Parcours en images et en vidéos de l'exposition

Allemagne / Années 1920 /
Nouvelle objectivité / August Sander

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°552 du 20 juillet 2022



 

Prologue - Scénographie
allemagne / années 1920
nouvelle objectivité
august sander

L'exposition offre deux récits sur la modernité allemande de la république de Weimar (1918-1933), dans deux parcours distincts qui se recoupent à certains points d'intersection pour n'en former qu'un. Un premier volet, thématique, propose la première vue d'ensemble en France sur le courant de la Nouvelle Objectivité. Selon une perspective pluridisciplinaire (peinture photographie, architecture, mais aussi design, cinéma, théâtre, littérature et musique). Un second volet monographique présente l'œuvre majeure du photographe August Sander (1876-1946). Die Menschen des 20. Jahrhunderts [Les Hommes du XXe siècle].

En se concentrant sur les années 1925-1929, période d'une certaine stabilité économique, l'exposition met en lumière toutes les ambivalences d'une société divisée entre fascination pour la rationalisation et angoisse d'une désindividualisation aliénante, subversion des normes de genre et défense de l'ordre établi. Elle propose ainsi d'analyser l'esprit du temps [Zeitgeist] d'une société allemande soumise à une rapide mutation sociale, politique et médiatique.

Le projet des Hommes du XXe siècle parcourt l'exposition comme il traverse son époque. Cette œuvre inachevée, tentative ambitieuse de classifier toute une société, nous présente les protagonistes de cette Allemagne des années 1920. L'ensemble de sept groupes et quarante-cinq portfolios est un monument de l'histoire de la photographie - davantage une construction organique qu'une œuvre monolithique -, comme le montre la présentation de ses sources et l'éclairage de ses liens avec l'art de son temps.

L'exposition sera présentée au Louisiana Museum of Art du 13 octobre 2022 au 19 février 2023.

 
Texte du panneau didactique.
 
Raoul Hausmann. Mechanischer Kopf [Tête mécanique], 1921. Marotte de coiffeur, bois et objets divers. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat, 1974.
 
prologue

Ces œuvres offrent un panorama en trois temps de l'art en Allemagne avant la Nouvelle Objectivité. Dans les années 1910 domine l'expressionnisme, art exalté et lyrique, centré sur le Moi créateur et l'intériorité de l'artiste, comme dans l'Autoportrait de Ludwig Meidner. Dans les environs de Cologne, August Sander travaille comme photographe ambulant à la campagne et montre déjà un intérêt marqué pour les paysans: photographiés en extérieur, ils ne posent pas frontalement face à l'objectif mais semblent ici surpris dans leur marche vers un avenir funeste. Le mouvement Dada apparaît durant la Première Guerre Mondiale. Résolument engagé à gauche, il bouleverse la définition bourgeoise de l'art en multipliant les provocations : la Tête mécanique de Raoul Hausmann annonce le retour à l'objet et à une forme d'inexpressivité.

August Sander. Jungbauern [Jeunes paysans], 1914. Attribué au groupe I, Le Paysan, portfolio 1, Le Jeune paysan, du corpus Menschen des 20. Jahrhunderts [Hommes du XXe siècle].

Cette photographie date de l'été 1914 et montre trois jeunes hommes à la campagne, vêtus de leurs plus beaux habits du dimanche, le titre du photographe les désignant comme Jeunes paysans. Prise quelques mois avant le début de la Première Guerre mondiale, elle fait partie des photographies les plus célèbres d'August Sander et symbolise aujourd'hui un monde encore intact avant la rupture de la Grande Guerre. Peu après la prise de vue, les hommes seront mobilisés, l'un d'entre eux tombera peu après au front. Depuis sa publication en 1929, cette photographie a fait l'objet d'innombrables interprétations, des essais d'esthétique matérialiste (John Berger) et des romans de fiction (Richard Powers) lui ont été consacrés, elle est citée dans de nombreux remakes et films. Et pourtant, au-delà de toutes les significations qui s'y sont inscrites, cette image demeure avant tout celle de trois jeunes hommes prise par un photographe itinérant encore inconnu, qui leur proposera probablement d'acheter des tirages quelques week-ends plus tard.

 
Texte du panneau didactique.
Plan de l'exposition


1 - genèse

Scénographie
1 - genèse

Au début des années 1920, les artistes dégrisés de leurs illusions d'avant-guerre se tournent vers le réel, adoptent un style plus neutre et moins expressif, tendant vers une plus grande Sachlichkeit [objectivité]. La critique allemande cherche alors un nom pour désigner ce qu'elle identifie comme un retour à une figuration réaliste. Cette tendance est finalement baptisée Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivité] par l'historien de l'art Gustav Friedrich Hartlaub. Sous ce titre, il organise en 1925 une exposition à la Kunsthalle (musée d'art) de Mannheim, dont il est le directeur. Elle rassemble 32 artistes, qu'Hartlaub divise en une « aile gauche » (réaliste, politiquement engagée) et une « aile droite » (d'inspiration plus classique). À la suite de cette exposition, la Nouvelle Objectivité devient un véritable slogan culturel dans l'Allemagne de la seconde moitié des années 1920. On retrouve cette appellation dans des pièces de théâtre populaire ou dans des revues de cabaret, où elle sert à décrire l'esprit de l'époque.

 
Texte du panneau didactique.
 
George Grosz. Porträt des Schriftstellers Max Herrmann-Neiße [Portrait de l'écrivain Max Herrmann-Neise], 1925. Huile sur toile, 100 × 101,5 cm. © The estate of George Grosz, Princeton, N.J. / Adagp, Paris, 2022. Photo © BPK, Berlin. Dist. RMN-Grand Palais / Cem Yucetas.
 
Georg Scholz. Bahnwärterhäuschen [Guérite du garde-barrière], 1925. Huile sur carton. Kunstpalast, Düsseldorf. Exposé en 1925 à Mannheim.
 
Alexander Kanoldt. Olevano II, 1925. Huile sur toile. Galerie Berinson, Berlin. Exposé à Mannheim en 1925.

Cette œuvre appartient à ce que Gustav Friedrich Hartlaub nomme l'aile droite de la Nouvelle Objectivité, tendance selon lui plus conservatrice et classique. Alexander Kanoldt représente le village italien d'Olevano, situé dans le Latium, où il séjourne en 1924. Ce haut lieu de la peinture européenne du 19e siècle, maintes fois représenté par des artistes romantiques, est ici vidé de tout élément pittoresque : Kanoldt peint un village désert, sans spécificité historique. La simplification géométrique des formes, qui rappelle le passé cubiste de l'artiste, donne à ce paysage l'aspect d'un objet inanimé.
Scénographie
Scénographie


2 - standardisation

Scénographie
2 - standardisation

Dans les années 1920, l’exaltation de l'individu qui caractérisait l'esthétique expressionniste est remplacée par un idéal de standardisation : les singularités sont effacées au profit d'un recours à des modèles, des types normés, des formes simples reproduites en série.
Davantage que sur les particularités physiques, l'attention des artistes se porte sur l'appartenance sociale des individus. Les Progressistes de Cologne, un groupe d'artistes aux utopies socialistes avec lequel August Sander expose en 1927, réalisent des compositions mettant en scène exploiteurs et exploités, représentés selon une schématisation qui les rend immédiatement reconnaissables. L'intérêt de Sander pour la typologie, centrale dans son travail, est directement issu de ses échanges avec les Progressistes : c'est l'un des paradoxes fondamentaux de son approche, qui consiste à chercher à représenter des catégories tout en photographiant des individus.
En urbanisme, la pénurie de logements conduit à la construction de grands ensembles immobiliers. En 1925 est lancé te programme « Das Neue Frankfurt » [Le Nouveau Francfort], vaste plan de construction de cités-lotissements uniformisées, aux formes basiques, conçues à partir de modules préfabriqués en série. Pour les intérieurs modernes, Marcel Breuer conçoit des meubles simples et fonctionnels, commercialisés via son entreprise, Standard Möbel.

 
Texte du panneau didactique.
 
Peter Alma. Série Acht Portretten [Huit portraits], 1929-1931. 4 de 8 linogravures sur papier. Priester [Prêtrel; Militair [Militaire]; Cipier [Geôlier]; Bankier [Banquier]. Collection Merrill C. Berman.
 
Heinrich Hoerle. Autoportrait, circa 1931. Huile sur toile, 41 × 29 cm. Courtesy Brohan Design Foundation, Berlin.
 
August Sander. Maler [Peintre] (Heinrich Hoerle), 1928. Photographie, 58,5 × 48,5 cm. Bayerische Staatsgemaldesammlungen, Munich. © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur - August Sander Archiv; ADAGP, Paris, 2022.
Scénographie
 
Anton Räderscheidt. Junger Mann mit gelben Handschuhen [Jeune homme avec des gants jaunes], 1921. Huile sur bois, 27 × 18,5 cm. Galerie Berinson, Berlin. © Adagp, Paris, 2022.
 
George Grosz. Ohne Titel (Konstruktion) [Sans titre (Construction)], 1920. Huile sur toile. Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf.

Si l'architecture dépouillée de ce paysage urbain est inspirée de la Pittura metafisica du peintre Giorgio De Chirico, elle semble également annoncer la construction de cités-lotissements uniformisées dans les villes allemandes lors de la seconde moitié des années 1920. Une figure humaine anonyme, sans visage, aux bras mécanisés comme ceux d’un automate, peuple ce décor vide et figé. Artiste engagé à gauche, membre du parti communiste allemand, George Grosz évoque ici une standardisation qui atteint l'homme lui-même, le privant de toute individualité. Après avoir appartenu au mouvement Dada, le peintre adopte au tout début des années 1920 un style dit mécanique, caractérisé par une facture impersonnelle et froide.
Scénographie
Gerd Arntz. Zwölf Häuser der Zeit [Douze Maisons du temps], 1927.  Gravures sur bois, impressions sur papier Japon. Collection particulière, Allemagne du Sud.

Ces gravures forment un ensemble intitulé Douze Maisons du temps, chacune incarnant un bâtiment ou un lieu de la société moderne. Dans un vocabulaire visuel élémentaire composé de formes géométriques en noir et blanc, Gerd Arntz souhaite montrer de la manière la plus intelligible possible l'organisation du système capitaliste et les injustices qu'il génère dans tous les champs de la vie quotidienne. Schématisés selon leur catégorie sociale, les individus sont compartimentés dans des espaces hiérarchisés selon leur taille ou leur ensoleillement. Au moyen d'un langage graphique supposé universel, l'ambition de l'artiste est ici de révéler au prolétaire sa condition d'exploité, afin de l'inciter à s’en libérer.

Gerd Arntz et Otto Neurath. Portfolio Gesellschaft und Wirtschaft: Bildstatistisches Elementarwerk [Société et économie. Statistiques élémentaires en images]. En haut, de gauche à droite :
- Couverture
- Tafel 23 : Die Mächte der Erde [Planche 23 : Les Pouvoirs de la terre] ;
- Tafel 72: Wohndichte in Groẞstädten [Planche 72 : Densité résidentielle dans les grandes villes] (voir ci-dessous),
1930.
Leipzig, Verlag des Bibliographischen Institut. Collection Merrill C. Berman.
 
Gerd Arntz et Otto Neurath. Portfolio Gesellschaft und Wirtschaft: Bildstatistisches Elementarwerk [Société et économie. Statistiques élémentaires en images]. Tafel 72: Wohndichte in Groẞstädten [Planche 72 : Densité résidentielle dans les grandes villes], 1930. Leipzig, Verlag des Bibliographischen Institut. Collection Merrill C. Berman.


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Franz Wilhelm Seiwert. Die Arbeitsmanner [Les Travailleurs], 1925.  Huile sur toile. Kunstpalast, Düsseldorf.
Scénographie avec mobilier de Marcel Breuer (1925).


3 - montages

Scénographie
3 - montages

Dès la fin des années 1910, les artistes du mouvement Dada ont recours à la technique du montage pour créer dans leurs œuvres des associations insolites, souvent porteuses d'un discours politique. Loin d'abandonner ce procédé, la Nouvelle Objectivité le reprend pour le mettre au service d'une analyse de la société. En photographie ou en peinture, dans les films et même dans les manuscrits littéraires comme celui d'Alfred Döblin, le principe du montage permet aux artistes de proposer une forme de synthèse d'un lieu, d'une journée où plus largement de l'époque. Dans les collages, photomontages et peintures, l'association d'éléments hétérogènes génère des images fictives et étrangement figées : portraits groupés dépourvus de toute vie, réduction de l'individu au statut d'objet interchangeable, paysages factices et disloqués.

 
Texte du panneau didactique.
 
Alice Lex-Nerlinger. Taschenuhr [Montre de poche], vers 1928. Page d'un livre d'image, photomontage. Akademie der Künste, Berlin, Kunstsammlung.

Basée à Berlin, Alice Nerlinger - qui prend le pseudonyme de « Lex » pour se différencier de son époux Oskar Nerlinger, également artiste - réalise au début des années 1920 des petites compositions abstraites géométriques. Après la naissance de son fils Peter en 1924, elle interrompt sa carrière d'artiste pendant plusieurs années. Ces photomontages réalisés en 1928 marquent son retour à la création. Elle confectionne un livre d'images pour son fils à partir de photos glanées dans la presse, qu'elle découpe et colle sur des fonds géométriques aux couleurs simples. Certaines pages sont associées entre elles par leur style et se répondent selon un jeu d'opposition : les nouvelles technologies face aux animaux sauvages, les enfants face aux montres de poche.

 
Karl Hubbuch. Zweimal Hilde II [Deux fois Hilde II], vers 1929. Huile sur toile montée sur masonite. Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid.

Comme le montre le dessin préparatoire, ces deux œuvres n'en formaient initialement qu'une seule, découpée ultérieurement par l'artiste en raison d'un endommagement de la partie centrale. Karl Hubbuch y représente son épouse, la photographe Hilde Isay, dans une composition séquentielle qui apparaît comme un collage de plusieurs portraits. Le peintre dévoile ainsi en une seule œuvre les multiples facettes de la personnalité de son modèle : intellectuelle et élégante sur la partie gauche, où elle figure pensive sur une chaise moderne conçue par Marcel Breuer, elle devient provocante et espiègle dans la parte droite, qui la montre en sous-vêtements dans une pose affirmée.

 
Karl Hubbuch. Zweimal Hilde I [Deux fois Hilde (1)], 1929. Huile sur toile. Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Pinakothek der Moderne, Munich.
 
Fox Europa Produktion. Affiche pour le film Berlin : Die Sinfonie der Groẞstadt [Berlin, symphonie d'une grande ville], 1927. Lithographie en couleur. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne.
 
Fox Europa Produktion. Photocollages publicitaires pour le film de Walter Ruttmann, Berlin: Die Sinfonie der Groẞstadt [Berlin, symphonie d'une grande ville], 1927. Photomontages. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne.
 
Sasha Stone. Wenn Berlin Konstantinopel wäre [Si Berlin était Constantinople], avant 1929. Montage. © Museum Folkwang Essen – ARTOTHEK.
 
