Parcours en images de l'exposition

BOLDINI
Les plaisirs et les jours

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°551 du 6 juillet 2022



 

Titre de l'exposition
 
PROLOGUE

Reconnu comme l’un des grands portraitistes de son temps, Giovanni Boldini capture la vitalité et l’effervescence de toute une époque, avec une extraordinaire virtuosité technique. Qu’il représente la Toscane des années 1860, le Paris de la Troisième République ou le milieu mondain et frivole de la Belle Époque, il est le peintre d’une période foisonnante. À l’instar de Marcel Proust en littérature, il se mêle à la société qu’il peint et livre ainsi un ample témoignage sur ses personnages, ses goûts, ses moeurs et ses plaisirs.

Mais Boldini fut victime de son succès. Trop exubérant pour les uns, trop mondain pour l’avant-garde, trop facile ou trop chic pour les autres : on lui a reproché de répéter la même formule et d’en tirer des avantages personnels et économiques, loin de l’image d’Épinal de l’artiste bohème. En réalité, Boldini ne se conforme à aucune règle. Innovateur infatigable, il a su se montrer sensible aux maîtres du passé tout en restituant la frénésie de la modernité, grâce à son coup de pinceau virevoltant. Par ce choix d’un art individuel et indépendant, il a conservé tout au long de sa carrière une originalité absolue.

Grâce à l’engagement exceptionnel du Museo Boldini de Ferrare, le Petit Palais présente l’artiste italien sous toutes ses facettes, de ses débuts à Florence à sa longue carrière parisienne, de ses tableaux de genre à ses portraits mondains, en passant par toute une production plus intime, jalousement gardée dans son atelier de son vivant. L’exposition rend hommage au peintre des élégances, mais invite aussi à découvrir un artiste plus secret.

Entrée de l'exposition
 
Texte du panneau didactique.


1 - Boldini avant Boldini (1864-1871)

Scénographie


En 1864, Boldini s’installe à Florence, qui est alors le centre de la vie culturelle et artistique en Italie. Deux peintres, Michele Gordigiani et Cristiano Banti, le prennent rapidement sous leur aile, l’introduisant dans les cercles artistiques et auprès d’une société mondaine qui lui procure des commandes. Pendant un temps, Boldini fréquente aussi les Macchiaioli, groupe d’initiateurs de la peinture moderne italienne. Il réalise plusieurs portraits des membres de ce groupe. Sa manière innovante de traiter les arrière-plans, en représentant les murs de son atelier plutôt que de faire ressortir ses figures sur des fonds neutres, frappe ses contemporains.

Boldini commence à être remarqué par la critique. Une richissime anglaise, Isabella Robinson Falconer, convaincue de son talent exceptionnel, le présente aux grandes familles italiennes et étrangères qui vivent à Florence ou qui résident l’hiver sur la Côte d’Azur. Cette familiarité avec la bourgeoisie et l’aristocratie lui vaut un succès toujours grandissant et davantage de commandes.

La prédilection de Boldini pour les portraits en intérieur l’éloigne des Macchiaioli, qui préfèrent la peinture de paysage et les scènes d’extérieur. À l’inverse de ses compatriotes Giuseppe De Nittis et Federico Zandomeneghi qui tenteront, à Paris, de se rapprocher des peintres impressionnistes, Boldini choisira une voie tout autre.
 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Mary Donegani, 1869. Huile sur bois. Viareggio, Istituto Matteucci.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Giovanni Fattori dans son atelier, 1865. Huile sur bois. Milan, collection Intesa Sanpaolo, Gallerie d'Italia.

Fattori, l'un des plus importants représentants du mouvement des Macchiaioli est représenté au travail, a son chevalet. Conformément aux objectifs de ces peintres, qui cherchaient à se détacher de l'académisme, il balaie sa toile de taches de couleurs pour restituer un paysage d’arbres baigné d’une lumière automnale. Autour de lui, on découvre son intérieur, d'une grande sobriété : quelques toiles posées contre le mur, des sièges et un poêle en fonte qui chauffe si peu l’atelier que le peintre doit garder son chapeau. Derrière lui, pose sur un tabouret, le képi militaire rappelle que Fattori a été peintre de batailles.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Les Sœurs Lascaraky, 1869. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Daté et signé « 4 septembre 1869 G. Boldini », ce petit tableau est comme la page d’un journal, le souvenir d’un moment paisible partagé avec les Lascaraky, une famille russe établie en Toscane. Les attitudes désinvoltes et naturelles des modèles renforcent le caractère intime de la scène. À gauche, la fille aînée, Lola, interrompt ses travaux de couture pour chercher le regard de l'artiste, trahissant ainsi le lien qui les unit. Le peintre conserva ce tableau dans son atelier toute sa vie.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de la comtesse Carlotta Aloisi Papudoff, 1869. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Bottega d’Arte, Montecatini Terme.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Lilia Monti, née Comtesse Magnoni. 1864 1865. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Ce tableau est le premier que Boldini peint à Florence. La posture gracieuse de la jeune femme de profil et le format du portrait l’inscrivent dans une tradition académique. Mais le ruban rouge qui tombe sur l'épaule, défait comme par inadvertance, crée un effet inattendu. Le contraste du rouge avec la palette sobre du tableau ainsi qu’avec le noir de la chevelure et du vêtement révèle le raffinement du peintre.



2 - Les débuts parisiens de Boldini (1871-1880)

Scénographie

Le 23 octobre 1871, Boldini arrive à Paris pour un bref séjour. La capitale française vient tout juste de retrouver l’apaisement après la guerre francoprussienne et la Commune. Alors qu’il a prévu de retourner à Londres où il s’est installé depuis le mois de mai, le peintre se laisse happer par la promesse d’une vie parisienne palpitante et d’une grande carrière artistique. Ainsi commence l’aventure française de Boldini, qui durera près de soixante ans.

Par stratégie commerciale, il se rapproche notamment du marchand Adolphe Goupil et met de côté sa vocation de portraitiste pour se consacrer « à l’art à la mode », à la manière d’Ernest Meissonier et de Mariano Fortuny. Ce style se caractérise par des peintures de genre de petites dimensions, avec des personnages en costume du XVIIIe siècle, aptes à séduire la nouvelle bourgeoisie entrepreneuriale. La jeune compagne et muse de Boldini, Berthe, avec son visage doux et son innocence mêlée de sensualité, devient la protagoniste de dizaines de scènes. Dans ses paysages, Boldini se montre particulièrement attiré par les lieux que fréquente la haute société, tels qu’Étretat, qui allait bientôt devenir une ville balnéaire à la mode. Si l’exécution en plein air lui permet de capturer des impressions visuelles fugitives, il retravaille néanmoins longuement ses peintures en atelier pour parvenir à la composition idéale.

