Parcours en images et en vidéos de l'exposition

BLACK INDIANS DE LA NOUVELLE-ORLÉANS

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°558 du 23 novembre 2022



 

 
Black Indians de La Nouvelle-Orléans

L'exposition « Black Indians de La Nouvelle-Orléans », qui rassemble un ensemble important de réalisations culturelles spectaculaires de la communauté africaine-américaine dans les domaines carnavalesques, musicaux et artistiques, ambitionne d'explorer par ce prisme l’histoire et le vécu des Africains-Américains en terre louisianaise.

L'élément central de ce récit est le carnaval du Mardi gras des Africains Américains de La Nouvelle-Orléans, qui constitue une flamboyante démonstration de résilience à l’oppression et d’affirmation culturelle et artistique.

Le propos de l'exposition s’articule en deux axes entrecroisés : la violence et la résilience.

Organisée en six tableaux consécutifs représentant autant de jalons marquants du parcours des Africains-Américains de La Nouvelle-Orléans, cette exposition se déploie selon un récit à la fois géographique - de « l'Ancien Monde » au «Nouveau Monde» - et chronologique, des débuts de la présence européenne en Louisiane à la période contemporaine. Elle révèle que derrière ces éblouissants costumes, se profile une logique culturelle instruite par plus de trois siècles de résistance.

Lorsqu'ils défilent à l’occasion du carnaval, les Africains-Américains de La Nouvelle-Orléans se font appeler les Black Indians.
Affiche de l'exposition
 
Texte du panneau didactique.
Scénographie
De la violence à la résilience

La violence scande tous les moments saillants de l’histoire louisianaise des Africains-Américains : violence de leur capture et de leur déracinement du continent africain, violence de la traversée de l’océan Atlantique et du débarquement à La Nouvelle-Orléans, de l’esclavage, de la guerre de Sécession, de la ségrégation et du racisme. Toujours présente aujourd’hui, la violence entraîne des stratégies de résistance et un processus complexe de résilience, de réorganisation sociale et de créativité artistique.
En réponse à ces assauts successifs sur le corps et sur l'esprit, la résilience témoigne de cette capacité des Africains-Américains de se reconstruire culturellement et de se doter d'outils de développement matériels, spirituels et symboliques - et ce, malgré l’adversité, l'oppression et la perte de liberté, d'identité et de sécurité. Les Social Aid and Pleasure Clubs (Clubs d'aide sociale et de loisirs, associations d’entraide très actives créées au 19° siècle), l’invention de nouvelles formes de danses et d'expressions musicales, telles que la bamboula, le jazz et le blues, ou les spectaculaires défilés des Black Indians, en sont de significatives manifestations.
 
Texte du panneau didactique.
 
Big Chief Darryl Montana (né en 1955). Costume de Big Chief, 2014. Textiles, rubans, plumes d’autruches teintes, perles de verre, sequins et cabochons, caoutchouc. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.


1 - LA DECOUVERTE D'UN NOUVEAU MONDE

Scénographie
La Louisiane avant les Européens

Les premiers colons européens à fouler le sol de cette région, qui s’étend aujourd’hui sur quatorze États américains, n’y rencontrent que de petits groupes amérindiens disséminés dans un environnement apparemment vierge. Rien n’est plus loin de la réalité puisque, plusieurs millénaires auparavant, des femmes et des hommes venus de l’ouest et du continent asiatique ont exploré ces contrées fertiles et transformé la nature en culture. Il s’agit bien d’un paysage domestiqué par des peuples qui, entre 3 500 avant notre ère et 1 700 de notre ère, créent sur les terres enrichies par les alluvions du Mississippi des établissements imposants dotés d’ensembles cérémoniels, tels que ceux de Watson Brake, Troyville ou Emerald Mound parmi des centaines d’autres. Au 16e siècle cependant, le passage de conquistadors espagnols introduit de nouvelles maladies infectieuses, comme la variole, la grippe ou la rougeole. Leur immunité ne les protégeant pas contre ces maladies venues d’ailleurs, les populations locales déclinent rapidement et plusieurs d'entre elles disparaissent.

 
Texte du panneau didactique.
 
Alfred Boisseau (1823-1901). Indiens de Louisiane marchant le long d'un bayou, 1847. Huile sur toile.

Les toiles évoquant le passé nostalgique des Amérindiens abondent dans la peinture américaine du 19e siècle. Comme son titre l'indique, cette scène représente une famille amérindienne se déplaçant le long d'un bayou. Ce mot d'origine choctaw, qui signifie « serpent » ou « sinuosité », désigne les étendues d’eau formées par les méandres du Mississippi. Cet immense réseau hydrographique peu profond mais navigable s'étend sur tout le sud de la Louisiane. New Orleans Museum of Art, don de William E. Groves, La Nouvelle-Orléans.
 
- Anonyme. Tunique. Région des Plaines, Amérique du Nord, 18e siècle. Peau, piquants de porc-épic, peinture. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
- Anonyme. Sac à bandoulière. Région des Plaines, Amérique du Nord, 18e siècle. Peau, perles de verre, tendon, bois, fibres végétales.
Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
- Anonyme. Mocassins. Vallée du Mississippi, Amérique du Nord, 18e siècle. Pattes d'ours, peau de cervidé.
Dépôt Bibliothèque municipale de Versailles. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
- Anonyme. Tunique. Culture sioux, Amérique du Nord, 1ère moitié du 19e siècle. Peau, piquants de porc-épic, crin de cheval, peinture. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.

Cette tunique, communément appelée chemise de guerre (war shirt), est typique des vêtements de prestige portés par les guerriers de nombreux groupes des Grandes Plaines d'Amérique du Nord. Ornée de plusieurs pictogrammes, cette tunique servait fort probablement à relater les hauts faits guerriers de son propriétaire signalant ainsi son statut au sein de la communauté. Sur ses deux côtés, est représentée une grande scène de combat avec 18 guerriers à pied et 9 autres à cheval, armés d’arcs, de lances, d’épées et de fusils.

- Anonyme. Coiffe. Région du Plateau, Amérique du Nord, 2e moitié du 19e siècle. Laine, perles, plumes d’aigle, fourrure. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Les Amérindiens et l’esclavage

Ce sont les Amérindiens de la région qui connaissent les premiers la brutalité de la poussée colonisatrice européenne et les affres de la guerre, des razzias, de la capture et de l’esclavage. Cette violence commence avec les intrusions d’aventuriers anglais établis en Nouvelle-Angleterre depuis la première moitié du 17e siècle. À partir de la fondation de La Nouvelle-Orléans, le 25 août 1718, la traite immédiate d’Africains vise non seulement à reproduire le modèle d’exploitation et de production agricole et commerciale de Saint-Domingue, mais aussi à combler les besoins sans cesse grandissants en main d’œuvre, les esclaves autochtones ne suffisant plus. Dans un contexte commun de servitude et d’oppression, les Amérindiens tissent des liens durables et respectueux avec les Africains. Au cours du 19e siècle, le monde, l’imaginaire, le mode de vie, ainsi que certaines des croyances et costumes des amérindiens deviennent source d’inspiration pour les tout premiers Black Indians.

 

 
Texte du panneau didactique.
 
Coiffe. Plaines centrales, Amérique du Nord, avant 1760. Cornes de bison fendues, babiche (lanières de cuir), poils de cerf et de cheval teints, piquants de porc-épic, perles de verre, bâtons de bois, cônes de tôle, ruban de soie, pigments rouges et verts. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Patrick Gries, Bruno Descoings.
 
Coiffe. Région des Plaines, Amérique du Nord, avant 1760. Cornes de bison, babiche, écorce de bouleau, piquants de porc-épic, perles de verre, poils de cerf, crin de cheval, plumes, pigments, 15,5 × 5 × 15 cm. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris.
 
