1940 ! PAROLES DE REBELLES. Le discours du maréchal Pétain, le 17 juin 1940, sidère les français. Leur armée était réputée être la meilleure du monde et en six semaines elle vient d’être défaite par des troupes allemandes extrêmement mobiles, utilisant leurs chars et leurs avions avec habileté. Avec près de 90 000 tués, soit une moyenne mensuelle de pertes supérieures à 1914-1918, et 1 850 000 prisonniers, le désastre est total. Les corps intermédiaires, partis politiques, syndicats et organisations gouvernementales disparaissent dans le chaos, ajoutant à la faillite militaire celle du politique.
Il y a pourtant des français qui ne se résignent pas. À Londres, le général de Gaulle fait une déclaration à la BBC le 18 juin, appelant les militaires et les spécialistes en armement, qui se trouvent ou viendraient à se trouver en Angleterre, à poursuivre le combat. Très peu de français entendent ce message mais, plus tard, ceux qui continueront le combat contre les allemands se reconnaîtront dans ce discours.
Le musée de l’Ordre de la Libération a conçu cette exposition pour illustrer cet engagement à ne pas « cesser le combat ». Pour cela il a choisi les parcours d’une trentaine de Compagnons de la Libération, illustré par des objets personnels et des vidéos dans lesquelles ils expliquent leur engagement.
L’exposition commence dès le couloir d’accès au musée avec de grands panneaux. Ceux-ci font état de la défaite militaire française de 1940, de l’état de la France en juin 1940, en particulier avec l’exode et ses huit millions de personnes fuyant vers le sud, des armistices avec les allemands et les italiens et de leurs conséquences, et de la « spécificité française ». En effet la France est le seul pays envahi par les allemands qui a signé un armistice avec le IIIe Reich. Les gouvernements des six autres pays se sont exilés en Grande-Bretagne. Il en résulte que le général de Gaulle est le seul des chefs en exil à devoir combattre, en même temps, l’ennemi et le gouvernement légal de son pays. Il en est de même pour tous ceux qui n’admettent pas la défaite.
Parmi les 1038 hommes et femmes qui se sont vus décerner la croix de la Libération par le général de gaulle, 790 sont entrés en résistance en 1940 et même, pour la plupart d’entre eux, dès l’été 1940. Une grande carte du monde, recense leur nombre et leur point de départ tandis que leurs photos sont exposées sur un immense panneau.
Après ce prologue, l’exposition se décline en trois sections chronologiques. La première « Cesser le combat ? », met en regard les discours de Pétain et de de Gaulle. Parmi les tout premiers « rebelles » comme Paul Legentilhomme, René Mouchotte ou Jacques Joubert des Ouches, les commissaires mettent l’accent sur ceux de l’île de Sein. En effet, à l’appel du général de Gaulle, lors de son deuxième discours, le 22 juin 1940, ce ne sont pas moins de 114 îliens, la quasi-totalité des hommes valides, qui embarquent sur cinq petits bateaux dont le Maris Stella, un langoustier, dont on voit la maquette. Présentés au général de Gaulle début juillet, parmi quelque 400 volontaires, ils sont accueillis par le chef de la France libre comme représentant le « quart de la France » !
Dans la deuxième salle, « la passion et la raison », les commissaires ont cherché quelles étaient les motivations de ces volontaires et les ont synthétisées dans un « nuage de mots ». En gros apparaissent les mots « combat », « France », « antinazisme », « 14-18 ». Viennent ensuite « jeunesse », « idéalisme », « famille », « attache », « loyauté », « honte », « politique ». D’une manière assez étonnante « trahison », « humiliation » et surtout « liberté » viennent en dernier. Dans cette salle sont évoquées les figures d’Honoré d’Estienne d’Orves, de René Pleven, de Berty Albrecht, de Jacques Hébert et de Michel Faul. Ces deux derniers ont quitté la France, avec l’accord de leurs parents, alors qu’ils avaient moins de vingt ans et étaient encore mineurs !
La dernière section « Entrer dans l’aventure », reprend le terme employé par le général de Gaulle dans ses mémoires. Elle montre comment les Compagnons de la Libération sont entrés dans la résistance selon qu’ils étaient dans la métropole (environ 400), dans l’Empire (363) ou à Londres (une centaine). Parmi les portraits présentés dans cette section on remarque, pour un engagement depuis la métropole, ceux de Maurice Halna du Fretay, qui s’est enfuit au commande d’un avion remonté dans le manoir familial, et de John Hasey, un ambulancier américain mis au service de l’armée française, qui rejoint les FFL. Parmi ceux qui sont dans l’Empire, les commissaires ont choisi Félix Éboué, Raoul Béon, Georges Thierry-d'Argenlieu, Félix Broche, Philippe Leclerc de Hauteclocque, Émile Muselier, Edgard de Larminat. Pour Londres ils citent Constant Colmay et Bernard Harent. Ce dernier envoie le télégramme « codé » suivant à sa famille : « Par suite incompatibilité idées, garde métier mais change patron – Tendresses – B. Harent ».
Parmi les nombreux objets et documents, les lettres envoyées par certains à leur famille sont très éloquentes sur leur motivation et émouvantes sur les risques assumés qu’ils prennent en s’engageant ainsi. Ce n’est pas une « grande » exposition mais elle est chargée d’émotion avec ces correspondances, ces enregistrements vidéos, ces objets et documents de toutes sortes qui nous rappellent que c’est grâce à l’engagement de ces hommes et de ces femmes que la France a pu garder un certain rang parmi les nations. R.P. Musée de l’Ordre de la Libération. Hôtel national des Invalides 7e. Jusqu’au 3 janvier 2021. Lien : www.ordredelaliberation.fr.