Le succès ne se fait pas attendre : Boldini est très vite reconnu en tant que paysagiste et peintre de genre, en France comme à l’étranger. Ses tableaux nourrissent, dans l’imaginaire collectif, l’image d’une société française pacifiée, heureuse et harmonieuse, loin des souvenirs de la Commune.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). L’Amateur d’art, 1870. Huile sur bois. Bologne, collection particulière, anciennement Fondantico di Tiziana Sassoli.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Matador ou Couple en costume espagnol avec deux perroquets. 1874. Huile sur bois. Collection d'art Banca Carige.
Très proche, par son sujet, du tableau La Sérénade, cette scène fut peinte par Boldini bien avant son premier voyage en Espagne, qui aura lieu en 1889. Le jeu des deux perroquets sur leur perchoir, qui attire l'attention des personnages, renforce la légèreté du sujet. Ce type d'œuvres chaleureuses et insouciantes séduisait le public au même titre que les scènes de genre en costumes du XVIIIe siècle, y ajoutant une pointe d’exotisme et de sensualité.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Dans le jardin ou Le Perroquet, 1875. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Marco Bertoli.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Berthe fumant, 1874. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Concezione Ltd.

Dans une composition qui rappelle Les Soeurs Lascaraky (Ferrare, Museo Giovanni Boldini), Berthe est saisie dans l’intimité de la vie quotidienne du couple. À demi allongée dans un canapé, en train de fumer une cigarette, elle témoigne du bien-être auquel toute une partie de la population de la Troisième République peut désormais prétendre. Les tableaux de ce type rejoignaient alors rapidement les collections privées européennes et américaines, nourrissant l’image d’une société française plus libre et élégante.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Sur la Seine ou Rive de la Seine au mont Valérien, 1877. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). La Machine de Marly ou La Seine à Bougival, vers 1876. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Peu après son arrivée à Paris, Boldini expérimente la peinture de plein air. Longtemps intitulée La Seine à Bougival, la toile est désignée aujourd’hui sous le titre La Machine de Marly, du nom de l'édifice en briques roses qui apparaît à l'arrière-plan. Ce bâtiment abritait la pompe servant à alimenter les fontaines des jardins de Versailles et de Marly. Inachevée, l'œuvre témoigne de la technique du peintre. De larges parties de la toile laissent voir les traits de crayon ayant servi à définir la composition.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Scène galante dans le parc de Versailles, vers 1877. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Jours tranquilles ou Jeune Femme au crochet, 1875. Huile sur toile. Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute. © Image courtesy Clark Art Institute. clarkart.edu.

Sous une apparente spontanéité, la scène est soigneusement élaborée dans l’atelier de l’artiste. Les costumes raffinés des protagonistes et les accessoires – coussins, tapis, violoncelle négligemment posé sur le sol – permettent au peintre de déployer une grande variété de textures propre à plaire aux collectionneurs. Lors de sa vente à New York en 1893, le tableau reçut le titre Peaceful Days (Jours tranquilles), attestant le message d’optimisme que véhiculait la peinture de Boldini à travers le monde.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Sur un banc au Bois, 1872. Huile sur bois. Collection particulière.

À son arrivée à Paris, Boldini tombe amoureux de Berthe, qui restera auprès de lui pendant plus de dix ans, à la fois modèle, muse et compagne. Son visage doux encadré de cheveux blonds, son regard pur et son innocence mêlée de sensualité rappellent les bergères en apparence ingénues des tableaux du XVIIIe siècle. Elle sera l'effigie de dizaines d'œuvres de Boldini : tel le Petit Chaperon rouge attendant le loup, elle pose ici avec son panier sur un banc du bois de Boulogne, son regard timide évitant celui du spectateur.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Berthe à la campagne ou Wainting, 1874. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d’Arte.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Printemps ou Paysans et Chiens, 1872. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d’Arte.


3 - Le rythme de la ville

Scénographie

Vers la fin du XIXe siècle, Paris devient l’image même de la métropole moderne avec ses grands axes de circulation, sa compagnie générale d’omnibus et l’éclairage électrique qui lui vaut le surnom de « Ville Lumière ». Boldini, en pleine synergie avec le monde qui l’entoure, s’inspire de la ville et de ses plaisirs qui fascinent tant les étrangers. Cafés, théâtres, places fourmillantes et rues traversées par des voitures à cheval deviennent les sujets de prédilection du peintre, formant une chronique parisienne pleine d’originalité.

Pour restituer la vitesse et le rythme de la ville, le peintre met en oeuvre de savantes compositions marquées par des points de vue inhabituels, des cadrages audacieux et des points de fuite multiples qui anticipent le regard cinématographique. Admirateur de Meissonier, de Degas et des expériences d’Edward Muybridge sur la chronophotographie, il se consacre à l’étude de la représentation des chevaux, qui, alors, « [l’]intéressent plus que les femmes », comme il l’écrit à son ami Banti.

Boldini est aussi un mélomane averti. Comme ses contemporains, il se passionne pour la vie parisienne nocturne et mondaine, dont il restitue plusieurs facettes. Au fil de ses tableaux, on assiste aux soirées improvisées autour du piano de son atelier avec ses amis musiciens ou dilettantes, on rencontre des danseuses de l’opéra, des compositeurs et des chefs d’orchestre, et on s’encanaille dans les cafés-concerts. La Scène de fête au Moulin Rouge dépeint un lieu à peine inauguré et déjà mythique grâce au cancan, symbole à lui tout seul de la Belle Époque.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). L’Église russe de la rue Daru, vers 1910. Huile sur toile. Collection particulière, ancienne collection du duc de Gramont.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Conversation au café, 1879. Huile sur bois. © Francesca Dini Archive, Florence.

Assises à la terrasse d’un café parisien, deux femmes élégantes paraissent s’adonner aux joies du commérage. À droite, Berthe, la muse des premiers tableaux parisiens de Boldini, esquisse un sourire timide et réservé. À gauche, Gabrielle de Rasty, jeune femme sensuelle et mondaine qui introduira le peintre dans le beau monde, anime la discussion. La blonde et la brune, duo tout en contraste, incarnent à elles deux le passé et l’avenir tant sentimental que professionnel du peintre.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Omnibus de la place Pigalle, vers 1882. Huile sur bois. © Collection particulière.

Boldini quitte souvent son atelier pour peindre et dessiner des scènes de la vie parisienne et des vues de son quartier, en particulier la place Pigalle et la place de Clichy. Il cherche à restituer le rythme vivant de la métropole moderne. Ce qui frappe dans ce tableau, c’est l’audace de la composition : les chevaux figurent au premier plan de dos, comme si Boldini se donnait là un défi dans la représentation de l’animal.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Cocher, vers 1880-1890. Huile sur panneau. Collection particulière.

