
Parcours en images et en vidéo de l'exposition
ARTEMISIA
Héroïne de l'art
avec des visuels
mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue
1 - ARTEMISIA. HÉROÏNE DE L'ART
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Scénographie. Photo Nicolas Héron. |
Artiste importante de l'ère baroque, Artemisia Gentileschi s'est imposée dans l'histoire de l'art par sa carrière exceptionnelle, à une époque où l'exercice de la peinture était presque exclusivement réservé aux hommes. Talentueuse, résiliente et puissante, elle a fait de son art un moyen d'affirmer son existence et de défier les normes de son temps. Son histoire, marquée par une combativité et une force de caractère exceptionnelles, ainsi que l'audace et la puissance dramatique de ses compositions la font voir aujourd'hui comme une véritable héroïne de l'art. Le corpus réuni dans cette exposition permet d'éclairer les multiples facettes de sa carrière et rassemble aussi bien des chefs-d'œuvre emblématiques que des peintures jusqu'ici rarement présentées au public.
Née en 1593 à Rome, Artemisia connaît une renommée internationale importante, auprès des grandes cours européennes notamment. À l'instar de son père Orazio Gentileschi, elle reçoit de prestigieuses commandes de la part de puissants mécènes, tels que Cosme Il de Médicis, le duc de Bavière ou Philippe IV d'Espagne. Après un passage à la cour de France où il participe à la décoration du palais du Luxembourg, Orazio est nommé en 1626 peintre du roi Charles 1er d'Angleterre. Les deux artistes ne se retrouveront qu'en 1638 à Londres, au fil de leurs brillantes carrières parallèles, marquées par l'élaboration d'un style élégant qui connut un large succès et que reflètent les peintures présentées dans cette salle.
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Texte du panneau didactique. |
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Scénographie. Photo Nicolas Héron.
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Esther et Assuérus, v.1628. Huile sur toile, 208,3 x 273,7 cm. New York, The Metropolitan Museum of Art, Gift of Elinor Dorrance Ingersoll, 1969.
Dans ce moment clé du Livre d'Esther, la reine de Perse, qui est juive, brave le protocole en se présentant sans convocation devant son époux pour sauver son peuple d'un massacre. Terrassée par la peur, elle s'évanouit avant que le roi ne la réconforte et exauce son vœu. Le choix de ce sujet reflète sans doute les débats sur les vertus féminines dans les cercles académiques qu'Artemisia fréquentait durant son séjour à Venise. Celle-ci s'inspire d'un tableau de Véronèse pour la perspective et le décor palatial. L'influence du théâtre transparaît dans la mise en scène: le vide central souligne la distance psychologique entre les personnages, tandis que l'estrade et le rideau rouge renforcent l'effet dramatique. Contrairement au texte biblique, Assuérus n'apparaît pas redoutable, mais sous les traits d'un jeune homme élégant, vêtu d'un costume anachronique inspiré de la commedia dell'arte, reportant ainsi l'attention sur Esther, véritable figure royale du courage. |
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Orazio Gentileschi (1563-1639). Loth et ses filles, 1628. Huile sur toile. Bilbao, Museo de Bellas Artes de Bilbao. Acquis en 1924.
Cette œuvre est l'une des premières grandes commandes de Charles Ier d'Angleterre à Orazio Gentilschi. Initialement destiné au Palais de Whitehall, le tableau fut transféré dans les années 1630 à la Maison de la Reine à Greenwich, où Artemisia put donc l'admirer lorsqu'elle rejoignit son père pour l'aider à peindre le plafond de l'Allégorie de la Paix et des Arts. Ce thème à la fois moral et sensuel illustre un épisode de la Genèse où Loth et ses filles, réfugiés dans une grotte pendant la destruction de Sodome et Gomorrhe, s'unissent dans une relation incestueuse sous l'effet de l'ivresse du patriarche. Orazio abandonne ici le style caravagesque de ses années romaines pour une esthétique plus théâtrale et élégante, marquée par une vivacité chromatique et un raffinement aristocratique, en phase avec les goûts de la cour anglaise. Le soin apporté aux détails - tissus chatoyants, objets métalliques et paysage en arrière-plan - témoigne de la maîtrise technique du peintre. |
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Plafond : Orazio Gentileschi et Artemisia Gentileschi. Allégorie de la Paix et des Arts, vers 1635-1638 (Reproduction, vue partielle in situ).
Plafond de la Malborough House, Londres (Westminster), Royal Collection Trust; à l'origine peint pour la Maison de la Reine, Londres (Greenwich).
© Royal Collection Enterprises Limited 2025 | Royal Collection Trust.
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Plafond : Orazio Gentileschi et Artemisia Gentileschi. Allégorie de la Paix et des Arts, vers 1635-1638 (Reproduction, vue partielle in situ).
Plafond de la Malborough House, Londres (Westminster), Royal Collection Trust; à l'origine peint pour la Maison de la Reine, Londres (Greenwich). © Royal Collection Enterprises Limited 2025 | Royal Collection Trust. |
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Plafond : Orazio Gentileschi et Artemisia Gentileschi. Allégorie de la Paix et des Arts, vers 1635-1638 (Reproduction, vue partielle in situ). |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Ulysse reconnaissant Achille parmi les filles de Lycomède, vers 1640. Huile sur toile.