Teo Otto. Tennizplatz [Court de tennis], deux dessins pour le décor du ballet Jeux (Poème dansé) de Claude Debussy, Berlin, Krolloper, 1931. Photomontage, gouache. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne.
Scénographie
 
Otto Dix. An die Schönheit (Selbstbildnis) [À la beauté (Autoportrait)], 1922. Huile sur toile, 139,5 × 120,5 cm. Exposé à Mannheim en 1925. Von der Heydt-Museum Wuppertal. © Adagp, Paris, 2022. Photo © BPK, Berlin. Dist. RMN-Grand Palais / image MHK.

Otto Dix réalise ici un portrait de la société urbaine allemande en assemblant comme dans un collage plusieurs éléments disparates. Un buste de salon de coiffure, un couple de danseurs mondains, une prostituée à la poitrine dénudée, un musicien de jazz afro-américain et deux serveurs en smoking se côtoient sans interagir dans un étrange décor de dancing. Au centre, l'artiste se représente, le visage poudré et inexpressif, vêtu d'un costume élégant et tenant dans sa main un téléphone comme un businessman affairé. Derrière un titre ironique, Dix révèle la laideur d'une époque qui cherche dans les divertissements et la course au plaisir un moyen d'échapper à la crise économique et politique que traverse alors l'Allemagne

 
Christian Schad. Graf St. Genois d'Anneaucourt [Comte St. Genois d'Anneaucourt], 1927. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat en souvent de Siegfried Poppe, 2000.
Otto Dix. Karton zum « Grostadt-Triptychon » [Carton pour « Le Triptyque de la Grande Ville »], 1927-1928. Fusain, craie, crayon, sanguine, gouache sur papier à dessin marouflé sur toile, 3 panneaux. Leihgabe des Kunstmuseum Stuttgart (Dauerleihgabe des Ministeriums für Wissenschaft, Forschung und Kunst Baden-Württemberg im Kunstmuseum Stuttgart).

Dans ce travail préparatoire pour une peinture de mêmes dimensions trop fragile pour voyager, Otto Dix reprend le thème du divertissement urbain nocturne, déjà présent dans son tableau À la beauté. Il décline le principe du montage en investissant un format classique de la peinture religieuse, le triptyque. La division en trois panneaux permet à l'artiste de montrer simultanément les multiples facettes de la société selon une disposition lourde de sens : au centre se trouve l'élite privilégiée, dansant le jazz dans un night-club, tandis que les panneaux latéraux évoquent le peuple de la rue, relégué aux marges (prostituées, invalides de guerre). De manière arbitraire, l'artiste a donné à ses personnages les visages de différentes personnalités de Dresde, ou de certains de ses proches.

 
Gert Heinrich Wollheim. Abschied von Düsseldorf [Adieux à Düsseldorf], 1924. Huile sur toile. Kunstpalast, Düsseldorf. 

Installé à Düsseldorf depuis 1919, Gert Heinrich Wollheim est un peintre connu sur la scène artistique locale pour ses provocations et son caractère tapageur; il fait partie d'un groupe de jeunes artistes modernes, Das junge Rheinland [La jeune Rhénanie]. Dans cette toile réalisée en 1924, l'artiste fait ses adieux à la ville et à ses tumultueuses années de jeunesse, alors qu'il part pour Berlin l'année suivante où il mènera une vie plus rangée. La scène étrange, faite d'associations d'éléments disparates rappelant les peintures de Bosch ou Grünewald, évoque un décor de théâtre, un carnaval, des funérailles ou plus simplement un rêve. Wollheim se représente au centre en costume élégant de dandy, pleuré par un cortège de figures féminines aux costumes irréels et aux gestes exaltés.

 
Walter Ruttmann. Wochenende [Week-end], 1930. Film sonore sans image, 35 mm, 11 min 39 s. Filmmuseum Munich. 

Ce film sans image se présente comme un collage sonore évoquant le week-end d'un travailleur en 1930. Les bruits du début évoquent la dernière après-midi de travail de la semaine (machines, tiroir-caisse d'un magasin, transports, voix du chef d'entreprise ou d'un enfant à l'école). Puis, se succèdent des sons évoquant le repos : sifflement, cloche, chants, enfants, animaux, musique. Le film se termine sur le retour de la rumeur laborieuse du début, allusion à la reprise du lundi matin. Ce « cinéma pour l'oreille », élaboré à partir de sons prélevés dans Berlin, permettait grâce à la bande sonore de la pellicule d'atteindre une durée d'écoute de plus de 11 minutes, impossible avec les disques de l'époque. Lors de sa sortie, il fut à la fois projeté au cinéma et diffusé à la radio.



4 - august sander
« éditer une société » : hommes du XXe siècle

Scénographie
4 - august sander
« éditer une société » : hommes du XXe siècle

Né en 1876 dans une famille de mineurs à Herdorf, dans le Westerwald, August Sander devient une figure charnière de la photographie, en appliquant les pratiques du 19e à la modernité du 20e siècle. Il est l'un des « anciens » des avant-gardes, source d'inspiration pour des photographes de la génération suivante comme Walker Evans, qui qualifiera son travail comme étant un « montage » (editing) de la société. En son temps, Sander a su incorporer les leçons plus radicales d'une génération révolutionnaire d'artistes dans son œuvre. Alors que l'exposition s'ouvre sur son dialogue avec les Progressistes Cologne, elle se poursuit ici avec les liens forts de Sander avec les paysans. Ces deux influences - la complicité avec l'esprit révolutionnaire et l'enracinement dans le terroir - font partie des tensions productives et des forces antagonistes qui traversent son œuvre.

 
Texte du panneau didactique.
 
August Sander. Die Philosophin [La Philosophe], 1913.  Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne / Permanent Loan of the Town of Herdorf.
 
August Sander. Bauernkind [Enfant de paysans (Emma Herfen)], 1919. Attribué au groupe I, Der Bauer [Le Paysan], portfolio 2, Das Bauernkind und die Mutter [L'Enfant de paysan et la mère]. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.

Les tirages qui montrent la petite paysanne Emma Herfen permettent de comprendre comment August Sander fait passer ses motifs d'un contexte social à un contexte artistique. Si les tirages commerciaux présentés dans la vitrine ont probablement été produits et vendus peu après la prise de vue en 1919, le tirage présenté au mur a été réalisé plus tard alors que Sander travaille déjà à son projet Hommes du XXe siècle. Comme beaucoup d'autres tirages produits pour les portfolios, l'image agrandie est montée sur carton et entourée d'une bordure à l'encre noire. Les différents formats, cadrages et montages ne sont qu'un exemple de la manière dont Sander a procédé pour «éditer la société» (Walker Evans).

 
August Sander. Boxer [Boxeurs], 1929.  Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
Scénographie
August Sander. « Extraits » des Hommes du XXe siècle, 1925. Portfolio avec 12 photographies, dédié à Hans. F Secker (vue partielle). Collection particulière.

En 1925, August Sander dédie ce portfolio, récemment découvert, à Hans F. Secker (1888-1969), alors directeur du musée Wallraf-Richartz de Cologne. À côté d'un autoportrait du photographe, il contient douze tirages que Sander qualifie comme des « extraits » de son projet Hommes du XX siècle. Il s'agit de l'un des premiers documents à fournir des informations sur la structure de la typologie de la société allemande prévue par Sander. Les titres des portfolios, encore généraux et provisoires, mentionnés sur la page de couverture intérieure, permettent d'observer le photographe à la recherche de sa terminologie.

