LA COLLECTION COURTAULD, le parti de l’impressionnisme. Issu d’une famille française huguenote exilée en Grande-Bretagne au XVIIe siècle, après la révocation de l’Édit de Nantes, Samuel Courtauld (1876-1947) fut d’abord le promoteur du développement international exceptionnel de l’entreprise familiale de textile qu’il présida de 1921 à 1946. Celle-ci avait prospéré au début du XXe siècle grâce à une fibre synthétique révolutionnaire, la viscose. C’est en 1901, en voyant les maîtres de la Renaissance, lors d’un séjour à Florence avec Elizabeth, sa femme, qu’il avait épousée la même année, qu’ils ont l’idée de constituer une collection fondée sur une même conception « spirituelle » de l’art. Leur projet sera réalisé en un temps record, majoritairement entre 1923 et 1929, et s’arrêtera, pour l’essentiel, avec la disparition d’Elizabeth en 1931.
Samuel et Elizabeth partagent la double aventure de la collection et du mécénat. Elizabeth soutient ainsi des concerts de musique classique à travers les Courtauld-Sargent Concerts donnés au Queen’s Hall. Samuel crée le Courtauld Fund destiné à l’acquisition d’œuvres du « mouvement moderne » pour enrichir et transformer les collections nationales. C’est ainsi qu’il permet de faire entrer à la National Gallery vingt-deux tableaux d’art moderne français parmi les plus beaux, dont le spectaculaire Une baignade, Asnières de Seurat, contribuant à vaincre les réticences d’un certain conservatisme anglais envers l’impressionnisme.
En 1932, après la mort de sa femme, Samuel fonde le Courtauld Institute of Art rattaché à l’université de Londres. C’est la première institution créée au Royaume-Uni dans le but de promouvoir l’éducation artistique, d’enseigner l’histoire de l’art ainsi que les techniques de conservation et de restauration des œuvres. Dès le début, il met à la disposition de son Institut sa maison de Home House, construite par le grand architecte Robert Adam en 1775-1777 et la moitié de sa collection (soixante-quatorze peintures et dessins), constituant ainsi la Galerie Courtauld. L’ensemble de sa collection sera légué en grande partie à l’Institut après sa mort en 1947.
L’Institut et la Galerie Courtauld s’installent en 1989 à Somerset House, ancien siège londonien des expositions estivales de la Royal Academy of Arts. Mettant à profit la modernisation de cet édifice et en particulier de la mythique « Great Room » où ont exposé Reynolds, Gainsborough, Constable, Turner, le Samuel Courtauld Trust a pu ainsi prêter une partie de sa collection à la Fondation Louis Vuitton. Nous avons donc la chance de voir une centaine d’œuvres acquises par Samuel et Elizabeth Courtauld ainsi que dix aquarelles de William Turner acquise par Stephen Courtauld, son frère.
Le parcours de l’exposition se déroule sur huit salles. Il commence par des œuvres de Daumier et Manet (Un bar aux Folies-Bergère, 1882). Viennent ensuite des tableaux de différents peintres tels que Boudin, Pissarro, Degas (Après le bain, Femme se séchant, vers 1895), Renoir (La Loge, 1874), Sisley (Bateaux sur la Seine, 1875-1879), Monet (La Gare Saint-Lazare, 1877 ; Antibes, 1888).
La salle 3 est consacrée à Georges Seurat, l’un des peintres les mieux représentés dans la Collection (Jeune femme se poudrant, vers 1889-1890) ; Étude pour le Chahut, vers 1889 ; Le Pont de Courbevoie, vers 1886-1887 ; etc.).
Après une salle où sont rassemblés une douzaine de dessins dont un Picasso et deux Matisse - deux peintres qui n’intéressèrent pas les Courtauld, ceux-ci n’achetant que des œuvres qu’ils aimaient - nous arrivons dans la salle des Cézanne, le deuxième peintre favori des Courtauld, à une époque où cet artiste était encore très controversé. On y voit, entre autres, La Nature morte à l’Amour en plâtre (vers 1894), La Montagne Sainte-Victoire au grand pin (vers 1887), Le Lac d’Annecy (1896) et une des cinq versions des Joueurs de cartes (vers 1892-1896).
Dans la dernière salle sont exposées des œuvres de divers artistes tels que Bonnard, Le Douanier Rousseau, Gauguin (Te Rerioa, 1897 ; Nevermore, 1897 ; Paysage de la Martinique, 1887), Van Gogh (Autoportrait à l’oreille bandée, 1889 ; Champ de blé avec des cyprès, 1889), Modigliani (Nu féminin, vers 1916), Vuillard (Intérieur au paravent, vers 1909-1919).
L’exposition se termine par une salle évoquant sa maison, dans laquelle ont été rassemblés divers documents (catalogues de la Collection, livres, photos, etc.) et une salle où sont présentées les dix aquarelles de Turner. Une exposition remarquable où l’on peut voir quelques-unes des toiles les plus célèbres de l’histoire de l’art, reproduites à maintes reprises dans les livres d’art. R.P. Fondation Louis Vuitton 16e. Jusqu’au 17 juin 2019. Lien : www.fondationlouisvuitton.fr.