Collection particulière.
Dans cet épisode, Achille, déguisé en femme et caché par sa mère Thétis parmi les filles du roi Lycomède à Skyros, est démasqué par une ruse d'Ulysse. Se faisant passer pour un marchand, Ulysse expose des objets précieux mêlés à des armes. Achille, trahi par son instinct guerrier, se dévoile et promet de rejoindre la guerre de Troie, emporté par un destin fatal. Dans une composition au décor minimaliste, le clair-obscur modèle les visages et les objets. Une analyse radiographique a révélé qu'Artemisia avait initialement peint un autoportrait dans le reflet du miroir tenu par la figure de gauche, avant de le recouvrir. Le format, le thème courtois et l'attention portée à la narration et aux détails suggèrent un commanditaire de haut rang. Cette œuvre ambitieuse et raffinée constitue aussi un hommage stylistique d'Artemisia à son père Orazio, qui rappelle leurs collaborations passées à Rome et à Londres.
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Simon Vouet (1590-1649). Portrait d’Artemisia Gentileschi, vers 1622-1626. Huile sur toile, 90 x 71 cm. Pise, Fondazione Pisa, Palazzo Blu. Crédit: Proprietà della Fondazione Pisa / Palazzo Blu, Pisa - © Palazzo Blu_Ph. Nicola Gronchi.
Ce portrait d'Artemisia sans doute commandé à Simon Vouet par Cassiano Dal Pozzo, érudit et mécène proche des artistes français à Rome, se distingue par son réalisme. Artemisia y est représentée en train de peindre. Elle porte un médaillon orné du Mausolée d'Halicarnasse, l'une des sept merveilles du monde antique, érigé par la reine Artémise. Ce détail savant, probablement inspiré par Dal Pozzo d'après une médaille de son propre cabinet, symbolise non seulement le nom de l'artiste, mais aussi l'acquisition de la gloire immortelle par Artemisia, obtenue grâce à ses œuvres. Ce «tableau parlant» reflète le style raffiné de Vouet à cette époque, s'inscrivant dans le contexte intellectuel et artistique de l'Accademia di San Luca, qu'il dirigea à partir de 1624. |
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Orazio Gentileschi (1563-1639). La Félicité publique triomphant des dangers, 1625-1626. Huile sur toile. Paris, Musée du Louvre, département des Peintures. |
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Vidéo. Présentation de l'exposition par les commissaires.
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Chronologie 1593-1620.
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Chronologie 1620-1656.
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2 - ENTRE FILIATION ET ÉMANCIPATION
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Artemisia Gentileschi se forme dans l'atelier de son père Orazio Gentileschi, peintre d'histoire renommé pour son style lyrique, héritier du dernier maniérisme. Comme les autres apprentis, elle commence par copier les œuvres de son père, élaborant des compositions d'après ses dessins et bénéficie de ses corrections. Mais, si Orazio reconnaît rapidement l'exceptionnel talent de sa fille - qu'il encourage - l'adolescente demeure confinée dans le foyer familial, privée de l'accès aux académies et aux vestiges de l'Antiquité, réservés à ses pairs masculins. Pourtant, elle progresse avec rapidité et ses premières œuvres se distinguent difficilement de celles de son père. Durant ces premières années, elle peint des portraits et de petits tableaux dévotionnels, dont la Vierge de l'Annonciation récemment découverte donne un exemple. Sa première œuvre signée et datée, Suzanne et les vieillards (1610), reflète précisément l'influence paternelle - le geste de Suzanne rappelant celui d'un David d'Orazio - tout en révélant sa sensibilité et son talent pour capturer la psychologie et les émotions de ses personnages, essentiellement féminins.
Le lien entre Artemisia et les héroïnes féminines qu'elle représente devient d'autant plus marquant au regard des épreuves personnelles ayant jalonné sa vie. En 1611, elle est victime d'un événement traumatique: elle est violée par le peintre Agostino Tassi, un ami et collaborateur de son père. La promesse de mariage de Tassi la persuade de consentir à une relation pendant près d'un an.
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Orazio intente finalement un procès contre Tassi, au cours duquel Artemisia est torturée pour éprouver la véracité de ses accusations, qui aboutit à la condamnation de l'accusé (protégé par le pape, Tassi ne purgera qu'une partie de sa peine). Artemisia épouse alors Pierantonio Stiattesi et s'installe à Florence fin 1612 - début 1613, amorçant une nouvelle phase de sa carrière.
Les œuvres de cette période témoignent à la fois de la continuité de l'influence de son père, mais aussi, progressivement de son affirmation en tant qu'artiste indépendante. Sa célèbre Judith et sa servante, exposée ici à côté du modèle d'Orazio, illustre cette évolution: Artemisia s'inspire du modèle de son père mais se l'approprie et apporte une sensibilité plus marquée dans la relation entre les deux femmes. Une attention aux émotions similaire ressortait déjà du rapport tendre entre les figures de la Vierge à l'Enfant de la Galleria Spada.