Conférence radiophonique d'August Sander, 12 avril 1931 « Ce tableau d'une époque devient encore plus intelligible si nous alignons les unes à côté des autres des photos typiques des différents groupes qui forment la société humaine. Prenons par exemple les partis d'un parlement national; si nous commençons sur l'aile droite et que nous poursuivons jusqu'à l'extrême gauche en passant par les différents types qui se succèdent les uns aux autres, nous obtenons déjà un portrait partiel de la nation; ces groupes se divisent à leur tour en sous-groupes, associations et confréries, mais tous portent dans leur physionomie l'expression de l'époque et les sentiments de leur groupe. Ces deux aspects se font jour de façon particulièrement nette chez certains individus que nous appellerons donc des types.»


 
Texte du panneau didactique.
 
August Sander. Politikerin [Politicienne (Rosi Wolfstein-Frölich)], 1929. Tirage moderne. Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Malerehepaar [Couple de peintres] (Martha et Otto Dix), 1925-1926. Tirage moderne, épreuve gélatino-argentique, 20,6 × 24,3 cm. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne. © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne / Adagp, Paris, 2022.
 
August Sander. Bauernfamilie zwischen Au und Wissen [Famille de paysans entre Au et Wissen], 1911-1912. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Le Technicien et inventeur. Épreuve gélatino-argentique.
 
August Sander. Polizeibeamter. Der Herr Wachtmeister [Officier de police. Monsieur l’agent], 1925. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
gouverner une société : IV classes et professions

Dans le titre difficilement traduisible Die Stände [Classes et professions], August Sander choisit un terme féodal pour nommer le groupe IV. En effet, on y retrouve les autorités du vieux monde - ceux qui gouvernent, ceux qui prient et ceux qui combattent - à côté de celles de la société moderne. Sander place les élites intellectuelles au début, puis couvre un éventail qui s'étend aux professions libérales. Dans chaque portfolio, il essaie de révéler les disparités à l'intérieur d'une profession et de faire cohabiter les différents milieux sociaux et politiques. Après la Seconde Guerre mondiale, Sander y rajoutera le portfolio Le National-socialisme, portfolio qu'il classe auprès du portfolio sur Le Soldat et non à côté de celui de L'Homme politique et sans lequel son récit sur la société allemande du 20e siècle aurait été lacunaire (voir dernière salle de l'exposition).
Cette volonté de synthétiser les acteurs sociaux, tout en les différenciant en même temps, se trouve condensée en 60 images dans le livre Antlitz der Zeit [Visage de ce temps], publié en 1929. Les exemplaires en vitrine illustrent l'art du récit par paires d'images constituées d'analogies et de contrastes, qui fait de ce livre un chef-d'œuvre du 20e siècle.

 
Légende.
 
August Sander. Abgeordneter (Demokrat) [Député (du parti démocrate)], 1927. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander.  Malerin [Peintre (Marta Hegemann)], vers 1925. Attribué au groupe III, Die Frau [La Femme], portfolio 17, La Femme exerçant un métier intellectuel et manuel. Épreuve gélatino-argentique, 25,2 × 20,5 cm. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne / Permanent Loan from a Private Collection. © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne / Adagp, Paris, 2022.
 
August Sander. Groẞherzog [Grand-Duc (Ludwig von Hessen und bei Rhein)], vers 1930. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.

portfolio 16 - la femme élégante

Scénographie
 
August Sander. Dame der Gesellschaft [Dame de la haute société], 1923. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Junge Frau [jeune femme], 1922. Tirage moderne. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
Rudolf Schlichter. Margot, 1924. Huile sur toile. Stiftung Stadtmuseum Berlin.
 
Otto Dix. Rothaarige Frau (Damenporträt) [Femme rousse (Portrait de dame], 1931. Technique mixte sur toile sur bois. Museum Gunzenhauser.


5 - les choses

Scénographie
5 - les choses

Les artistes de la Nouvelle Objectivité s'intéressent particulièrement au genre de la nature morte et représentent les objets avec une grande netteté. Les peintres s'inspirent de la photographie, qui paraît particulièrement adaptée à un rendu précis en raison de sa prétendue objectivité.
Cactus et figuiers à caoutchouc sont très populaires dans les années 1920 en Allemagne, où ils sont recherchés pour leur exotisme. Les artistes se passionnent pour ces plantes perçues comme architecturées, géométriques, abstraites. Elles sont souvent insérées dans des compositions gagnées par le vide et apparaissent dès lors inanimées, étrangement inertes.
Cette nature chosifiée s'inscrit dans une fascination plus large pour le monde des objets. Peintres et photographes saisissent les produits industriels standardisés, fabriqués en série, dans des compositions en plan rapproché. Les objets en verre suscitent un intérêt particulier ; cette fascination pour la transparence témoigne d'une volonté de représenter le monde sans filtre, avec objectivité.

 
Texte du panneau didactique.
 
Alexander Kanoldt. Stillleben mit Gitarre [Nature morte avec guitare], 1926. Huile sur toile. Staatsgalerie, Stuttgart. Leihgabe der Freunde der Staatsgalerie 1935-2008 und seit 2013. 

Alexander Kanoldt reprend un motif récurrent des natures mortes cubistes : guitare et cartes à jouer disposées sur une table. Les objets sont ici peints avec neutralité, sous une lumière blafarde qui accuse leurs contours; la plante verte dépouillée apparaît figée, ajoutant de la raideur à l'ensemble. La précision du rendu de certaines matières (la brillance du bol en céramique, les reflets sur la bouteille) contraste avec l'approximation de plusieurs détails (la guitare n’a pas de cordes, les cartes à jouer sont blanches ou ornées de vagues motifs, le miroir ne reflète que le vide de la pièce). Cette tension entre réalisme et incohérences, typique de la Nouvelle Objectivité, contribue à créer une atmosphère étrange et irréelle.

 
Aenne Biermann. Bärwurz [Cerfeuil des Alpes], vers 1926-1928. Épreuve gélatino-argentique, 48 × 35,5 cm. Stiftung Ann und Jurgen Wilde, Bayerische Staatsgemaldesammlungen, Munich.
 
Aenne Biermann. Winterzwiebel [Ciboule], vers 1926-1928. Épreuve gélatino-argentique, 48,1 × 36,4 cm. Stiftung Ann und Jurgen Wilde, Bayerische Staatsgemaldesammlungen, Munich.
Scénographie
 
Rudolf Dischinger. Grammophon [Gramophone], 1930. Huile sur contreplaqué. Städtische Museum Freiburg.
 
Erich Wegner. Wirtshaustheke [Comptoir d’auberge], vers 1927. Toile sur contreplaqué. Von der Heydt-Museum Wuppertal.
 
Hannah Höch. Gläser [Verres], 1927. Huile sur toile, 77,50 × 77,50 cm. Museumslandschaft Hessen Kassel. © Adagp, Paris, 2022. Photo © BPK, Berlin. Dist. RMN-Grand Palais / image MHK.
 
Hans Mertens. Stillleben mit Hausgeräten [Nature morte avec ustensiles domestiques], 1928. Huile sur toile. Sprengel Museum Hannover, Leihgabe Niedersächsisches Landesmuseum, Hanovre.


