NOBODY'S WATCHING (Nadie nos mira). Comédie dramatique de Julia Solomonoff avec Guillermo Pfening, Elena Roger, Rafael Ferro, Cristina Morrison, Kerri Sohn (2017 - Argentine - Couleur - 1h41).
Quelles  que soient ses raisons, l’émigration est déterminante dans l’évolution de celui  qui entreprend de quitter son pays. La réalisatrice Julia Solomonoff livre  quelques pans de son expérience étasunienne à travers le personnage de Nico, un  comédien argentin. Acteur dans une série culte dans son pays, il décide de  partir tenter sa chance aux États-Unis à la suite d’une trahison  professionnelle et sentimentale. New-York ou rien pour cesser les séries télé  et entrer dans la cour des grands du cinéma. Il court les castings et enchaîne toutes  sortes de petits boulots. Le baby-sitting lui apprend les gestes insoupçonnés  et tendres d’un père de substitution qu’il ne sera probablement jamais de par  son homosexualité. Il lui fait aussi approcher de plus près le milieu des  chicanas, au quotidien tout aussi précaire que le sien. Il survit plus qu’il ne  vit, colocataire dans un appartement exigu, vivant d’expédients, de petites  escroqueries ou de vols. Sa rencontre inopinée avec Kara, une productrice qu’un  ami lui a présentée quelques années plus tôt lors d’un festival, lui donne de l’espoir.  Elle l’emmène dans le milieu du cinéma tout en l’enjoignant de parfaire son  anglais et de changer son look. Sa peau blanche, ses cheveux châtains et sa  pointe d’accent ne correspondent pas aux critères étasuniens très formatés  concernant les latinos. 
La  visite de deux amis argentins le renvoie à son passé. La réalité se fait jour.  Tout comme les caméras des magasins braquées sur lui lors de ses rapines et  jamais visionnées, « nobody’s watching ». Personne ne l’attend ici.  Il mesure son échec et rentre au pays mais cette parenthèse américaine lui  permet de tourner la page. Elle l’a fait grandir sans pour autant changer ce  qu’il a de plus important, son appartenance au monde argentin, si différent de celui  des États-Unis.
La  caméra très mobile de Julia Solomonoff suit les déambulations de son héros dans  les quartiers et les rues de la « grosse pomme », loin des clichés  habituels. On est saisi par l’harmonie très esthétique des parcs et des beaux  quartiers, changeant selon les saisons, et par leur contraste avec les  quartiers déshérités. Guillermo Pfening donne beaucoup d’épaisseur au  personnage de Nico qu’il incarne avec un naturel désarmant. Un film touchant, tout  en finesse, empreint d’une profonde réflexion sur la nature humaine. 
L’expérience  personnelle recèle toujours une source inépuisable d’inspiration. M-P.P. En salles à partir du 25 avril 2018.