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Texte du panneau didactique. |
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Orazio Gentileschi (1563-1639). Judith et sa servante, vers 1612. Huile sur toile. Bilbao, Museo de Bellas Artes de Bilbao. Don d'Óscar Alzaga Villaamil en 2021. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Judith et sa servante, vers 1615. Huile sur toile, 114 x 93,5 cm. Florence, Gallerie degli Uffizi, Galleria Palatina. Crédit: Su concessionne del Ministera della Cultura.
Cette œuvre, identifiée dans la garde-robe des Médicis à Florence en 1636, représente le moment suivant le meurtre d'Holopherne, dans une composition centrée sur la psychologie des personnages. Judith, dont les traits rappellent ceux d'Artemisia, apparaît les joues rougies, essoufflée après avoir décapité Holopherne, et se dirige vers sa servante. La position des femmes s'inspire clairement de deux œuvres de son père, dont l'une est également présentée ici, sous l'influence d'un caravagisme apaisé et des courants artistiques florentins, sensibles dans le raffinement des vêtements et les nuances chromatiques. Artemisia introduit une tension palpable dans l'intensité du regard des deux femmes, qui scrutent un événement extérieur invisible au spectateur. Le geste de Judith, posant sa main sur l'épaule d'Abra, souligne l'urgence de leur fuite tout en donnant de l'importance à la complicité féminine. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Vierge de l’Annonciation, vers 1609-1610. Huile sur panneau. Collection particulière. |
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Orazio Gentileschi (1563-1639). David et Goliath, vers 1605-1607. Huile sur toile. Dublin, National Gallery of Ireland. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Vierge à l'Enfant, vers 1612. Huile sur toile. Rome, Galleria Spada.
Ce tableau, attribué à Artemisia dans un inventaire de 1637, révèle clairement l'influence des modèles paternels et encore une relative maladresse dans le rendu de l'anatomie. Cependant, Artemisia s'éloigne progressivement du style d'Orazio pour tracer sa propre voie artistique, plus intime et réaliste, notamment dans la représentation de la relation mère-enfant. Le geste délicat de l'Enfant et la somnolence toute profane de la Vierge suggèrent la douceur, mais aussi la fatigue qu'implique la maternité. Artemisia embrasse ainsi une conception nouvelle d'un art ancré dans la réalité, tout en lui préservant une signification spirituelle. Grâce à l'usage de cartons, une pratique courante dans l'atelier de son père, Artemisia a peint plusieurs Madones sur la même composition. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Suzanne et les vieillards, 1610. Huile sur toile, 170 x 121 cm. Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn. Crédit: akg-images / MPortfolio / Electa.
Suzanne, surprise au bain par deux vieillards, repousse leurs avances malgré leur menace de l'accuser d'adultère. Diffamée, elle devra ensuite affronter un procès. Cette œuvre révèle le talent précoce d'Artemisia, qui n'a que 17 ans lorsqu'elle la signe. Si Orazio Gentileschi l'a sans doute aidée, Artemisia impose son style par le réalisme du corps féminin, naturalisme qu'elle adopte en s'observant dans un miroir. L'intensité dramatique de la scène repose sur une composition originale: les vieillards, fusionnés en une masse menaçante, conspirent derrière Suzanne dont la torsion marquée, l'expression tourmentée et le geste de défense traduisent la résistance et la détresse. Souvent interprétée à travers le prisme de l'histoire personnelle d'Artemisia, l'œuvre témoigne en tout cas d'une sensibilité particulière au sort des femmes vulnérables et affirme déjà une certaine identité artistique. |
3 - ARTEMISIA, PEINTRE CARAVAGESQUE
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Scénographie. Photo Nicolas Héron. |
Outre l'influence de son père, le rôle de Caravage fut déterminant dans la formation artistique d'Artemisia Gentileschi. Caravage avait déjà profondément marqué la peinture d'Orazio, essentielle dans l'imaginaire juvénile d'Artemisia. Orazio emprunta au maître lombard des effets de clair-obscur vigoureux, un cadrage rapproché des figures et leur représentation à partir de modèles vivants. Cette influence est particulièrement sensible dans son Couronnement d'épines, présenté ici en regard de la version du même sujet par Caravage.
Artemisia, encore enfant, a vraisemblablement rencontré Caravage, qui était un proche d'Orazio avant que les deux hommes aux tempéraments ombrageux ne s'éloignent l'un de l'autre.
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Quoi qu'il en soit, ses œuvres lui étaient familières car elles étaient visibles dans les églises voisines des différentes résidences des Gentileschi à Rome. Sa Danaé démontre bien qu'elle connaissait et admirait les œuvres du maître, et ce dès ses années de formation. Le David et Goliath d'Orazio, exposé pour la première fois en France, reflète également le fort courant caravagesque régnant dans la peinture romaine des premières années du XVIIe siècle.
Jusqu'à la fin de sa carrière, Artemisia conservera des éléments empruntés au maître lombard: l'usage du clair-obscur pour créer des contrastes dramatiques, un sens aigu du pathos, ainsi que sa technique consistant à peindre à partir du modèle, travaillant ses compositions en les dessinant en grande partie directement sur la toile. Si Orazio a tempéré la puissance de Caravage par l'élégance raffinée de son style, Artemisia s'impose comme sa seule disciple féminine. Elle s'inspire de son naturalisme, de sa peinture violente, tout en intégrant cette influence à son propre langage artistique.