6 - persona froide

Scénographie
6 – persona froide

Selon l'historien de la littérature Helmut Lethen, l'humiliation infligée par les vainqueurs à l'issue du premier conflit mondial fait naître en Allemagne une culture de la honte, caractérisée par un embarras généralisé vis-à-vis des utopies d'avant-guerre. Dans les années 1920 apparaît alors ce qu'il nomme la « persona froide », nouveau type social qui consiste à chercher à se dérober au sentiment d'humiliation en affichant un masque de froideur, d'indifférence. Les portraits de la Nouvelle Objectivité apparaissent dès lors vides de tout sentiment; les sujets y figurent seuls et arborent une expression détachée, un regard absent, voire vide. Les artistes ne se concentrent plus sur les personnalités de leurs modèles mais sur leurs attributs extérieurs, notamment leurs professions. Avec un œil quasi sociologique, ils construisent une typologie de la Neue Frau, nouvelle femme aux cheveux courts et aux vêtements masculins. À l'image d'August Sander, qui photographie « La femme », les artistes s'intéressent aux normes de genre qui façonnent l'apparence des individus.

 
Texte du panneau didactique.
 
Georg Scholz. Weiblicher Akt auf dem Sofa [Nu féminin sur le sofa], 1928. Huile sur toile. Städtische Museen Freiburg.
 
Willi Müller-Hufschmid. Akademiemodell [Modèle académique], vers 1922. Huile sur papier sur contreplaqué. Galerie Berinson, Berlin.
 
Heinrich Maria Davringhausen. Der Schieber [Le Profiteur], 1920-1921. Huile sur toile. Kunstpalast, Düsseldorf. 

Au milieu d'un décor imaginaire de gratte-ciel froids et géométriques, un homme d'affaires en costume élégant est assis à son bureau. Les objets posés devant lui sont autant d'attributs qui permettent d'identifier sa place dans l'échelle sociale : le téléphone, l'élégant stylo avec encrier et le document signé reflètent son pouvoir, le compas la méticulosité de ses ambitions, les cigares et le vin sa prospérité financière. Exécuté au début de l'hyperinflation qui frappe l'Allemagne au début des années 1920, ce portrait d'un spéculateur type, enrichi grâce à la crise, est peint dans un style neutre, aux antipodes de l'exaltation individuelle caractéristique de l'expressionnisme. Calculateur froid et rationnel, le profiteur arbore un visage indifférent.

Scénographie
 

Otto Dix. Bildnis der Journalistin Sylvia von Harden (Portrait de la journaliste Sylvia von Harden), 1926. Huile et tempera sur bois, 121 × 89 cm. Centre Pompidou MNAM-CCI. © Adagp, Paris, 2022. Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / Dist. RMN-GP.

 
August Sander. Secrétaire à la Westdeutscher Rundfunk de Cologne, 1931. Attribué au groupe III, Die Frau [La Femme], portfolio 17, La Femme exerçant un métier intellectuel et manuel. Épreuve gélatino-argentique. © Die Photographische Sammlung /SK Stiftung Kultur, Cologne. © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne / Adagp, Paris, 2022.
 
Christian Schad. Anna Gabbioneta, 1927. Huile sur toile. Collection particulière. Courtesy Richard Nagy Ltd, Londres.
 
Otto Dix. Bildnis des Kunsthändlers Alfred Flechtheim [Portrait du marchand d’art Alfred Flechtheim], 1926. Huile sur bois, 120 × 80 cm. Staatliche Museen zu Berlin Preusischer Kulturbesitz, Nationalgalerie, Berlin. © Adagp, Paris, 2022. Photo © BPK, Berlin. Dist. RMN-Grand Palais / Jorg P. Anders.
 
Franz Radziwill. Einer von den Vielen des XX. Jahrhunderts [L’Un des nombreux du XXe siècle], 1927. Huile sur bois. Munster.
 
Julius Bissier. Selbstbildnis eines Bildhauers [Autoportrait d’un sculpteur], 1928. Huile sur toile. Städtische Museum Freiburg.


7 - l'apogée de la société : V les artistes

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7 - l'apogée de la société : V les artistes

Dans son modèle de société, August Sander attribue aux artistes un groupe à part, qui marque à la fois un point culminant et un point de basculement. Il y intègre principalement des artistes locaux ou des artistes de passage à Cologne. Dans quelques rares cas, il part lui-même à la rencontre des artistes de renommée nationale ou proche des Progressistes de Cologne. Vus d'aujourd'hui, les portfolios semblent hétérogènes : ils comprennent des personnalités de premier plan parmi les architectes, peintres et compositeurs, alors que les écrivains choisis restent inconnus. De plus, Sander attribue nombre de ses portraits d'artistes à d'autres groupes et donc à d'autres contextes sociaux. L'intérêt de Sander pour l'image de l'artiste va bien au-delà de la présentation des célébrités les plus importantes de son époque. Néanmoins, ses photographies doivent être considérées dans le contexte des cultures visuelles populaires qui se développent dans l'entre deux-guerres autour des stars et des vedettes. La vitrine présente quelques-unes de ces formes situées entre la construction médiatique de l'artiste et l'exploitation commerciale du portrait.

 
Texte du panneau didactique.
 
August Sander. Der Architekt [L'Architecte (Hans Poebzig)], 1929. Attribué au groupe V, Artistes, portfolio 31, Architectes. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.


8 - utilité

Scénographie
8 - utilité

Liée à La Nouvelle Objectivité, la notion de Gebräuch [utilité] apparaît dans l'Allemagne des années 1920 dans les domaines du théâtre, de la musique et de la littérature. Elle favorise l'émergence d'œuvres à caractère didactique. Censées être utiles à la société, elles doivent être ancrées dans leur temps et compréhensibles par un large public. Dans la Gebrauchslyrik [poésie utilitaire], la prose prend le pas sur le lyrisme : l'écrivain privilégie le récit des faits sur l'exploration des sentiments, dans un style neutre et simple.
Importés des États-Unis, de nouveaux styles musicaux apparaissent en Allemagne et deviennent très populaires, notamment le jazz. Les compositeurs s'en inspirent pour créer un genre musical nouveau, le Zeitoper [opéra d'actualité], dont les intrigues se déroulent dans le monde contemporain.
Déjouant la fiction, les metteurs en scène Erwin Piscator et Bertolt Brecht développent le théâtre épique. Ils introduisant dans leurs pièces des dispositifs scéniques ou narratifs permettant au spectateur d'analyser l'intrigue, dans l'idée de contribuer à son éveil politique.

 
Texte du panneau didactique.
 
Johannes Schröder. Dessin pour le décor de l'opéra Maschinist Hopkins [Machiniste Hopkins] de Max Brand, Vereinigte Stadttheater, Duisbourg, vers 1929. Craie. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne. 

Composé et écrit par Max Brand, Maschinist Hopkins est un opéra créé le 13 avril 1929 à Duisbourg. L'action se déroule aux États-Unis, dans une usine dont un couple prend le contrôle après avoir commis un assassinat ; Hopkins, un machiniste, tente de déjouer leurs plans. Inspiré du film Metropolis (1927) de Fritz Lang, notamment pour les décors, cette œuvre traite des thèmes typiques de la Nouvelle Objectivité comme le monde du travail et la machine. Par la mise en scène de la vie quotidienne contemporaine et par sa composition musicale hétéroclite entre musique lyrique et légère, jazz, mais aussi bruitages de machines industrielles, cette pièce s'insère dans le genre du Zeitoper [opéra d'actualité].

 
Martin Hohlig. Berlin im Licht. Reklamesäule am Groẞen Stern [Berlin en lumière. Colonne publicitaire sur la Groẞer Stern], 1928. Épreuve gélatino-argentique. Stiftung Stadtmuseum Berlin. 

