BERTHE MORISOT ET L’ART DU XVIIIe SIÈCLE. Watteau, Boucher, Fragonard,  Perronneau. Depuis le début des années 2000, plusieurs expositions  monographiques sont dédiées à Berthe Morisot (1841-1895), moins connue parmi  les Impressionnistes que Mary Cassatt. La dernière était celle du musée d’Orsay  en 2019 (Lettre n°483). Aujourd’hui,  le musée Marmottan Monet met en exergue le goût pour le XVIIIe siècle de cette descendante  du célèbre ébéniste Jacob-Desmalter (1770-1841).
                Le parcours commence par Au Bal (1875), l’une des œuvres les plus  emblématiques de l’artiste. Ce tableau est encadré par deux éventails du XVIIIe  siècle ayant appartenu à Berthe Morisot, dont l’un est reproduit sur le  tableau. Ils sont ornés de scènes galantes comme on les aimait à leur époque.  C’est justement ce cadre de vie du XVIIIe siècle qu’évoque la deuxième section  avec des tableaux de Rosalie Riesener (1843-1913) tout à fait dans le goût de  ce siècle. On y voit aussi un Portrait  d’Homme (vers 1770), un pastel de Maurice Quentin Delatour (1704-1788) et  la remarquable copie à l’huile qu’en fit Edgar Degas (1834-1917). Mais l’œuvre  la plus intéressante est le grand Portrait  de Berthe Morisot (1875) peint par   Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione-Colonna, dite Marcello  (1836-1879).
                Si au début du XIXe siècle les  œuvres du XVIIIe étaient peu représentées dans les musées, (une seule toile de  Watteau exposée au Louvre), elles y entrent en force après 1870. Morisot, qui  ne les voyait que dans les demeures qu’elle fréquentait, peut alors s’en imprégner  à loisir, les copier et surtout s’en inspirer. C’est ce que nous montrent les  commissaires en mettant en regard des toiles de Watteau et Fragonard et des  tableaux de Morisot tel celui avec son époux, Eugène Manet à l’île de Wight (1875), ou encore Jeune Femme arrosant un arbuste (1876).
                Mais son peintre préféré est  manifestement François Boucher (1703-1770) dont on voit Pastorale ou Berger gardant ses moutons (vers  1751) et l’esquisse en grisaille des Forges  de Vulcain (vers 1756), un immense carton de tapisserie exposé au Louvre.  Comme Boucher, Morisot aime les couleurs claires et la beauté au féminin. Des Forges de Vulcain elle copie les deux  Grâces assises dans le ciel et installe ce tableau, le seul qu’elle ne remise  pas, dans son intérieur. 
                Dans la section suivante, la  cinquième, sont exposés des tableaux de différents maîtres du XVIIIe siècle, à  commencer par Fragonard et son célèbre La Leçon  de musique (1769) suivis d’œuvres de Louis Aubert, Jean-Baptiste  Perronneau et des anglais George Romney, Sir Joshua Reynolds et Thomas  Gainsborough. On voit comment Morisot s’en inspire dans le choix des sujets,  qu’elle peint avec la liberté prise en peinture par les Impressionnistes.
                La sixième section nous offre un  florilège de somptueux pastels de Berthe Morisot ou, à côté de ceux de  Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783), nous voyons divers portraits (Portrait de Louise Riesener,  1888 ; Paule Gobillard en robe de  bal, 1887) et de ravissantes scènes de genre, comme Enfants à la vasque (1886).
                Nous revenons ensuite à Boucher avec Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé (1750) et le tableau de Morisot inspiré par un petit détail de cette œuvre, les  deux nymphes enlacées.
                L’exposition se termine en  tordant le cou à une croyance tenace de son vivant faisant de Berthe Morisot  l’arrière petite nièce de Fragonard. La seule relation entre les deux peintres  est peut-être ce Portrait  présumé de Claudine Duchêne-Morisot, grand-mère de Berthe Morisot (vers 1805).
                Une exposition brillante, bien  documentée, avec plus de soixante-cinq œuvres admirablement présentées. R.P. Musée Marmottan Monet 16e.  Jusqu’au 3 mars 2024.    Lien : www.marmottan.com