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Texte du panneau didactique. |
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Michelangelo Merisi, dit Caravage (1571-1610). Le Couronnement d’épines, v. 1605. Huile sur toile, 178 x 125 cm. Prato, Galleria di Palazzo degli Alberti, dépôt de la Banca Popolare di Vicenza S.p.A. in L.C.A.
Dans cet Ecce Homo, Caravage illustre l'instant où le Christ est couronné d'épines, les mains liées, et reçoit, par dérision, un roseau comme sceptre du roi des juifs, tandis que le manteau pourpre repose sur ses jambes. L'œuvre se distingue par une simplicité de décor et un puissant clair-obscur qui accentue l'anatomie réaliste du Christ et du bourreau de dos. Le tableau d'Orazio sur le même sujet reprend une composition en X similaire, mais les détails violents de Caravage sont neutralisés dans une structure plus sophistiquée dont l'intensité se trouve amoindrie.
Selon sa première biographie, durant ses années de formation, Artemisia prenait plaisir à copier les œuvres de Caravage qu'elle pouvait notamment voir dans les églises romaines et qui eurent sur elle une influence déterminante. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). David avec la tête de Goliath, années 1610. Huile sur toile. Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen (KMSKA), dépôt d'une collection particulière.
Cette œuvre, attribuée à Artemisia Gentileschi pour la première fois en 2017, s'inscrit dans une série que l'artiste a ensuite consacrée au héros biblique, un thème cher à son père Orazio. Il n'est pas surprenant qu'Artemisia, qui a souvent peint Judith – considérée comme l'équivalent féminin de David, avec des représentations souvent en pendant - ait abordé ce sujet. Le tableau se distingue par une grande maîtrise technique, un dessin soigné et une surface picturale à l'aspect très fini, ce qui le rend comparable aux œuvres des premières années florentines d'Artemisia. L'influence évidente du caravagisme et l'héritage visible de l'enseignement d'Orazio suggèrent également que l'œuvre date de cette période. |
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Orazio Gentileschi (1563-1639). Le Couronnement d’épines, 1613-1615. Huile sur toile, 119,5 x 148,5 cm. Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum. Crédit : BPK, Berlin, Dist. GrandPalaisRmn / C. Cordes. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Danaé, vers 1612. Huile sur cuivre. Saint Louis, Saint Louis Art Museum.
Museum Purchase and gift of Edward Mallinckrodt, Sydney M. Shoenberg Sr., Horace Morison, Mrs. Florence E. Bing, Morton D. May in honor of Perry T. Rathbone, Mrs. James Lee Johnson Jr., Oscar Johnson, Fredonia J. Moss, Mrs Arthur Drefs, Mrs W. Welles Hoyt, J. Lionberger Davis, Jacob M. Heimann, Virginia Linn Bullock in memory of her husband, George Benbow Bullock, C. Wickham Moore, Mrs. Lyda D'Oench Turley and Miss Elizabeth F. D'Oench, and J. Harold Pettus, and bequests of Mr. Alfred Keller and Cora E. Ludwig, by exchange.
Ce tableau peint pour la délectation privée est une des représentations les plus sexualisées du mythe de Danaé, princesse enfermée par son père pour empêcher l'accomplissement d'une prophétie. Zeus, métamorphosé en pluie d'or, parvient néanmoins à s'unir à elle. Artemisia remplace la pluie d'or du mythe par un déluge de pièces qui submerge Danaé, totalement nue et dont les traits sont semblables à ceux de l'artiste. Le cuivre peint était probablement recouvert d'un rideau: si on le soulevait, apparaissait une femme représentée dans un moment de plaisir extatique. La composition resserrée, les tons de chair subtils et le clair-obscur caravagesque s'inscrivent dans la production d'Artemisia au sein de l'atelier paternel. Le traitement du corps féminin et la technique de la peinture sur cuivre rappellent le style d'Orazio, mais les détails narratifs et l'érotisation marquée sont propres à Artemisia. |
4 - AFFIRMATION DE SOI
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Scénographie |
Les années florentines marquent une étape décisive dans la carrière d'Artemisia Gentileschi. Arrivée à Florence fin 1612 - début 1613, elle intègre rapidement la cour des Médicis, un milieu où se côtoient nobles, poètes, érudits, artistes et musiciens. Au contact des artistes locaux, elle affine sa technique et améliore sa maîtrise de l'anatomie. En 1616, elle est inscrite en tant que membre de la guilde des peintres de l'Accademia del Disegno de Florence. Ses relations lui ouvrent les portes de cercles littéraires et académiques d'autres villes où elle s'établira ultérieurement.
Sa rencontre avec le grand-duc Cosme II s'avère cruciale. Elle réalise pour lui de nombreux tableaux, dans lesquels elle reproduit ses propres traits dans l'interprétation de divers rôles. Ces œuvres contribuent à son succès à la cour en faisant connaître son image, suscitant d'importantes commandes. Une autre de ses relations essentielles de cette époque est l'aristocrate Francesco Maria Maringhi, une liaison favorisée par son mari, qui apportera à Artemisia un soutien affectif et financier, et qui, en jouant un rôle d'intermédiaire et d'agent, l'introduira peut-être auprès de plusieurs commanditaires.