Berlin im Licht [Berlin en lumière] est un festival de lumière organisé par les entreprises de gaz et d'électricité de la ville du 13 au 16 octobre 1928. L'illumination spectaculaire des monuments ou grands magasins doit démontrer le rayonnement économique et culturel de Berlin. Le soir du 15 octobre, les festivités sont accompagnées par des concerts populaires donnés en plein air par des fanfares de jazz à plusieurs endroits de la ville, jouant les musiques de différents compositeurs. La chanson éponyme Berlin im Licht, composée par Kurt Weill avec des paroles de Bertolt Brecht, devient rapidement un tube. Le librettiste Günther Bibo écrit les paroles d'une Marschlied composée par Otto Stransky, vantant les mérites de Berlin comme ville modèle de la Nouvelle Objectivité.

 
Umbo. Der rasende Reporter (Egon Erwin Kisch) [Le Reporter à toute vitesse [Egon Erwin Kisch)], 1926. Papier peint. Bauhaus-Archiv Berlin.
 
Martin Höhlig. Berlin im Licht. Tanz-Cabaret « Columbia » [Berlin en lumière. Le cabaret de danse « Columbia »], 1928. Épreuve gélatino-argentique. Stiftung Stadtmuseum Berlin.
 
George Grosz. Gefängniskapelle [Chapelle de la prison], 1928. Dessin pour le décor de la pièce Die Abenteuer des braven Soldaten Schwejk [Les Aventures du brave soldat Sveik] d'Erwin Piscator. Aquarelle et encre sur papier. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne. 

Adaptée d'une nouvelle satirique antimilitariste, la pièce Die Abenteuer des braven Soldaten Schwejk [Les Aventures du brave soldat Svejk] mise en scène par Erwin Piscator remporte un grand succès dans toute l'Allemagne à la fin des années 1920. Se déroulant durant la Première Guerre mondiale, elle raconte les mésaventures d'un anti-héros naïf qui tente au mieux de s'adapter à un patriotisme montré comme absurde. Les décors réalisés par George Grosz s'accordent avec l'anti-illusionnisme promu par Piscator : les personnages ne sont pas représentés de manière réaliste mais lourdement caricaturés. Les dessins remplacent parfois les acteurs et sont mis en mouvement via des tapis roulants, innovation technique spectaculaire à l'époque.

 
Tragott Müller. Montage pour projection sur scène pour l’adaptation théâtrale de Hoppla, wir leben ! [Hop là ! Nous vivons !] d’Ernst Toller par Erwin Piscator, vers 1927. Photographie, tempera, encre sur carton. Berlin.
 
Traugott Müller. Dessin pour le décor de l'opéra Neues vom Tage [Nouvelles du jour] de Paul Hindemith et Marcellus Schiffer. Krolloper, Berlin, 1929. Aquarelle, encre de Chine et collage. Theaterwissenschaftliche Sammlung Universität zu Köln, Cologne. 

Pièce légère, Neues vom Tage [Nouvelles du jour] est un opéra fortement influencé par le monde du cabaret et du music-hall. Elle dépeint les multiples péripéties d'un couple en plein divorce, confronté à la bureaucratie et à la presse à sensation. Cette satire sociale, qui aborde un problème moderne, reste fameuse pour la scène de la salle de bains, dans un décor de Traugott Müller : retirée dans une chambre d'hôtel, l'héroïne principale prend un bain chaud et entonne alors dans sa baignoire un hymne au système de distribution collective d'eau chaude. Cet éloge du confort quotidien s'inscrit dans la fascination de la Nouvelle Objectivité pour les bienfaits de la technique.

Biographie d'August Sander (début)

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9 - rationalité

Scénographie
9 - rationalité

A la crise économique et à l'inflation spectaculaire d'après-guerre succède une période de stabilisation et de croissance relatives, favorisées notamment par l'injection de capitaux américains en 1924. En Allemagne naît alors une fascination pour l'Amérique et le modèle de société capitaliste qu'elle incarne. La rationalisation du travail mise au point par Taylor est adoptée par les entreprises allemandes, entraînant une industrialisation rapide et une mécanisation des tâches. Peintres et photographes de la Nouvelle Objectivité louent alors la beauté des machines. Le culte de la technique se poursuit avec l'apparition de la radio, nouvel appareil domestique perçu comme un potentiel outil d'émancipation, notamment par Bertolt Brecht.
Le principe de rationalisation devient bientôt une nouvelle norme qui structure la vie sociale et culturelle. L'aménagement intérieur des logements de petites dimensions est étudié par les architectes et designers pour optimiser l'espace, les cuisines sont repensées pour faciliter le quotidien des ménagères. Ce souci d'amélioration des conditions du travail domestique s'inscrit dans un désir général d'émancipation des femmes.


 
Texte du panneau didactique.
 
Carl Grossberg. Selbstbildnis [Autoportrait], 1928. Huile sur bois, 70,1 × 60cm. Collection particulière, Allemagne / Germany. Photo crédit: Grisebach GmbH.

Passionné par l'industrie, Carl Grossberg se fait connaître pour ses tableaux représentant des usines ou des machines, qu'il peint dans leurs moindres détails dans des compositions idéalisées, dépourvues de toute présence humaine. Dans ce très rare autoportrait, récemment redécouvert, il se représente en buste, élégamment vêtu et tenant un fin pinceau. Derrière lui sont visibles un marteau-pilon à vapeur et une vue aérienne sur un paysage industriel, ressemblant à un aéroport. La pose hiératique de l'artiste, son visage vide de toute expression font écho à l'arrière-plan figé et froid, d'une pureté idéale. L'atmosphère aseptisée de l'ensemble confère à l'œuvre un aspect de produit manufacturé, comme sorti d'une machine.

 
Albert Renger-Patzsch. Isolatorenkette [Chaine d’isolateurs], 1925. Tirage vintage, 27.30 × 37.50 cm. Galerie Berinson, Berlin. © Albert Renger-Patzsch Archiv / Ann und Jurgen Wilde, Zulpich / Adagp, Paris, 2022.
 
Albert Renger-Patzsch. Triebwerk einer Lokomotive [Moteur d'une locomotive], 1925. Tirage vintage, 17 × 21,2 cm. Galerie Berinson, Berlin. © Albert Renger-Patzsch Archiv / Ann und Jurgen Wilde, Zulpich / Adagp, Paris, 2022.
Scénographie
 
Günter Karl Bose. BIG ZEP, 2010. Épreuves gélatino-argentiques. Ensemble de 303 photographies anonymes de quatre zeppelins LZ 126, 127, 129 et 130, 1924-1939 (ensemble et détail). Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat, 2018. 

BIG ZEP est une collection de 303 photographies de zeppelins, prises par des amateurs anonymes entre les années 1924 et 1939. C'est le typographe, auteur et éditeur berlinois Günter Karl Bose qui les a collectionnées sur des marchés aux puces durant les 40 dernières années. Pour lui, les prises de vue des zeppelins constituent une sorte de métaphore.

 
.../...
Elles ne véhiculent pas seulement l'euphorie moderniste, mais aussi l'expression d'une mentalité allemande de l'entre-deux-guerres qui cherchait un nouveau « messie » venant d'une technologie moderne qui fait oublier l'humiliation après la défaite. BIG ZEP est le mot américain d'admiration pour cet objet. Figure du regard, le zeppelin incarne une nouvelle vision dynamique, la contre-plongée des années 20 et 30, et en même temps un objet abstrait flottant dans l'espace de l'image. Enfin, BIG ZEP est une coupe transversale à travers la photographie d'amateur de l'époque, une collection unique qu'on ne peut plus reconstituer.
 
Wilhelm Heise. Verblühender Frühling. Selbstbildnis als Radiobastler [Printemps fâné. Autoportrait en amateur de radio], 1926. Huile sur bois. Munich.
 
Max Radler. Der Radiohörer [L'Auditeur de radio], 1930. Huile sur toile. Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau München. Munich.  