Manteau. Attribué à la culture Quapaw, Plaines du Sud, Amérique du Nord. Vers 1740. Peau de bison, pigments. Dépôt Bibliothèque municipale de Versailles. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Patrick Gries, Valérie Torre.
Scénographie
La fondation de la Louisiane et de La Nouvelle-Orléans

Après la calamiteuse expédition de La Salle en 1687, trente années s’écoulent avant que Philippe d’Orléans, régent de Louis XV, n’attribue le monopole du commerce de la Louisiane à la Compagnie d’Occident, qui établit un comptoir le long du Mississippi. Celui-ci devait contrarier les ambitions des Anglais de s’étendre dans la région et permettre d’enrichir la France et les actionnaires de la compagnie par l’exploitation des mines, des plantations et du commerce avec les colonies espagnoles.
C’est ainsi qu’au printemps 1718, Jean-Baptiste Le Moyne, appelé aussi « Sieur de Bienville », assigne des soldats canadiens, des forçats et des Amérindiens esclavisés à la difficile tâche du défrichement des zones boisées et marécageuses. Sur des plans établis par Pierre Leblond de Latour naît une première bourgade qui deviendra le quartier français de La Nouvelle-Orléans, qui affirme clairement sa vocation esclavagiste dès ses débuts : en 1721, on compte déjà en effet 171 esclaves africains et 21 esclaves autochtones au sein d’une population d’à peine 400 personnes.
 
Texte du panneau didactique.
 
Anonyme. Jean-Baptiste Le Moyne, sieur de Bienville, entre 1743 et 1753. Huile sur toile. The Historic New Orleans Collection, acquisition rendue possible par le Clarisse Claiborne Grima Fund, La Nouvelle-Orléans.
 
Théodore Gudin (1802-1880). Expédition de La Salle à la Louisiane, 1684, 1839-1844. Huile sur toile. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
 
Jean-Adolphe Bocquin (1826-1880). Prise de possession de la Louisiane et du fleuve Mississippi, au nom de Louis XIV, par Cavelier de La Salle, le 9 avril 1682, 19e siècle. Reproduction d'une lithographie, dimensions originales 46,3 x 63,5 cm.  Bibliothèque nationale de France.
Scénographie
L’expédition de Hernando de Soto

Unique conquistador ayant participé à la fois aux conquêtes espagnoles de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, Hernando de Soto entreprend en 1539 celle de l’Amérique du Nord. En plus de la poursuite des richesses habituelles, sa dernière mission vise à coloniser à partir de la Floride le continent nord-américain et à découvrir le passage vers l’océan Pacifique, « la mer du Sud », qui mène à la Chine. Partie de La Havane, l’expédition, qui se déroule de 1539 à 1543, aurait traversé les actuels États de la Floride, du Mississippi, de l’Arkansas et du Texas. Après avoir perdu la moitié de ses 250 hommes et la plupart de ses chevaux, de Soto succombe à la fièvre le 21 mai 1542 dans le village amérindien de Guachoya (actuel Arkansas). L’entreprise ne rapportera rien à l’Espagne, pas plus qu’elle ne permettra l’établissement d’une colonie en Floride, mais l’arrivée des chevaux, jusqu’alors absents du continent, et celle des germes laissés par les hommes sur place changeront à tout jamais le mode de vie des Amérindiens de cette vaste région et contribueront à la disparition des grandes sociétés mississippiennes.
 
Texte du panneau didactique.
 
Bernard Frolich. Maquette de bateau « La Belle, barque longue, 1684 », 2000. Bois, laiton, plomb et coton. Prêt du musée national de la Marine.
 
Évolution géopolitique de l'Amérique du Nord (vidéo)
 


2 - LE TRIANGLE DE FER : EUROPE, AFRIQUE ET AMÉRIQUES

Scénographie
Le triangle de fer : Europe, Afrique et Amérique

Avec plus de douze millions d’esclaves déportés, le commerce triangulaire, ou traite transatlantique, demeure l’un des plus importants transports de population captive de l’histoire. Le trafic établi entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques fait partie d’une vaste opération capitaliste pratiquée durant plus de quatre siècles par cinq nations européennes : l’Angleterre, le Danemark, la France, la Hollande et le Portugal.
L’entreprise débute en Europe avec l’affrètement des bateaux et le transport du matériel de traite, notamment des objets métalliques, des indiennes de traite (textiles fabriqués spécifiquement pour ce commerce) et des perles de verre destinées à être échangées contre des esclaves et les vivres nécessaires pour réaliser la traversée de l’Atlantique. Des Amériques sont rapportés des denrées et des produits comme de l’or, du tabac, du sucre, du café ou du coton. Pour les investisseurs, le commerce est doublement lucratif puisqu’à chacune des étapes, l’investissement initial se trouve bonifié : en Afrique, par l’échange de matériaux européens de faible valeur contre une main d’œuvre humaine ; en Amérique, par la vente à prix fort des esclaves et l’achat du produit de leur labeur ; en Europe, par la revente de produits hautement prisés et recherchés.
 
Texte du panneau didactique.
 
L.F. Labrousse. Marchand d’esclaves de Gorée, 1796. Eau-forte et aquarelle sur papier d’après un dessin de Jacques Grasset de Saint-Sauveur. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.

 
La terrible traversée

La traversée de l’Atlantique, ou « passage du milieu », prend environ deux mois.
Afin de contrôler la population d’esclaves et prévenir d’éventuelles révoltes, le pont est équipé de longues chaînes auxquelles les individus sont entravés et d’un barricado – une rambarde de bois hérissée de pointes de fer qui sépare le bateau en deux et sur laquelle sont installés des pierriers, petits canons montés sur pivot destinés à empêcher toute rébellion. Hommes et femmes sont maintenus séparés, les hommes enferrés deux par deux. Dans la journée lorsque les conditions le permettent, les captifs sont gardés sur le pont. À la tombée de la nuit, ils descendent dans la cale où ils sont entassés, nus et serrés les uns contre les autres, sur le sol ou sur des plates-formes. Dans un 18e siècle marqué par la violence et la guerre, l’esclavage transatlantique constitue l’expression la plus exacerbée de la misère humaine omniprésente.
- Collier de perles de verre « Rosette ». Afrique de l'Ouest, 16e - 17e siècles. Verre fabriqué à Venise. Collection A. et G. Panini, Côme.
- Colliers de perles en pâte de verre. Golfe de Guinée, 17e - 18e siècles. Verre fabriqué à Venise et en Hollande. 
Collection A. et G. Panini, Côme.
- Colliers de perles en pâte de verre. Afrique de l'Ouest, 18e - 19e siècles. Verre fabriqué en Bohème (6) et à Venise (3).
Collection A. et G. Panini, Côme.
 
Texte du panneau didactique.
 
Les Voyages français de bateaux d'esclaves (vidéo)
 
 
René Lhermitte. « Plan, profil et distribution du navire La Marie-Séraphique de Nantes, armé par Mr Gruel, pour Angole, sous le commandement de Gaugy, qui a traité à Loangue, dont la vu est cy-dessous la quantité de 307 captifs (...) », 1770. Reproduction © Musée du Château des ducs de Bretagne, Nantes.

Le plan de La Marie-Séraphique, navire négrier nantais de la Seconde moitié du 18e siècle, est unique. Il s'agit du seul navire dédié à ce commerce à avoir été précisément illustré par deux hommes de l’équipage, le capitaine et le patron de chaloupe. On y voit la terrible « cargaison » humaine située sous l'entrepont : les hommes sont placés à l'avant, tandis que les femmes et les enfants sont regroupés à l’arrière. L'entassement inhumain des esclaves, étroitement serrés les uns contre les autres, est similaire à celui des tonneaux disposés dans la cale.
 
Le Voyage de l'Aurore (vidéo)
 
 
Entraves humaines, date inconnue. Métal. Collection particulière.

Ces entraves de trois types différents étaient utilisées pour la traite négrière. L'entrave faite de deux anneaux semi-circulaires passés sur une longue tige servait à attacher le captif par les chevilles sur le pont du bateau. Celle composée de deux boucles s’engageant l’une dans l'autre et terminée par un cadenas en forme de poignée se posait autour des poignets et était probablement employée lors du déplacement des esclaves. La troisième est une entrave de cou qui permettait de déplacer plusieurs hommes en reliant ces colliers les uns aux autres par des chaînes ou des cordes.
Les ports français et le transport d’esclaves

L’armement des bateaux négriers en France est surtout concentré dans les ports du Havre, de Saint-Malo, de Nantes, de La Rochelle et de Bordeaux. La préparation d’une frégate pour le départ représente un investissement considérable souvent financé par un groupe d’armateurs comme la Compagnie d’Occident. On estime que 29 navires français effectuèrent le voyage vers La Nouvelle-Orléans sous le régime français entre 1719 et 1803. Des 8 795 esclaves embarqués à leur bord, 7 838 survécurent à la terrible traversée. Il ne s’agit là que d’une infime partie des quelque 550 000 esclaves transportés par environ 4 220 expéditions négrières qui partirent de 17 ports français durant toute la période de l’esclavage transatlantique.
 
