KUESSIPAN de Myriam Verreault. Inspiré du roman de Naomi Fontaine avec Sharon Fontaine-Ishpatao, Yamie Grégoire, Étienne Galloy, Cédrick Ambroise, Douglas Grégoire (2019 - Québec - couleur - scope - 1h57).
Dans la petite réserve innue de Uashat, enclavée dans la ville de Sept-Îles, au nord-est du Québec, deux amies inséparables grandissent en se promettant de toujours rester ensemble. Mikuan et son frère Metshu vivent au sein d’une famille aimante, sans problème. C’est tout le contraire pour Shaniss qui connaît une enfance difficile. On les voit au début du film, quand elles ont huit ans, en train de pêcher des capelans, des petits poissons qui viennent frayer sur les plages par milliers.
On les retrouve plus tard, à l’âge de dix-sept ans. Leurs aspirations semblent les éloigner. Shaniss veut rester dans sa communauté et fonde une famille. Mikuan, bonne élève éprise d’écriture, veut continuer ses études. Dans un bar, puis plus tard, dans un atelier d’écriture, elle rencontre Francis, un « blanc » de son âge avec lequel elle débute une relation amoureuse. Tous deux veulent aller à l’université, à Québec, au grand dam de Shaniss, qui y voit un abandon de la part de sa copine au moment où, rencontrant des problèmes familiaux, elle a le plus besoin d’elle. Si la famille de Mikuan accueille Francis avec une sympathie mêlée d’inquiétude, on ne sait rien, jusqu’au dénouement, de ce qu’en pense la famille du garçon.
Le sujet du film est classique, mais le cadre dans lequel se déroule l’action est tout à fait original. En effet, à côté de ces relations croisées qui forment la trame de Kuessipan, un mot qui signifie « À toi » ou « À ton tour », le film aborde par petites touches les coutumes de cette communauté innue et les problèmes qu’elle rencontre. C’était déjà le sujet du livre à succès de Naomi Fontaine, appartenant elle-même à cette communauté et co-scénariste de ce film. Cet aspect documentaire est particulièrement intéressant. Il nous renseigne sur le problème de vivre dans une petite communauté en proie aux convoitises de certains industriels. Les questions d’alcool, de violence, de femme battue, de décès, s’invitent dans le récit, tout comme des fêtes et rencontres en tous genres. Comment conserver ses coutumes, sa culture, sans se « restreindre à un quotidien peu ambitieux et accepter docilement que nous sommes nés sans envergure », comme l’explique Mikuan dans un concours d’éloquence, sur le sujet de la liberté, un mot inconnu dans la langue innue ?
Le film a été tourné dans cette réserve de Uashat avec des interprètes non professionnels, à commencer par les deux protagonistes principales, criantes de vérité. Seul Étienne Galloy (Francis) avait joué dans d’autres films. Lui qui avait confondu Sept-Îles avec Trois-Rivières a découvert, comme nous, cette communauté attachante. Un film passionnant, qui nous permet de comprendre les problèmes et les aspirations des peuples autochtones, et pas seulement au Canada. R.P. En salle à partir du 20 janvier 2021 (sous réserve).