Parcours en images et en vidéos de l'exposition

BRANCUSI
La rétrospective

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°594 du 22 mai 2024




 
Il y a 120 ans, un jeune artiste roumain traversait l’Europe à pied pour venir s’installer à Paris. C’est là, dans la capitale en pleine effervescence culturelle, que Constantin Brancusi (1876-1957) invente une nouvelle manière de sculpter, un langage universel privilégiant la taille directe et les formes simples. Très vite, son œuvre exerce une grande fascination sur ses contemporains : nombre d’artistes et d’admirateurs se pressent dans son atelier, situé impasse Ronsin (15e arrondissement). À la fois lieu de vie, de création et de présentation de son travail, cet atelier est conçu par l’artiste comme une œuvre en soi et légué à sa mort à l’État français. Cet ensemble exceptionnel forme la matrice de l’exposition, complété de prêts majeurs de collections internationales.
Proposant de découvrir à la fois le parcours de Brancusi, les sources de son œuvre et les grands thèmes que l’artiste n’a cessé d’approfondir, l’exposition met en avant la diversité de sa création : la sculpture, la photographie, le film, le dessin… Cet hommage au père de la sculpture moderne célèbre sa puissance d’invention et sa quête inlassable de beauté. Il entend montrer un artiste vivant, pleinement inscrit dans son époque, dont la création se doit d’être toujours réactivée : «Il ne faut pas respecter mes sculptures. Il faut les aimer et jouer avec elles.», disait-il.
Affiche de l'exposition.
 
Texte du panneau didactique.
Scénographie
«Ce jour-là, après avoir suivi une impasse bordée de garages importants, je suis arrivée dans un reste de jardin abandonné et j'ai trouvé la porte [...] dans un charmant chemin de campagne tout bruissant de feuilles et d'oiseaux. Cela me paraissait d'autant plus surprenant que j'étais à peine à 50 mètres de l’enfer de la ville. [...] La porte s'ouvrit [...] et je me trouvais soudain éblouie de clarté dans un lieu inconnu immense et blanc, tout vibrant d'êtres inconnus.»

Valentine Hugo évoquant sa visite à Brancusi, impasse Ronsin, à Paris en 1955.
 
Citation
 
Constantin Brancusi. Le Coq, 1935. Plâtre, sur socles en plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Plan de l'exposition.


1 - Blancheur et clarté

Scénographie

«Constantin Brancusi habite un atelier de pierre dans l’impasse Ronsin, rue de Vaugirard. Ses cheveux et sa barbe sont blancs, sa longue blouse d’ouvrier est blanche, ses bancs de pierre et sa grande table ronde sont blancs, la poussière de sculpteur qui recouvre tout est blanche, son Oiseau en marbre blanc est posé sur un haut piédestal contre les fenêtres, un grand magnolia blanc est toujours visible sur la table blanche. À une époque, il avait un chien blanc et un coq blanc.» Ces mots de l’éditrice américaine Margaret Anderson témoignent de l’extraordinaire impression de clarté qui saisit les visiteurs de l’atelier, accueillis par de multiples figures de Coqs, dressées vers le ciel. Symboliquement associé à la France, terre d’accueil de l’artiste, l’animal évoque aussi par son chant le lever du jour, l’idée de commencement qui imprègne tout l’art de Brancusi.


 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Grand Coq I, 1924. Grand Coq II, 1930. Grand Coq III, [vers 1930-1934]. Plâtre sur socle en plâtre. Centre Pompidou Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

La figure du coq revêt une importance particulière pour Brancusi qui l'a déclinée en différentes tailles et matériaux pendant trois décennies. Dès 1924, il modèle ces ébauches de Grands Coqs directement dans le plâtre, avec pour projet, inabouti, d'en réaliser une version monumentale en acier inoxydable pour la France. Posée sur une étroite base, leur silhouette élancée est rythmée par une découpe en dents de scie qui rappelle à la fois la forme de leur crête et la saccade de leur chant strident. «Le Coq de Brancusi est une scie de joie», écrit le sculpteur Jean Arp.


2 - Aux sources d’un nouveau langage

Scénographie


Après avoir suivi une formation académique en Roumanie, Brancusi arrive à l’âge de 28 ans à Paris. Remarqué par Auguste Rodin, il devient brièvement son assistant en 1907. La puissante figure du maître fait office de repoussoir pour le jeune sculpteur. En 1907-1908, trois œuvres majeures, Le Baiser, La Sagesse de la Terre et La Prière, montrent sa volonté de trouver sa propre voie. Brancusi rompt avec le modelage pour privilégier la taille directe. Il abandonne le travail d’après modèle pour réinventer la figure de mémoire. Tout en étant profondément original, son art apparaît comme le creuset de ce qu’il peut alors voir à Paris: les œuvres antiques ou extra-européennes au musée du Louvre et au musée Guimet, mais également l’art de Paul Gauguin ou les recherches cubistes d’André Derain. Sa série autour du motif de la tête d’enfant éclaire son processus de fragmentation et de simplification des formes, visant à exprimer «l’essence des choses».
 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. La Prière, 1907. Bronze patiné foncé. Muzeul National de Artä al Romaniei, Bucarest.

En 1907, pour sa première commande d'un monument funéraire, Brancusi modèle le buste du défunt et une femme en prière. Il abandonne un projet de personnage drapé, jugé trop conventionnel, au profit d'un nu au bras tronqué. Cette figure fragmentaire témoigne de l'influence d'Auguste Rodin mais aussi de son dépassement, par la réduction du corps à ses formes élémentaires. «Lorsque j'ai fait cette femme en prière, […] j'ai compris qu'il fallait abandonner le modèle vivant parce qu'en face de lui on est dans la sensualité.».
Constantin Brancusi. La Muse endormie, 1910. Bronze poli. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Don de la baronne Renée Irana Frachon, 1963. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique: Centre Pompidou, Mnam-Cci / Adam Rzepka / Dist. Rmn-Gp.

La lumière est l'une des composantes de la sculpture de Brancusi. Par un patient travail de polissage, la surface de ses bronzes devient réfléchissante comme un miroir. Avec La Muse endormie. Brancusi remplace le buste traditionnel par un fragment de tête couchée, en équilibre sur la joue. Si le visage est clos dans sa forme, un ovale parfait où les traits sont à peine esquissés, il s'ouvre par le jeu de reflets à l'espace environnant en intégrant l'image du regardeur.
 
Auguste Rodin. Le Sommeil, 1894. Marbre. Musée Rodin, Paris.
 
Constantin Brancusi. Le Sommeil, 1908. Marbre. Muzeul National de Arta al României, Bucarest.

Créé en 1908, un an après le passage de Brancusi dans l'atelier de Rodin à Meudon, Le Sommeil imite incontestablement le marbre du maître (1894), portant le même titre. Dans les deux œuvres, la figure semble émerger de la pierre, le visage lisse aux yeux clos contraste avec l'aspect inachevé du marbre laissé brut. Le thème du sommeil et le motif de la tête couchée donneront naissance à La Muse endormie (1910).
Scénographie
 
Anonyme. Tête ibérique masculine, Cerro de Los Santos, 3° siècle av. J-C. Calcaire. Musée du Louvre, Département des Antiquités orientales, Paris.
 
Constantin Brancusi. Danaïde, 1908-1909. Pierre (calcaire). Muzeul National de Antà al Româniel, Bucarest.