Nouvelle machine domestique, la radio investit les foyers allemands à partir de 1923, année de la première émission diffusée à Berlin. Les premiers modèles fonctionnent avec un casque audio. Max Radler fait ici le portrait d'un ouvrier, identifiable comme tel grâce au paysage d'usine en arrière-plan. Faute de moyens, il semble avoir fabriqué lui-même son appareil, aux branchements pour le moins complexes. Le programme posé sur la table indique qu'il écoute une chaîne internationale venant d'Union soviétique. Cherchant à politiser ce nouveau media, plusieurs associations ouvrières tentent alors d'en faire un moyen de communication destiné à faciliter l'organisation d'une solidarité prolétaire internationale.

Scénographie
 
Max Radler. Station SD/2 [Gare SD/2], 1933. Huile sur panneau. Galerie Berinson, Berlin.
 
Anonyme. Die Alfred-Jackson-Girls. Ein reizvolles Verkehrshindernis [Les Alfred-Jackson-Girls. Un charmant obstacle à la circulation], 1928. Épreuve gélatino-argentique. Stiftung Stadtmuseum Berlin.

Scénographie
 
Carl Grosberg. Jacquard-Weberei [Atelier de tissage Jacquard], 1934. Huile sur bois. Collection Merrill C. Berman.
 
Franz Xaver Fuhr. Eisenbrücke [Pont de fer], 1928. Huile sur toile. Museum Folkwang, Essen.
 
Margarete Schütte-Lihotzky. Frankfurter Küche aus der Ernst-May Siedlung Bornheimer Hang, Pestalozzistraẞe, Frankfurt am Main [Cuisine de Francfort issue de la cité-lotissement Bornheimer Hang d'Ernst May, Pestalozzistraẞe, Francfort-sur-le-Main], 1926. Cuisine équipée. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat, 2022.

Le principe de rationalisation domine aussi la vie domestique, en particulier les tâches ménagères. Chargée d'aménager la cuisine des nouveaux logements standardisés de Francfort, l'architecte Margarete Schütte-Lihotzky conçoit cette pièce comme un espace de travail, à la manière tayloriste. En se basant sur des données scientifiques étudiant les déplacements habituels de la ménagère, elle s'efforce de lui offrir un gain de temps et de confort : le plan de travail jouxte l'évier, toutes les tâches peuvent s'effectuer en position assise. Séparée du salon - ce qui était perçu comme plus hygiénique - la cuisine est pourvue d'une porte coulissante qui y mène directement.

 
Margarete Schütte-Lihotzky. Frankfurter Küche aus der Ernst-May Siedlung Bornheimer Hang, Pestalozzistraẞe, Frankfurt am Main [Cuisine de Francfort issue de la cité-lotissement Bornheimer Hang d'Ernst May, Pestalozzistraẞe, Francfort-sur-le-Main], 1926. Cuisine équipée. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat, 2022.
 
Margarete Schütte-Lihotzky. Frankfurter Küche aus der Ernst-May Siedlung Bornheimer Hang, Pestalozzistraẞe, Frankfurt am Main [Cuisine de Francfort issue de la cité-lotissement Bornheimer Hang d'Ernst May, Pestalozzistraẞe, Francfort-sur-le-Main], 1926. Cuisine équipée. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat, 2022.
 
Margarete Schütte-Lihotzky. Cuisine de Francfort, étude de déplacements : économie de pas dans l’ancienne cuisine (à gauche) et dans la cuisine de Francfort (à droite), 1927. Imprimé. University of Applied Arts Vienna.
 
Martha Bertina. Die Moderne Küche [La Cuisine moderne], 1931. Francfort. « Je ne prendrai en compte que les candidatures des filles ayant étudié l’électrotechnique et la chimie ! ».
 
Lino Salini. Portrait de profil gauche de Grete Schütte-Lihotzky assise, première femme architecte au service de la construction de la ville de Francfort, 1927. Crayon de couleur sur papier. Historisches Museum Frankfurt.


10 - culture urbaine et déracinement social : 
VI la grande ville

Scénographie
10 – culture urbaine et déracinement social : 
VI la grande ville

Dans les discours publics de la république de Weimar. la grande ville est opposée au monde rural, elle est la nouvelle Babylone. Le groupe VI révèle que la pensée d'August Sander n'est pas dépourvue de ces lieux communs. Pour lui, la ville est avant tout un lieu vital, mais aussi la destination des invalides de la guerre et des gens de la campagne à la recherche du travail. La ville est également le lieu des déracinés. Sander consacre un grand nombre de vues aux gens du voyage qu'il photographie malgré leur  marginalisation avec la même distance et le même respect que le bourgeois. Enfin, après 1945, il entreprend de classer dans ce même groupe VI trois portfolios dédiés aux persécutés du nazisme, dont des juifs de Cologne, des prisonniers politiques et des travailleurs étrangers (voir la dernière salle de l'exposition).
La vitrine montre la production exubérante de recueils de portraits de l'époque témoignant de la viralité du discours physiognomonique en Allemagne, qui de nouveau oppose «le visage authentique» des paysans au « masque » de l'homme urbain aliéné.

 
Texte du panneau didactique.
 
August Sander. Arbeitslos [Chômeur], 1928. Attribué au groupe VI, La Grande ville, portfolio 42, types et personnages de la grande ville. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Putzfrau [Femme de ménage], 1928. Attribué au groupe VI, la Grande ville, portfolio 41, Les Domestiques. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Türkischer Mäusefallenverkäufer [Vendeur turc de souricières], 1924-1930. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.
 
August Sander. Zirkusarbeiter [Travailleurs du cirque], 1926-1932. Tirage original. Épreuve gélatino-argentique, 28,00 × 21,10 cm. © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur – August Sander Archiv, Cologne / Adagp, Paris, 2022.
 
August Sander. Zigeunerprimas [Premier violon gitan], vers 1930. Épreuve gélatino-argentique. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.


11 - transgressions

Scénographie
11 – transgressions

Après avoir occupé les postes laissés vacants par les hommes durant le conflit mondial, les femmes sont désormais implantées sur le marché du travail et obtiennent le droit de vote dès 1918. Cette nouvelle position sociale conduit certaines d'entre elles à adopter une apparence androgyne en s'appropriant les codes de la masculinité : cheveux courts, chemise, cravate et torse plat. À Berlin, dans le célèbre cabaret de l'Eldorado, les artistes travestis poussent encore plus loin cette confusion des genres. Une importante subculture homosexuelle se développe dans ces clubs tolérés par la police.
Transgressions de l'hétérosexualité et décloisonnement des genres génèrent chez certains artistes masculins une angoisse qui se traduit dans leurs œuvres par un rappel violent à la norme. Ceux-ci multiplient alors les représentations fantasmées de  Lustmörder, crimes sexuels montrant des femmes violemment assassinées par arme blanche ou pendaison. L'émancipation féminine, notamment sexuelle, est perçue comme une menace que ces représentations viendraient conjurer.


 
Texte du panneau didactique.
 
Jeanne Mammen. Transvestitenlokal [Bistrot pour travestis], vers 1931. Aquarelle et crayon, 29,50 × 58,00 cm. Staatliche Museen zu Berlin, Kupferstichkabinett, Graphische Gesellschaft zu Berlin.  © Adagp, Paris, 2022. Photo © BPK, Berlin. Dist. RMN-Grand Palais / Dietmar Katz.

