THE LAST HILLBILLY. Documentaire de Diane Sara Bouzgarrou & Thomas Jenkoe (2020 - France, Qatar - couleur - 1h20).
« Qu’est-ce que vous foutez là ? », tel est le point de départ, en 2013, de ce film insolite sur les habitants de cette zone rurale reculée du Kentucky. Cette question abrupte, c’est Brian Ritchie, le narrateur du film, qui la pose au couple de réalisateurs, qui passait là par hasard et faisait une pause en bord de route. Le courant passe. Brian leur propose alors de leur faire découvrir « le vrai Kentucky » et leur ouvre la porte de son monde, de sa famille, de ses amis. Au bout de sept ans le film est terminé !
Dans les premières images on assiste à l’agonie de cerfs atteints d’une fièvre mystérieuse, qui recherchent la fraîcheur dans la rivière et meurent. Au cours du film on découvre la relation étrange qui existe entre les cerfs et les habitants. Brian explique à ses enfants que ses aïeux tuaient les cerfs pour leur chair et qu’aujourd’hui on les tue uniquement pour perpétrer la tradition. Après ces premières images, en voix off, sur toutes sortes de vues de la région, Brian clame ce qui est arrivé à celle-ci. C’est extrêmement fort et l’on voit d’emblée combien il est difficile de vivre dans de telles conditions.
Le film se déroule ensuite en trois parties. La première, Le Sanctuaire familial, traite de l’importance du clan familial pour résister aux menaces extérieures qui risquent de contaminer la cellule familiale. La deuxième partie, La Terre vaine, évoque ces gens qui, comme Brian, ont fait le choix de rester dans cette région en déclin et qui s’accrochent à leur mode de vie. En effet, après une centaine d’années d’exploitation des mines de charbon qui ont dévasté le paysage en faisant exploser les montagnes, ceux qui en ont profité sont partis et les mineurs se sont retrouvés au chômage. Ce sont eux qui ont voté Trump. La dernière partie, La terre de demain, s’intéressent aux enfants. On les voit grandir, on les suit dans leurs jeux, leurs réflexions sur leur avenir, leurs interrogations.
En regardant ce film, il est difficile d’imaginer qu’une vie telle que celle de ces hillbillies, ces « péquenauds des collines » comme les appellent le reste de États-Unis, fassent rêver ces milliers de gens qui tentent de franchir la frontière américaine. C’est le principal mérite de ce film de nous montrer sans fioriture – le format 4/3 de l’image y contribue – un autre visage des États-Unis, bien loin des documentaires habituels et des films hollywoodiens. On est stupéfait par les propos désabusés mais plein de bon sens de Brian. Il analyse très lucidement l’histoire de sa région, depuis les pionniers qui massacrèrent ceux qui étaient là avant eux, jusqu’à aujourd’hui. Il pose aussi un regard critique sur ces inventions qui n’existaient pas en 1990 et qui disparaîtront un jour. Quand demandent ses enfants ? Mais il n’est pas devin. Un film qui ne cherche pas à faire joli, empreint de nostalgie et fascinant. R.P. Prochainement en salles.