Singulière dans la production de Brancusi, cette première Danaïde témoigne du goût précoce de l'artiste pour la mythologie grecque. L'aspect inachevé et brut de la pierre évoque certaines pièces archéologiques exposées alors au Louvre, telle la tête de Cerro de Los Santos. Cette Tête ibérique, volée en 1907 par le secrétaire de Guillaume Apollinaire et vendue à Pablo Picasso, défraie alors la chronique.
 
Anonyme. Statuette d'Aphrodite nue époque hellénistique. Marbre. Musée Rodin, Paris.
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune fille, 1910. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Brancusi passe le début de l'année 1907 à Meudon dans l'atelier d'Auguste Rodin dont il a pu voir la collection d'antiques. Le goût pour le fragment archéologique s'exprime dans son torse de 1910, où le poli sensuel de laine contraste avec la brisure de la pierre, comme on le retrouve dans le fragment d'une statuette d'Aphrodite antique, appartenant à la collection du maître.
 
Anonyme. Tête de statue du type aux bras croisés, dite «Tête de Kéros», 2600-2400 av. J.-C. Lieu de création: Cyclades. Marbre. Musée du Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Paris.
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune fille III, 1925. Onyx. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Paul Gauguin. Oviri, 1894. Statuette en grès partiellement émaillée. Musée d'Orsay, Paris.
 
Constantin Brancusi. La Sagesse de la Terre, 1907-1908. Calcaire crinoïde poli et ciré. Alina Serbanescu - propriété privée.

Brancusi a probablement vu la rétrospective consacrée à Paul Gauguin au Salon d'automne de 1906 où est notamment exposée Oviri, divinité tahitienne d'une animalité inquiétante. Taillée en pierre l'année suivante, La Sagesse de la Terre avec son visage aplati, ses formes simplifiées et sa posture frontale se nourrit de modèles archaïques de l'Égypte ou de l'Océanie. Les deux idoles païennes témoignent d'une fascination commune pour «le sauvage et le primitif», perçu comme un retour aux sources pour la création.
 
André Derain. Homme accroupi, 1907. Grès. Mumok - Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien, erworben 1964.
 
Constantin Brancusi. Le Baiser, 1907. Pierre. Muzeul de Artä Craiova.

Avec Le Baiser, Brancusi propose une version du thème très éloignée de celle de Rodin. Le bloc de pierre symbolise l'amour qui unit les amants, face contre face. La femme se distingue de l'homme par le léger relief de sa poitrine et sa longue chevelure. Les visages sont réduits à des signes, à la manière cubiste. L'Homme accroupi de Derain témoigne du même désir de revenir au modèle antique de la statue-cube. Mais là où Derain laisse visible la trace de l'outil, Brancusi privilégie déjà des surfaces lisses.
Scénographie
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Trois enfants, n. d. Plume et encre noire sur papier calque vélin beige, monté sur une carte vélin crème. The Art Institute of Chicago, Gift of Robert Allerton.
 
Constantin Brancusi. Tête d'enfant, marbre, 1907. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Les portraits d'enfants occupent une part importante de la création de Brancusi autour de 1906-1911, au contact des fils ou filles de ses amis, comme le petit Georges Farquhar. La série des Têtes d'enfant coïncide avec le passage d'un style naturaliste à une stylisation radicale marquée par la fragmentation du corps, la bascule à l'horizontale et la réduction des traits du visage. La série renvoie à une quête des origines, le portrait d'enfant se mue en œuf ou en cellule, métaphore à la fois de la naissance et du renouvellement des formes.
 
Constantin Brancusi. Tête d'enfant, 1906. Bronze patiné. Academia Romana, Bucarest.
 
Constantin Brancusi. Portrait de Georges, 1911. Marbre. Solomon R. Guggenheim Museum, New York.
 
Constantin Brancusi. Tête d’enfant endormi, vers 1908. Marbre, 10,5 x 16,5 x 15 cm. Legs Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique: Centre Pompidou, MNAM-CCI / Adam Rzepka / Dist. RMN-GP.
 
Constantin Brancusi. Le Nouveau-Né I, 1915-1920. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.


3-a - Le travail du bois

Scénographie avec une hélice suspendue au plafond

«Le bois n'est-il pas prêt à devenir une œuvre ? Il suffirait de le couper juste pour en faire une sculpture» affirme Brancusi. Renouant avec la tradition artisanale de sa région natale, l'Olténie (Roumanie), l'artiste affirme son goût pour le travail du bois. Dans ses formes sculptées se retrouvent les préoccupations de l'artisan, comme la répétition des formes ou la mise en valeur du matériau. Brancusi élargit le concept de l'art jusqu'à l'environnement quotidien: ses tabourets deviennent des socles, ses œuvres imitent les formes d'objets usuels (Coupes, Vase). Sa première sculpture en bois, Le Premier pas (1913-1914), témoigne de son admiration pour l'art africain, qui offre une nouvelle voie, loin des modèles usés du classicisme. Tout en se rattachant à des traditions ancestrales, Brancusi s'enthousiasme aussi pour les formes aérodynamiques de l'aviation. Visitant le Salon de la locomotion aérienne au Grand Palais, son ami Marcel Duchamp lui aurait lancé: «Qui fera mieux que cette hélice ? Dis, tu peux faire ça ?»

 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Tabouret du téléphone, [vers 1929-1933]. Bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Anonyme. Objets d'artisanat populaire roumain, n.d. - Moule à fromage, Vrâncioaia - Cuillers - Quenouille, Vrâncioaia. Bois. Mucem, collection d'ethnologie d'Europe, dépôt du Museum national d'histoire naturelle, Marseille.

Ces objets révèlent la vivacité et la virtuosité de l'artisanat dans les campagnes roumaines. Ainsi Brancusi a souvent évoqué avec fierté son aïeul charpentier, Ion Brancusi, auteur d'une des églises de Hobita, son village natal. II à lui-même fabriqué quenouilles, aiguilles à tricot, pipes ou flûtes, rendant ainsi hommage au mode de vie simple de l'Olténie de son enfance.
 
Constantin Brancusi. 
- Coupe IV. 1916-1922. Bois (chêne), sur socle-tabouret en bois.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Coupe III, [avant 1923]. Bols (tilleul).
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Coupe II [1917-1918]. Bois (érable).
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Cariatide, [1943-1948]. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

«L'architecture, c'est de la sculpture», disait Brancusi. De 1914 aux années 1940, il crée plusieurs cariatides en bois conçues comme des sculptures à part entière et non comme un support architectural ou un élément de socle. Influencée par la statuaire africaine, celle-ci présente des genoux fléchis, un ventre bombé et joue sur l'alternance entre les arrondis et les formes cubiques.
 
Constantin Brancusi. Porte, [vers 1923-1936]. Bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

La porte, objet de passage par excellence, a une forte charge symbolique pour un artiste en exil comme Brancusi. Cette encadrure marquait la séparation entre la partie publique et l'espace privé de son atelier. Les montants proviennent d'un banc taillé par le sculpteur: sa transformation en cadre de porte est caractéristique des détournements et des renversements qu'il affectionne. Sa structure symétrique en bois évoque également les assemblages des portes de fermes traditionnelles roumaines.
 
Constantin Brancusi. Fauteuil, 1918. Bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Brancusi crée très tôt du mobilier pendant ses études à Craiova puis lors d'un séjour à Vienne en 1897 auprès d'un ébéniste lié à la firme Thonet. Ces tabourets de bois, taillés pour meubler son atelier parisien, s'apparentent à des sculptures, tandis que ses Coupes non évidées en bois imitent la forme d'objets utilitaires. Brancusi refuse de distinguer art et artisanat et rejette toute hiérarchie entre sculpture, socle et mobilier.
 
