BERNARD BUFFET
Rétrospective

Article publié dans la Lettre n° 411
du 18 janvier 2017


 
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BERNARD BUFFET. Rétrospective. C’est la première rétrospective consacrée en France à Bernard Buffet (1928-1999), désigné en 1955 comme « le peintre en tête de la jeune école contemporaine ». Artiste précoce – il intègre l’Ecole des beaux-arts à 16 ans, sur dérogation -  il est très vite remarqué dans les nombreux salons auxquels il participe. En 1948 il partage le prix de la critique avec Bernard Lorjou. Cette année-là marque les débuts de son succès. Celui-ci est considérable. Le public l’adore et très vite Buffet connaît la gloire et les honneurs. Il expose dans le monde entier. Il prépare tous les ans une exposition thématique à la galerie David et Garnier. Il achète divers châteaux et villas et vit luxueusement, ce qui, en 1956, fait débat. Il est membre du jury du festival de Cannes en 1958.  Il est élu à l’Académie des beaux-arts en 1974. Peu à peu la critique et les intellectuels se détournent de lui. Une peinture qui plaît aux concierges ne peut pas être bonne ! On lui reproche de rester figuratif à une époque où la peinture abstraite est portée aux nues. Dans le même temps il fait un triomphe au Japon où le collectionneur Kiichiro Okano fonde un musée Bernard Buffet en 1973 à Surugadaira. Ses cendres seront dispersées dans le jardin de ce musée avec celles de son fondateur.
Il fallait donc une certaine audace pour présenter aujourd’hui, dans un grand musée, une rétrospective sur Bernard Buffet. Son directeur, Fabrice Hergott, qui avoue avoir mis « plus de trente ans pour passer de l’hostilité horrifiée à l’admiration », fait le pari d’une relecture critique de l’œuvre de cet artiste. Son musée possède d’ailleurs l’une des deux collections les plus importantes de France grâce à divers lègues dont celui de Maurice Garnier, galeriste qui se consacra exclusivement à Bernard Buffet, seul exemple de ce genre pour une galerie, et rêva d’un musée Bernard Buffet comme il y a un musée Picasso.
La présente rétrospective adopte un parcours chronologique en trois grandes sections. La première « L’invention d’un style / Une gloire fulgurante » couvre la période 1945-1955. On y voit les premières toiles de cet artiste prolifique : des natures mortes (Le Coq mort, 1947 ; Le Révolver, 1949), des scènes de genre (Deux hommes dans une chambre, 1947 ; Trois nus [La Toilette], 1949 ; Vacances en Vaucluse, 1950, qui fit scandale et dut être retiré de la vitrine de la galerie Charpentier ; Intérieurs, Femmes à leur toilette [Trois femmes], 1953), des scènes religieuses (Pietà [Déposition de croix], 1946), des paysages (Nanse, 1951 et 1955 ; Pont sur un canal, 1952), etc. En cette période d’après-guerre où la peinture manque, Bernard Buffet utilise essentiellement, avec bonheur, des tons blancs dans ses grandes compositions, à échelle humaine. C’est le cas du triptyque de La Passion (1946), pour sa première exposition thématique, et de La Ravaudeuse de filets (1948) qui obtint un grand succès.
Dans cette section sont également exposés des portraits dont celui de Pierre Bergé qui fut son compagnon de 1950 à 1958 et qui a prêté beaucoup de tableaux pour cette exposition. C’est en 1958 que Bernard Buffet fait la connaissance d’Annabel Schwob, personnalité à l’aspect androgyne de Saint-Germain-des-Prés, qu’il épouse en décembre. Ils adopteront trois enfants et Annabel deviendra sa muse. Bernard Buffet aimait aussi se représenter, surtout à la manière de Velasquez dans Les Ménines. On voit dans cette section plusieurs Autoportraits (1952 ; 1955) où il se peint debout derrière son chevalet.
Cette section se termine avec deux thèmes, Horreur de la guerre, un immense triptyque qui puise son inspiration chez divers peintres (le Douanier Rousseau, Goya, etc.) et Le Cirque dont Tête de clown (1955) eut un immense succès commercial avec ses reproductions.
Les commissaires présentent ensuite un ensemble de gravures que Bernard Buffet réalisa pour illustrer La Voix humaine de Jean Cocteau en 1957, comme il le fit plus tard en 1964 pour Toxique, de Françoise Sagan, amie d’Annabel.
La deuxième section « La fureur de peindre / Le Tournant » est consacrée aux années 1956-1976. Durant ces vingt ans, Bernard Buffet se consacra au traitement de divers thèmes pour ses expositions annuelles. Parmi ceux-ci sont illustrés ici Les Oiseaux (exposés en 1960) qui fit scandale ; Les Ecorchés (1965) représentant des êtres hallucinés ; Femmes déshabillées (1966) où il renoue avec les tons blancs ; Les Plages (1968), toiles monumentales dont certaines dépassent sept mètres de long ; Les Folles (1971) où il traite le thème de la prostitution avec des outrances expressionnistes et enfin des Paysages (expositions de 1974, 1975 et 1976) calmes et paisibles, prenant à contre-pied les critiques. On peut voir aussi un thème récurrent chez cet artiste avec des insectes géants et d’autres animaux du Museum de Bernard Buffet et des toiles qui s’inspirent de tableaux célèbres comme Le Sommeil d’après Courbet (1955) ou Nature morte à la raie (1956).
La troisième et dernière section « Mythologie / L’exil » nous présente les œuvres peintes de 1977 à 1999. En 1977 Buffet renoue avec les grands thèmes et choisit L’Enfer de Dante où il prête son visage à plusieurs damnés ! Les autres thèmes illustrés dans cette section sont Vingt mille lieues sous les mers (1989) ; Clowns musiciens (1991) où il renoue avec son thème de l’exposition de 1956 sur le cirque mais en ne s’intéressant qu’à des clowns présentés comme des épouvantails pris dans une pantomime burlesque ; Terroristes (1997) avec lequel Buffet fait allusion au terrorisme intellectuel dont il est victime ; Mes singes (exposition de 1999) dont le style grossier (travail au doigt ou au manche de pinceau) évoque le Bad Painting des années 1980. Le dernier thème est La Mort. Buffet livre son dernier combat contre la maladie de Parkinson qui l’empêche de peindre. On y voit des personnages que Buffet a peints vivants puis les a peu à peu écorchés de façon à ce qu’apparaisse le squelette. C’est fascinant et résume bien le style et le travail de cet artiste inclassable qui se suicida après cette œuvre. Une très belle exposition, bien présentée, avec des panneaux et des cartels aisément lisibles. R.P. Musée d’art moderne de la ville de Paris 16e. Jusqu’au 26 février 2017. Lien : www.mam.paris.fr.


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