C'est dans ce contexte qu'elle peint l'Allégorie de l'Inclination, destinée au plafond de la Casa Buonarroti, résidence dédiée à la mémoire de Michel-Ange. Cette audacieuse représentation, où Artemisia associe ses propres traits à un corps à l'origine entièrement nu, tranche avec le classicisme plus académique des peintres florentins comme Francesco Bianchi Buonavita. Le réalisme saisissant de cette œuvre lui vaut une reconnaissance certaine: le cachet qu'elle perçoit pour cette commande est trois fois supérieur à celui de ses homologues masculins. Artemisia affirme pleinement son statut de peintre, et son nom est désormais reconnu et respecté.
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Texte du panneau didactique. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Copie d’après Artemisia Gentileschi. Judith décapitant Holopherne, XVIIe siècle. Huile sur toile. Bologne, Pinacoteca Nazionale di Bologna.
La demande pour les œuvres d'Artemisia s'accompagnait de commandes de copies et de variantes de ses compositions les plus célèbres, notamment Judith décapitant Holopherne. L'original, conservé au Museo di Capodimonte à Naples, s'inspire clairement du traitement du sujet par Caravage, mais Artemisia en accentue la violence. Réalisé à l'époque du procès intenté à Agostino Tassi, ce tableau a suscité de nombreuses interprétations proto-féministes: le tempérament passionné d'Artemisia et la fureur qu'elle éprouvait envers son violeur, qu'elle avait tenté de blesser avec un couteau, transparaissent. L'œuvre marqua aussi ses contemporains: Artemisia en réalisa une réplique pour Cosme Il de Médicis (aujourd'hui au musée des Offices). La version conservée à Bologne a longtemps été attribuée à Caravage avant d'être rattachée à Artemisia. Toutefois, elle est l'œuvre d'un copiste, témoignant malgré tout du succès de cette composition. |
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Francesco Bianchi Buonavita (1593-1658). Allégorie du Génie, 1616-1617. Huile sur toile. Florence, Fondazione Casa Buonarroti. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Allégorie de l’Inclination, v. 1615-1616. Huile sur toile, 152 × 61 cm. Florence, Casa Buonarroti. Crédit : Firenze, Casa Buonarroti, Archivio Buonarroti.
Michelangelo Buonarroti le Jeune, homme de lettres et petit-neveu de Michel-Ange, est un des protecteurs les plus importants d'Artemisia à Florence et son ami. Elle est enceinte et dans une situation économique difficile lorsqu'il lui confie cette commande, qui concerne le décor d'un plafond de son palais familial. L'inclination symbolisant la propension naturelle de Michel-Ange pour l'art, prend la forme audacieuse d'une femme nue dont les traits sont ceux d'Artemisia. L'œuvre se distingue par son fort naturalisme caravagesque. La boussole pointant vers l'étoile polaire dénote les liens de Buonarroti avec la science, et notamment avec l'astronome Galilée. La restauration de l'œuvre en 2022-2023 a révélée qu'à l'origine, la figure était totalement nue ou vêtue d'un voile transparent, avant d'être recouverte d'un brocart de pudeur par l'artiste Baldassare Franceschini à la demande de l'héritier du commanditaire. |
5 - PORTRAITISTE TALENTUEUSE
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Scénographie |
Les femmes peintres à l'époque étaient souvent cantonnées aux genres du portrait et de la nature morte, perçus comme de simples imitations de la nature. Dès le début de sa carrière, Artemisia Gentileschi ambitionne de dépasser ces limites en abordant la peinture d'histoire, le domaine considéré comme le plus noble, celui des grands récits tirés de l'Antiquité, de la Bible et de la mythologie. Cependant, son talent pour le portrait, souvent jugé supérieur à celui de son père, n'en fut pas moins salué par ses contemporains.
Artemisia excelle dans l'art de restituer la personnalité de ses modèles, mêlant observation minutieuse des visages, des costumes et des broderies dans des jeux de lumière subtils conférant grandeur et majesté à ses portraits. Son style évolue entre sa période florentine et son retour à Rome en 1620, motivé par son endettement et vraisemblablement par les rumeurs embarrassantes que suscite sa liaison avec Maringhi. Elle abandonne alors une certaine linéarité d'influence florentine et adopte un modelé plus doux, en phase avec les tendances romaines de l'époque.
Les portraits d'Artemisia lui permettent d'établir des relations avec des clients fortunés, susceptibles de lui confier par la suite d'importantes commandes. Sa capacité à jouer avec son propre visage, se représentant dans des rôles variés, fascine aussi ses clients, qui lui demandent souvent des autoportraits. Le remarquable Autoportrait en joueuse de luth, peint pour le grand-duc de Toscane, en est un exemple emblématique. Son visage se reconnaît également dans le Portrait de dame tenant un éventail et sans doute dans la Tête d'héroïne. Ces œuvres permettent à Artemisia de se positionner comme une artiste indépendante et ambitieuse.