Constantin Brancusi. Tabouret, 1928. Bois (acacia). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Vase, [vers 1939]. Bois (fruitier, noyer ?), sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Tabouret, [vers 1925]. Bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Petite fille française (Le Premier Pas III), vers 1914-1918. Bois (chêne), sur socle en bois (pin). Solomon R. Guggenheim Museum, New York. Gift, Estate of Katherine S. Dreier, 1953.
 
Constantin Brancusi. Tête d'enfant [Tête du Premier Pas], 1913-1915. Tabouret [1930]. Bois (chêne) teinté en noir, sur socle en bois (chêne).

Visiteur du musée d'ethnographie du Trocadéro, Brancusi est sensible au vocabulaire de la statuaire africaine et à la spiritualité émanant de ses sculptures. Pour Le Premier Pas, il s'inspire sans doute d'une statue Bamana du Mali. Il l'expose à New York en 1914, à côté de dessins et de photographies, preuve de l'importance qu'il lui accorde. Vers 1916, il la démonte pour n'en conserver que la tête, estimant peut-être que son rapport à la statuaire africaine est trop littéral.


3-b - Ligne de vie

Scénographie
LIGNE DE VIE

Brancusi conservait tout: lettres, articles de presse, agendas, factures… Ses archives, acquises par le Musée national d’art moderne en 2001 et conservées à la Bibliothèque Kandinsky, réunissent plus de dix mille lettres, livres, disques, documents... Elles constituent une mine d’or pour connaître la vie de l’artiste, ses amitiés, ses goûts, le replacer dans son époque et saisir la fascination qu’il exerce sur ses contemporains. Cet ensemble exceptionnel, dont une partie est exposée dans l’exposition, témoigne de la place centrale de Brancusi au sein de l’avant-garde internationale pendant plus d’un demi-siècle.
 
Texte du panneau didactique.
 
Anonyme. Départ pour Paris, 1904. Épreuve gélatino-argentique collée sur carton. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
Après avoir été exposé et primé à Bucarest, Brancusi âgé de 28 ans part à Paris grâce à une bourse. Voyageant en grande partie à pied, il arrive dans la capitale française le 14 juillet 1904. Il travaille d'abord comme plongeur au bouillon Chartier et officie comme sacristain à l'église orthodoxe roumaine. Inscrit à l'école des Beaux-Arts, il suit l'enseignement d'Antonin Mercié et commence à exposer régulièrement dans les Salons. Début 1907, il travaille brièvement dans l'atelier d'Auguste Rodin, où il rencontre le photographe américain Edward Steichen.
 
Légende.
 
Constantin Brancusi. Vue de l'atelier dit «Au Mars Borghèse»: L'Écorché (1901), Tête d'expression (1901), Beaux-Arts de Bucarest, 1905-1920. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Durant ses études à l'école des Beaux-Arts de Bucarest, Brancusi modèle plusieurs bustes d'après l'Antique (Vitellius, 1899, Laocoon, 1900) qui suscitent l'intérêt des critiques. En mai 1903, il expose un Écorché dans les salles de l'Athénée roumain, acheté par le ministère de l'instruction publique et des Cultes. Quatre plâtres seront réalisés à partir de cette sculpture et destinés aux professeurs des écoles de médecine de Bucarest, Craiova, Lasi et Cluj.
 
Légende.
 
Constantin Brancusi. La Prière, 1907. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Tête de jeune fille, pierre, 1907. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Anonyme. Tête de devata ou de bodhisattva, Asie, Tumshuq, Monastère de Toqquz Saraï, grand temple B aux bas-reliefs VIe-VIIe siècle. Terre crue, technique de moulage et bas-relief. Musée national des arts asiatiques - Guimet, Paris.
 
Amedeo Modigliani. Portrait du sculpteur, vers 1909. Encre sur papier. Abello Collection.

Amedeo Modigliani arrive à Paris en 1906 et c'est le Dr Paul Alexandre, son mécène, qui le présente à Brancusi. Le peintre dessine plusieurs portraits de son ami ainsi que des croquis de visages dont l'ovale évoque les sculptures de Brancusi. Après un été à Sienne et Livourne en 1909, Modigliani, soutenu et conseillé par Brancusi, va également réaliser des têtes stylisées, sculptées en pierre.
 
La Baronne R. F. (Tête de femme), pierre, vers 1909. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Le Baiser (1909), cimetière du Montparnasse, avec la mère de Tania Rachevskaïa, après décembre 1910. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Cette version du Baiser sculptée en 1909 est choisie par Brancusi pour orner, dans le cimetière du Montparnasse, la tombe de Tania Rachevskaïa, jeune étudiante russe qui s'est suicidée par amour pour un médecin roumain. Contrairement à la première version de 1907, le couple enlacé est ici présenté en entier. Trois fois plus grande, cette version substitue au cube de pierre la forme de la statue-colonne. Son audace est d'autant plus grande que l'œuvre prend place dès 1910 parmi les monuments funéraires classiques.
 
Margit Pogany. Autoportrait, 1913. Huile sur carton. Philadelphia Museum of Art.
À droite: Fernand Léger. Le Réveille-matin, [1914].Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Donation M. et Mme André Lefèvre, 1952.

Grand ami de Brancusi, le peintre Fernand Léger partage avec lui nombre de points communs: origine paysanne, arrivée à Paris au début du siècle, atelier à Montparnasse, ambition d'inventer un langage radicalement nouveau marqué par la simplification des formes. La photographie de Léger parmi les socles, troncs et blocs de pierre dans l'atelier de l'impasse Ronsin fait écho à ses propres compositions cubistes parmi lesquelles figure Le Réveille-matin. «Je vous dirais que Brancusi est une flamme si je n'étais persuadé qu'il est un réveille-matin», écrit le poète Benjamin Fondane.
 
Constantin Brancusi. Princesse X (1909-1915), marbre, vers 1916. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Nu allongé, 1910. Gouache et mine graphite sur carton. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, dation 2001.
 
Anonyme. Fragment d'une statuette féminine, Grèce, Cyclades, 2100-2300 av. J.-C. Marbre. Musée Rodin, Paris.

Brancusi a vraisemblablement découvert l'art cycladique à son arrivée à Paris. Il a peut-être vu la collection d'antiques d'Auguste Rodin dans son atelier à Meudon où il travaille brièvement début 1907. Il s'y trouve notamment un fragment de statuette cycladique qui n'est pas sans rapport avec son Torse de jeune femme (1918).
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune femme, 1918. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Edward Steichen. La Colonne sans fin à Voulangis, vue de l'intérieur de la maison de Steichen, été 1926. Épreuve gélatino-argentique. Contretype réalisé par Brancusi. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

En 1926, Brancusi installe pour la première fois en plein air une Colonne sans fin haute de huit mètres dans le jardin de son ami, le photographe Edward Steichen, à Voulangis (Seine-et-Marne). Monument à la verticalité, agrandi à l'échelle de la nature, la Colonne sans fin se fond dans l'espace boisé. Lorsque Steichen quitte Voulangis, Brancusi démonte la sculpture et l'installe dans son atelier.
 
Edward Steichen. Brancusi dans le jardin de Steichen à Voulangis, 1922. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Oskar Kokoschka. Portrait de Brancusi, [1932]. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Démontage de La Colonne sans fin dans le jardin d'Edward Steichen à Voulangis, 1927. Durée : 3'59".  Extrait des films originaux 35 et 16 mm, noir et blanc, muet. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat 2010.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Femme nue debout, 1920-1922. Crayons de couleur sur papier. Abello Collection.
 