Texte du panneau didactique
 
Jean-Joseph Patu de Rosemont (1767-1818). La culture du café à l’île Bourbon, vers 1800. Crayon, aquarelle et encre sur papier. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain.
Scénographie
La traite des esclaves vers l’Amérique : les Caraïbes et La Nouvelle-Orléans

L’arrivée de l’Aurore dans le golfe du Mexique le 6 juin 1719, annonce la naissance et l’horreur de la société esclavagiste de La Nouvelle-Orléans. Affrétée à Saint-Malo une année auparavant par des partenaires de la Compagnie d’Occident et commandée par le capitaine Herpin, la frégate jette l’ancre dans le golfe du Bénin au large de la ville de Ouidah, afin de remplir son entrepont de 201 captifs africains.
Ce premier contingent dans la ville néo-orléanaise sera suivi de 28 autres bateaux jusqu’en 1803. En plus de la Louisiane, le commerce des esclaves et l’exploitation de toute la région des Antilles, incluant Saint-Domingue, font la fortune des investisseurs et de plusieurs villes portuaires françaises. L’espace économique ainsi créé constitue une source de revenus importante pour la couronne. Au 18e siècle, la région formée par la Caraïbe et La Nouvelle-Orléans est la première productrice mondiale de sucre et de café.
 
Texte du panneau didactique.
 
Marcel Antoine Verdier (1817-1856). Châtiment des quatre piquets dans les colonies, 1843. Huile sur toile. Houston, The Menil Collection.

Avec ce tableau, visant à dénoncer les pratiques inhumaines en vigueur dans les colonies, Verdier illustre une punition brutale couramment infligée aux esclaves fugitifs. On remarque que c'est un gardien qui abat le fouet sur le supplicié, sous les yeux du propriétaire et de sa famille. L'attitude nonchalante du maître, cigarette à la main, et son regard las incarnent la banalité de la scène.
Scénographie
 
Le Code noir ou recueil d'édits, déclarations et arrêts concernant les esclaves nègres de l'Amérique, 1743 (première édition en 1685). Bibliothèque nationale de France, Paris.
 
Anonyme. Bala, xylophone. Sénégal, avant 1930. Cucurbitacée, bois, cuir et fibres végétales. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
Anonyme. Wasamba, sistre. Culture bamana, Mali, avant 1931. Bois et rondelles de calebasse. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
Masque zoomorphe (aussi dit ejumba). Culture Diola, Sénégal, avant 1756. Vannerie d’écorce, cornes de boeuf, coquillages, graines d’abrus, cuir. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Patrick Gries.

Ce masque est constitué d’une sorte de heaume de fines bandes d’écorce tressées surmonté de cornes de bovidé. Longtemps identifié comme un « masque de chasse de la Louisiane », il figurait dans la collection de Charles Philippe Fayolle, commis auprès du bureau des Colonies d’Amérique qui se constitua un cabinet de curiosités à partir de 1756. D’origine africaine, ce masque servait au rite de passage à l’âge adulte des jeunes hommes du peuple diola. Sa provenance indique que des objets africains ont également fait le voyage en Amérique aux côtés des esclaves. Il s’agit du plus vieux masque africain conservé dans le monde.
La place Congo, la mémoire pour tout bagage

Dès 1750 environ, la religion catholique leur interdisant de travailler la terre le dimanche, des esclaves africains de diverses communautés, des métis et des Amérindiens choctaw, houma et chikasaw se réunissent en un lieu alors appelé « place des Nègres », situé juste au nord du quartier français de La Nouvelle-Orléans. Ils s’y retrouvent pour commercer, échanger des stratégies de survie, danser et faire de la musique. Ce temps, hors de la servitude, favorise une forme de résilience, se traduisant par des expressions culturelles, artistiques et religieuses renouvelées, comme la langue créole et le vaudou. Au rythme des tambours, la danse, la musique et le chant façonnent l’identité de La Nouvelle-Orléans.
Après la révolution haïtienne de 1804, les esclaves, les gens de couleur libres et les immigrants blancs affluent des Caraïbes, marquent les arts locaux de leur empreinte et introduisent des sonorités afro-cubaines et de nouveaux instruments, comme le luth banza. La bamboula, une danse exécutée au son des tambours, le blues et le jazz (du français « jaser ») émergent. C’est dans ce creuset rebaptisé « place Congo » que, durant la première moitié du 19e siècle, apparaissent les premiers costumes de plumes, précurseurs des Black Indians.
 
Texte du panneau didactique.
 
Edward W. Kemble (1861-1933). Danse sur la place Congo, 1886. Reproduction adaptée d'une gravure.
 
William Henry Brooke (1772-1860). Vente de domaines, d’images et d’esclaves dans la rotonde, La Nouvelle-Orléans, 1842. Gravure d’encre avec rehauts d’aquarelle sur papier. © The Historic New Orleans Collection.
 
Augustin Brunias (1730-1796). Danse d’esclaves, vers 1770. Huile sur toile. Musée d'Aquitaine, Bordeaux.


3 - LA TRANSITION VERS UN NOUVEAU PAYS

Scénographie
La transition vers un nouveau pays

La guerre de Sept Ans (1756-1763), qui déchire l’Europe et épuise la France, se joue également sur le continent nord-américain. La capitulation de l’armée française de Québec après la bataille des plaines d’Abraham contre les Britanniques (1759), la cession des terres situées à l’ouest de la rivière Mississippi aux Espagnols (1762), la Révolution française (1789) et le début de la révolution haïtienne (1791) sont les quatre événements majeurs qui annoncent la fin des visées impérialistes françaises en Amérique du Nord. L’émigration et les efforts de colonisation sont largement insuffisants pour assurer le contrôle réel d’une Nouvelle-France dont le territoire correspond à six fois la superficie de la France. La cession de la Nouvelle-France aux Britanniques en 1763 entraîne une nouvelle guerre entre ceux-ci et plusieurs nations amérindiennes coalisées comptant les Ojibwés, les Outaouais, les Hurons-Wendats, les Potéoutamis, les Miamis, les Kickapous, les Weas, les Mascoutins, les Piankashaw, les Delaware, les Shawnees, les Mingos et les Sénécas (anciens alliés des Anglais). Signé le 25 juillet 1766, le traité de paix fait cesser le feu des mousquets mais n’éteint pas les revendications autochtones à des droits ancestraux.
 
Texte du panneau didactique.
 
Big Chief Dow Michael Edwards (né en 1961). The Taking (La Capture), 2019. Plumes d'autruche, d'oie, de dinde, cuir de vachette, peau de crocodile, perles de rocaille, strass en cristal et coquillages. Collection de l'artiste.

Ce costume est le deuxième d’une série de trois dédiée à la grandeur de l'Afrique avant la traite transatlantique et aux effets néfastes de ce commerce. Le tablier illustre la première rencontre entre un chef africain et des colonisateurs européens, sa capture et son transport en Amérique.
L'envers du costume montre que les mêmes tactiques ont été appliquées aux Amérindiens. L'image qui a inspiré l'Africain enchaîné placée sur le plastron a été créée en 1787 par l'entrepreneur britannique Josiah Wedgwood, fondateur de la  célèbre manufacture de céramique qui porte son nom, connu pour avoir été un fervent abolitionniste.
 
Scénographie
 
 
Myrlande Constant (née en 1968). Bannière Bawon. Port-au-Prince, Haïti, 2005. Fibres synthétiques, perles de verre et de plastique, et satin. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.

Cette bannière célèbre Bawon, ou Baron Samedi, personnification du iwa, ou esprit des morts. Le personnage principal, Bawon, vêtu d’un costume de soirée et coiffé d'un chapeau haut-de-forme, se dresse au milieu d’un cimetière. D'autres personnages, masculins comme féminins, l'accompagnent. Les hommes portent tous un costume, un chapeau et des lunettes noires, ces dernières faisant partie aussi des attributs de Bawon.
 
Harpe à chevalet-cordier. Culture Baga, Sénégal, avant 1967. Bois, métal et peau. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.
 