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Texte du panneau didactique. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Portrait d’une dame tenant un éventail, vers 1620-1625. Huile sur toile. Sovrano Militare Ordine di Malta. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Tête d’héroïne, années 1620. Huile sur toile. Belgique, collection particulière. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Autoportrait en joueuse de luth, 1614-1615. Huile sur toile, 77,5 x 71,8 cm. Hartford CT., Wadsworth Atheneum Museum of Art, Charles H. Schwartz Endowment Fund. Crédit: Allen Phillips/Wadsworth Atheneum.
Autrefois propriété de Cosme II de Médicis, cette œuvre est autant une affirmation du talent artistique d'Artemisia qu'un outil d'auto-promotion où elle façonne son image entre réalité et mise en scène. Vêtue d'une somptueuse robe et d'un turban, la lumière qui sculpte ses traits met en valeur son décolleté. La composition dégage une impression d'intimité, renforcée par le regard engageant du modèle et l'attention portée aux détails, notamment le luth, un instrument de cour. Elle témoigne surtout de l'intégration d'Artemisia à l'élite intellectuelle florentine, qui lui ouvrira les portes des milieux cultivés des villes où elle vivra ensuite. L'association entre musique, poésie et séduction, liée à la tradition courtoise, contraste avec les autoportraits plus réservés d'autres femmes peintres en musiciennes. |
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Scénographie. Photo Nicolas Héron. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Portrait d’un gentilhomme (Antoine de Ville ?), vers 1626-1627. Huile sur toile, 203,2 x 109,2 cm. Collection Todd-Avery Lenahan. Crédit: © Christie’s. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Portrait d'un chevalier de l'ordre des Saints-Maurice-et-Lazare, 1622. Huile sur toile. Bologne, Collezioni Comunali d'Arte.
Ce portrait en pied d'un gonfalonier (porteur d'étendard) représente un chevalier de l'ordre des Saints-Maurice-et-Lazare, reconnaissable à sa croix d'argent et sa bannière pontificale. Portant une armure de parade et un casque à panache, il adopte une pose autoritaire typique des portraits officiels au XVIIe siècle, exprimant pouvoir et prestance. Dans ce schéma traditionnel, Artemisia insuffle un certain réalisme d'origine caravagesque: la lumière découpe la silhouette et projette une ombre sur le mur, tandis que le rendu net des matières témoigne de la virtuosité de l'artiste. L'expression du modèle à la fois formelle et légèrement joviale, révèle une grande acuité psychologique. Longtemps son seul portrait connu, cette œuvre illustre le talent d'Artemisia comme portraitiste. De récentes recherches suggèrent qu'Andrea Barbazza, poète et collectionneur bolonais, aurait commandé à Artemisia ce portrait, auquel il a consacré un sonnet.
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Portrait d’un chevalier de l’ordre de Saint-Étienne, vers 1619-1620. Huile sur toile. Collection particulière.
Exposé pour la première fois comme une œuvre d'Artemisia, ce portrait est signé «Artemisia Lomi», patronyme qu'elle utilise presque exclusivement à Florence. La signature dorée sous le bras du modèle, semblable à celle de sa Madeleine (1614-1615, Palazzo Pitti, Florence), évoque l'orfèvrerie, métier pratiqué dans sa famille. La présence au dos de la toile des armoiries des Médicis, importants promoteurs de l'ordre chevaleresque de Saint-Étienne, confirme une exécution durant la période florentine de l'artiste. La finesse du rendu des matières, notamment la fourrure et la collerette aux blancs lumineux, témoigne de la haute qualité de l'œuvre, dont les harmonies chromatiques, typiques de la palette florentine d'Artemisia, s'éloignent du caravagisme de ses débuts romains. |
6 - ARTEMISIA, À L'ÉGAL DES HOMMES
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Leonaert Bramer (1596-1674).
- 1 Portrait de Nicolas Régnier.
- 2 Portrait de David de Haen.
- 3 Portrait de Claude Lorrain.
- 4 Portrait de Gerrit van Honthorst.
- 5 Portrait d'Artemisia Gentileschi en homme à moustache, 1620.
Dessins à la pierre noire, plume et encre brune sur papier. Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
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Durant son deuxième séjour romain, Artemisia fréquente des cercles littéraires; elle est dès lors célébrée pour son talent et son savoir. Le Français Simon Vouet la représente sous les traits d'Artémise, puissante reine antique d'Halicarnasse, comme on le voit dans le portrait présenté au début de l'exposition.
Artemisia est en effet bien intégrée dans le milieu des peintres caravagesques, composé en grande partie d'étrangers. Les portraits de Leonaert Bramer présentés dans cette salle documentent les liens d'amitié entre ces artistes, chacun dans une pose spécifique ou avec un accessoire caractéristique. Claude Lorrain et David de Haen tiennent un verre, allusion aux excès auxquels ce groupe s'adonnait volontiers. Artemisia, seule femme et seule Italienne, figure ici déguisée en homme moustachu, tenant soit une pomme d'amour, soit un miroir ou un hochet. L'ironie dont fait preuve Bramer à son égard ne diffère pas de celle envers les autres membres du groupe: Artemisia est de toute évidence considérée à l'égal des hommes. Sur le plan personnel, la jeune femme a aussi un statut hors norme: elle sera bientôt recensée en tant que responsable de son propre foyer, composé de sa fille Prudenzia et de ses domestiques, quand Stiattesi, son mari, aura disparu de sa vie.