Constantin Brancusi. Lizica Codréano dans l'atelier de Brancusi dansant sur les Gymnopédies d'Erik Satie, 1922. Épreuve gélatino-argentique. Collection N-F Fontenoy.

La danse et la musique font partie de la vie quotidienne de Brancusi. Plusieurs de ses amies venues à Paris pour étudier la danse, telles Lizica Codréano en 1919 et Florence Meyer en 1929, créent des chorégraphies dans l'atelier de l'artiste. En 1922, Brancusi photographie Lizica Codréano dansant sur la musique des Gymnopédies de son ami Erik Satie. Il conçoit aussi pour l'occasion son costume rayé et sa coiffe composée de cônes. La modernité des chorégraphies entre en dialogue avec la géométrie des sculptures
 
Inauguration de la cheminée construite par Brancusi avec Marcel Duchamp, Ezra Pound, Mary Reynolds et Vera Moore, impasse Ronsin à Paris, 1932.
 
Vidéo
 
Vidéo.
 
Brancusi filme Florence Meyer dansant dans l’atelier impasse Ronsin, à Paris, vers 1932-1933.
Scénographie
Disques de la collection de Constantin Brancusi

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Man Ray. Essai cinématographique. Autoportrait ou ce qui nous manque à nous tous, 1930. Avec Lee Miller.
 
Vidéo.
Scénographie
En octobre 1927, un procès opposant Brancusi aux États-Unis porte sur le statut d'un Oiseau dans l'espace. En effet, les douanes américaines accusent son propriétaire, Edward Steichen, d'avoir fait passer un objet industriel comme œuvre d'art afin d'éviter la taxe d'importation. C'est en fait le procès de Brancusi et de l'art moderne qui se tient ici. Les juges interrogent le sculpteur et divers témoins Pour savoir si cette pièce de métal représente bien un oiseau et si elle constitue une œuvre d'art. La cour fédérale des douanes tranchera en novembre 1928 en faveur de Brancusi.
 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Autoportrait dans l’atelier, vers 1933 – 1934. Négatif gélatino-argentique sur plaque de verre, 15 x 10 cm. Legs Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique : Centre Pompidou, Mnam-Cci/Dist. Rmn-Gp.
«It's Clever but Is It Art? Is Asked by the Critics of Brancusi» [C'est astucieux mais est-ce de l'art ? s'interrogent les critiques de Brancusi], New York Herald Tribune, 21 février 1926. Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris, Fonds Brancusi.

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- Caricature de Ralph Barton représentant Brancusi exposant des œufs et un coquetier, New Yorker, 20 février 1926. Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris, Fonds Brancusi.
- «This is What Critics Call Real Art!» [Voici ce que les critiques appellent l'art véritable!], New York Mirror, 1er novembre 1926.
Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris, Fonds Brancusi.


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«Whatever This May Be, It Is Not Art» [Quoique ce soit, ce n’est pas de l'art], New York American, 13 mars 1927. Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris, Fonds Brancusi.
 
 
Marcel Duchamp. Fac-similés des Rotoreliefs, 2010.

Les Rotoreliefs originaux (1935) sont composés de 6 disques recto-verso. Papier collé sur Plexiglas. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Familier des recherches de son ami Marcel Duchamp sur les effets d'optique, Brancusi peut s'en être inspiré pour le portrait symbolique de James Joyce. Duchamp poursuit ce travail sur le motif de la spirale en 1935 avec ses Rotoreliefs, disques de carton imprimés et titrés qui, mis en mouvement, produisent des illusions de profondeur. Brancusi en possédait sans doute un jeu complet, offert par Duchamp lui-même.


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Lettre de Sonia Delaunay à Brancusi, 12 juin 1931. Centre Pompidou, Bibliothèque Kandinsky, Paris, Fonds Brancusi.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Autoportrait avec la chienne Polaire dans l’atelier, vers 1921. Epreuve gélatino-argentique, 23,9 x 18 cm. Legs de Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique : Centre Pompidou, Mnam-Cci / Georges Meguerditchian / Dist. Rmn-Gp.
 
Brancusi. Târgu Jiu, vers 1938 (vidéo).
 
Scénographie.
 
Constantin Brancusi. Vue de l'atelier de l'artiste, 1918.


4 - L'atelier

Scénographie

Dans l’atelier de Brancusi, tout ou presque naît de sa main : la grande cheminée en calcaire, les tabourets en bois ou les tables en plâtre servant à la fois de mobilier ou de socle... Dans ses photographies, l’artiste se met lui-même en scène au travail, taillant, sciant ou modelant. Après la Seconde Guerre mondiale, s’il arrête quasiment de sculpter, il déplace, regroupe et combine sans cesse ses œuvres. Quand une œuvre est vendue, il la remplace par son tirage en plâtre ou en bronze pour conserver l’unité de l’ensemble.  C’est à l’intérieur de ce lieu, à la fois musée de sa création et œuvre en soi, que Brancusi impose sa vision d’un environnement total. À son décès en 1957, Brancusi lègue à l’État français son atelier, à charge pour celui-ci de le reconstituer. L’ensemble est installé d’abord de manière partielle au Palais de Tokyo puis intégralement au Centre Pompidou. L’un des quatre espaces de l’atelier, celui avec les outils, est reconstitué au cœur de l’exposition.


 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Projet d'architecture, 1918. Bois (chêne), sur socle en plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Legs Constantin Brancusi, 1957, Paris.
 
Edward Steichen. Brancusi dans son atelier, 1927. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. L'Atelier, 1917-1920. Stylo et encre noire sur papier, monté sur carton vélin beige. The Art Institute of Chicago, Bequest of Mrs. Gilbert W. Chapman.
Reconstitution partielle de l'atelier, impasse Ronsin. Établi, outils et forge de l'artiste. La révolution portée par Brancusi est d'abord une révolution du geste. La technique a une importance pour l'artiste qui se filme au travail, dans un engagement physique face à la matière, taillant le bloc. Ses outils sont pour la plupart manuels, destinés à la taille et au polissage. Brancusi fabrique lui-même ceux qui lui manquent. Il a installé un système de levage à poulies car il travaille seul, ne recourant que rarement à des assistants.
L'atelier vu depuis la section « Le travail du bois »
Les outils
Scénographie
 
Constantin Brancusi. - Colonnette, 1930. - Table à double tambour, [1930]. Bois (peuplier), sur socle en plâtre et pierre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. L'Oiseau dans l'espace, [après 1931]. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Constantin Brancusi. Ébauche de L'Oiseau dans l’espace [1950]. Marbre bleu turquin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.


5 - Féminin et masculin

Scénographie

Chez Brancusi, la simplification des formes et la suppression des détails sont paradoxalement sources d’ambiguïté. Dès 1909, l’artiste entame une réflexion sur le motif du torse féminin. De sa Femme se regardant dans un miroir, nu encore classique, il ne retient que la courbe unissant les formes arrondies de la tête et de la poitrine pour aboutir à l’ambivalente Princesse X. Est-ce une vierge ou une verge ? L’image idéale de la femme ou un phallus dressé ? L’aspect équivoque de la sculpture fait scandale et lui vaut d’être refusée au Salon des indépendants de 1920. L’art de Brancusi joue du double sens et de la métamorphose. Le masculin et le féminin fusionnent en une même image, évoquant le thème de l’androgyne, déjà présent dans Le Baiser. Un même trouble s’exprime dans son Torse de jeune homme, au genre incertain. Perturbant l’ordre symbolique de la division des sexes, ces œuvres font écho à l’esprit contestataire de Dada, porté à la même époque par ses amis Marcel Duchamp, Man Ray et Tristan Tzara.