Travestis et personnes transgenres sont souvent confondues dans l'Allemagne des années 1920. Le médecin Magnus Hirschfeld, fondateur de l'Institut de sexologie de Berlin et militant pour la dépénalisation de l'homosexualité, popularise dès les années d'avant-guerre le terme de « Transvestite » et négocie auprès de la police des laissez-passer pour les personnes concernées, empêchant ainsi leur arrestation. Elles peuvent alors se retrouver dans des bars et cafés, comme le représente la peintre et dessinatrice Jeanne Mammen dans cette aquarelle. Il pourrait s'agir ici du cabaret de l'Eldorado, lieu central de la vie nocturne LGBT berlinoise, qui accueillait notamment des spectacles d'artistes travestis.

 
Otto Dix, Bildnis der Tänzerin Anita Berber (détail), [Portrait de la danseuse Anita Berber], 1925. © Sammlung Landesbank Baden-Wurttemberg im Kunstmuseum Stuttgart. Photo © Frank Kleinbac.
 
Anton Räderscheidt. Selbstbildnis [Autoportrait], 1928. Huile sur toile. Musée d’art moderne de Paris.
Scénographie
 
Rudolf Schlichter. Der Künstler mit zwei erhängten Frauen [L’Artiste avec deux femmes pendues], vers 1924. Aquarelle sur crayon sur papier. The George Economou Collection.
 
Gert Wollheim. Ohne titel (Paar) [Sans titre (Couple)], 1926. Huile sur toile. The Jewish Museum, New York, Gift of Charlotte Levite in memory of Julius Nassau, 1990. 

Dans un décor de café, Gert Wollheim représente deux personnages dont le genre n'apparaît pas clairement à première vue. Une observation attentive laisse néanmoins deviner qu'il s’agit d'un couple de femmes portant les vêtements et accessoires de la mode lesbienne de l'époque : chapeau, smoking et porte-cigarette pour l'une, cheveux courts gominés, maquillage et monocle pour l'autre. L'adoption de ces codes masculins permet aux femmes lesbiennes de s'approprier des attributs liés au pouvoir. Les multiples appareils optiques représentés (lunettes, jumelles, monocle) évoquent une prise de contrôle sur le regard, dont elles deviennent les sujets et non les objets.

 
Heinrich Maria Davringhausen. Der Träumer [Le Rêveur], 1919. Huile sur toile. Hessisches Landesmuseum Darmstadt.   

Assis à une table, un homme élégamment vêtu semble perdu dans ses pensées, rêvant les yeux ouverts d'un couple sur une plage idyllique. Une observation plus attentive brise néanmoins cette atmosphère romantique : devant l'homme se trouve un rasoir ensanglanté, ayant servi à mutiler une femme dont le cadavre gît au second plan. Peinte dans l'immédiat après-guerre, cette œuvre de transition, encore influencée par l'expressionnisme, évoque l'évolution de la violence à l'issue de la Première Guerre mondiale. Loin de disparaître, elle s'exprime dans des représentations crues de féminicides, qui laissent entrevoir les peurs masculines liées à l'émancipation des femmes dans l'Allemagne weimarienne.

 
Karl Hubbuch. Der Lustmord [Meurtre sexuel], 1930. Huile sur toile. Collection Frank Brabant, Wiesbaden.
 
Herbert Hoffmann. Transvestiten im Eldorado [Travestis à l’Eldorado], Berlin, 1928-1933. Épreuve gélatino-argentique. Ullstein Bild Collection.
 
Christian Schad. Liebende Knaben [Garçons qui s’aiment], 1929. Lithographie sur papier d’après le dessin original au crayon d’argent, 1972. Museen der Stadt Aschaffenburg.




Scénographie
 
Otto Griebel. Deux femmes, 1924. Aquarelle sur carton. The George Economou Collection.
 
Anonyme. Sisters. Sœurs sur la scène. Gladys et Irma Philibin, danseuses américaines célèbres, 1925. Stiftung Stadtmuseum Berlin.
Anonyme. Photographie d’un kiosque à journaux à la gare de Berlin-Friedrichstraẞe, 1927 (détail). Papier peint. Landesarchiv, Berlin.
 
James Klein. Mille femmes nues ! Description de toutes les scènes et photos des modèles de nu primés, 1928. Programme de revue. Stiftung Stadtmuseum Berlin.
 
Weka (Willy Pröger). Lieux de la prostitution berlinoise, 1930. Stiftung Stadtmuseum Berlin.


12 - regard vers le bas

Scénographie
12 - regard vers le bas

Mus par une volonté de représenter le revers du capitalisme triomphant, certains artistes de la Nouvelle Objectivité proches du parti communiste tournent leur regard vers les invisibles que le progrès technique exclut ou éprouve. Les films, reportages ou enquêtes documentant le quotidien des travailleurs nourrissent la pratique des photographes et des peintres, qui adoptent une approche analytique et distancée. Les foules anonymes des masses laborieuses sont représentées dans l'environnement oppressant de l'architecture industrielle : désindividualisés, les ouvriers ne sont plus que de simples rouages de la machine économique capitaliste.
Les artistes figurent également les populations précaires vivant en bordure des grands centres urbains, loin des boulevards animés et des divertissements dont ils demeurent exclus. August Sander consacre un groupe entier à « La grande ville ». Il y photographie les populations marginales : gens du voyage et gitans menant une vie d'itinérance, mais aussi chômeurs, mendiants et miséreux venus à sa porte.


 
Texte du panneau didactique.
 
Karl Völker. Bahnhof [Gare], 1924-1926. Huiles sur bois. Kulturstiftung Sachsen-Anhalt, Kunstmuseum Moritzburg Halle (Saale). 

En 1923, sous l'impulsion du parti communiste d'Allemagne, la gare de Halle est entièrement rénovée afin de faciliter les déplacements des ouvriers vers un grand site industriel situé au sud de la ville. Peintre engagé à gauche, Karl Völker représente cette architecture éclatante de nouveauté avec une certaine ambivalence. L'œuvre montre d'une part la parfaite fonctionnalité de cette nouvelle infrastructure propre et rationnelle, qui améliore les conditions de travail d'une classe ouvrière marchant ici en un bloc uni et solidaire. Néanmoins, la froideur et la rigidité de l'ensemble renvoient également au quotidien aliénant de ces travailleurs, entassés en troupeau dans une architecture impersonnelle.

 
Hans Baluschek. Sommerabend [Soir d'été], 1928. Huile sur toile. Berlinische Galerie, Landesmuseum für Moderne Kunst, Fotografie und Architektur, Berlin.  

Membre du parti social-démocrate, le peintre et illustrateur Hans Baluschek réalise de nombreuses œuvres qui dépeignent la vie quotidienne de la classe ouvrière à Berlin dans une veine réaliste. Cette toile montre un quartier ouvrier en bordure de la ville, jouxtant la voie ferrée et l'usine. Sur un vaste terrain vague situé derrière un immeuble d'habitation, des familles profitent de l'air frais et de rares étendues d'herbe aux reliefs accidentés. L'artiste représente une soirée ordinaire des classes populaires urbaines, bien éloignée des cafés, théâtres et cabarets du centre-ville, loisirs dont les Berlinois les plus pauvres demeurent exclus.

 
Karl Völker. Tableau de l’industrie, vers 1924. Huile sur toile. Kunstmuseum Moritzburg Halle.


13 - retournements

Scénographie


épilogue

23a - Le National-socialiste
 
August Sander. Angehöriger der Hitler-Jugend [Membre de Jeunesses hitlériennes], 1938. Épreuve gélatino-argentique. Munich.
 
August Sander. SS-Hauptsturmführer, 1937. Épreuve gélatino-argentique. Los Angeles.
August Sander. 44 - Verfolgter [Persécutés], vers 1938. Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur, Cologne.