Black Indians - Origine (vidéo)
 
Scénographie
La révolution haïtienne et La Nouvelle-Orléans

Extraordinaire à bien des égards, la première révolte d’esclaves réussie de la colonie française de Saint-Domingue mène à la création de la république de Haïti en 1804.
Elle constitue le premier clou planté dans le cercueil de l’esclavage et du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Entre 1791 et 1810, quelque 15 000 réfugiés – colons blancs, gens de couleur libres et esclaves – de la colonie de Saint-Domingue, fuyant les affrontements et les massacres, viennent plus que doubler la population de La Nouvelle-Orléans. Les nouveaux arrivants transforment de façon profonde et durable la société et la culture de la ville, et de la Louisiane dans son ensemble. Outre leur empreinte mieux connue dans les domaines musicaux et religieux, notamment le vaudou, les réfugiés de couleur libres et leurs descendants influencent la vie politique en lançant le premier mouvement politique pour les droits civiques dès les débuts de la guerre de Sécession.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pierre Martinet (dessinateur), De Masson (graveur). Incendie de la plaine du Cap. Massacre des Blancs par les Noirs, 1833. Gravure sur acier sur papier. Planche extraite de France militaire : histoire des armées françaises de terre et de mer, de 1792 à 1833, Abel Hugo, Ed. Delloye, Paris, 1833. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
La Nouvelle-Orléans et la musique

Dans le bouillon de cultures que représente La Nouvelle-Orléans tout au long de son histoire, il est particulièrement complexe de définir les multiples trajectoires culturelles qui composent la riche tradition musicale de la ville. Déjà au milieu du 18e siècle, la place Congo est reconnue pour ses nombreuses interactions entre les communautés africaines, créoles et amérindiennes, et pour les danses, le rythme effréné des tambours et les chants entonnés par des centaines de Néo-Orléanais de descendance africaine. Aux danses à connotations africaines telles que la bamboula, la calinda ou la coujaille s’ajoutent, surtout grâce aux migrants ayant fui la révolution haïtienne, de nouvelles sonorités incluant la danza cubaine. C’est de ce creuset qu’émergent des musiques modernes, emblématiques de la culture américaine, comme le jazz et le blues. Les percussions polyrythmiques, dont l’origine remonte à l’Afrique, résonnent encore aujourd’hui dans les fanfares d’accompagnement, appelées Second Lines, qui suivent aussi bien les Black Indians que les enterrements jazz (Jazz Funeral).
4 - Anonyme. Hochet-sonnailles. Bénin, avant 1931. Calebasse, fil de coton et vertèbres de serpent. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
5 - Anonyme. Asson, hochet-sonnailles avec clochette. Port-au-Prince, Haiti, avant 1973. Calebasse, perles de verre, vertèbres de couleuvre, cordelettes, métal et bois.
Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
6 - Anonyme. Hochet-sonnailles vaudou. Haiti, avant 1897. Calebasse, perles, vertèbres de couleuvre et cordelettes.
Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
Texte du panneau didactique.


4 - LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET LA QUESTION RACIALE

Scénographie
Les États-Unis d’Amérique et la question raciale

L’idée d’une « race supérieure », blanche et protestante, qui aurait été « divinement choisie » pour exploiter des hommes dont la couleur de peau indiquerait leur état de «subordonné», ne s’éteint pas avec les derniers feux de la guerre de Sécession. Elle se perpétue surtout dans les États du Sud avec l’établissement des lois ségrégationnistes Jim Crow, la formation de groupes suprémacistes et l’autorisation de la pratique du Convict Leasing, système de servitude qui consiste à louer le travail des prisonniers.
C’est en résistance à l’oppression et à la terreur durant la période ségrégationniste, visant à maintenir la séparation entre les Blancs et les gens de couleur, que se développent des sociétés caritatives appelées à La Nouvelle-Orléans des Social Aid and Pleasure Clubs (clubs d’aide sociale et de loisir). En plus de porter assistance aux plus démunis de la communauté africaine-américaine, ces associations permettent le développement de plusieurs traditions musicales et artistiques dont les fanfares des Second Lines et les riches traditions carnavalesques qui sont présentées dans cette exposition.
 
Texte du panneau didactique.
 
Theodore Russell Davis (1840-1894). Vente aux enchères d’esclaves dans le Sud, 1861. Gravure sur bois et pigments. Publié dans Harper's Weekly. The Historic New Orleans Collection, La Nouvelle Orléans.
Reproductions d'affiches annonçant des ventes d’esclaves et avis de recherche d’esclaves en fuite.
 
McPherson & Oliver. Inspection médicale de Gordon, Bâton-Rouge, Louisiane, 1863. Reproduction d'un tirage argentique sur papier, dimensions originales 10,2 x 6 cm. © Smithsonian National Museum of African American History and Culture.

Esclave échappé d'une plantation louisianaise en mars 1863, Gordon dit « Peter le fouetté », parcourt au travers des marécages et des rivières près de soixante-quatre kilomètres en dix jours. Il parvient à rejoindre l'armée de l’Union (armée des États-Unis durant la guerre de Sécession) basée près de Bâton-Rouge. Afin de gagner des adhérents à la cause abolitionniste, des portraits-cartes montrant son dos couvert des coups de fouet reçus en esclavage sont imprimés et distribués dans le monde entier. Ces images galvanisent les Nordistes et incitent de nombreux Noirs libres à rejoindre les rangs des troupes de l’Union.
 
M. H. Kimball.  Wilson Chinn, ancien esclave de Louisiane, marqué au front avec les initiales de son propriétaire, Volsey B. Marmillion, et posant avec des outils de punition, 1863. Tirage à l'albumine sur papier, dimensions originales 11 x 6 cm. © Library of Congress.
Scénographie
Les fondements du système esclavagiste américain en Louisiane

Avec l’arrivée en 1804 de la nouvelle administration américaine en Louisiane, l’organisation tripartite de la société française qui existait dans les Caraïbes et à La Nouvelle-Orléans entre Blancs libres, gens de couleur libres et esclaves noirs disparaît. Une peau noire ou foncée devient le marqueur du statut d’esclave ou de celui d’un individu « à contrôler ». La couleur de la peau indiquerait que les Noirs seraient « naturellement » plus aptes que les Blancs à travailler la terre ou à entretenir les digues sous un climat torride, et l’esclave noir fait dès lors « partie intégrante du paysage ».
Le système qui maintient cet « ordre établi » entre maître et esclave est basé sur un double fondement : le premier est l’exercice d’une violence physique exercée par le maître et son emprise absolue sur le corps de l’esclave, entraînant d’innombrables actes de résistance et de stratégies de résilience de la part des opprimés ; le second se situe dans l’imaginaire de l’oppresseur, qui fait du Noir un être d’une autre nature, déshumanisé.
 
Texte du panneau didactique.
 
Michael Ray Charles (né en 1967). (Forever Free) The Road most travelled (Libres pour toujours) Le chemin le plus parcouru, 2013. Acrylique et monnaie de cuivre sur toile. Collection particulière, courtesy galerie Tempion.
Scénographie
La Guerre de Sécession et Abraham Lincoln

Sa position anti-esclavagiste le rendant impopulaire auprès des Sudistes, Abraham Lincoln (1809-1865) remporte l’élection présidentielle en 1860 sans leur soutien. L'idée de sécession devient dès lors une réalité. Si la guerre civile n’est pas entièrement due à cette élection, elle est l’une des principales raisons de l’éclatement du conflit l’année suivante. L'objectif premier du gouvernement Lincoln est de préserver l’Union à tout prix, pas de mettre fin à l'esclavage. Il ne publie sa célèbre proclamation d’émancipation que le 1er janvier 1863, presque deux années après le début de la guerre. Ce document, fondé sur le droit du président de saisir la propriété de ceux qui se révoltent contre l'État, ne permet la libération d'esclaves que dans les États confédérés, c’est-à-dire les sept États du Sud qui se sont rebellés contre l’Union : l’Alabama, la Caroline du Sud, la Floride, la Géorgie, la Louisiane, le Mississippi et le Texas. Le 14 avril 1865, alors qu’il assiste à une représentation théâtrale, Lincoln est abattu par John Wilkes Booth, un sympathisant confédéré. L'assassinat fait partie d'un complot plus vaste visant à éliminer le gouvernement du Nord. Lincoln meurt le lendemain et avec lui l'espoir de reconstruire la nation sans violence.
 
Texte du panneau didactique.
 
Michael Ray Charles (né en 1967). (Forver Free) The Facts of Live, (Libres pour toujours) Les faits de la vie, 2012. Acrylique et pièce en cuivre sur toile. Collection particulière, courtesy galerie Tempion.