 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Princesse X, 1915 – 1916. Bronze poli, pierre (calcaire), 61,7 x 40,5 x 22,2 cm. Legs Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique: Centre Pompidou, Mnam-Cci / Georges Meguerditchian / Dist. Rmn-Gp.

Citation
 
Constantin Brancusi. Princesse X, 1915 – 1916. Bronze poli. Legs Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris.
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune femme, 1909. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Vue d'atelier: - Princesse X (1915-1916), - Colonne du Baiser (1916-1917), vers 1921. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune homme, 1919. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune homme, 1917/1924. Laiton. The Cleveland Museum of Art.
 
Constantin Brancusi. Torse de jeune homme, 1923. Bois (noyer), sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Dans une lettre, l'écrivain Henri-Pierre Roché décrivait cette figure asexuée comme un torse de femme. La confusion des genres est ici renforcée par la symbolique des matériaux. Brancusi taille d'abord le bois dans la fourche de deux branches, la figure «tronc» conservant le souvenir de la structure végétale, renversée. Il reprend ensuite le plâtre intermédiaire et renforce la symétrie de la forme cylindrique. L'aspect lisse et brillant du bronze n'est pas sans évoquer l'esthétique de la machine, chère à son ami Fernand Léger.


6 - Des portraits ?

Scénographie

Depuis ses débuts, le genre du portrait occupe une place centrale dans l’art de Brancusi. En s’éloignant du visible pour aller à l’essentiel, le sculpteur n’en délaisse pas moins la figure humaine, en particulier féminine. Alors que les titres des sculptures conservent les noms des amies ou compagnes qui inspirent le sculpteur (Margit Pogany, la baronne Frachon, Eileen Lane, Nancy Cunard, Agnes Meyer…), leurs personnalités tendent à se fondre et se confondre en un visage stylisé, ovale et lisse. Elles ne sont «ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre». Chacune se distingue par quelques signes élémentaires : yeux en amandes, chignon, bouclettes… Travaillant sans modèle, préférant reconstruire la figure de mémoire, Brancusi pose à travers ses portraits la question de la ressemblance et de la représentation. Dans ses portraits dessinés, une même ligne souple décline les figures en profils et silhouettes.

 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Femme au peigne (Profil de femme au chignon), vers 1912. Gouache sur papier. Collection particulière, Paris.
 
Constantin Brancusi. Danaïde, vers 1913. Bronze avec patine noire, sur socle en pierre (calcaire). Kunst Museum Winterthur, Achat, 1951.

Dans ces deux versions de la Danaïde, Brancusi joue sur les reliefs en saillie et les jeux de lumières rendus possibles par la texture du bronze doré à la feuille ou de la surface noire de la patine. Le critique américain Henry McBride la définit comme une «aristocrate japonaise». Sans doute, Brancusi a-t-il été influencé par la sculpture asiatique et les représentations de Bouddha dans la simplification de l'ovale du visage, légèrement penché, méditatif, et l'arcade sourcilière marquée.
 
Constantin Brancusi. Danaïde, 1913. Bronze patiné noir (et doré à la feuille), sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Constantin Brancusi. Tête de femme, [vers 1908]. Plâtre, sur socles en plâtre, marbre et pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

Cette tête est une œuvre charnière entre les œuvres de jeunesse encore naturalistes et les portraits simplifiés à l'extrême où les traits du visage ont disparu. Contenue dans une forme ovoïde, elle puise son inspiration dans des sources plus archaïques. Son traitement stylisé évoque les Pietà médiévales. Ce plâtre est l'un des trois moulages réalisés à partir de la pierre originale, aujourd'hui disparue. Brancusi en offrit un à son ami le poète Guillaume Apollinaire.

- Constantin Brancusi. Une muse, [après 1917]. Plâtre, sur socles en pierre (calcaire) et bois (peuplier). Centre Pompidou. Musée national d'art moderne. Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Constantin Brancusi. Une muse, 1912. Marbre, sur socle en chêne daté 1920. Solomon R. Gugenheim Museum, New York.

En 1912, Brancusi crée une première Muse en plâtre qui est envoyée à l'Armory Show de New York. L'année suivante, une version en marbre est exposée aux Little Galleries of the Photo-Secession. Découlant de la Muse endormie, la sculpture est un portrait de la baronne Frachon, dont on reconnait les traits stylisés. Brancusi imbrique les formes du bras et de la main à celles du visage ovoïde, préfigurant ses recherches sur Mlle Pogany.

- Constantin Brancusi. Tête de femme, [avant 1922]. Plâtre, marbre, sur socles en marbre et bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne. Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Constantin Brancusi. La Baronne, [vers 1920]. Plâtre, sur socle en pierre (calcaire).
Centre Pompidou. Musée national d'art moderne. Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Constantin Brancusi. Mlle Pogany I, 1912-1913. Plâtre, sur socle en plâtre et bois (noyer). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Constantin Brancusi. Mlle Pogany I, 1913. Bronze avec patine noire, sur socle en calcaire. The Museum of Modern Art, New York. Acquired through the Lillie P. Bliss Bequest (by exchange), 1953.

Comparé à «un œuf dur sur un morceau de sucre» avec un nez en «bec d'oiseau», le portrait de Margit Pogany avec son crâne lisse et ses grands yeux en amande attise les critiques outre-Atlantique, dès son exposition à l'Armory Show en 1913. Brancusi ne cessera de revisiter cette sculpture, réalisant différentes versions en marbre veiné ou en bronze poli, accentuant le relief des sourcils et transformant le dos, plus mécanique et aérodynamique dans ses dernières versions.

- Constantin Brancusi. Mlle Pogany II, 1920. Plâtre patiné à la gomme laque, sur socles en pierre (calcaire) et chêne. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Constantin Brancusi. La Négresse blonde II, 1933. Plâtre patiné à la gomme laque, sur socles en plâtre, pierre (calcaire) cruciforme et bois (chêne).
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Constantin Brancusi. La Négresse blonde II, 1933. Plâtre patiné à la gomme laque, sur socles en plâtre, pierre (calcaire) cruciforme et bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Constantin Brancusi. La Négresse blonde II, 1933. Bronze sur socles en marbre, pierre calcaire et bois. The Museum of Modern Art, New York. The Philip L. Goodwin Collection, 1958.

  Brancusi aurait eu l'idée de cette sculpture en apercevant une femme noire lors de l'Exposition coloniale de Marseille en 1922. Cet évènement entendait démontrer la domination de la France en tant que puissance coloniale. Brancusi évoque cette inconnue sous un angle purement formel, combinant sur l'ovale du visage de la Muse trois éléments saillants, pour la coiffure et la bouche. Tout en reflétant les stéréotypes européens d'alors sur les physionomies africaines, il joue sur le paradoxe de représenter un corps noir en marbre blanc. Il exécute plus tard une seconde version de l'œuvre qu'il transpose en bronze poli, l'intitulant Négresse blonde en écho à la couleur de son matériau: «Si je l'avais faite en jade, je l'aurais appelée “Négresse Verte”.»

- Constantin Brancusi. La Négresse blanche I, 1923. Marbre veiné. Philadelphia Museum of Art: The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950.

- Constantin Brancusi. Portrait de Nancy Cunard (Jeune fille sophistiquée), 1928. Plâtre patiné, sur socles en plâtre et bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Nancy Cunard, poétesse et mécène britannique, rencontre Brancusi à son arrivée à Paris en 1923, par l'intermédiaire de Tristan Tzara. C'est après le départ de Cunard à Londres en 1925 que le sculpteur réalise ce portrait de mémoire, à une époque où il abandonne le travail d'après modèle. Dès 1933, à l'exposition de la Brummer Gallery, Brancusi place la sculpture sur un socle en chêne, constitué d'un empilement dynamique de sphères.

