LES CONTES ÉTRANGES DE NIELS HANSEN JACOBSEN

Article publié dans la Lettre n°499 du 18 mars 2019



 
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LES CONTES ETRANGES DE NIELS HANSEN JACOBSEN. Un Danois à Paris (1892-1902). Fils d’agriculteur, né à Vejen, petite ville industrielle du Jutland au Danemark, dont le musée est partenaire de cette exposition, Hansen Jacobsen (1861-1941) bénéficie d’une bourse de voyage qui le conduit en Allemagne, en Italie et enfin à Paris, où il s’installe en 1892 pour dix ans. C’est à cette période qu’est consacrée cette exposition, la première en France pour ce sculpteur et céramiste contemporain d’Antoine Bourdelle (1861-1929).
À cette époque, Paris est, avec Bruxelles, l’une des capitales du premier symbolisme, dans le sillage de Gustave Moreau et de Paul Gauguin. L’œuvre de Hansen Jacobsen est fortement marquée par un goût pour l’étrange, l’ambigu, voire le macabre. Ses sculptures renouent avec la mythologie nordique, les légendes scandinaves et le fantastique des contes d’Andersen. L’exposition confronte ses œuvres - plâtres, bronzes, céramiques - avec celles d’autres artistes comme les céramiques de Jean Carriès, de Paul Gauguin, de Jeanneney, qui collectionne les céramiques japonaises, les compositions graphiques d’Eugène Grasset, de Carlos Schwabe, d’Odilon Redon, de Frantisek Kupka, les peintures de Georges de Feure, de Jens Lund, de Gustave Moreau, les sculptures de Boleslas Biegas et une vaste sélection de pièces en tout genre de Bourdelle. Toutes ces œuvres s’inscrivent en outre dans la modernité ornementale de l’Art nouveau.
Le parcours en sept sections commence par une évocation du 65 boulevard Arago, une de ces cités d’artistes qui surgissent de Montmartre à Montparnasse à cette époque. Ce lieu est préservé aujourd’hui sous le nom de Cité Fleurie. Jacobsen et son épouse, la peintre Anna Gabriele Rohde, s’y installent et font venir d’autres artistes danois, ce qui crée une grande émulation surtout au contact des artistes français présents dans cette cité.
La suite du parcours s’articule principalement autour de cinq pièces majeures de Jacobsen. La première est La Petite Sirène (1901), une commande d’un amateur danois dont on voit le plâtre. La nudité du modèle se coule dans un étrange calice qui tient du coquillage et de la queue de poisson.
Vient ensuite une section consacrée à la céramique. Jacobsen se met au grès dès 1894, peut-être sous l’influence du céramiste Carriès (1855-1894) ? L’avantage de la céramique sur le marbre et le bronze, c’est que l’artiste peut procéder lui-même, s’il le veut, à la cuisson de ses objets. Il peut obtenir une multitude de formes, de couleurs, jouer avec les coulures, les agrégats de matières. Jusqu’à sa mort, Jacobsen poursuit ses recherches alchimistes en prenant soin que ses recettes d’émaillage disparaissent avec lui ! Une petite section contiguë à la précédente nous explique la technique du grès émaillé avec des pièces ayant appartenu à Jacobsen, telle cette palette d’émaux, d’autres trouvées dans les vestiges de ses fours, et des réalisations contemporaines.
Un bronze monumental nous accueille dans la section suivante. Il s’agit du Troll qui flaire la chair des chrétiens (1896). Comme les nabis, Jacobsen s’affranchit du réel et affirme la vocation ornementale de l’art. Il exposera d’ailleurs sa sculpture dans la section des Arts décoratifs à l’exposition de printemps de Charlottenborg à Copenhague en 1897.
Avec « Masques et Méduse. Affronter la Gorgone », nous voyons l’intérêt des artistes pour la représentation de cette simple face qui résume l’être tout entier. À côté des masques de Jean Carriès, de Bourdelle et d’autres, nous avons, avec le Masque de l’Automne (vers 1896-1903) de Jacobsen, une allégorie proprement cauchemardesque.
Vient ensuite, allongée sur le sol, une sculpture fluide et rampante, L’Ombre (1897). Elle s’inspire d’un conte éponyme d’Andersen (1847) où le savant qui a donné congé à son ombre en devient la victime. Des œuvres tout aussi effroyables, comme Chopin de Boleslas Biegas (1902), Le Jour et la Nuit (1904) et La Nuit de face (1904) d’Antoine Bourdelle ou encore La Nuit (1894) de Victor Prouvé accompagnent ce bronze.
La dernière section, la plus spectaculaire, s’organise autour d’un autre bronze monumental, La Mort et la Mère (1892). Dans ce conte d’Andersen, la Mort s’empare de l’enfant d’une mère qui court derrière elle pour tenter de le reprendre, affrontant, en vain, toutes sortes d’épreuves. Une exposition tout à fait remarquable et bénéficiant d’une très belle scénographie. R.P. Musée Bourdelle 15e. Jusqu’au 31 mai 2020. Lien : www.bourdelle.paris.fr.


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