GO HOME. Film de Jihane Chouaib avec Golshifteh Farahani, Maximilien Seweryn, François Nour, Mireille Maalouf, Julia Kassar, Mohamad Akil (France - Suisse - Belgique - Liban - 2016 - couleur - 1h 38 min).
La réalisatrice française Jihane Chouiab, née au Liban et élevée au Mexique, fait le récit d’une histoire qui aurait pu être la sienne. En effet, dans son premier long métrage de fiction, elle nous montre une jeune femme qui a dû quitter son pays, le Liban, alors qu’elle était enfant, pour fuir la guerre civile et qui depuis, vit en France, comme elle.
La première scène nous met d’emblée dans l’ambiance. On y voit une jeune femme marcher seule sur une route chaotique en tirant sa valise, jusqu’à une maison en ruine. Naïvement elle sort une clé pour ouvrir une porte qui n’en a plus besoin ! A l’intérieur, c’est le désastre. Tout est sale. Il ne reste que peu de meubles. Pas d’eau, pas d’électricité. Des murs en lambeaux, criblés de balles. Malgré tout Nada décide de s’y installer. C’est alors que les choses se compliquent. D’une manière étrange elle sent que la petite communauté villageoise ne l’accueille pas avec joie. Rapidement elle découvre une inscription toute fraiche à l’intérieur de sa maison : Go Home. Tout le monde sait qui elle est et qui était son grand-père, un personnage important qui a mystérieusement disparu, et que l’on dit mort durant la guerre civile.
Elle se remémore son enfance ; les jeux avec son jeune frère ; leurs petits secrets ; leurs promenades dans les alentours et surtout une scène avec son grand père, qui s’en prend violemment à quelqu’un au milieu d’un groupe d’hommes qu’elle voit de loin. Du moins c’est dans son souvenir.
Nour, sa vieille tante, lui raconte certaines atrocités commises pendant cette guerre mais ne lui en dit pas plus sur la disparition de son grand-père. S’il est mort, comme on le dit, Nada voudrait que l’on retrouve son corps et qu’il soit enterré dans le village. Mais personne ne veut lui parler. Elle est considérée comme une étrangère et seul un voisin de son âge, Jalal, sorte de messager des villageois qui veulent surtout savoir ce qu’elle compte faire de la maison, l’assiste peu à peu dans ses travaux.
C’est alors que sa tante meurt. Elle refuse de se prêter au jeu des condoléances à la sortie de l’église et les attend sur le pas de sa maison, où seul Jalal vient. Son frère Sam arrive à son tour, investi d’une mission de son père : vendre la maison. La tâche n’est pas facile car, aux obstacles administratifs, s’ajoute la redoutable détermination de Nada à conserver cette maison et à y perpétrer la mémoire de son grand-père.
Avec cette trame, on touche du doigt le problème des exilés quand ils veulent retourner dans leur pays longtemps après leur départ. La vie a continué sans eux et ils sont des étrangers pour les autres. Le Liban, terre d’exil et aussi terre d’accueil comme on le voit quand Nada et son frère rencontrent une palestinienne, est un pays sinistré, fort bien décrit, en quelques images – car l’essentiel du film se passe dans la maison - par la réalisatrice. Golshifteh Farahani, que l’on avait vue dans A Propos d’Elly (2009) de Asghar Farhadi, dans Mensonges d’état (2008) de Ridley Scott et dans une dizaine d’autres films français et américains, interprète le rôle de Nada d’une manière remarquable. Elle apporte à son personnage la profondeur qui lui est nécessaire pour rendre crédible cette histoire, où l’esprit de revanche, voire de vengeance, n’est pas loin. Les autres interprètes lui donnent la réplique avec justesse. Quelques longueurs, peut-être trop de retours en arrière, mais au final, un film qui laisse une forte impression. R.P.