- Constantin Brancusi. Eileen Lane, 1923. Onyx blanc, sur socles en pierre (calcaire) et bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Négresse blanche, 1923. Marbre, 38,1 x 14,3 x 17,9 cm. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Photo © The Philadelphia Museum of Art, Dist.Rmn-Grand Palais / image Philadelphia Museum of Art.
 
Constantin Brancusi. Étude pour le Portrait de Mme Eugene Meyer Jr., 1916-1933. Bois (noyer), sur socles en pierre (calcaire) et chêne. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

En apprenant que le sculpteur Charles Despiau vient de faire le portrait de sa mécène et amie américaine Agnes Meyer, Brancusi réagit : «Je vais vous montrer à quoi ressemblerait vraiment un portrait de vous.» La version finale en marbre noir tire son origine de cette étude en bois qui présente le même haut du visage en forme de tiare, prolongé par un long cou bombé au-dessus d'un petit piètement. L'autorité du modèle s'incarne dans cette figure imposante aux allures de totem abstrait.


7 - L’envol

Scénographie

Le motif de l’oiseau, qui comporte plus de trente variantes en marbre, bronze et plâtre, occupe Brancusi pendant trois décennies. Initiées en 1910, les Maïastras au corps bombé, cou allongé et bec grand ouvert font référence à un oiseau fabuleux des contes populaires roumains. Dans les années 1920, le sculpteur simplifie la forme, l’amincit et l’étire verticalement jusqu’à la limite de la rupture pour créer la série des Oiseaux dans l’espace. L’envol symbolise pour Brancusi le rêve de l’homme échappant à sa condition terrestre, son ascension vers le spirituel. En 1927-1928, un procès oppose le sculpteur aux douanes américaines qui refusent le statut d’œuvre d’art à un Oiseau en bronze, perçu comme une pièce industrielle métallique. Vers 1930, le maharajah d’Indore lui commande deux Oiseaux pour un temple en Inde qui restera à l’état de projet. Ce caractère sacré, transcendant, transparaît dans le sous-titre de l’exemplaire exposé à New York en 1933: «Projet d’Oiseau qui, agrandi, emplira le ciel».


 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. L'Oiselet II, 1928. Marbre veiné, sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Maïastra, 1911. Bronze sur socle en calcaire. Tate, Londres, Purchased 1973.

Maïastra est un oiseau légendaire des contes folkloriques, au chant miraculeux. Cette première version en bronze, avec sa base en pierre décorée de figures décoratives d'oiseaux, est achetée par le photographe Edward Steichen, ami de Brancusi. Il l'installe en plein air, dans sa résidence à Voulangis, au sommet d'une haute colonne de bois, émergeant des arbres tel un gardien du jardin.
 
Constantin Brancusi. Maïstra, [1923/1940]. Marbre bleu turquin, sur socle Cariatide-chat en bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Posé sur une pyramide de socle, l'oiseau est encore reconnaissable, avec ses pattes géométrisées en «queue de pie», son corps rond comme un œuf, surmonté d'une tête au long cou recourbé et au bec entrouvert. À partir de cette version, Brancusi développe une série de formes verticales dont la tension et l'élan s'accroissent au fur et à mesure de leur simplification poussée à l'extrême.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. L'Oiseau dans l'espace, 1926. Plâtre, sur socles en marbre noir et bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

  La forme est progressivement étirée à l'extrême, la base réduite à son minimum, défiant les lois de l'équilibre. L'arc elliptique du ventre s'achève sur un petit pan coupé en oblique figurant le bec. Dans son atelier, Brancusi met en scène certains Oiseaux devant des fonds de couleurs (tentures ou panneaux peints), une manière de créer un écrin pour sa sculpture.
 
Constantin Brancusi. L'Oiseau dans l'espace, 1927/1934. Plâtre, sur socles en plâtre et bois (noyer). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

Chaque Oiseau en engendre un autre, tous sont différents. Lors du procès qui l'oppose aux douanes américaines, Brancusi doit prouver que sa Sculpture n'est pas une reproduction standardisée mais une œuvre d'art: «[Mes Oiseaux] n'ont pas les mêmes dimensions. Et si je changeais d'un centimètre la dimension de cet "oiseau en vol”, je devrais en modifier toutes les proportions.» Les juges lui donneront raison en 1928, reconnaissant l'existence d'une «école d'art dite moderne dont les tenants tentent de représenter des idées abstraites plutôt que d'imiter des objets naturels.»
 
Constantin Brancusi.
- L'Oiseau dans l'espace, 1923. Plâtre, sur socle en plâtre et pierre (calcaire).
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- L'Oiseau dans l'espace, 1927-1933. Plâtre, sur socle en plâtre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- L'Oiseau dans l'espace, 1928. Plâtre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- L'Oiseau dans l'espace, [1936]. Plâtre, sur socle en pierre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
- L'Oiseau dans l'espace, 1941. Plâtre, sur socle en plâtre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. L’Oiseau dans l’espace, 1941. Bronze poli, onyx, 193,4 x 13,3 x 16 cm. Legs Constantin Brancusi, 1957. Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, Paris. © Succession Brancusi - All rights reserved. Adagp, Paris 2024. Crédit photographique: Centre Pompidou, Mnam-Cci / Dist. Rmn-Gp.

Ultime version du thème, le plus grand Oiseau dans l'espace est créé en bronze en 1941, sans doute tiré du marbre noir commandé par le maharaja d'Indore pour un temple resté à l'état de projet. Placé en majesté sur trois socles superposés (cylindrique, cruciforme et en X) devant un mur rouge, il domine l'atelier de l'impasse Ronsin de toute sa hauteur, signant la présentation idéale et définitive voulue par l'artiste.


8 - Lisse et brut

Scénographie

Dans les photographies prises dans l’atelier, Brancusi cadre souvent ses sculptures au plus près, exploitant le pouvoir d’évocation des matériaux. Les surfaces patiemment polies, sur lesquelles toute trace du geste est effacée, contrastent avec des morceaux bruts ou taillés grossièrement. Ce jeu de matière est autant tactile que visuel, comme le souligne par son titre sa Sculpture pour aveugles. Avec le travail en série, chaque sculpture est à la fois unique et multiple, souvent posée sur des socles superposés auxquels Brancusi porte un soin tout particulier. Composés de formes géométriques simples (croix, cube, disque…), ces supports créent un rythme ascensionnel dynamique et des jeux de correspondances. Brancusi remet en question le statut conventionnel de cet accessoire, traditionnellement utilisé pour surélever la sculpture et la distinguer de son environnement. Il convertit à plusieurs reprises certains socles en sculpture autonome, refusant toute hiérarchie entre le haut et le bas, entre le banal et le noble.


 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. L'Oiselet, 1928. Plâtre, sur socle-poutre en bois (platane). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Bois forme, [début 1920-1930]. Bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Nouveau-Né II (1916 ?), marbre, vers 1922-1923. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. L'Oiselet (1928), vers 1933-1934. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Portrait de Nancy Cunard (1925-1927), noyer, vers 1927. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. La Timidité, 1917. Pierre (calcaire), sur socle en bois (platane). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Forme simple par excellence, La Timidité est une des rares œuvres que Brancusi ait  conservée en l'état mais qui fut sans doute une étude pour un Torse de jeune fille. Bloc de calcaire taillé et poli, la surface ne porte aucune trace d'outil, donnant seulement naissance à une sculpture lisse, au profil de nuage. Elle contraste avec le tronc massif, à peine dégrossi, qui lui sert de socle.
 