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Texte du panneau didactique. |
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Leonaert Bramer (1596-1674). Portrait d'Artemisia Gentileschi en homme à moustache, 1620. Dessin à la pierre noire, plume et encre brune sur papier. Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. |
7 - HÉROÏNES & HÉROS
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Scénographie |
En tant que peintre d'histoire, Artemisia excelle dans la représentation des figures, surtout féminines, issues de la mythologie et des textes religieux. Bien que ces sujets soient courants à Rome, l'interprétation sensuelle et héroïque qu'elle parvient à leur donner est singulière et souvent audacieuse. Sa Vénus endormie (Virginia Museum of Fine Arts) insuffle au personnage un pouvoir de séduction maîtrisé et conscient. À une époque où les nus féminins peints par des femmes étaient rares, Artemisia se démarque de ses contemporains par sa capacité à sublimer ces figures tout en affirmant leur complexité. À travers ses contacts avec les cercles intellectuels, Artemisia Gentileschi connaissait les débats de son époque sur la condition féminine, sujets qu'elle évoque occasionnellement dans ses lettres.
Artemisia est aussi particulièrement appréciée pour ses figures isolées sur fond sombre, à la manière caravagesque, qui s'attachent à la psychologie des personnages, comme dans ses représentations de Marie-Madeleine, associée au thème de la mélancolie. Grâce à des cartons ou des calques, Artemisia pouvait décliner ses modèles pour créer différentes figures, en variant simplement leurs attributs iconographiques.
Forte de son succès, Artemisia dirige à Naples son propre atelier à partir de 1630, reprenant parfois ses compositions afin de répondre à la demande. Ainsi, son Saint Jean-Baptiste procède d'une idée initiale pour un Apollon, et présente aussi des similitudes avec sa Minerve de la Galerie des Offices.
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Texte du panneau didactique. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Amour endormi (Allégorie de la Mort), années 1620. Huile sur cuivre. Collection particulière. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Madeleine pénitente, vers 1625-1630. Huile sur toile. Londres, Milan, Paris, New York, Robilant+Voena. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Madeleine pénitente, vers 1625. Huile sur toile, 122,5 x 97,5 cm. Séville, Catedral de Sevilla.
Marie-Madeleine est représentée à mi-corps, la tête appuyée sur sa main dans une pose mélancolique. Son visage doux, les yeux gonflés de tristesse, une épaule dénudée, sa chevelure lâchée et sa robe entrouverte inscrivent ainsi Madeleine à la fois dans la tradition de la pécheresse repentie et dans une vision humaine et sensuelle. L'inspiration caravagesque se lit dans la dramatisation de la lumière. Le commanditaire, le duc d'Alcalá, vice-roi de Naples à partir de 1629, acquit plusieurs œuvres de l'artiste après l'avoir rencontrée à Rome en 1625. Une récente restauration a restitué le raffinement initial de la toile, libérée des repeints qui masquaient la nudité de la sainte, sa carnation délicate et les subtils jeux de lumière. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Vénus endormie, vers 1626. Huile sur toile.
Richmond, Virginia Museum of Fine Arts. Adolph D. and Wilkins C. Williams Fund.
Plongée dans un sommeil voluptueux, Vénus repose dans un écrin de velours et de damas, éventée par Cupidon. À l'arrière-plan, un paysage vallonné laisse apparaître un petit temple évoquant celui de Vesta à Tivoli. Peint séparément par un imitateur du paysagiste romain Paul Bril, ce décor témoigne des collaborations qu'Artemisia pratiquait à Rome, comme plus tard à Naples. La composition s'inscrit dans la tradition des Vénus alanguies de Titien et Giorgione, enrichie d'influences caravagesques, notamment un écho de l'Amour endormi de Caravage. La déesse semble s'abandonner, inconsciente du regard posé sur sa beauté offerte. Son visage idéalisé pourrait être inspiré des traits mêmes de l'artiste. Ce type de tableaux érotiques était prisé des collectionneurs romains et l'usage abondant de bleu outremer, pigment coûteux, suggère un commanditaire prestigieux.
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Clio, muse de l'Histoire, 1632. Huile sur toile. Pise, Fondazione Pisa, Palazzo Blu.
Artemisia Gentileschi réalise peu après son installation à Naples cette œuvre commandée par le duc de Guise, Charles de Lorraine, en hommage à François de Rosières, un historien qui fut au service de sa famille. Délaissant son répertoire narratif habituel, Artemisia adopte une composition allégorique classique inspirée du répertoire de Cesare Ripa: la muse de l'Histoire, couronnée de lauriers et drapée d'un manteau somptueux, affiche une posture fière et confiante, associée aux attributs de Clio - la trompette de la Renommée et le livre de l'Histoire. En signant visiblement sur le livre ouvert (ou figure aussi le nom de Rosières), Artemisia inscrit littéralement son nom dans l'Histoire. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Minerve, vers 1635-1639. Huile sur toile. Florence, Gallerie degli Uffizi. Galleria delle Statue e delle Pitture, depositi. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Saint Jean-Baptiste dans le désert, années 1630. Huile sur toile. Collection particulière. |
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8 - ÉROS & THANATOS
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Scénographie. Photo Nicolas Héron. |
Les femmes héroïques, omniprésentes dans les peintures d'Artemisia, sont tantôt violentes, tantôt victimes de violence, telles Suzanne, Judith, Yaël, Lucrèce et Cléopâtre. Artemisia leur insuffle une puissance, une profondeur et une empathie qui prennent tout leur sens à la lumière de son expérience personnelle.