Au printemps 1890, Boldini participe au premier salon de la Société nationale des beaux-arts, créée par Pierre Puvis de Chavannes et Ernest Meissonier. Il y expose sept tableaux, dont six portraits et cette petite étude d'un cocher endormi dans son fiacre. Avec sa touche libre et sommaire, sa « rapidité de mouvement » (Huysmans), cette scène est le témoignage vivant de la vie quotidienne dans les rues parisiennes. Le tableau avait disparu depuis plus de cent trente ans et vient d'être retrouvé dans une collection privée européenne, ce qui représente un ajout d'une importance fondamentale dans le catalogue des œuvres connues de l'artiste.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). L’Intérieur de l’église Saint-Séverin, 1912. Huile sur toile. Paris, collection Étienne Bréton – Saint Honoré Art Consulting.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). En traversant la rue, 1873-1875. Huile sur bois. Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute.

Une femme élégamment vêtue traverse une rue pavée en relavant sa jupe. Elle attire le regard d'un homme qui passe dans une voiture à cheval et qui s'incline pour mieux observer le charmant spectacle. La structuration progressive des plans en profondeur confère à l’œuvre une dimension théâtrale, accentuée par les immeubles qui forment comme un mur de scène. Les voitures s'éloignant l’une de l'autre et les personnages, tous solitaires, partant dans des directions opposées, créent une impression de mouvement.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Deux Chevaux blancs, vers 1881-1886. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Cette œuvre correspond à la partie droite d'une grande composition inachevée mesurant à l'origine plus de deux mètres de large et intitulée Le Pont des Saints-Pères. Elle représentait des chevaux blancs courant à vive allure, manquant de renverser un enfant sauvé de justesse par sa sœur. Boldini est stimulé par les expériences d'Étienne-Jules Marey et Eadweard Muybridge sur la locomotion animale : grâce à l'alternance de zones méticuleusement détaillées et d’autres plus floues, il obtient un effet animé analogue à celui que produisent leurs photographies de sujets en mouvement.
Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). La Cantatrice mondaine, vers 1884. Huile sur toile. Ferrare, collection Fondazione Estense, en dépôt au Museo Giovanni Boldini.

Au début des années 1880, musiciens, danseuses, chanteurs et noctambules font leur apparition dans le répertoire de Boldini. La scène représentée ici ne se situe toutefois ni dans un café ni à l'Opéra mais dans l'atelier de l'artiste, place Pigalle. La composition, inspirée des estampes japonaises, se caractérise par l'absence de profondeur, un point de vue en plongée, un cadrage resserré et des figures coupées par le cadre de l’œuvre. Ainsi, à gauche, on ne voit que les mains et une partie du visage du pianiste, dont le reste du corps sort du champ.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Les Deux Amis, vers 1884. Aquarelle sur carton. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte.

À côté des portraits officiels, Boldini consacrait une partie de sa production à ses amis, comme dans cette aquarelle représentant deux visiteurs, de passage dans son atelier. Le point de vue en plongée sur les personnages, dans une pose toute naturelle, donne l'impression que le peintre s'amuse à écouter avec indiscrétion leur conversation. Au premier plan, on reconnaît le compositeur Emanuele Muzio, élève de Verdi, que Boldini avait rencontré en 1882 et dont il réalisa également un portrait à l'huile.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Scène de fête au Moulin Rouge, vers 1889. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay, accepté par l’État à titre de dation, 2010. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Le Moulin Rouge, inauguré en octobre 1889, est immédiatement devenu le temple de la nuit parisienne. Ouvriers, artistes, bourgeois et aristocrates, attirés par les spectacles en tous genres, s’y retrouvaient dans une atmosphère de frivolité. Boldini ne retient pas du cabaret le spectacle qui se joue sur la scène, mais plutôt celui qui se déroule dans la salle, entre les tables et les chaises. Le « vrai » spectacle, celui des clients qui boivent, fument et courtisent les femmes.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Nocturne à Montmartre, vers 1883. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Cette scène de nuit témoigne des recherches de Boldini pour restituer le dynamisme des boulevards et des places parisiennes. À la faible lueur des réverbères, on discerne à peine les voitures qui passent à vive allure. Boldini, comme Degas, est fasciné par les chevaux. II cherche à traduire leur vitesse par le dédoublement des formes, comme dans les chronophotographies d'Eadweard Muybridge. Les jambes des animaux en plein mouvement semblent se démultiplier dans l'espace et tous les éléments se dissoudre dans la nuit.

Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Amoureux au café, vers 1887. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Gallerie Maspes.

Dans les années 1880, Boldini se passionne pour les lieux de la vie nocturne : théâtres, cafés-concerts, salons musicaux. Il dessine dans ses carnets d'innombrables croquis pris sur le vif qui lui servent ensuite pour ses compositions complexes réalisées en atelier, et dont le style trahit la dette de Boldini envers Degas. Les touches vibrantes permettent de suggérer l'ambiance sonore du lieu et de rendre les variations de la lumière artificielle.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Paysage avec chevaux, vers 1900. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.


4 - Portraits intimes et officiels (1880-1890)

Scénographie

À partir des années 1880, les tableaux dits « à la Goupil », du nom du marchand à la mode, sont en perte de vitesse. Boldini, qui n’a rien de l’artiste bohème, est sensible aux fluctuations du marché, si bien qu’il fait progressivement disparaître les tableaux de genre de son catalogue. Il revient à sa vocation la plus personnelle : le portrait. Grâce à l’aide de la comtesse Gabrielle de Rasty, qui l’introduit dans les cercles de la haute société parisienne, le nombre de ses commandes augmente rapidement. Il conçoit pour la comtesse, qui devient sa muse, son amante et sa protectrice, une vive passion.

Boldini s’intéresse de plus en plus à l’art ancien, qui légitime son aspiration à la « grande » peinture. Il admire son confrère américain John Singer Sargent dont les portraits conjuguent l’influence du Greco, de Van Dyck et de Velázquez. Les oeuvres du peintre Frans Hals, découvertes lors d’un voyage en Hollande, le convainquent d’oser l’usage
des noirs sur des fonds sombres, avec des blancs très forts. Boldini devient un véritable « coloriste du noir ».

À la fin des années 1880, son évolution stylistique est achevée. Il obtient un grand succès lors de l’Exposition universelle de 1889, où il présente douze tableaux, dont le portrait d’Emiliana Concha de Ossa dit Le Pastel blanc. Il est désormais officiellement reconnu en tant que grand portraitiste, au même titre que Sargent, Whistler ou Zorn.Toutefois, Boldini conserve une forme d’originalité absolue, par le choix d’un art individuel, personnel et indépendant.

 
Texte du panneau didactique
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Cecilia de Madrazo Fortuny, 1882. Huile sur toile. Bordeaux, musée des Beaux-Arts.

Cecilia de Madrazo, la veuve du peintre Mariano Fortuny, ne semble pas poser. Enfilant un gant comme si elle s'apprêtait à sortir, elle regarde le spectateur de ses grands yeux noirs empreints d’une expression mélancolique. Sa robe de soie noire ornementée de pompons est rehaussée de quelques touches lumineuses de tissu mauve à l’intérieur des manches. L'œuvre témoigne de la connaissance qu'avait Boldini des portraitistes espagnols du XVIIe siècle.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Peintre John Lewis Brown avec sa femme et sa fille, 1890. Huile sur toile. Lisbonne, musée Calouste Gulbenkian.