Constantin Brancusi. Le Nouveau-Né II, 1927. Acier inoxydable, sur disque en acier inoxydable et socle en bois (chêne) en partie teinté. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Cette version du Nouveau-Né en acier inoxydable est un modèle unique dans la production de Brancusi. Elle est née de sa collaboration avec l'architecte Jean Prouvé, alors ferronnier d'art à Nancy. Celui-ci, enthousiasmé par ce nouveau matériau, réalise une fonte que Brancusi vient meuler dans l'atelier nancéen. La collaboration tourne court: l'acier inoxydable ne permet pas encore un rendu lisse et la dureté de l'alliage rend son polissage ardu. Cette tête témoigne cependant de la curiosité de Brancusi pour les innovations techniques.
 
Constantin Brancusi. Plante exotique, 1923-1924. Bois (chêne), sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Nouveau-Né II, [vers 1923]. Bronze poli, sur disque bronze poli et socle en marbre cruciforme, bois (chêne) et pierre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Brancusi réalise plusieurs versions du Nouveau-Né, reconnaissable à sa bouche démesurément ouverte. Il joue sur le reflet du bronze poli posé sur un disque miroir, fabriqué dans le même métal. Ce plateau est aussi le berceau sur lequel semble se pencher le monde alentour, accueillant la naissance de la sculpture. Le dispositif des quatre socles empilés crée un effet de rythme et de correspondance, la cavité ronde du bois pouvant s'apparenter à la matrice d'où serait issue la sculpture.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Sculpture pour aveugles, 1925. Onyx, sur socle en plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Sculpture pour aveugles, 1920-1921. Plâtre, sur socle en bois (chêne). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Commencement du monde, vers 1920. Marbre, maillechort et pierre. Dallas Museum of Art, Foundation for the Arts Collection, gift of Mr. and Mrs. James H. Clark.
 
Constantin Brancusi. Le Commencement du monde, 1924. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Le Commencement du monde et Sculpture pour aveugles reprennent la forme simplifiée de La Muse endormie. Brancusi y efface tout élément descriptif pour ne garder qu'un ovale pur, évoquant la naissance d'un monde à venir. À la différence du marbre blanc qui retient la lumière dans sa surface cristalline, le bronze poli projette par le jeu des reflets la forme parfaite au-delà d'elle-même. Une même profusion s'applique aux socles, de tailles différentes et de matériaux variés: bloc de pierre symétrique, disque-miroir, poutre laissée brute...

Scénographie
 
Constantin Brancusi.
- La Sorcière
, 1916-1924.
Solomon R. Guggenheim Museum, New York.
- Chien de garde, vers 1924. Bois (chêne). Solomon R. Guggenheim Museum, New York.

La Sorcière est née d'une branche d'arbre fourchue, taillée puis polie. Partant de «la vérité du matériau», Brancusi en dégage des formes géométriques pour créer une silhouette éclatée. Les deux rameaux sont devenus des ailerons latéraux, donnant un effet aérodynamique à la sculpture posée en équilibre sur une pièce en bois brut. Intitulée Chien de garde, cette dernière peut aussi bien être présentée comme une sculpture indépendante que servir de socle à La Sorcière avec l'ajout d'une cale en pierre.
 
Constantin Brancusi. La Sorcière, [1924-1955]. Plâtre, sur socle en plâtre et pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.


9 - Reflet et mouvement

Scénographie

« Nous ne voyons la vie réelle que par les reflets. », écrit Brancusi. En polissant longuement le bronze, l’artiste obtient une surface brillante comme un miroir. De cette manière, la sculpture se projette au-delà d’elle-même et échappe à son strict contour. Les photographies et les films de l’artiste confirment sa fascination pour les éclats de lumière, parfois aveuglants, et leur pouvoir de métamorphose des formes. L’œuvre en métal poli absorbe, reflète et distord l’image de son environnement et celle de toute personne qui s’en approche. Animée par ce jeu de reflets, perpétuellement mouvants et changeants, la sculpture devient, comme Brancusi la définit, «une forme en mouvement». En posant certaines de ses œuvres sur des roulements à bille, Brancusi fait véritablement tourner ses œuvres sur elles-mêmes, à l’instar de Léda animée d’un mouvement circulaire comme un disque 78 tours sur un gramophone.

 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Léda (1926), vers 1929. Négatif gélatino-argentique sur verre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Constantin Brancusi.
- Léda (1920), avant septembre 1921. Négatif gélatino-argentique sur verre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
- Léda (1926), vers 1929. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

Les multiples images de Léda que Brancusi réalise au moyen du film ou de la photographie témoignent encore de la fascination du sculpteur pour la métamorphose, ce processus naturel qu'il pense comme l'expression ultime de la vie. L'enregistrement des jeux de lumière et d'ombre, comme des reflets obtenus grâce au mouvement et à l'utilisation de plusieurs éclairages, rendent hommage aux multiples versions de l'œuvre et soulignent son identité changeante.
 
Constantin Brancusi. Léda, 1920. Marbre, sur socle en béton. The Art Institute of Chicago, Bequest of Katherine S. Dreier.

«Je n'ai jamais pu imaginer qu'un mâle puisse se changer en cygne, mais une femme, oui», confie Brancusi. «Ces formes pleines ont été sa poitrine, sa tête... mais elles ont été transformées en formes d'oiseau». Avec Léda, le sculpteur détourne le mythe antique, reprenant l'idée de la métamorphose de l'humain en animal. L'artiste et mécène américaine Katherine S. Dreier l'acquiert en 1926. Avant le départ du marbre, Brancusi réalise un tirage en bronze suivant sa pratique qui consiste à conserver dans l'atelier un double de l'original.
 
Constantin Brancusi. Léda en mouvement, vers 1936. Durée: 2'02”. Extrait des films originaux 35 et 16 mm, noir et blanc, muet. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Achat, 2010.


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10 - L’animal

Scénographie

Dans les années 1930 et 1940, plusieurs séries consacrées à la thématique de l’animal marquent une évolution vers des formes obliques ou horizontales. Au sein de ce bestiaire, deux groupes se distinguent : les volatiles (coqs, cygnes, oiseaux…) et les animaux aquatiques (poissons, phoques, tortues…). Avec de multiples versions, dans des matériaux et des formats variés, ses sculptures semblent répondre au principe naturaliste de l’espèce. Par la simplification des formes, Brancusi vise à la fois à atteindre une figuration symbolique de l’animal et à retranscrire son mouvement. Il explique: «Quand vous voyez un poisson, vous ne pensez pas à ses écailles, n’est-ce pas ? Vous pensez à sa rapidité, à son corps filant comme un éclair à travers l’eau…» Les images photographiques ou filmiques réalisées par le sculpteur témoignent également de son lien étroit à la nature et au vivant.


 
Texte du panneau didactique.
 
Scénographie (coqs).
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Le Coq, 1935. Bronze poli, sur socle en pierre (calcaire) et chêne. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Achat, 1947.
 
Constantin Brancusi. Le Coq, 1924. Bois (cerisier). The Museum of Modern Art, New York. Gift of LeRay W. Berdeau, 1959.

La figure du coq est emblématique chez Brancusi qui l'a déclinée en plusieurs volumes et matériaux, du bois vers le plâtre et du plâtre vers le bronze. La musicalité des quatre crénelures répond au cri de l'animal : «co-co-ri-co». Ce rythme se renforce dans la fonte unique en bronze (1935) par les lignes brisées des deux socles en bois et en calcaire. L'animal dressé sur ses ergots lance son cri avec panache.
 