L'artiste souligne les vertus de ses héroïnes tout en accentuant leur sensualité, parfois jusqu'à une forme d'érotisme morbide. Cette association d'Éros (l'amour) et de Thanatos (la mort), thématique centrale dans l'art et la culture baroques, imprègne l'imaginaire figuratif de l'artiste. Artemisia est notamment fascinée par le potentiel érotique de l'histoire de Cléopâtre, reine d'Égypte qui choisit de se donner la mort en se laissant mordre par un serpent plutôt que devenir esclave d'Octave Auguste. Elle lui consacre plusieurs tableaux, dont une Cléopâtre très dénudée présentée dans cette salle, à la physionomie semblant évoquer celle de l'artiste elle-même.
Artemisia n'hésite pas à représenter le moment le plus sanglant de l'action, qu'il s'agisse de l'instant précédant un crime ou de la confrontation avec la mort. Elle ne recule pas non plus devant la nudité - partielle ou totale - de ses personnages qu'elle sait mettre en valeur par des gestes expressifs et des compositions théâtrales, souvent éclairées sur fond sombre ou tendues de lourds rideaux. Son exploration du sentiment féminin culmine dans des scènes où des femmes triomphent des hommes par la ruse et la violence, comme dans ses représentations de Judith et sa servante ou de Yaël et Siséra. La peinture d'Artemisia nous parle par son audace, sa singularité et sa puissance.
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Texte du panneau didactique. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Judith et sa servante avec la tête d'Holopherne, vers 1640-1642. Huile sur toile. Cannes, musée des explorations du monde.
Figée par un bruit soudain après le meurtre d'Holopherne, Judith lève la main pour arrêter sa servante qui s'apprête à glisser la tête du général dans un sac. Moins sanglante que de précédentes interprétations du sujet par Artemisia, la scène privilégie une tension silencieuse, renforcée par la lumière vacillante de la chandelle. Artemisia sublime la figure élégante de Judith par un traitement habile des matières et de l'éclairage. Elle accorde aussi un rôle plus actif à Abra, complice plus que simple spectatrice. Dérivée d'un prototype réalisé vers 1625 et conservé à Détroit, cette toile récemment restaurée témoigne de l'activité de l'atelier napolitain d'Artemisia, très actif après son retour d'Angleterre en 1640. Artemisia apporte des modifications à la composition originale, notamment dans la représentation plus réaliste du clair-obscur. Signée sur l'épée, l'œuvre révèle l'intervention probable d'assistants dans la figure d'Abra. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Yaël et Siséra, 1620. Huile sur toile, 93 x 128 cm.
Budapest, Szépművészeti Múzeum / Museum of Fine Arts.
Peinte l'année du retour d'Artemisia à Rome, cette œuvre conserve une certaine élégance florentine dans le raffinement des couleurs et la robe sophistiquée de Yaël, mais l'influence du milieu romain est manifeste dans la composition épurée et le clair-obscur d'inspiration caravagesque. Tiré du Livre des Juges, le sujet représente Yaël s'apprêtant à tuer d'un coup de piquet Siséra, général ennemi réfugié chez elle. Artemisia s'éloigne des représentations traditionnelles en situant la scène dans un palais et en intensifiant la tension dramatique par un cadrage serré. La sérénité apparente des figures contraste avec la violence imminente de l'acte, accentuant l'ambivalence morale de Yaël, perçue comme une héroïne à la fois rusée et trompeuse. La diagonale du bras de Yaël semble guider le regard vers la signature gravée sur la plinthe. Malgré ses altérations, cette œuvre illustre la capacité d'Artemisia à réinterpréter magistralement les récits bibliques.
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Cléopâtre, vers 1639-1640. Huile sur toile. Paris, galerie G. Sarti LTD. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Cléopâtre, vers 1630-1635. Huile sur toile. Collection particulière. |
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Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656). Cléopâtre, vers 1620-1625. Huile sur toile. Fondazione Cavallini Sgarbi.
Le suicide de Cléopâtre illustre le thème de la vertu héroïque au féminin. Artemisia Gentileschi représente la dernière reine d'Égypte dans un nu audacieux et réaliste, empreint de sensualité et de drame. Installée dans un espace sombre et indéfini, la reine expose voluptueusement son corps à la lumière, approchant le serpent de son sein dans un geste stylisé et théâtral d'abandon et de dignité. Artemisia saisit l'instant tragique qui précède la mort, conjuguant douleur, héroïsme et érotisme avec une intensité émotionnelle et une puissance expressive saisissante. Le regard levé vers le ciel et les lèvres entrouvertes évoquent l'extase d'une martyre chrétienne. Artemisia semble jouer encore une fois avec son propre visage, qui ressemble à d'autres portraits de l'artiste - notamment celui peint par Simon Vouet et l'Allégorie de l'Inclination -, suggérant une possible transposition autobiographique. |
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