Comme en écho à l'expression américaine qui dit que « les Blancs ne savent pas danser » («White people can't dance»), trois personnages encagoulés dansent bien maladroitement devant l’imposante statue du Lincoln Memorial de Washington. Il s'agit pour l'artiste de réaffirmer ainsi que la guerre de Sécession n'a mis fin ni au racisme systémique ni aux phantasmes de suprématie blanche aux États-Unis. Les gants blancs portés par les trois individus et les chevalets d'artiste posés derrière eux font référence à l'œuvre de Philip Guston The Studio (1969), où le peintre se représente dans son atelier, portant une cagoule et les mêmes gants en train d'exécuter son autoportrait.
 
Laura Smith Haviland et le chemin de fer souterrain

L'histoire de l’abolition de l'esclavage, de la défense du droit des femmes et des opprimés dans la jeune Amérique est jalonnée par le parcours de nombreuses femmes courageuses et engagées, telle Laura Smith Haviland (1808-1898). Membre de la Société religieuse des amis (les Quakers), militante du droit de vote des femmes et opposante à toute injustice sociale, Laura Smith Haviland, au risque de sa propre sécurité, utilise vers 1830 la ferme familiale du Michigan - première station de l’Underground Railroad (le chemin de fer souterrain) - pour y cacher des esclaves fugitifs. Bien que sa tête soit mise à prix dans les États du Sud, elle s’y rend à de multiples reprises afin d’aider des esclaves à s’échapper. Durant la guerre civile, depuis les États du Nord, elle milite pour l’abolition de l’esclavage, exhibant, lors de ses présentations, des chaînes, des entraves et des fouets collectés dans les plantations abandonnées à la suite des conflits.
AW. Aldrich. Laura Smith Haviland (1808-1898) tenant des entraves pour esclaves, vers 1880. Reproduction d'une photographie. © Bentley Historical Library. University of Michigan.
 
Texte du panneau didactique.
Scénographie
Les lois Jim Crow et la ségrégation

Les espoirs d’égalité, d’émancipation et de justice sociale nourris par quatre millions d’esclaves à la fin de la guerre civile sont vite déçus par l’application, dans les États du Sud d’une série de « codes noirs » : des mesures destinées à rétablir l’asservissement et l’exploitation des Africains-Américains. À partir des années 1870, les lois dites « Jim Crow », d’après la chanson populaire raciste Jump Jim Crow (Saute Jim Crow) entrent en vigueur dans la majorité des États sudistes. Elles visent non seulement à imposer la ségrégation entre Blancs et gens de couleur dans les services publics et les lieux de rassemblement, mais aussi à garantir une importante force de travail pour la reconstruction et l’enrichissement des grandes plantations et des industries, par le biais de pseudo contrats sous-payés réservés à des milliers d’Africains-Américains émancipés mais sans emploi.
 
Texte du panneau didactique.
 
1936-1938. Reproductions de photographies. © Library of Congress.

Ces photographies sont extraites des quelques centaines de portraits d'anciens esclaves qui furent interviewés dans le cadre du projet Nés en esclavage : récits d'esclaves, issus du projet fédéral pour les écrivains, 1936-1938 (financé par le New Deal).
Malgré les conditions imparfaites de ces entrevues - les membres du programme étant majoritairement blancs - cette œuvre de mémoire a tout de même permis de conserver des témoignages et des informations cruciales de cette difficile période de l'histoire des Africains-Américains. Autrement, leurs voix se seraient éteintes à tout jamais.
Partitions musicales. Impression sur papier. Collection Philippe Baudoin.

Avec un graphisme particulièrement frappant, ces partitions musicales, produites durant la période des lois Jim Crow entre 1896 et 1939, oscillent entre une vision nostalgique du passé – celui du bon vieux Sud et des plantations – et les pires préjugés et stéréotypes de la ségrégation.
Les Africains-Américains, souvent représentés par des comédiens blancs sous les traits de blackfaces (maquillage en noir) aux lèvres pulpeuses, sont dépeints comme des voleurs de poulets, des individus dangereux, des joueurs invétérés, des paresseux, des mangeurs de pastèques ou des serviteurs.
 
Le Convict Leasing

« Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné. »
XIIIe amendement de la Constitution des États-Unis.

La guerre civile qui a dévasté les États sudistes et tué près de 620 000 soldats dans les deux camps n’a pas éliminé le mécanisme fondamental de l’économie esclavagiste : disposer d’une main-d'œuvre exploitable quasiment sans limite. En effet, bien qu’abolissant l’esclavage, le XIIIe amendement autorise la servitude pour les prisonniers condamnés, le Convict Leasing. Afin de hâter la reconstruction, les systèmes judiciaires de nombreux États du Sud s’affairent alors à faire accuser, à condamner puis à louer des dizaines de milliers d'hommes à des fermes, des mines, des compagnies de chemin de fer, de construction de routes et d'exploitations forestières.
Le plus souvent africains-américains, ces hommes sont condamnés pour des motifs aussi anodins que d’avoir craché par terre, ne pas avoir cédé le passage à un Blanc, ou être sans emploi. La location de prisonniers est moins coûteuse que l’esclavage puisque les exploiteurs n’ont pas à se soucier de leur santé. La torture et les abus de toutes sortes sont monnaie courante. Des milliers d'individus sont morts des suites de ces traitements et de conditions de vie déplorables. Bien que ces pratiques aient cessé au cours du 20e siècle, le XIIIe amendement de la Constitution américaine, toujours en vigueur, permet encore aujourd’hui le travail forcé dans la plupart des prisons américaines fédérales.

Prisonniers affectés à la récolte du bois, Floride, 1915. Reproduction d'une photographie. © Library of Congress.
 
Texte du panneau didactique.
Scénographie
Droits civiques et ségrégation à la Nouvelle-Orléans

« Jim Crow Must Go »

À La Nouvelle-Orléans, où un peu plus de la moitié de la population est d’origine africaine, l’application de la notion de « séparés mais égaux », entérinée par la Cour suprême de Louisiane en 1896, ouvre la voie à la ségrégation dans les écoles, les hôpitaux, les transports, les restaurants, les hôtels, les parcs, les cimetières et les lieux de résidence. La ségrégation résidentielle confine les Africains-Américains dans les quartiers les plus pauvres, situés pour la plupart au-dessous du niveau de la mer, ce qui les expose aux effets dévastateurs des ouragans. Des années 1950 à 1964, La Nouvelle-Orléans devient un centre pour la lutte en faveur des droits civiques, avec l’organisation de nombreuses protestations non violentes telles que des marches pour l’égalité, le boycott de magasins et des sit-in au comptoir des restaurants ségrégués. En 1960, ces efforts permettront l’intégration de quatre jeunes filles africaines-américaines dans une école élémentaire précédemment réservée aux Blancs.
 
Texte du panneau didactique.
 
Chief Alfred Doucette (né en 1940). Spirit of the Soul (L'Esprit de l’âme), 2004. Textiles, plumes, perles. Collection privée.

Ce costume appelé L'Esprit de l'âme, créé par le Chief Alfred Doucette, constitue un plaidoyer contre la violence de l'esclavage et de la ségrégation raciale. S’inspirant de la chanson Strange Fruit interprétée par Billie Holiday, Doucette a représenté, sur le plastron, l’arrivée d’un bateau négrier et la vente des esclaves, et sur le tablier, un homme lynché dans  un arbre couvert d'yeux entouré de sa famille et de membres du Ku Klux Klan. Les costumes d'Alfred Doucette ont été endommagés lors de l'ouragan Katrina.
Vincent Valdez (né en 1977). The City I, 2015-2016. Huile sur toile. Blanton Museum of Art, University of Texas at Austin.
 
Rosa Louise McCauley Parks

Militante du mouvement pour les droits civiques depuis 1943, Rosa Parks n'en est pas à son premier acte de résistance lorsque, le 1er décembre 1955, elle refuse de céder son siège à un passager blanc dans un bus de Montgomery en Alabama.
Arrêtée par la police et condamnée à une amende de 15 $, elle fait appel de son jugement, tandis que des militants locaux, dont un jeune pasteur de vingt-six ans du nom de Martin Luther King Jr., organisent le boycott du service de transports publics de la ville, privant ainsi, pendant toute une année, la compagnie des trois quarts de ses clients. L’action courageuse de Rosa Parks et la campagne de protestation qui s'ensuit mènent non seulement à l’invalidation par la Cour suprême de la ségrégation raciale dans les transports publics aux États-Unis en novembre 1956, mais annonce la fin de l’ère des lois Jim Crow. Il faudra cependant bien d’autres événements dégradants et violents pour enfin aboutir en 1964 à la promulgation du Civil Rights Act, qui mettra fin à toute forme de ségrégation et de discrimination.
Photographie d'identité judiciaire de Rosa Parks suite à son arrestation dans un bus à Montgomery, Alabama, 1955. Reproduction. © Alamy.
 
