LE DÉCOR IMPRESSIONNISTE. Aux sources des Nymphéas. En 1874, le critique Louis Leroy, à qui l’on doit le qualificatif « impressionniste », compare les tableaux qu’expose Monet à du simple « papier peint ». Souvent définie comme « coloriste et décorative », la nouvelle école est assimilée à une production mineure fondée sur le seul agrément superficiel des sens et des effets de surface. Il faudra attendre la fin des années 1880 pour que l’impressionnisme soit considéré comme une nouvelle forme d’expression artistique. Néanmoins les impressionnistes se sont toujours intéressés aux arts décoratifs. À leurs débuts cela leur permet d’avoir des commandes pour orner les intérieurs domestiques avec ces « peintures idiotes », selon Rimbaud, que sont, entre autres, les portes ou les dessus de portes. Mais ils le font en utilisant leurs motifs de prédilection comme les fleurs, les scènes de plein air, etc. tirant profit des formats inusités en peinture de chevalet, tels les carrés, les frises ou les longs rectangles, pour peindre des compositions audacieuses.
L’exposition, la première consacrée exclusivement à cette production, nous montre avec les œuvres d’une quinzaine d’artistes, que les impressionnistes n’ont jamais délaissé l’art décoratif et se sont même aventurés dans la création d’éventails et d’objets en céramique.
La première salle nous présente des décors de Pissarro, dont Les Quatre saisons ornant des dessus de porte, de Monet pour la salle à manger de l’Hostellerie des Vieux-Plats et surtout de Cézanne qui avait recouvert d’immenses peintures les murs du salon de la maison de campagne familiale près d’Aix-en-Provence.
Les impressionnistes exposent régulièrement des peintures décoratives dans l’espoir de décrocher des commandes publiques pour des mairies, gares, écoles, etc. mais sans succès. En revanche, cela les fait connaître d’acheteurs privés qui acceptent d’orner leurs demeures avec ce type de peinture qui en déconcerte tant. Seule Mary Cassatt reçoit de Chicago la commande d’une gigantesque peinture murale célébrant la « femme moderne ». Les tableaux de Caillebotte représentant diverses scènes au bord de l’Yerres, tout comme ceux de Monet, sont un enchantement.
Après une salle où sont exposés des éventails, des céramiques de Pissarro et des assiettes de Félix Bracquemond et de Marie Bracquemond, nous entrons dans une grande salle où l’on voit une multitude de peintures de toutes dimensions et deux vases, l’un de Renoir, l’autre de Cassatt, tous les deux cuits par André Metthey. Parmi les peintures, celles de Renoir sont les plus imposantes avec, en particulier, ses Baigneuses. Essai de peinture décorative, dit aussi Les Grandes Baigneuses (1884-1887), sa Danseuse au tambourin et sa Danseuse aux castagnettes et son grand Nu d’homme dans un paysage, dit aussi Le Fleuve (1885). On y voit aussi trois tableaux de Berthe Morisot pour la décoration du salon blanc de son propre appartement à Paris.
La salle suivante est tout entière consacrée à des décors de fleurs et de jardins avec, entre autres, deux tableaux de fleurs de Monet et les six panneaux d’une porte pour le grand salon de Paul Durand-Ruel, également de Monet, réunis exceptionnellement ici car ils ont été dispersés. Mais les décors les plus aboutis sont les grands panneaux de deux portes peints par Gustave Caillebotte.
Après des vases d’Émile Gallé et des tableaux de Monet représentant son Bassin aux nymphéas, l’exposition se termine, tout naturellement, par l’aboutissement du travail de ce dernier, ses « grandes décorations », selon ses dires, que sont Les Nymphéas installées à l’Orangerie depuis près de cent ans et dont on ne se lasse jamais. Une exposition attirante et gaie. R.P. Musée de l’Orangerie 1er. Jusqu’au 11 juillet 2022. Lien : www.musee-orangerie.fr.