Les figures en manteau donnent l'impression d'être stoppées en pleine promenade, tandis qu'au centre le peintre et graveur Brown aborde le peintre, comme s'il le croisait en pleine rue. Mais la moulure derrière les personnages rappelle les lambris de l'atelier de Boldini. Au milieu des tons bruns et noirs ressortent quelques points lumineux, en particulier le journal froissé sous le bras du peintre. Brossé en quelques coups de pinceau, ce petit morceau de peinture frappe l'œil par son caractère ébauché au milieu de la toile.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Alice Regnault à cheval ou L’Amazone, vers 1879. Huile sur bois. Milan, Galleria d'arte moderna.

Boldini exécute deux portraits d'Augustine-Alexandrine Toulet (1849-1931), future épouse de l'écrivain Octave Mirbeau, qui avait commencé en 1871 une brève carrière théâtrale sous le nom d'Alice Regnault. Dans le premier, il la représente en cavalière, très élégante dans sa robe d'amazone qui met en valeur la finesse de sa taille. Exposé au Salon de 1880 il s’agit d'un des rares portraits en plein air de Boldini, qui démontre au passage sa virtuosité dans la peinture équestre, notamment par le rendu de la robe isabelle et des jambes nerveuses de l'animal.

Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait d’Emiliana Concha de Ossa, vers 1888. Pastel sur papier marouflé sur toile. © Collection particulière.

En 1888, Boldini réalise au pastel six portraits représentant différents membres de la grande famille chilienne des Subercaseaux. Très content de son travail, le peintre ne voulut jamais se séparer du portrait de la jeune Emiliana – connu sous le titre de Pastel blanc –, et donna à son modèle une réplique, parfaite, présentée ici. Le point de vue légèrement abaissé met en valeur la silhouette élancée de la jeune femme, et Boldini n’hésite pas à allonger ses bras et surtout ses mains, jusqu’à l’exagération. Ce procédé sera sa marque de fabrique dans les décennies suivantes.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Mlle Concha de Ossa, 1888. Pastel sur papier marouflé sur toile. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d’Arte.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait du peintre Joaquin Araujo y Ruano, vers 1882. Huile sur bois. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.  

Ce portrait, exposé à la galerie Georges Petit à Paris en 1882, représente le peintre Joaquin Araujo de manière vivante et détaillée, assis devant la table où sont étalés ses ustensiles de peintre. L'œuvre se caractérise par des couleurs vives et par une exécution méticuleuse des détails, sensible dans le rendu du personnage. La vivacité de son regard et l'énergie nerveuse de ses mains élégamment posées révèlent l'influence de Frans Hals. Boldini a jalousement conservé toute sa vie ce petit tableau dans son atelier.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait d'Henri Rochelort, vers 1880. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, acquis en 1946.

En 1880, à la faveur de l’amnistie des Communards, le polémiste et militant républicain Henri Rochefort rentre à Paris. Manet peint son évasion rocambolesque du bagne de Nouméa, ainsi qu'un portrait de Rochefort qu'il présente au Salon de 1881.  Mais celui que réalise Boldini plut davantage au modèle. Il met en valeur sa physionomie particulière : le front ample sous des cheveux ébouriffés, les traits tendus, le sourcil levé et le regard perçant donnent une image très vivante d'Henri Rochefort.

Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Femme [Gabrielle de Rasty ?] à l’éventail assise dans une loge. Aquarelle et pierre noire. Paris, musée d’Orsay.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). La Robe écossaise, vers 1895. Huile sur toile. Collection particulière.
Giovanni Boldini (1842-1931). La Comtesse de Rasty allongée, vers 1880. Pastel sur soie. Collection particulière, courtesy Massimo Vecchia.

Compagne et modèle de Boldini à partir de 1880, la comtesse Gabrielle de Rasty est le sujet de nombreux portraits de l'artiste, des plus mondains aux plus intimes. À cette époque, l'artiste développe sa pratique du pastel, dont les douces nuances lui permettent ici de mettre en avant la sensualité du modèle. Le regard perdu dans ses pensées, elle est allongée dans une pose nonchalante, mais les lignes sinueuses de son corps et les touches énergiques animent la figure. Le peintre ne se soucie pas de donner un aspect fini au portrait, qui conserve ainsi une apparence de mouvement.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Abandon, vers 1880. Huile sur bois. Collection particulière.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de l’actrice Alice Regnault, vers 1884. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte.

Ce second portrait d’Alice Regnault, resté inachevé, contraste avec celui en amazone que Boldini a réalisé quelques années plus tôt. Ici, la jeune femme très déshabillée prend une pose sensuelle qui traduit la fascination du peintre pour son modèle. Le monde du théâtre et des spectacles enchante Boldini, qui retrouve chez les actrices comme chez les danseuses l’idéal de beauté qu'il poursuit en peinture.



5 - Le laboratoire de l'artiste

Scénographie

À Paris, Boldini a successivement habité trois ateliers. Le premier au 12, avenue Frochot, à proximité de la place Pigalle, le second sur cette même place, et le dernier au 41, boulevard Berthier, dans le quartier de la Plaine Monceau. L’atelier du peintre est d’abord un lieu de vie, de création et de sociabilité, peuplé du bric-à-brac de l’artiste, de ses œuvres en cours d’achèvement, des meubles et des objets dont il aime s’entourer.

L’atelier est aussi le lieu où se cristallise la manière unique des portraits « à la Boldini » : le peintre demande presque toujours à ses modèles de poser dans son atelier, où il répète inlassablement les mêmes mises en scène. Les figures, isolées dans un espace fermé, avec leurs postures en déséquilibre et leur allongement parfois artificiel, rappellent la ligne « serpentine » des peintres maniéristes du XVIe siècle, ou encore certaines exagérations des portraits d’Ingres. Derrière elles, quelques touches rapides suffisent pour suggérer l’espace de l’atelier, qui est généralement évoqué par un simple détail – un divan, une bergère, une chaise, une boiserie ou un encadrement de porte.