Texte du panneau didactique.
Scénographie reproduisant des panneaux ségrégationnistes.
 
Martin Luther King Jr. à Lakeview, New York, 1965. Reproduction d'une photographie.
 
Rééditions de The Negro Motorist Green-Book.

Symbole de la ségrégation raciale aux États-Unis, le guide de voyage The Negro Motorist Green-Book a été publié de 1936 à 1966 afin d'aider la classe moyenne africaine-américaine à se déplacer en relative sécurité dans les États sudistes ou ségrégués. Bible du voyageur de couleur sous le régime des lois Jim Crow, ce guide recense les lieux publics sûrs ou accessibles : campings, hôtels, restaurants, stations-service, etc. Les slogans figurant sur les couvertures de certaines éditions - « Pour des vacances sans complications » ou « Emportez votre Green-Book, vous pourriez en avoir besoin » - sont explicites. On doit cet ouvrage à un postier africain-américain du nom de Victor H. Green qui souhaitait « donner au voyageur noir une information le mettant à l'abri des difficultés et tracas, rendant son voyage plus agréable. »
Les suprémacistes blancs, la White League et le Ku Klux Klan

Le développement des premiers groupes suprémacistes aux États-Unis est largement le produit de la défaite des Sudistes durant la guerre de Sécession.
Le Ku Klux Klan, société secrète terroriste suprémaciste blanche des États-Unis, formé par six vétérans confédérés, naît fin 1865 dans les cendres encore chaudes du conflit. Au faîte de sa gloire en 1925, le Ku Klux Klan (KKK) dont l’idéologie se nourrit des doctrines racistes, compte près de cinq millions de membres qui occupent tous les échelons de la société, incluant des policiers, des juges et des politiciens. Fondée en 1874, la White League de Louisiane, également composée en grande partie d’anciens combattants confédérés, vise à intimider les esclaves affranchis pour qu’ils ne puissent ni voter, ni s’organiser politiquement. À l’inverse d’une société secrète telle que le KKK, la White League est une organisation paramilitaire blanche, dont les membres agissent à visage découvert. De récentes études ont établi qu’entre 1877 et 1950, plus de 4000 personnes ont été lynchées dans les États du Sud afin d’imposer, par la terreur raciale, le maintien de la suprématie blanche.
 
Texte du panneau didactique.
 
Manifestation « Unite the Right», Charlottesville, Virginie. Reproduction. © Getty Images.

Rassemblements de nationalistes blancs, néo-nazis et membres de l’alt-right (droite alternative américaine désignant une partie de l'extrême droite américaine qui rejette le conservatisme classique et milite pour le suprémacisme blanc). 11 et 12 août 2017.
 
La question raciale aux États-Unis aujourd’hui

Pendant la présidence de Donald Trump de 2017 à 2021 et pendant la campagne électorale qui l’a précédée, certains mouvements d’extrême-droite ont joué avec les thèmes et les peurs ancrés dans les esprits d’une partie de la population blanche américaine. Désinhibés, puisant dans la rhétorique des groupes suprémacistes et racistes insistant sur les périls de l’immigration sauvage et le basculement démographique au profit des gens de couleurs et des démocrates (White Replacement Theory), ils ont donné lieu à des actes d’une rare violence et à de nombreux défilés, tels que la parade aux flambeaux de Charlottesville (2017) où les participants, rassemblant des suprémacistes et des nationalistes blancs, des néonazis et des miliciens, scandaient « You will not replace us ! » (« Vous ne nous remplacerez pas ! »).
Manifestations en hommage à George Floyd, mort étouffé lors d'une interpellation policière le 25 mai 2020 à Minneapolis, Minnesota. Londres, Royaume-Uni. © Guy Smallman / Getty Images.
 
Texte du panneau didactique.
 
Black Indians - Aujourd'hui (vidéo)
 
 
 
The New Generation Jam at Congo Square (vidéo)


5 - L'OURAGAN KATRINA

Scénographie
L’ouragan Katrina

Le passage de l’ouragan Katrina le 29 août 2005 marque un tournant décisif dans l’histoire de La Nouvelle-Orléans. La réponse des gouvernements aussi bien locaux que fédéraux face à cette crise illustre de façon spectaculaire la ségrégation socio- raciale de la ville et du pays tout entier. D’une rare violence, ce désastre, plus culturel que météorologique, frappe par-dessus tout la communauté africaine-américaine.
Quelques heures après la furie des éléments, au moment même où le pire semble passé, le système de digues qui protège la ville, mal entretenu, se rompt en plusieurs endroits et laisse entrer les eaux poussées par les vents.
La plupart des quartiers à majorité noire sont inondés : les vagues balayent et engloutissent sous deux à trois mètres d’eau les habitants et leurs logements. Après avoir été abandonnés sur place, harcelés par les forces policières, ou dispersés aux quatre coins de la Louisiane et des États voisins, les résidents entreprennent rapidement la laborieuse reconstruction de leurs quartiers et de leur communauté. Dès l’automne, le difficile retour à une vie normale débute, au son des fanfares des Second Lines. L’engagement civique et le rôle fédérateur des Social Aid and Pleasure Clubs (Clubs d’aide sociale et de loisir) sera déterminant pour la réussite de ce long processus.
 
Texte du panneau didactique.
 
Porte avec croix d’inspection provenant de la maison de Jack Kingsmill à Broadmoor, 2005. Bois, métal, peinture en bombe. Louisiana State Museum, La Nouvelle Orléans.

Ces inscriptions, dites « croix de Katrina », tracées sur les portes et les murs des maisons dévastées par la rupture des digues sont devenues de véritables symboles de la destruction de la ville. Elles représentent des codes d'inspection apposés par les équipes de secours : on y lit, en haut, la date de la visite, à gauche, le nom de l'équipe de secours, à droite, la présence de risques ou de matières dangereuses et, tout en bas, le nombre de victimes ou de rescapés retrouvés dans la maison.
 
L'œil de l'ouragan Katrina.
 
Sauvetage d'un sinistré en hélicoptère.
 
L’impact de l’ouragan Katrina sur les quartiers africains-américains

La rupture des digues qui protègent la ville et la submersion des quartiers les plus bas et les plus défavorisés, majoritairement habités par des Africains-Américains, ne sont pas le fruit d’un événement naturel mais culturel. Bien sûr, l’ouragan Katrina est une perturbation météorologique, mais la misère humaine qui s’ensuit, et qui perdure aujourd’hui encore, est le fait de décisions gouvernementales et politiques prises bien avant son passage. En effet, la réduction des programmes sociaux et des dépenses dans les infrastructures par les administrations américaines successives de ces dernières années n’est pas étrangère à la précarisation des populations les plus fragiles. Le sentiment très fort selon lequel il est du ressort des individus de réussir dans la vie et de prendre soin d’eux-mêmes dans cette terre d’opportunités est toujours très présent aux États-Unis. Cette vision, profondément ancrée dans la mentalité américaine, pose un frein à l’aide aux plus démunis, souvent africains-américains, et transforme pour beaucoup le mythe du « rêve américain » en véritable cauchemar.
La Nouvelle-Orléans. Rue inondée après le passage de l'ouragan Katrina.
 
Texte du panneau didactique.
 
Impact de l'ouragan Katrina sur les quartiers africains-américains (diaporama)
   
Scénographie (avec Victor Harris devant son costume de Big Chief)
Le rôle des Social Aid and Pleasure Clubs et des "tribus" après Katrina

Actifs depuis 1884, les Social Aid and Pleasure Clubs ont été créés pour aider et supporter financièrement les membres de la communauté africaine-américaine de La Nouvelle-Orléans. Durant la période de la ségrégation, ces sociétés caritatives, qui collectaient des sommes d’argent sous forme de souscriptions, de taxes et d’amendes, constituaient la seule forme d’assistance pour les Africains-Américains, leur permettant de couvrir les frais de santé et le coût des enterrements. L’implication sociale des Social Aid and Pleasure Clubs s’est poursuivie bien au-delà de la période des lois Jim Crow. Leur rôle dans la reconstruction des communautés après l’ouragan Katrina a été déterminant. On dénombre aujourd’hui quelque 50 clubs. Chacun de ces clubs a sa mission, ses costumes et ses défilés musicaux qui se déroulent habituellement le dimanche.
 
