STEAK (R)ÉVOLUTION
Article
publié exclusivement sur le site Internet, après la
Lettre n° 373
du 27 octobre 2014
STEAK (R)ÉVOLUTION. Film documentaire de
Franck Ribière. Ecrit par Franck Ribière et Vérane Frédiani (France
- couleurs - 2014 - 2h10).
Le réalisateur, fils d'éleveurs de vaches charolaises, a voulu savoir
où l'on pouvait manger le meilleur steak du monde. Pour cela, il
a pris contact avec le très médiatique " meilleur boucher de Paris
", Yves-Marie Le Bourdonnec, également intéressé par cette recherche,
et tous deux sont partis à travers le monde à la recherche de ce
steak.
Cette quête nous tient en haleine durant tout le film. Comme Franck
Ribière, nous constatons que nos habitudes alimentaires françaises
sont complètement faussées, tant par la manière d'élever nos vaches
que par le choix de celles-ci. Les considérations sanitaires et
industrielles priment largement sur le goût et le plaisir gustatif.
Le premier exemple est celui du fameux restaurant Peter Luger
à New-York. Depuis plusieurs générations, les propriétaires de ce
restaurant choisissent leur viande et la préparent dans ce temple
du steak. Las, le réalisateur constate que cette viande est préparée
pour le goût américain, avec des animaux gavés de céréales et extrêmement
gras. Ils privilégient une viande grasse et molle à celles tendres
et goûteuses. Dans ces conditions, on mesure la stupeur de Jody
Storch, la propriétaire de Peter Luger, qui achète de la
viande de bovins âgés de 30 mois au plus, quand le réalisateur lui
indique que Jose Gordon, un cuisinier et boucher espagnol, élève
ses propres vaches, avec lesquels il entretient une véritable relation
affective, et qu'il ne les abat qu'au bout de quinze ans ! Ce n'est
donc pas ce restaurant qui obtient la meilleure note dans le classement
de un à dix qu'ont fait nos deux compères. Avant de parcourir d'autres
pays, ils rencontrent un éleveur américain qui, quelle surprise,
nourrit ses vaches avec de l'herbe ! Leur viande est bien différente
mais la tâche est rude dans un pays hyperindustrialisé.
Le réalisateur nous emmène ensuite, sans ordre apparemment logique,
sur tous les continents, à part l'Afrique. Et encore, car les éleveurs
écossais de l'angus ont dû réimporter d'Afrique du Sud des bovins
de cette race, dont la qualité du cheptel avait considérablement
diminué dans leur pays d'origine. Nous parcourons ainsi l'Argentine
qui produit une viande excellente … pour l'exportation et les restaurants
chic de Buenos Aires, les argentins devant se contenter d'une viande
banale. Le Japon où l'on pénètre au sein d'un élevage où les fameux
bœufs de Kobé sont nourris avec un cocktail de céréales, de foin
et d'autres ingrédients tenus secrets, dans une ambiance musicale
(Mozart), propre à les tranquilliser. La Suède où un industriel
s'est lancé avec succès dans l'élevage de vaches japonaises, qu'il
s'est procurées par des voies détournées, rappelant celles de l'introduction
de la fabrication de la soie en Europe, au Moyen-Âge ! Nous rencontrons
aussi des éleveurs, des bouchers et des cuisiniers en Italie, en
Grande Bretagne, en Espagne, etc. et bien sûr en France, où le jeune
éleveur corse Jacques Abbatucci nous explique que c'est en examinant
les bouses et la présence ou non d'insectes sur celles-ci, que l'on
sait si les animaux ont été traités avec des pesticides ou des insecticides.
Toutes les personnes interviewées ont un point commun, la passion
de leur métier et la recherche d'une viande de qualité. Le plaisir
que prend Yves-Marie Le Bourdonnec en dégustant du bœuf de Kobé
au Japon a quelque chose de magique. Au final, nous comprenons qu'il
vaut mieux manger moins de viande, mais de la viande de qualité,
quitte à payer son steak quelque cent euros au restaurant ! Un film
tout à fait didactique, instructif et passionnant, qui devrait plaire
même aux végétariens. R.P. Pour
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