Dans son laboratoire, le peintre, tel un alchimiste, met au point son langage exubérant, sa touche toujours plus impétueuse qui s’allège et se déploie sur la surface de la toile, comme un feu d’artifice. S’il se tient éloigné des avant-gardes du début du XXIe siècle, Boldini est sensible à la modernité qui l’environne, en particulier aux effets de la vitesse et de l’illumination électrique. Certaines de ses œuvres parmi les plus expérimentales cherchent à traduire le déploiement de l’action dans le temps.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Feu d’artifice, 1892-1895. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini. © Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Cette toile imposante, l’une des plus célèbres de l’artiste, représente à l’échelle une inconnue aux grands yeux sombres et aux cheveux noirs coiffés en chignon. Le portrait doit son titre, Feu d’artifice, aux larges coups de pinceau de couleur claire qui enveloppent la figure, dont le peintre se sert pour dématérialiser la robe de son modèle et envelopper sa silhouette dans un halo vaporeux. L’audace du chromatisme et de la composition, jointe à une touche qui tend vers l’abstraction, traduit une liberté formelle inhabituelle pour l’époque.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait du petit Subercaseaux, 1891. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Ce portrait représente Pedro Subercaseaux, l’un des deux fils du diplomate chilien Ramon Subercaseaux Vicuña. Avec sa gamme chromatique sobre et raffinée jouant sur diverses tonalités de blanc, de noir et de gris, Boldini se réfère à la grande tradition du portrait espagnol du XVIIe siècle. Mais il démontre aussi sa capacité d'analyse psychologique, qu'il exprime à travers le langage corporel du modèle. Assis sur le divan de l'atelier, le regard inquiet, le garçon de onze ans semble s’agacer des longues séances de pose auxquelles il est contraint.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de la comtesse de Leusse en pied, vers 1889-1890. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Femme en noir observant le « Pastel blanc », vers 1888. Huile sur bois. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Ce tableau offre un aperçu de l'atelier du boulevard Berthier. À l'arrière-plan, l'artiste a représenté son piano et plusieurs toiles. Au centre, une femme, vue de dos, observe le Pastel blanc, selon le procédé du « tableau dans le tableau ». Il s'agit d'Emiliana Concha de Ossa, le modèle du pastel, en visite à l’atelier. Boldini explore le thème du double. La jeune femme se reflète dans son portrait comme dans un miroir, à ceci près que sa silhouette sombre contraste fortement avec les tons clairs du pastel sur lequel elle se détache.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Boîte de peinture avec le « Portrait du jardinier des Veil-Picard », vers 1897. Huile sur bois (portrait) ; bois (boîte). Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

En 1897, Boldini se rend à Besançon chez Jules-Louis et Olga Veil-Picard, couple d'amis et mécènes du peintre. Il réalise à cette occasion le portrait de leur jardinier à l'intérieur du couvercle de sa boîte de peinture, où sont encore conservés ses pinceaux et ses couleurs. Assis sur un banc en extérieur, la cigarette à la main, le corpulent jardinier pose sans aucune affectation. Il devient ainsi le sujet de l’un des portraits les plus sincères de l'artiste, très loin de l'allure affectée de ses portraits mondains.

Giovanni Boldini (1842-1931). Nymphes au clair de lune, 1909. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Intérieur de l’atelier avec un piano et un buste de Bernin, 1900. Crayon, crayon gras et sanguine sur papier. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Autoportrait de Montorsoli, 1892. Huile sur toile. Florence, Gallerie degli Uffizi. © Galleria delle Statue e delle Pitture degli Uffizi. Su concessione del Ministero della Cultura.

Cet autoportrait de Boldini est exécuté à Montorsoli, en Toscane, lors d’un séjour chez son ami Banti. Il s’agit d’une commande express du directeur du musée des Offices, à Florence, visant à enrichir la galerie des autoportraits. À cinquante ans, Boldini rejoint ainsi l’élite des maîtres jugés dignes d’intégrer cette célèbre collection qui compte aujourd’hui plus de 1 600 tableaux acquis au fil des siècles. Son grand front et son regard inspiré donnent à sa physionomie une certaine noblesse, tandis que la touche émousse ses imperfections.



6 - Une cour artistique et littéraire (1890-1900)

Scénographie

Après l’Exposition universelle de 1889, Boldini cultive son succès en choisissant de peindre les personnages de premier plan de son époque. Sous son pinceau naît ainsi une extraordinaire galerie de portraits, qui permet d’admirer les protagonistes de la haute société parisienne, cosmopolite, frivole et décadente, celle-là même que décrit Marcel Proust dans Les Plaisirs et les Jours en 1896 et, plus tard, dans À la recherche du temps perdu.

Cette société se presse dans les soirées parisiennes ou à Versailles, lors de fêtes inspirées du règne de Louis XIV. S’y croisent des écrivains et des dandys comme le comte Robert de Montesquiou et le marquis Boni de Castellane, mais aussi de riches héritières et des aristocrates comme la comtesse Greffulhe, célèbre modèle de Proust pour son personnage de la duchesse de Guermantes. On y rencontre également des artistes, le compositeur Reynaldo Hahn, la danseuse Cléo de Mérode ou encore Madeleine Lemaire, illustratrice et salonnière. Grâce à ses qualités mondaines, Boldini se mêle à cette société fin de siècle, qui porte aux nues le culte de l’individu.

Selon l’esthétique de Proust, « c’est en descendant en profondeur dans une individualité » que l’on peut comprendre l’âme humaine. À l’instar de l’écrivain, c’est l’individu singulier, dont il cherche à saisir l’essence, qui intéresse Boldini dans ses portraits. Ainsi, si la plupart des noms de ses modèles sont oubliés aujourd’hui, ils évoquent ce « temps perdu » cher à Proust, ces « plaisirs » et ces «jours» d’une époque si singulière.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait du comte Robert de Montesquiou, 1897. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay, don d’Henri Pinard au nom du comte Robert de Montesquiou, 1922. © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

Aristocrate, poète, intellectuel, collectionneur, esthète, dandy, Robert de Montesquiou est tout à la fois le modèle du baron de Charlus, chez Proust, et celui du Des Esseintes de Huysmans dans À rebours. Il évoque à lui seul toute la vie mondaine et artistique de l’époque. Dans son portrait tout en nuances de gris, Boldini ne dissimule pas l’impertinence et la vanité du comte. Assis de face les jambes croisées, avec son profil altier tourné vers sa canne à l’allure de sceptre, il semble déclarer, comme ce vers tiré de son recueil Les Chauves-Souris: « Je suis le souverain des choses transitoires. ».

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Lady Colin Campbell, née Gertrude Elizabeth Blood, 1894. Huile sur toile. London, National Portrait Gallery. © National Portrait Gallery, London.

Boldini voit dans Gertrude Elizabeth Blood, aristocrate irlandaise rendue célèbre par son divorce scandaleux de Lord Colin Campbell, la personnification même de la femme fatale. Il la représente assise de face et vêtue d’une magnifique robe noire qui met en valeur sa taille très fine et son teint pâle. Elle regarde le spectateur avec un air de défi, presque intimidant. Sa pose, la tête soutenue par son bras appuyé contre l’accoudoir d’une méridienne, deviendra typique du répertoire boldinien.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Mme Charles Max, 1896. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, don de Mme Charles Max, 1904.

La belle Jeanne Max, cantatrice mondaine, recevait dans son salon toute l'élite parisienne. Son portrait en pied décline toute une harmonie de gris, allant des moulures de l'atelier à la robe du modèle. Le peintre la saisit dans l’élan d’un mouvement qui exalte sa sensualité. Son geste, relevant sa robe de soie gris perle, permet de souligner les courbes et les lignes de son corps, tandis que le galon d'or glissant sur son bras laisse apparaître son épaule nue. Typique de l'idéal féminin de Boldini, le portrait fut admiré au Salon de la Société nationale des beaux-arts, où l'artiste l’exposera.

Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait d’un pianiste dans l’atelier du peintre, vers 1910. Huile sur bois. Collection particulière.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Statue dans le parc de Versailles, 1895. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Enrico Galleria d'Arte.

Boldini représente ici la Vénus Richelieu, une sculpture du XVIIe siècle de Pierre Legros située dans l'allée royale du parc de Versailles. Le peintre revient sur les lieux qu'il arpentait vingt ans plus tôt, mais la splendeur passée laisse place à la mélancolie de l'automne. Le marbre reflète le roussissement des arbres tandis qu'un tourbillon de vent, matérialisé par la touche vibrante du pinceau, soulève et fait tourner les feuilles devant et autour de la statue.

 
Reynaldo Hahn (1874-1947). Portraits de peintres. Pièces pour piano d’après les poèmes de Marcel Proust, 1896. Paris, Bibliothèque nationale de France, Département de la Musique.

L'amitié qui lie Proust au compositeur Reynaldo Hahn débute en 1894. Ils se rencontrent chez Madeleine Lemaire, célèbre aquarelliste et salonnière. C'est chez cette dernière que Reynaldo compose les pièces pour piano sur les poèmes de Proust intitulés Portraits de peintres. Ces quatre partitions devaient figurer dans l'édition de la première œuvre publiée par Proust, Les Plaisirs et les Jours. La première audition de ces pièces eut lieu chez Madeleine Lemaire lors d'une réception qui fit grand bruit. Le compte rendu de la soirée parut dans divers journaux dont Le Gaulois.

 
Marcel Proust (1871-1922). Les Plaisirs et les Jours, 1896. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Les Plaisirs et les Jours est le premier ouvrage publié par Proust. Il s'agit d’un recueil de poèmes en prose et de nouvelles, dont le titre fait écho au poème d'Hésiode Les Travaux et les Jours. L'ouvrage est accompagné d'illustrations de Madeleine Lemaire, de partitions de Reynaldo Hahn pour les Portraits de peintres et d'une préface d'Anatole France, qui dit de Proust : « Il n'est pas du tout innocent. Mais il est si sincère et si vrai qu'il en devient naïf et plaît ainsi. Il y a en lui du Bernardin de Saint-Pierre dépravé et du Pétrone ingénu. ».



7 - Helleu, Sem et Boldini

Scénographie

Après une formation d’illustrateur entre Périgueux, Bordeaux et Marseille, Georges Goursat, dit Sem, arrive à Paris en 1900. Il conquiert rapidement le public parisien avec la publication de l’album Le Turf, portrait du monde des courses, et ses dessins corrosifs dans Le Rire et La Revue Blanche. Avec ses silhouettes du Tout-Paris, l’objectif de Sem n’est pas tant de faire rire que de créer des types. La ressemblance de ses figures ne vient pas d’une somme de détails mais plutôt de sa compréhension de la réalité plus profonde des individus, qu’il exprime d’un trait élégant.

Très vite, Sem devient proche de Boldini et du peintre Paul-César Helleu, qui inspirera à Proust le personnage d’Elstir. Ces deux portraitistes mondains, qui s’étaient rencontrés en 1894, étaient déjà liés par une profonde amitié. Sem ne les quittera plus. De nombreuses photographies de l’époque montrent les trois hommes en observateurs irrévérencieux de la vie mondaine parisienne : dans les rues de Paris, au café ou encore aux courses à Longchamp.

Dans son style immédiatement reconnaissable avec ses figures bidimensionnelles et sans ombre, Sem exécute de nombreuses caricatures de ses deux amis. Boldini y apparaît, petit et disgracieux, aux côtés de Helleu ou de figures filiformes et élégantes qui semblent tout droit sorties de leurs toiles. De même, le peintre ferrarais fixera plusieurs fois, et de façon magistrale, l’image de ses deux acolytes et de leurs proches.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Georges Goursat, dit Sem, 1902. Huile sur toile. Paris, MAD – Musée des Arts décoratifs. © MAD, Paris /Jean Tholance.

Ce portrait représente le caricaturiste Sem dans une pose assurée : de face, bien planté sur ses jambes, et les mains sur les hanches qui manifestent une certaine impertinence. Très élégant dans son manteau et son costume gris, avec sa canne et son chapeau melon, il épouse le style des dandys britanniques. Ce portrait démontre le talent de Boldini pour rendre le naturel et l’immédiateté : Sem semble avoir été saisi sur la toile alors qu’il était venu chercher le peintre à son atelier pour une sortie mondaine.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Autoportrait à soixante-neuf ans, 1911. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Dans son atelier du boulevard Berthier, où défile toute la riche société cosmopolite, Boldini se représente assis sur une chaise Louis XVI, celle-là même où il a fait poser de nombreux modèles par le passé. Le sourcil levé, il semble se retourner vers un visiteur imaginaire, le scrutant de son œil sévère. Avec ce dernier autoportrait à l'âge de soixante-neuf ans, Boldini nous offre l’image d’un peintre sûr de lui, conscient de son succès et de sa position sur la scène parisienne et internationale.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Peintre à son chevalet [Paul Helleu], vers 1910. Huile sur bois. Collection particulière.
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). Jean Lorrain, Boldini, Kate Moore, Madeleine Lemaire, Montesquiou, Jean-Louis Forain et Yturri, 1905. Chromolithographie. Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris.
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). M. Bamberger (père), le baron Alphonse de Rothschild, M. Henri de Rochefort et Lina Cavalieri, cantatrice, 1900. Lithographie. Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris.
 
Scénographie.
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). Chez Voisin, 1904. Estampe. Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris. © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
 
Nettleton. Paire de bottines pour homme, vers 1900. Cuir brun, sergé de coton, métal. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Don de Mme Maurice Godard-Majot.
 
Au Printemps. Paire de gants pour homme, vers 1900. Cuir marron, métal cuivreux. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Fonds ancien.
Scénographie
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). Giovanni Boldini. Crayon, aquarelle. Collection particulière.
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). Giovanni Boldini. Crayon, aquarelle et rehauts de blanc. Collection particulière.
 
Georges Goursat dit Sem (1863-1934). Album Tangoville-sur-mer : Le Noble Faubourg, 1913. Album de chromolithographies. Collection particulière. © Association Sem.
 


8 - « J'ai peint tous les genres »

Scénographie

À partir de 1890, Boldini décide de ne plus montrer au public que ses portraits mondains. Le reste de sa production demeure caché dans son atelier. Là, l’attention du peintre se concentre sur les intérieurs, qu’il aime particulièrement et qui apparaissent comme des lieux propices à l’introspection et au rêve. Dans ces œuvres, souvent de petit format, la couleur se révèle un instrument essentiel pour faire surgir l’émotion.

Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, le style de Boldini gagne en énergie. Sa palette s’illumine, sa touche véhémente se fait toujours plus fougueuse, et, dans les œuvres qu’il garde pour lui-même, presque agressive. Tout l’inspire et se prête à l’expérimentation picturale : visages de femmes, bouquets de fleurs, natures mortes, nus et paysages virevoltent dans une étrange fantaisie de lignes et de couleurs. Certains tableaux, presque abstraits, prennent pour sujet des fragments de réalité qui ne semblent plus que des prétextes pour des morceaux de peinture pure.

Mais cette étonnante frénésie de vie et de mouvement s’accompagne d’un frémissement mélancolique, très sensible dans les paysages crépusculaires de Venise, marqués par la décadence et le passage irréversible du temps. Toute cette production intime concentre ainsi parfaitement l’ambiguïté de Boldini, si manifeste déjà dans ses grands portraits mondains, entre agitation et mélancolie.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Port de Venise, vers 1895. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.

Fasciné par le passé illustre de la ville, Boldini fait de Venise sa destination privilégiée. Entre 1887 et 1913, il y séjourne à de multiples reprises, notamment pour participer à la Biennale. Les vues de la ville deviennent pour lui un sujet de prédilection : il en tire d'innombrables dessins, esquisses, aquarelles et tableaux, souvent réalisés sur le motif. Ici, les épais panaches de fumée des cheminées des navires, se mêlant aux nuages, offrent une vision particulière de Venise, animée par ses échanges commerciaux.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Marine à Venise, vers 1909. Huile sur bois. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Tête de jeune femme brune sur fond rose, vers 1912. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Un coin de la table du peintre, vers 1897. Huile sur bois. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Un coin de la table du peintre se distingue des autres natures mortes de Boldini par son format vertical très singulier et par le point de vue audacieux, en plongée, sur les objets posés sur la table. Cela permet à Boldini de donner tout son relief au précieux service en porcelaine et en argent, rehaussé par les notes orange et vertes des fruits. Sur la nappe sont brodées les initiales de l'artiste, « G » et « B ».

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Rio à Venise avec le campanile de San Giorgio dei Greci, vers 1895. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). En soirée, 1911. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). L’Autel de l’église des Gesuati à Venise, vers 1907. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Concezione Ltd.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Pensées, vers 1910. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.

Au début du XXe siècle, le style de Boldini devient de plus en plus énergique. Dans les œuvres qu'il peint pour lui et qu'il conserve dans son atelier, Boldini exprime sa grande liberté artistique, sans se soucier des conventions de style ou de sujet. Ici, il livre une interprétation très personnelle du genre de la nature morte. Ces deux mains longues qui attrapent un bouquet de violettes (sic) sont comme un fragment de beauté féminine, rendu par des touches très libres et expressives.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Étude de bras et fleurs, vers 1909. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Un simple fragment de geste devient ici prétexte pour un morceau de peinture pure. Une série de lignes et de coups de pinceau brefs modèlent un bras de femme élégant, presque évanescent, qui attrape des fleurs éparses sur une table. Le bras flotte dans l'espace, détaché de la réalité du corps auquel il appartient. Ce fragment de beauté évoque un rêve, un désir ou le souvenir d’une créature féminine réduite à l'essentiel : grâce, forme et mouvement.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Un coin de l’atelier avec un manteau rouge, vers 1916. Aquarelle sur carton. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Le Melon, vers 1905. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay, legs Carle Dreyfus, 1953.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Les Faisans, vers 1911. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Pommes Calville, vers 1907. Huile sur carton. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.


9 - Le temps de l'élégance et de la modernité

Scénographie

À la fin du XIXe siècle, Paris devient la référence mondiale de l’élégance et de la mode. Boldini est consacré « peintre de la femme » par le premier numéro de la revue Les Modes en janvier 1901. Il choisit directement dans la garde-robe de ses modèles les créations prestigieuses qu’elles portent dans ses portraits : des robes signées Worth, Laferrière, Poiret, Doucet ou encore Callot. Sous le pinceau de Boldini, on retrouve aussi bien le grand monde des princesses et des comtesses que le demi-monde des comédiennes et des danseuses. La mode n’est plus l’apanage des aristocrates.

Loin d’être simplement un peintre à la mode, Boldini est avant-gardiste ; c’est lui qui dicte la mode. Les figures les plus célèbres de la Belle Époque défilent dans son atelier : Lina Cavalieri, Luisa Casati, Marthe Régnier, Geneviève Lantelme, et bien d’autres encore. Avec leurs grands yeux frivoles, leurs corps aux lignes serpentines, leurs coiffures relevées et leurs visages maquillés, les femmes célébrées par Boldini deviennent un archétype, si bien que certaines se mettent à s’habiller « à la Boldini» ou à se soumettre à des cures amaigrissantes pour ressembler à cet idéal.

Cependant, loin de la complaisance qu’on lui prête parfois, la célébration boldinienne de la femme ne va pas sans cruauté. Le peintre savoure son rôle de démiurge en imposant son propre regard, parfois féroce, sur ses créatures. Des critiques comme Arsène Alexandre et Camille Mauclair ont vu en lui l’un des rares artistes à avoir exprimé la vanité, la coquetterie d’âme, la névrose de ces temps décadents, « tout ce qui n’est pas la vie essentielle ». C’est précisément en cela que Boldini a été le vrai peintre de son époque.

 
Texte du panneau didactique.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Mme Matias de Errázuriz Ortuzar, 1912. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Mlle Lantelme, 1907. Huile sur toile. Rome, Galleria nazionale d'arte moderna e contemporanea.

Actrice, chanteuse lyrique et demi-mondaine connue sous le nom de Geneviève Lantelme, Mathilde Fossey était réputée pour sa beauté. Elle avait une foule de courtisans et d’amants, dont le banquier Henri Poidatz, commanditaire du tableau. Boldini la représente en pied, comme si elle était sur scène, vêtue d'une robe du couturier Jacques Doucet en satin noir, coiffée d’un grand chapeau à nœud, un châle semblant flotter autour d'elle. Le portrait restitue toute l'arrogance et la fierté de cette femme, dont le charme se conjuguait avec un caractère séducteur et manipulateur.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Miss Bell, 1903. Huile sur toile. Gênes, Raccolte Frugone – Musei di Nervi. © Musei di Nervi, Raccolte Frugone.

Cette femme inconnue, assise sur une chaise de style Empire, affiche une pose désinvolte et un détachement sophistiqué. Par le point de vue en légère plongée, la jeune femme s’offre au regard du spectateur. Le physique du modèle, dont l’artiste semble caresser chaque détail, est typique du goût de Boldini. La poitrine de la jeune femme brune est mise en valeur par la minceur de sa taille, la bordure en dentelle qui souligne le décolleté et le gros nœud noir, posé tel un gigantesque papillon sur le corsage.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). La marquise Luisa Casati avec des plumes de paon, 1911-1913. Huile sur toile. Rome, Galleria nazionale d'arte moderna e contemporanea.