Texte du panneau didactique.
 
Victor Harris (né en 1950), esprit de Fi Yi Yi et Big Chief des Mandingo Warriors Jack Robertson, directeur artistique des Mandingo Warriors Eyes of the Fire (Les Yeux du feu). Plumes d’autruche et de coq, cauris, perles, raphia. Collection de l'artiste. Dédié à Allison « Tootie » Montana, Big Chief des Yellow Pocahontas, et au directeur artistique Melvin « Left » Reed.
 
Victor Harris, esprit de Fi Yi Yi et Big Chief des Mandingo Warriors Jack Robertson, directeur artistique des Mandingo Warriors Eyes of the Fire (Les Yeux du feu), détails.
 
Big Chief Victor Harris, à propos de l'après Katrina (vidéo)
 


6 - ART, SPECTACLE ET SPIRITUALITÉ

Scénographie
Art, spectacle et spiritualité

Le carnaval des Black Indians constitue le point d’orgue de la riche tradition du spectacle des Africains-Américains de La Nouvelle-Orléans. Incluant également les Second Lines, les Baby Dolls et les Skull and Bones Gangs, elle se nourrit de la musique de dizaines de fanfares qu’accompagne une foule dansant et frappant des mains. Outil fédérateur puissant, la tradition carnavalesque est source de fierté et d’identité collective.
En s’appropriant la rue et en investissant l’espace public, elle affirme la présence et l’importance des communautés africaines-américaines de et dans la ville. Parmi les plumes, les sequins et les perles multicolores, au travers des chants, de la musique et du rythme saccadé des corps se cachent ou s’expriment ouvertement des valeurs spirituelles profondes – des valeurs et des croyances puisées dans les religions africaine, vaudoue, catholique, islamique, voire dans l’imaginaire amérindien ou personnel. Cette tradition, qui remonte à la place Congo au 18e siècle, illustre de façon éclatante l’ultime acte de résilience, celui où des cultures africaines déracinées devinrent la culture africaine-américaine.
 
Texte du panneau didactique.
 
Dianne Honore (née en 1964). Sugar Baroness (Baronne du sucre), 2019. Textiles, plumes, sequins. Collection privée.

Cet aguichant costume, dénommé « Baronne du sucre » a été créé et porté par Dianne Honore, fondatrice des Black Storyville Baby Dolls. Storyville était le quartier où étaient concentrées les activités liées à la prostitution, à l'alcool et au jeu au tournant du 20e siècle. Le nom de son costume souligne les origines créoles de la « baronne » qui remontent à la période de l'esclavage.
Scénographie.
Au centre : Dartanya L. Croff (née en 1986). Josephine Baker / Oshun, 2020. Acrylique, cauris, coquilles d’huîtres, rubans, paillettes. Collection de l’artiste.
Dartanya L. Croff a créé ce costume inspiré par Joséphine Baker en l'honneur d’orisha Oshun, la déesse des rivières et de la beauté dans la religion yoruba. Elle parade avec le krewe (confrérie qui organise les défilés) des Déesses, un sous-groupe du krewe Bohème qui défile dans le quartier français et celui de Marigny. Sur cette robe, Dartanya L. Croff reprend la fameuse ceinture de bananes portée par Joséphine Baker aux Folies Bergère en 1926. À l'instar de l'usage qu'en faisait l'artiste engagée et résistante durant la Seconde Guerre mondiale, ces fruits symbolisent les préjugés raciaux et les fantasmes des hommes blancs à l’égard des femmes de couleur.
Baby Dolls

Les parades de Baby Dolls font partie intégrante de la culture carnavalesque des Africains-Américains de La Nouvelle-Orléans. Ces femmes aux costumes flamboyants et provocants accompagnent aussi bien les Second Lines et les enterrements que les sorties des Black Indians lors du Mardi gras ou de la fête de la Saint-Joseph (fin du carême) qui célèbre la fin du carême. Selon la tradition orale, cette pratique aurait débuté à l’occasion du Mardi gras de 1912 : des prostituées de la partie basse de la ville (Downtown), majoritairement noires ou créoles, auraient voulu tenir tête et impressionner un groupe de rivales de la partie haute, l’actuel quartier de Treme. Gestes et chansons obscènes, alcool et danses suggestives font partie de la panoplie d’effets outranciers. Les Baby Dolls célèbrent le pouvoir féminin et la nécessité de reconnaître l’égalité des sexes durant la période de la ségrégation aussi bien qu’aujourd’hui. Leur attitude transgressive renvoie non seulement à la nature fondamentale du carnaval, mais aussi à Iwa Guédé, le dieu de la dérision du vaudou haïtien.
 
Texte du panneau didactique.
 
Denise Augustine, Baby Doll Duchess, 7e génération afro-créole. Sunrise over Savanah (Lever de soleil sur la savane), 2020. Satin, coton, polyester, plumes. Collection de l'artiste.

Cette robe de Baby Doll aux motifs africains a été créée par Denise Augustine afin d’honorer la mémoire de ses ancêtres africains, témoins du lever du soleil sur leurs terres ancestrales. Denise Augustine souligne que les rayons du soleil qui illuminent le tissu symbolisent la création de Dieu dans toutes ses couleurs et ses nuances.
 
Baby Dolls Parade (vidéo).
 
Scénographie
Black Indians : spiritualités africaines

Éléments fondamentaux de la spiritualité africaine-américaine à La Nouvelle-Orléans, les religions et les pratiques de culte de l’Afrique de l’Ouest ont imprégné les traditions carnavalesques des Black Indians. De nombreux Africains-Américains observent les pratiques religieuses africaines dans leur vie et profitent du carnaval du Mardi gras pour les exprimer publiquement. Certains s’inspirent de la religion traditionnelle des Yorubas, l’un des plus importants peuples du Nigeria. Les esprits yoruba, appelés orisha, ont de vives personnalités qui sont définies par leurs propres rituels, danses et chants. L’un d’eux, Shango, un orisha associé au tonnerre et aux éclairs, compte parmi les plus puissants du panthéon yoruba. Il orne certains costumes. L’imaginaire développé par les Black Indians trouve son origine dans bien d’autres sources encore, incluant même la Bible et la culture populaire.
 
Texte du panneau didactique.
 
Artiste anonyme. Costume de Captain Proteus, 1980. Textiles, plumes, perles. Don du neuvième capitaine du Krewe of Proteus, Louisiana State Museum.
 
1 - Charles C. Crawford. Sceptre, 1927. Métal doré, strass.
2 - Charles C. Crawford. Couronne, date inconnue. Métal doré, velours, perles.
3 - Anonyme. Noix de coco du Zulu Social Aid and Pleasure Club, 1972. Noix de coco, peinture dorée, paillettes.
4 - Anonyme. Noix de coco du Zulu Social Aid and Pleasure Club, 1991. Noix de coco, peinture pailletée.
5 - Les Atlantes. Sceptre, 1925. Matériaux divers.
Louisiana State Museum. La Nouvelle Orléans.
 
5 - Les Atlantes. Sceptre, 1925. Matériaux divers.
6 - Anonyme. Couronne, 1924. Matériaux divers.
7 - Artiste anonyme. Collier de perles, date inconnue. Perles.
8 - Virginia Clairborne. Sceptre, 1924. Matériaux divers.
Louisiana State Museum. La Nouvelle Orléans.
Scénographie
Skull and Bones Gangs

Les Skull and Bones Gangs sont des squelettes ambulants, des morts-vivants.
Dans les quartiers noirs de La Nouvelle-Orléans, ils ont pour tâche de réveiller les habitants à l’aube du Mardi gras afin de diffuser un message de non-violence et rappeler la brièveté de l’existence : « You Next! » («Tu es le prochain!»). Vêtus de costumes de squelettes, coiffés de crânes humains en papier mâché, arborant des tabliers de boucher souillés de rouge couleur sang et maniant des ossements de bovidés, ils vont de porte en porte sur le chemin qu’empruntera quelques heures plus tard une "tribu" de Black Indians. À l’instar des Creole Wild West, la toute première "tribu" de Black Indians répertoriée, l’origine des Skull and Bones Gangs remonterait au début du 19e siècle. Les influences du vaudou haïtien et des religions africaines sont clairement apparentes dans les costumes et les autels de ces groupes. Elles sont rendues explicites dans leurs discours par l’invocation de Guédé, esprit gardien des cimetières et de Papa Ogun, dieu du fer et de la guerre, dans la religion haïtienne.
 
