de cette femme aux origines slaves, qui a passé son enfance en Argentine, où son père, architecte, avait fait carrière.
En 1923 elle s’inscrit à l’École des arts appliqués pour femmes, autrement appelé « Comité des dames ». Elle y apprend la peinture et fait la connaissance de Marianne et Marie-Rose Clouzot, cousines d’Henri-Georges Clouzot, qui s’en souviendra pour un personnage de son film Quai des Orfèvres (1947). Néanmoins elle suit des cours de photographie à l’Académie Julian ainsi qu’à l’École technique de photographie et de cinématographie de la Ville de Paris. On le voit, elle a une formation artistique variée qui lui servira tout au long de sa vie.
Le parcours de l’exposition, après une brève introduction sur les débuts parisiens de « Dora Markovitch » relatés ci-dessus, se déroule en six étapes bien distinctes, selon un ordre chronologique. Au début de sa vie professionnelle, Dora Maar choisit la photographie et publie ses premiers clichés en 1930. Elle s’associe avec Pierre Kéfer, directeur artistique et décorateur de cinéma, pour créer la « Kéfer - Dora Maar », un studio de photographie. De 1930 à 1939 elle réalise des photographies de mode et d’architecture, des travaux publicitaires (on parle alors de « réclames »), des portraits et des nus. Elle travaille pour le compte de magazines grand public, d’éditeurs, de maisons de couture, de marques de cosmétiques et de particuliers. Parmi les photos exposées, on remarque ses nombreuses photos de mode, ses recherches pour des publicités pour un shampooing et pour Pétrole Hahn et ses magnifiques nus, en particulier ceux d’Assia Granatouroff dont elle théâtralise le corps.
Quittant de temps à autre son studio, elle va capter dans les rues de Barcelone, Londres et Paris, des scènes de la vie quotidienne dans les quartiers populaires. En 1994 elle déclarait « J’étais très à gauche à 25 ans, pas comme maintenant, mais je n’ai jamais appartenu au parti communiste ». En revanche elle fut la porte-parole du groupe Contre-Attaque, créé par Breton et Bataille. Son engagement se traduit dans ses photos par son intérêt pour les pauvres et les êtres marginalisés.
Mais en arpentant les rues de Paris, Barcelone et Londres avec son Rolleiflex, Dora Maar entre dans un monde autre que celui de son studio et réalise des photographies étonnantes comme ce Manège la nuit, ce Kangourou, à Londres ou encore cette Vue du Pont Alexandre III, à Paris, réduit au bras d’une statue avec des péniches sur la Seine en contre-bas.
Entre 1933 et 1938, Dora Maar se joint aux surréalistes et participe à leurs expositions. À l’école elle avait appris l’art du photomontage, un procédé bien utile « pour dépasser d’une manière dialectique le réalisme de la représentation », selon le souhait de Breton. Les exemples présentés ici comme l’iconique Le Simulateur, 29 rue d’Astorg ou encore Portrait d’Ubu (un gros plan sans trucage d’un animal non identifié) sont très révélateurs de ce mouvement artistique.
L’artiste réalise aussi des photos de tous ses amis surréalistes tels que Jean Cocteau, Léonor Fini, Man Ray (qui fait également le sien), Paul et Nusch Éluard, etc… et Picasso qu’elle rencontre au tournant des années 1935-1936. Leur liaison durera huit ans au cours desquelles Picasso apprend l’art de la photographie et l’engagement politique et Dora Maar se remet à la peinture. Dans la 5e section « Maar / Picasso », nous voyons divers dessins et photographies de Dora Maar par Picasso et un étonnant portrait de Pablo Picasso, peint au pastel par celle-ci dans un style tout à fait picassien. En 1937 Picasso peint Guernica, en noir et blanc, comme une immense photographie. Dora Maar en documente la progression selon huit étapes d’exécution successive du 11 mai jusqu’au 1er juin. Un diaporama présente les huit photos ainsi réalisées et retravaillées par Dora Maar, pour des problèmes d’éclairage, de cette immense toile.
La dernière partie de l’exposition, « Nouvelles surfaces » est la plus inattendue. Après sa séparation d’avec Picasso, Dora Maar se retire de la vie publique. Elle n’expose plus et l’on ignore tout de ses occupations. Dans les faits elle n’arrête pas de travailler, essentiellement la peinture. On le verra lors des ventes réalisées en 1998, après sa mort, de centaines de lots, non inventoriés, d’œuvres diverses révélant une vie entière consacrée à la création, à l’art et à la poésie. La dispersion de ces centaines de toiles, d’œuvres sur papier, d’œuvres graphiques, etc. à des centaines d’acheteurs rend difficile de retrouver aujourd’hui l’état originel de son atelier. La multitude d’œuvres de cette période exposées ici éclaire d’un jour nouveau le travail de cette grande artiste. Une exposition riche et passionnante avec des panneaux et des cartels très intéressants. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 29 juillet 2019. Lien : www.centrepompidou.fr.


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