Constantin Brancusi. Le Coq, [vers 1926]. Plâtre teinté, sur socles en plâtre et bois (chêne et peuplier). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Crocodile, [1924]. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Durant l'été 1924, alors que Brancusi est en vacances à Saint-Raphaël (Var), il manque de se noyer en mer et doit son salut à un morceau de chêne-liège flottant qui lui permet de regagner le rivage. Sur la plage, Brancusi lui consacre un autel qu'il photographie. Souvenir d'un accident qui aurait pu être tragique, la branche salvatrice se transmue en animal magique, nommé «le crocodile» et doté d'un collier, qui est ensuite rapatrié et conservé dans l'atelier parisien.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Bête nocturne, [vers 1930]. Bois (érable), sur socle en plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Temple du crocodile, août 1924. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
Constantin Brancusi.
- Phoque II, 1943. Marbre bleu turquin sur socle en pierre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Achat, 1947.

Si pour Le Miracle, première version du Phoque, Brancusi jouait sur l'équilibre en installant la sculpture sur le bord du socle, il traduit dans cette version en marbre la nature même de l'animal, corpulent et maladroit sur terre, mais vif et gracieux dans l'eau. Sans doute inspiré par les otaries qu'il a filmées au bois de Boulogne, Brancusi le représente de manière synthétique, au moment où son entrée dans l’eau le métamorphose. Le socle circulaire en pierre accentue cette sensation de dynamisme.

- Le Phoque, 1943-1946. Plâtre, sur Table à double tambour en plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Constantin Brancusi.
- La Tortue, [1941-1943]. Bois (marronnier d'Inde), sur socles en acier non poli et bois (chêne].
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.

- Le Poisson, 1930-1949. Plâtre patiné, sur socle en marbre gris et Table double tambour en plâtre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.


- Le Poisson, 1922. Marbre veiné, socle en deux parties (miroir et chêne). Philadelphia Museum of Art: The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950.

Brancusi décline le motif du poisson pendant une dizaine d'années, réalisant une première version en marbre blanc veiné avant de réaliser des bronzes puis une version monumentale en marbre gris dont il conserve le plâtre dans son atelier. Figure plane en forme d'os de seiche aérodynamique, Brancusi joue sur les propriétés des matériaux pour créer des effets chatoyants ou réfléchissants. Ici, les veines du marbre évoquent les ondulations de l'eau, là, le disque de métal réfléchissant accentue l'aspect fragile, en suspension, de la sculpture.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Polaire, vers 1921-1930. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

Chiens, rapaces, cygnes ou cogs font partie des animaux filmés et photographiés quotidiennement par Brancusi, dans son atelier, dans sa cour, ou pendant ses voyages. À partir de 1921, sa chienne Polaire revient souvent dans ses photographies, seule ou à l'occasion d'autoportraits. Souvent, ces animaux sont enregistrés en mouvement, preuves de l'obsession du sculpteur pour l'expression vitale sous toutes ses formes.
 
Constantin Brancusi. Chienne et ses petits, Roumanie, 1937/1938. Épreuve gélatino-argentique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne. Paris, Legs Constantin Brancusi, 1937.


11 - Le socle du ciel

Scénographie

Brancusi a toujours nourri l’espoir de réaliser des œuvres monumentales, comme en témoigne la reprise inlassable du motif du Baiser, stylisé et développé à l’échelle architecturale, sous forme de colonne et de porte. Une première occasion s’offre à lui en 1926, quand il plante sa Colonne sans fin dans le jardin de son ami Edward Steichen à Voulangis. Née d’un modeste socle en bois, cette œuvre radicale procède de la scansion verticale de l’espace par la répétition du même module, évoquant les piliers funéraires du sud de la Roumanie. C’est d’ailleurs dans son pays natal, à Târgu Jiu en 1937-1938, qu’il mène à bien son unique projet monumental. Sur un axe d’un kilomètre et demi traversant la ville, il place trois éléments symboliques : La Table du Silence, La Porte du Baiser et La Colonne sans Fin. Érigée en fonte métallisée à près de trente mètres de haut, cette dernière figure l’axis mundi, le trait d’union entre la terre et le ciel, offrant au regard de multiples perspectives.


 
Texte du panneau didactique.
 
Constantin Brancusi. Le Baiser, 1916. Calcaire. Philadelphia Museum of Art: The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950.

Pierre angulaire de l'art de Brancusi, Le Baiser constitue le premier motif traité par le sculpteur sous la forme d’une série qu'il déclinera pendant quatre décennies. Version après version, la stylisation et la géométrisation se font de plus en plus marquées. Dans Le Baiser de 1976, commandé par le collectionneur américain John Quinn, les corps tronqués des amants tiennent dans un volume rectangulaire aux arêtes nettes.
Citation de Dorothy Dudley, 1927
 
Scénographie.
 
Constantin Brancusi. Colonne sans fin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. La Colonne sans fin III, [avant 1928]. Bois (peuplier). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. La Colonne sans fin, [vers 1930-1931]. Présentation partielle. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Construction de la Colonne sans fin à Targu Jiu, Roumanie, novembre 1937 (vidéo).
 
Constantin Brancusi. Târgu Jiu, vers 1938. Extrait des films originaux 35 et 16 mm, noir et blanc, muet. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Achat, 2010.

Photographiée et filmée sous tous les angles par Brancusi, La Colonne sans fin donne l'illusion de sa démultiplication dans l'espace. Les travellings répétés le long de son axe monumental mettent l'accent sur son élan ascensionnel. Brancusi privilégie à la fois les plans larges, montrant la sculpture dans son contexte, et les très gros plans qui tendent à brouiller les frontières entre l'œuvre d'art et son environnement.
Scénographie
Citation de Constantin Brancusi
 
Constantin Brancusi. Étude d'architecture avec motif du Baiser, [vers 1922-1923]. Encre brune et mine graphite sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Projet pour une Porte du Baiser et la Maïastra, vers 1930-1936. Encre violette sur papier collé sur carton. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Dation, 2001.
Scénographie
 
Constantin Brancusi. Colonne du Baiser, [vers 1930-1933]. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

En le schématisant encore davantage, Brancusi démultiplie le motif du Baiser dans les recherches liées à ses deux grands projets monumentaux. Le projet de Temple de l'Amour conçu pour le maharaja d'Indore comporte une Colonne du Baiser de 3 mètres de hauteur, dans laquelle le couple se fond dans des piles abstraites. Leurs yeux accolés s'unissent dans un même cercle.
 
Constantin Brancusi. Moulage du pilier de la Colonne du Baiser, [vers 1930-1933]. Plâtre. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
Constantin Brancusi. Moule de la maquette du pilier de La Porte du Baiser, 1935-1937. Plâtre.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Le Baiser, [vers 1940]. Pierre (calcaire jaune), sur socle en pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.
 
Constantin Brancusi. Borne-frontière, 1945. Pierre (calcaire). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, Legs Constantin Brancusi, 1957.

En 1945, à une époque où la Roumanie passe sous influence soviétique et voit ses territoires profondément recomposés, Borne-frontière figure une ultime fois le motif du baiser sous la forme de trois blocs de pierre superposés. Symbole de l'harmonie entre les peuples, elle est l’une des rares œuvres de Brancusi empreintes d'une dimension politique. Au centre, le couple en pied est répété à l'identique sur chaque face, perdant toute profondeur. Au-dessus et en dessous, trois couples se déploient horizontalement en bas-relief.