Aristocrate, mécène et collectionneuse, la célèbre marquise Luisa Casati marqua son temps par ses excentricités et ses allures de femme fatale. Elle donnait de grands bals masqués où se rencontrait l'élite européenne et où elle apparaissait avec des guépards tenus en laisse ou portant des serpents vivants en guise de bijoux. De Boldini à Man Ray, de nombreux peintres et photographes ont fixé son image et contribué à faire d'elle un véritable mythe. Ici, la pose audacieuse du modèle et les nombreux coups de pinceaux virevoltant autour d'elle accentuent l'impression de mouvement, rappelant les recherches des peintres futuristes sur la multiplication du corps dans l'espace.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Josefina Alvear de Errázuriz avec un chapeau à plumes, vers 1895. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d’Arte.
Scénographie
 
Les Modes : revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme, n°12. Décembre 1901. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Jeune femme coiffée d’un très grand chapeau orné de plumes, vers 1900. Aquarelle. Paris, musée d’Orsay.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Rita de Acosta Lydig assise, 1911. Huile sur toile. Collection Mr and Mrs James O. Coleman.

Mécène et collectionneuse d’art antique, Rita de Acosta Lydig est l’une des protagonistes les plus excentriques de la Belle Époque, célèbre pour son immense garde-robe et pour sa collection de cent cinquante paires de chaussures de luxe signées Pierre Yantorny. Sa légère robe de soie de la maison Chéruit est relevée au-dessus de ses chevilles pour laisser apparaître les fameuses chaussures. Le peintre crée un mouvement ondulant depuis le cou de cygne du modèle, en passant par ses longs bras et finissant dans la torsion des jambes.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Madame Speranza, 1899. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d’Arte.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Mme Eugène Schneider avec son fils Charles. Signé et daté 1903. Huile sur toile. Collection particulière.

Pour l'effigie de cette femme de la haute société, Antoinette de Rafélis de Saint-Sauveur, épouse du grand industriel Eugène II Schneider, avec son fils Charles, le peintre s'inspire de la tradition des portraits anglais et espagnols, avec leurs fonds neutres et sombres et leurs mises en scène fastueuses. Mme Schneider est vêtue d'une somptueuse robe du soir et d'un long manteau en velours et hermine dont la magnificence en fait presque un habit royal ou un costume de scène. De fait, elle était initialement vêtue beaucoup plus légèrement, ce qui suscita des critiques sur la bienséance du portrait. L'artiste fut donc amené à retoucher largement l'ensemble.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Pauline Hugo avec son fils, Jean, 1898. Huile sur toile. Collection particulière, courtesy Massimo Vecchia.

Pauline Hugo, première épouse de Georges Hugo, petit-fils du poète Victor Hugo, pose ici avec son fils, Jean, en costume de marin, dans un tableau qui mêle habilement modernité et tradition de l’art du portrait. La beauté particulière de Pauline Hugo, distante, élancée, presque de profil, contraste avec la vivacité du petit garçon, regardant frontalement le spectateur. Le pas en avant qu'elle esquisse la déséquilibre légèrement, ce qui accentue la finesse de sa taille et crée dans la composition un dynamisme, une tension subtile et inquiète, peut-être liée à la nature de cette femme.

Scénographie
 
Robe du soir, vers 1905. Mousseline de soie rose, tulle ivoire brodé de paillettes, broderies de perles et strass. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Don de la famille d'Alice Alleaume.
 
- Raudnitz. Robe du soir. Hiver 1897. Velours de soie vert, broderies de paillettes et de perles. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Don de Mme Baduel d'Oustrac.
- Old England. Costume de garçon, 1910. Velours de coton vert olive, dentelle d'Irlande.
Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). Femme en noir sur un divan ou Portrait de Madame R.L., vers 1901. Huile sur toile. Paris, MAD – Musée des Arts décoratifs.
 
Giovanni Boldini (1842-1931). La Dame en rose ou Portrait d'Olivia de Subercaseaux Concha, 1916. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

Cette toile compte parmi les œuvres les plus réussies de la maturité de Boldini. Son habileté technique, son répertoire de poses élégantes et recherchées, sa vaste gamme chromatique lui permettaient, malgré son grand âge, de faire encore partie des portraitistes les plus appréciés du grand monde. Vers la fin de sa carrière, son style gagne même en audace : Boldini applique la peinture avec des coups de pinceau de plus en plus larges et vigoureux qui restituent tous les reflets moirés des soies et des velours.

Scénographie
 
Giovanni Boldini (1842-1931). La Promenade au Bois, vers 1909. Huile sur toile. Ferrare, Museo Giovanni Boldini. © Ferrare, Museo Giovanni Boldini.

L’américaine Rita de Acosta Lydig posa à plusieurs reprises pour Boldini entre 1904 et 1911. L’artiste la montre ici en promenade au bois de Boulogne en compagnie de son second mari, le capitaine américain Philip Lydig. Elle s’avance majestueusement, devant lui, telle une reine se dirigeant vers son trône. Présenté au Salon de 1909, ce tableau provoqua la jalousie de la jeune Luisa Casati, qui avait posé pour le peintre à la même époque.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de la princesse Marthe-Lucile Bibesco, 1911. Huile sur toile. © Collection particulière.

Historienne et femme de lettres d’origine roumaine, Marthe-Lucile Bibesco fit la connaissance de Boldini peu avant 1910. Elle se souviendra plus tard que les dames d’alors «s’habillaient à la Boldini» et s’astreignaient à des cures amaigrissantes « pour ressembler à la femme idéale selon les canons de la beauté boldinienne ». Arborant une somptueuse et tourbillonnante robe du soir noir et argent, le corps de Mme Bibesco est parcouru d’une énergie flamboyante. Cependant, malgré l’enthousiasme de la princesse, la toile fut refusée par son mari, qui jugeait son décolleté inconvenant.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). Portrait de Gladys Deacon, 1916. Huile sur toile. Woodstock, Blenheim Palace Heritage Foundation.

On raconte que l'écrivain Gabriele D'Annunzio se serait évanoui devant la beauté de Gladys Deacon, richissime Américaine qui partageait sa vie entre Paris, Florence et l'Angleterre, où elle épousa le duc de Marlborough. Dans ce portrait, Boldini se laisse aller à toute l'exubérance de sa créativité. La pose serpentine et légèrement déséquilibrée de la jeune femme, dans une robe du soir légère, un éventail en plumes d’autruche à la main, met en valeur la sinuosité de son corps et son décolleté.

 
Giovanni Boldini (1842-1931). L’Actrice Jane Renouardt, vers 1910. Huile sur bois. Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan.
 
Manteau du soir. Taffetas de soie violet, filés métalliques, tulle de soie noir brodé de filés métalliques dorés, cordonnet en filés métalliques dorés. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Don de Mme de Courcel.
 
Pierre Bulloz. Robe du soir de la comtesse Greffulhe, vers 1913. Tulle et satin de soie noirs, mousseline de soie noire, broderies de paillettes noires et violettes, glands en perles de verre noires. Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Don du duc de Gramont.