Texte du panneau didactique.
 
Bruce Sunpie Barnes, Chief Northside Skull and Bones Gang. Costume de Skull and Bones, date inconnue.  Textiles, cuir de cochon, cornes d’antilope kudu. Collection privée.
 
Skull and Bones Gangs (vidéo)
 
Scénographie.
A gauche : Chief Alfred Doucette (né en 1940). Marie Laveau, 2000. Textiles, plumes, perles. Collection privée.
Sur ce costume, Alfred Doucette, Big Chief des Flaming Arrows, représente le quartier résidentiel d’Iberville et le cimetière Saint-Louis n°1 adjacent où se trouve la tombe de Marie Laveau (1801-1881), la prêtresse vaudoue la plus célèbre de La Nouvelle-Orléans. Le jour du Mardi gras, les membres des Flaming Arrows réveillent cette reine vaudoue. Son visage apparaît dès lors au Big Chief Doucette tandis que son âme quitte la tombe afin d'aménager un chemin spirituel au chef pour le protéger. Les costumes d'Alfred Doucette ont été endommagés lors de l'ouragan Katrina.
Black Indians : hommages aux Amérindiens

Selon la tradition orale, ces costumes ont été créés par les Africains-Américains au cours du 19e siècle afin d’honorer la mémoire des communautés amérindiennes qui les ont côtoyés et aidés durant la période de l’esclavage. De fait, plusieurs membres des communautés autochtones de la région de La Nouvelle-Orléans ont, comme les Africains, été réduits à l’état d’esclaves. Ils vivaient ensemble dans les plantations, sous le joug de la même servitude. De nos jours, les créateurs des costumes qui adoptent ce style reconnaissent dans les revendications des Premières Nations une forme de résistance au pouvoir dominant de la société américaine qui s’apparente à la leur. Les thèmes le plus fréquemment exprimés et représentés sur les costumes sont les affrontements sanglants et la lutte armée contre les colons et les autorités militaires. Sont également représentés des sujets en lien avec les religions amérindiennes, dont la prophétie du Bison blanc qui annonce par sa présence au carnaval, la venue de grands changements sur Terre.
 
Texte du panneau didactique.
 
Dianne Honore (née en 1964). The White Queen (La Reine blanche), 2021. Plumes de coq et de dinde, textiles, perles en plastique, cristal et verre. Collection de l'artiste.

Pour sa première parade dans une tribu de Black Indians et en tant que l’une des reines des Yellow Pocahontas, Dianne Honore a choisi de se confectionner un costume d’un blanc immaculé, dont les motifs divers rendent hommage à ses racines amérindiennes, africaines et créoles.
Eleonora Brown (née en 1954). White Bison (Bison Blanc). © Aya Noire, Louisiane, Nouvelle Orléans, 2017. Tissus, coton, perles de verre, plumes, sequins, éléments en plastiques, bois, vauris et métal. Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris.

Eleonora « Rukiya » Brown, reine de la "tribu" des Creole Wild West mais aussi l’une des artistes les plus remarquables de Louisiane, confectionne depuis quelques années des costumes spectaculaires avec d’étonnants éléments décoratifs en trois dimensions constitués de milliers de petites perles, de sequins et de plumes d’autruche. Nommé Bison Blanc en référence à la prophétie amérindienne, le costume présenté est composé de nombreux accessoires perlés, dont un imposant collier représentant une tête de bison. Il comporte également un tablier sur lequel on peut voir un autre bison blanc, entier, traité en bas-relief.
Scénographie
Le carnaval de La Nouvelle-Orléans et les Africains-Américains

Les traditions carnavalesques et artistiques des Africains-Américains se développent dans un contexte de tensions sociales durant la période des lois Jim Crow et sous la pression d’un racisme systémique par des entités publiques et privées.
Relégués au rang d’individus de deuxième classe et exclus des festivités du carnaval officiel, dont la parade de Rex (Roi du carnaval), ils créent en parallèle leurs propres célébrations selon le même calendrier religieux lié au jour de Pâques : même Mardi gras, même déploiement festif mais construit comme un acte de résistance. C’est ainsi qu’ils protestent contre leur statut de marginalisés au travers des costumes, de la danse et des chants. Les Black Indians de la fin du 19e siècle non seulement rendent hommage aux multiples liens tissés avec les communautés autochtones durant la période de l’esclavage, mais créent aussi une ligne de partage entre gens de couleur opprimés et oppresseurs du pouvoir blanc.
 
Texte du panneau didactique.
 
Owolabi Ayodele. Our Lady of Lake Pontchartrain (Notre-Dame du lac Pontchartrain), 2019. Peinture acrylique sur toile. Collection privée.

La vision de cet esprit qu'Owolabi Ayodele a nommé «Notre-Dame du lac Pontchartrain» est venue à l'artiste après une longue méditation sur les rives du lac Pontchartrain, qui borde La Nouvelle-Orléans. Par cette œuvre, l'artiste d’origine nigérienne renvoie à des croyances yoruba selon lesquelles les trois orishas principaux - Olokun, Yemoja et Oshun - habitent les rivières, les lacs et les océans. Ces esprits sont invoqués pour répondre à des problèmes personnels, de fertilité ou d’ordre médical, ou en remerciement de grâces obtenues.
Scénographie.
Au centre : Big Chief Dow Michael Edwards (né en 1961). Shango, 2018. Plumes d'autruche, d'oie et de dinde, peau de vache, peau de crocodile, perles, strass et coquillages. Collection de l'artiste.

Ce costume célèbre les grands royaumes africains précédant l'époque de la traite des esclaves. L'image en perles brodée sur le dos représente le continent africain, la lettre E désigne le nom de famille de l'artiste et la chaîne avec six maillons symbolise le père du créateur et ses cinq oncles. Le blanc et le rouge sont les couleurs sacrées de Shango, un ancien roi d'Afrique de l'Ouest. Le jaune évoque les éclairs. Sous sa forme d’ancêtre, Shango est un orisha de la justice. La hache à  double tranchant est l’un de ses principaux attributs.
 
Mystic Medicine Man (né en 1972). Love Medicine, 2017. Textiles, plumes, perles. © Collection of Jean-Marcel St Jacques.

Ce costume de Medicine Man (guérisseur) transmet le message que les Black Indians sont des Africains de diverses nations qui se costument en Indiens. Mystic Medicine Man appose le mot nganga – « guérisseur » en langue subsaharienne kikongo – sur tous ses costumes. Au royaume du Kongo, le nganga est un spécialiste rituel qui connaît le secret des plantes médicinales et communique avec les ancêtres. Ce costume est également couvert de symboles vévés appartenant à l’esprit Erzulie du vaudou haïtien, une divinité qui dispense l’amour, la santé, la protection et la prospérité.
 
Chief Alfred Doucette (né en 1940). The Last Supper and Crucifixion (La Cène et la Crucifixion), 2000. Textiles, plumes, perles. Collection privée.

Sur le tablier de ce costume, Alfred Doucette a représenté la Cène, le dernier repas pris par Jésus avec ses douze disciples la veille de sa crucifixion. La partie supérieure dépeint la crucifixion, avec Marie au pied de la croix et le soldat romain perçant le cœur de Jésus pour confirmer sa mort. Des colombes symbolisant l'Esprit Saint sont posées de part et d'autre de la croix. Ces oiseaux sont fréquemment représentés lors des enterrements jazz. Les costumes d'Alfred Doucette ont été endommagés lors de l’ouragan Katrina.
Scénographie
Scénographie
 
Anonyme. Ibeji. Culture yoruba, Nigeria, avant 1968. Bois, coquillages et perles. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
Anonyme. Ejumba, masque zoomorphe. Cultures balante et diola, Sénégal, 20e siècle. Vannerie, bois, raphia, graines d’abrus precatorius et enduit résineux. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
 
Anonyme. Statuette féminine. Culture Yoruba, Nigéria, vers 1880. Bois et kaolin. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.
 
Anonyme. Boîte. Culture yoruba, Nigeria, avant 1979. Cuir, cauris et perles. Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Scénographie
 
Parade (vidéo)
 
 
 
Danse africaine (vidéo)