DERNIERES NOUVELLES DU COSMOS

Article publié dans la Lettre n° 401
du 31 octobre 2016


 

DERNIERES NOUVELLES DU COSMOS. Documentaire de Julie Bertuccelli avec Hélène Nicolas (France - 2016 - couleur – 1h25).
« Avec plaisir je m’observe dans ton œil goguenard, habité par l’amour de la lumière directe, fluide, embellissant les contours poétiques du réel ». Voici quelques-uns des mots que Babouillec, nom de plume d’Hélène Nicolas, l’héroïne de ce documentaire, a écrit à la réalisatrice de La Cour de Babel (2014). Quel comédien écrirait ainsi au réalisateur ? Qui qualifierait d’œil goguenard l’objectif d’une caméra ? Ces mots sont dits ou plutôt écrits par une autiste parmi les plus atteintes par ce handicap.
Au début du film, nous la voyons suivre un homme, Pierre Meunier, sur un petit sentier. Elle trébuche et est protégée dans sa chute par une sorte de grosse bouée qu’elle porte autour du ventre. Plus tard, sa mère nous apprend que pendant de longues années, Hélène ne pensait pas avoir des bras et des jambes. Elle se déplaçait donc maladroitement et tombait. Elle mangeait aussi avec ses doigts. Aujourd’hui encore, l’usage des couverts est pour elle une tâche complexe. Elle aura bientôt trente ans, mais sa mère doit encore l’aider dans la vie quotidienne. C’est ainsi qu’Hélène ne sait pas faire la différence entre un pantalon et un pull-over et encore moins les enfiler correctement.
La caméra filme donc, avec son « œil goguenard », Hélène à l’époque où Pierre Meunier, metteur en scène, veut adapter pour le théâtre le deuxième livre qu’elle a écrit, « Algorithme éponyme » (2013). Nous la voyons rire, souvent ; se débattre, parfois ; parler, jamais. Hélène n’a pas accès à la parole et son habileté motrice est insuffisante pour écrire. Mais sa mère, Véronique, une femme admirable qui l’a prise en charge chez elle, dès ses quatorze ans, pour trouver comment communiquer avec elle, découvre, par hasard, vers ses vingt ans, qu’elle est capable de « jouer » avec des lettres. Elle confectionne alors une boîte avec des cases remplies de toutes les lettres de l’alphabet. Ce qui est stupéfiant c’est qu’Hélène est immédiatement capable d’aligner les lettres pour faire, sans retours en arrière ni fautes d’orthographe, des phrases d’une profondeur de pensée et d’une poésie surprenante. Comment a-t-elle appris à lire et écrire lui demande l’une des personnes du théâtre. Avec ses petites lettres elle répond : « En jouant avec chacun des espaces secrets de mon cornichon de cerveau ». Et si c’est bien ainsi que cela se passe, nous ne comprenons pas encore comment.
Le film, à travers l’exemple singulier d’Hélène, nous fait toucher du doigt qu’à côté de notre univers, il y en a un autre, celui des autistes, avec lequel il est difficile, voire impossible de communiquer. Quand un mathématicien lui parle du cosmos et lui demande si, pour elle, le cosmos est en expansion, selon la théorie la plus répandue, elle lui répond : « En fait, je suis télépathe et iconoclaste, idéalement connaîtrais-tu les fondements énumérant le va et vient de l’énergie cosmique ? ». Comme ces peuplades en osmose avec la nature, les animaux, les plantes, les minéraux, Hélène est en osmose avec le cosmos d’où le titre du film et ses remerciements à la réalisatrice : « Merci Julie d’avoir embarqué avec moi dans ce monde d’un ailleurs que tu appelles « Des nouvelles du cosmos » ».
Avec ce film, nous comprenons mieux ce qu’est l’autisme, bien loin de l’image qu’en donnait Rain Man, un bon film cependant. R.P.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des films

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur