Parcours en images de l'exposition

SUZANNE VALADON

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°612 du 19 mars 2025


 

Titre de l'exposition
L'expositon initiée par le Centre Pompidou-Metz en 2023, «Suzanne Valadon. Un monde à soi», présentée la même année dans des versions adaptées au Musée d'arts de Nantes, puis au Museu Nacional d'Art de Catalunya en 2024, poursuit son voyage au Centre Pompidou sous le titre de «Suzanne Valadon».

Modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprend à dessiner en observant à l'œuvre les artistes pour qui elle posait. Remarqués par Edgar Degas, ses premiers dessins à la ligne «dure et souple» puisent leurs sujets dans les scènes de la vie quotidienne, celles des femmes de son entourage et de son fils. Dans les autoportraits, qu'elle peint tout au long de sa vie, Valadon s'affiche avec une sévérité assumée: «Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face.» En 1892, elle se lance dans la peinture et réalise des portraits sans concession de sa famille, sa mère, son fils, son mari, sa sœur et sa nièce. Puis la notoriété venant dans les années 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l'art.

Après avoir posé nue, c'est à son tour de peindre des nus masculins et féminins, thème longtemps réservé aux hommes, dans lesquels elle impose une vision en rupture avec les conventions de son époque. C'est probablement la première artiste femme à peindre un nu masculin de face, le sexe apparent.

Tout au long du parcours, des tableaux d'artistes qui lui sont contemporaines et parfois amies viennent dialoguer avec l'œuvre de Valadon. Cette exposition souligne l'étendue et la richesse-du, parcours de cette véritable «passeuse» d'un siècle à l'autre.

 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. Autoportrait, 1883.  Mine graphite, fusain et pastel sur papier. Centre Pompidou Musée national d'art moderne, Paris. Acquisition de l'État, 1936; attribution, 1936.

Dès le début de sa carrière, l'autoportrait joue un rôle central dans l’œuvre de Valadon. Celui-ci, réalisé en 1883 à l'âge de 18 ans, est l'une des toutes premières œuvres qui nous soit parvenue. Ne cherchant pas à mettre sa féminité en avant, l'artiste se présente d'une façon très directe, énergique et fière, un peu sévère, sans aucune flatterie ni maniérisme. La palette est riche, d'une composition puissante et précise, et se caractérise par ce trait noir qui cerne les figures. Affirmant pleinement son statut d'artiste, c’est la première fois qu'elle signe «Suzanne Valadon» à moins que la signature n'ait été apposée plus tard, en 1885 ou 1866, après que Maria soit devenue Suzanne.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Mon portrait, 1894. Encre de Chine sur papier. Musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre, Paris. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12 rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.).

 
Juliette Roche (1884, Paris (France) - 1980, Paris (France)). Autoportrait à Serrières, vers 1925. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Don de la Fondation Albert Gleizes, 2023.

On ne sait pas si Suzanne Valadon a rencontré Juliette Roche. Cependant, toutes deux participent aux Salons des Indépendants au début des années 1920, toutes deux exposent à deux reprises, mais jamais ensemble, à la galerie Berthe Weill en 1920. Cette toile peut faire écho aux portraits sur commande que Suzanne Valadon réalise dans les années 1920, figurant des femmes habillées, loin des canons de représentation féminins habituels. Roche se représente ici en femme moderne au beau milieu de la campagne de son enfance, dos à la ville, sous les traits d'une garçonne. Adossée à la rambarde, elle adopte une posture lascive et décontractée, son regard fixant le spectateur.
 
Suzanne Valadon. Autoportrait, 1916. Huile sur carton fin contrecollé sur toile. Collection Douglas Green.

 
Suzanne Valadon. Autoportrait aux seins nus, 1931. Huile sur toile, 46 × 38 cm. Collection particulière, Suisse - Photo © Akg-images.

Le recours à l'autoportrait a été un moyen détourné pour  les femmes de s’adonner à la représentation du nu. Valadon prolonge cette pratique, mais rompt avec les codes traditionnels de la féminité en peinture. À l'âge de 66 ans, elle signe ici son dernier autoportrait. Délaissant les habituelles idéalisation et érotisation des corps féminins, elle se dépeint avec des traits de visage sévère, les lèvres crispées, et la poitrine légèrement tombante trahissant les premiers signes de vieillesse. Elle réalise ici le premier portrait d'une artiste âgée nue, renversant la vision esthétique privilégiée du corps féminin jeune.
 
Suzanne Valadon. La Chambre bleue, 1923. Huile sur toile, 90 × 116 cm. Don Joseph Duveen, 1926. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Jacqueline Hyde / Dist. GrandPalaisRmn.

Suzanne Valadon livre le portrait d'une femme ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps. L'œuvre rappelle les représentations classiques de la figure de l'odalisque. Valadon rompt avec la tradition orientaliste du nu alangui, lui préférant un corps au repos. Sa forte stature, son bas de pyjama rayé, son attitude nonchalante et blasée lui ôtent toute forme d'érotisme. Plongée dans ses pensées, elle fume une cigarette; deux livres sont posés sur le lit, un des nouveaux romans de poche français, et un livre relié d'histoire de l'art. Tout en s'inscrivant dans la tradition, ce tableau brise les représentations habituelles de la féminité pour inventer un nouveau modèle de femme émancipée qui n'offre pas son corps, ni au peintre ni au spectateur.
 
Suzanne Valadon. L'Acrobate ou La Roue, 1916. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

Valadon représente souvent les corps dans des positions complexes et utilise fréquemment des cadrages qui permettent des raccourcis et des distorsions visuelles. L'Acrobate tranche cependant par son dynamisme et une grande liberté dans la touche. Avec une grande économie de moyens, le mouvement du personnage est réduit à une ligne brisée presque abstraite. Cette œuvre rappelle, tant par son contenu que par sa technique, certaines compositions d'Edgar Degas ou de Henri de Toulouse-Lautrec qui fréquentaient les cirques. Elle fait aussi écho à la biographie de Valadon, qui fut une éphémère artiste de cirque avant de devenir modèle puis peintre.


1 - APPRENDRE PAR L'OBSERVATION

Scénographie

Modèle dès l’âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins, Valadon pose pour des peintres reconnus comme l’académique Gustave Wertheimer, les symbolistes Jean-Jacques Henner et Pierre Puvis de Chavannes, l’impressionniste Auguste Renoir, le sculpteur Paul-Albert Bartholomé mais aussi pour le jeune peintre Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammée. C’est ce dernier qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards. Lors de ces séances de poses, Valadon observe, écoute et apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture en regardant peindre les maîtres. À la demande de Bartholomé, elle montre ses dessins à Edgar Degas. Impressionné par son talent, il lui déclare «Vous êtes des nôtres!» Valadon ne posera jamais pour Degas mais ce dernier lui ouvrira les portes de son atelier, lui apprendra la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achètera de nombreux dessins.

 
Texte du panneau didactique.
 
Henri Matisse (1869, Le Cateau-Cambrésis (France) - 1954, Nice (France)). Nu drapé étendu, 1923-1924. Huile sur toile. Musée de l'Orangerie, collection Walter Guillaume, Paris. Achat, 1963.

Un dialogue étroit se noue entre Suzanne Valadon et Henri Matisse dans leurs correspondances stylistiques et leur intérêt partagé pour le nu. Entre 1921 et 1925, Matisse entreprend une série d'odalisques enchâssées dans des fonds décoratifs, dont cette toile se démarque par la grande simplification du décor. Au même moment, Valadon réalise plusieurs grands nus allongés dans des intérieurs, où se superposent de larges aplats de couleur contrastés et où la forte présence de tissus évoque le travail de Matisse. Cependant, si chez Valadon le sexe est parfois dissimulé par la position de l'entrejambe, il n'est jamais voilé d'un drapé.
 
Paul Cézanne (1839, Aix-en-Provence (France) - 1906, Aix-en-Provence (France)). Cinq baigneuses, 1877-1878. Musée national Picasso-Paris, collection personnelle Pablo Picasso. Donation Picasso, 1978.

Paul Cézanne multiplie les compositions ayant pour sujet des baigneurs ou des baigneuses. Sa grande ambition est de parvenir à la pleine fusion de la figure humaine et du paysage. L'attention du peintre ne se porte pas sur la chair, comme chez Auguste Renoir, mais plutôt sur les corps qui structurent puissamment l'espace. Exposée lors de sa rétrospective au Salon d'Automne de 1907, l'une de ces baigneuses a pu inspirer Valadon dans la réalisation de son grand tableau Joie de vivre (1911). Elle a également probablement remarqué La Joie de vivre (1905-1906) de Henri Matisse, exposé au Salon des Indépendants de 1906. Ce tableau a appartenu à Pablo Picasso dont Valadon était proche.
 
Théophile Alexandre Steinlen (1854, Lausanne (Suisse) - 1923, Paris (France)). Portrait de Suzanne Valadon, 1896. Crayon gras sur papier. Musée Blanche Hoschedé-Monet, Vernon.

 
Pierre Auguste Renoir (1841, Limoges (France) - 1919, Cagnes-sur-mer (France)). La Toilette: femme se peignant, 1907-1908. Huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris. Legs Isaac de Camondo, 1911.

 
Henri de Toulouse-Lautrec (1864, Albi (France) - 1901, Saint-André-du-Bois (France)). Femme tirant son bas, vers 1894. Huile sur carton. Musée d'Orsay, Paris. Donation André Berthellemy, 1930.

Scénographie
 
Edgar Degas (1834, Paris (France) -1917, Paris (France)). La Toilette après le bain, s. d. Fusain. Musée d'Orsay, Paris. Legs Marcel Bing, 1922.

 
Edgar Degas (1834, Paris (France) -1917, Paris (France)). Femme nue, assise par terre, se peignant, 1886-1890. Pastel et fusain sur papier vergé. Musée d'Orsay, Paris. Achat, 1967.

 
Pierre Puvis de Chavannes (1824, Lyon (France) - 1898, Paris (France)). Jeunes filles au bord de la mer, vers 1879. (Version réduite du tableau présenté au Salon de 1879). Huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris. Legs lsaac de Camondo, 1911.

Précurseur du symbolisme, Puvis de Chavannes a eu une grande importance chez toute une génération d'artistes modernes. Valadon a entre 14 et 15 ans lorsqu'elle le rencontre, probablement au marché aux modèles sur la place Pigalle à Paris où l'artiste a un atelier. Durant près de dix ans, Valadon sert de modèle pour les personnages féminins, mais aussi masculins, des grandes compositions de Puvis. Bénéficiant d'une reconnaissance officielle et co-fondateur de la nouvelle Société Nationale des Beaux-Arts [SNBA), Puvis ne soutient pas Valadon lorsque celle-ci souhaite se lancer dans une carrière artistique et exposer ses dessins au Salon de la SNBA. «Tu es un modèle, pas une artiste!» lui aurait-il rétorqué.
 
Henri de Toulouse-Lautrec (1864, Albi (France) - 1901, Saint-André-du-Bois (France)). La Grosse Marie, 1884. Von der Heydt-Museum Wuppertal.

Installé en 1884 à Montmartre, Henri de Toulouse-Lautrec loue un atelier rue Tourlaque dans le même bâtiment que celui où habitent Valadon et sa mère. Connue jusqu'alors sous le pseudonyme de Maria, Valadon pose pour lui et ils entament une liaison aussi intense qu'orageuse. La légende raconte que c'est Lautrec qui lui aurait suggéré de changer de prénom: «Toi qui poses nue pour les vieillards, tu devrais t'appeler Suzanne», en référence au personnage de la Bible. Il la soutient également lors de ses débuts en tant qu'artiste. Ici, une certaine ambiguïté entoure cette figure féminine affalée dans un fauteuil, entre fatigue et attitude de défi, le sourire en coin narquois mais le regard vide. Datée de 1884, cette toile est probablement plus tardive.


2 - PORTRAITS DE FAMILLE

Scénographie. Photo Audrey Laurans.

L’œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l’exécution de portraits de ses proches. N’ayant pas les moyens d’avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. En 1912, elle réalise le Portrait de famille, unique tableau où elle apparaît entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo. Elle trône au centre de la composition, le regard droit, s’affirmant comme la véritable cheffe de famille. Les portraits familiaux de Valadon n’ont rien de complaisants. Elle peint les personnes qu’elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. En 1909, son fils apparaît tourmenté, le visage émacié, l’air abattu et le regard vide. Lorsqu’elle peint la famille d’Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils. Valadon s’exprime avec plus de fraîcheur lorsqu’elle peint ses lieux de vie comme le Jardin de la rue Cortot, 1928 et le Château de Saint-Bernard, 1930, que la famille acquiert en 1923 près de Villefranche-sur-Saône.

 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. La Famille Utter, 1921. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Neuf ans après Portraits, Valadon renoue avec le portrait de groupe en figurant une partie de sa belle-famille dans l'étroite salle à manger de la rue Cortot. De gauche à droite, on reconnaît les deux sœurs d'Utter, Germaine et Gabrielle, ainsi que leur mère. Une certaine austérité classique se dégage de ce tableau. À gauche, seule Germaine, le corps penché, la tête posée sur sa main droite, les jambes croisées, et entourée de fleurs, tranche avec ses deux voisines, représentées raides dans leurs fauteuils. Le critique d'art Robert Rey les a comparées aux Trois Dames de Gand (vers 1800), un tableau attribué à Jacques-Louis David. Conservé au musée du Louvre.
 
Suzanne Valadon. Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913. Huile sur toile, 162 × 129,5 cm. Lyon, musée des Beaux-Arts. Crédit Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset.
Assise sur un fauteuil, Marie Coca, la nièce de l'artiste, se tient aux côtés de sa fille Gilberte, installée à ses pieds sur un coussin, une poupée posée sur ses genoux. La fillette fixe le spectateur, tandis que sa mère détourne le regard au loin. La construction singulière du tableau en quinconce, où le sol bascule vers le regard du spectateur et où les personnages sont projetés vers l'avant, renforce la différence de taille entre les modèles et souligne le passage de l'enfance à l'âge adulte. Valadon recourt par ailleurs au traditionnel jeu du «tableau dans le tableau», citant une estampe d'Une Répétition d'un ballet à l'Opéra (1874) d'Edgar Degas, en haut à gauche de la composition.
 
Suzanne Valadon. La Poupée délaissée, 1921. Huile sur toile. Washington DC, National Museum of Women in the Arts. Don de Wallace et Wilhelmina Holladay. Photo © National Museum of Women in the Arts, Washington, D.C. Photo Lee Stalsworth.
On retrouve ici, huit ans plus tard, les mêmes personnages peints dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913). La mère sèche sa fille devenue adolescente tandis que celle-ci se tourne vers le miroir qu'elle tient à la main. La poupée, qui était fièrement installée sur les genoux de la petite fille dans le tableau précédent, est ici jetée sur le sol. Atteignant la puberté, la jeune fille se désintéresse de sa poupée préférant contempler son image. Bien que l'œil soit attiré par les seins de la jeune fille, d'autres éléments, tels que le nœud de ses cheveux et celui des cheveux de la poupée, créent une atmosphère qui évoque davantage la perte de la jeunesse que la sexualisation du corps féminin.

 
Suzanne Valadon. Utrillo devant son chevalet, 1919. Huile sur carton. Musée d'Art moderne, Paris. Legs du Docteur Maurice Girardin, 1953.

«J'appartenais tout entière à mon fils Maurice Utrillo et à ma peinture, deux sacrées choses que j'adore, mais deux sacrés emmerdements aussi, vous pouvez me croire !» déclare Valadon. Afin de le détourner de l'alcool et de canaliser ses accès de violence et de démence, Valadon initie Utrillo à la peinture. Ce qui n'était qu'un divertissement devient alors une vocation. Dans ce portrait, Valadon opte pour un cadrage extrêmement resserré, presque étouffant, et se focalise sur le visage d'Utrillo. L'air abattu et le regard vide sur lequel passe une ombre, il se trouve dans une sorte d'impasse symbolique, coincé entre son chevalet et le cadre derrière lui. L'atmosphère lugubre est renforcée par une palette chromatique aux tonalités assourdies. En 1919, Utrillo a 36 ans et effectue un quatrième séjour prolongé dans une institution psychiatrique. Malgré une santé psychique précaire, cette période marque le début de son succès commercial, qui éclipse quelque peu celui de Valadon.
 
Erik Satie (1866, Honfleur (France) - 1925, Paris (France)). Suzanne Valadon, 1893. Encre sur papier à musique. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Anonyme. Suzanne Valadon entourée de deux chiens [L'Arbi et La Misse?], devant son tableau Marie Coca et sa fille Gilberte (1913), vers 1930. Épreuve argentique en noir et blanc. Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

 
Suzanne Valadon. Portraits de famille, 1912. Huile sur toile, 97 × 73 cm. Don aux Musées nationaux de M. Cahen-Salvador en souvenir de Mme Fontenelle-Pomaret, 1976. Paris, musée d’Orsay, en dépôt au Centre Pompidou - Musée national d’art moderne. Photo © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Christian Jean / Jean Popovitch.

Valadon met ici en scène la nouvelle cellule familiale après son divorce en 1909 d'avec son premier mari. Il s’agit d'ailleurs de l'unique représentation de l'artiste entourée de sa famille «au complet». Représenté debout, le regard tourné vers la gauche, se tient André Utter, son futur époux, devenu le gestionnaire des affaires commerciales de Valadon et de son fils Utrillo. Ce dernier est représenté assis, le regard perdu, la main sous le menton, une pose qui reprend le schéma iconographique de la mélancolie. «Maman Madeleine», l'air impassible et marquée par les ans, complète le tableau à droite. Au centre, Valadon, la seule à nous soutenir du regard, l'air déterminé et la main sur la poitrine dans un geste d'affirmation de soi, est la pierre angulaire de ce nouveau foyer. Le cadrage extrêmement resserré, le hiératisme des corps, les gestes codifiés des personnages s'inspirent des portraits allégoriques de la Renaissance.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Portrait de Maurice Utrillo, 1921. Huile sur papier marouflé sur toile. Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise. En dépôt au musée de Montmartre. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.)

 
Suzanne Valadon. Portrait d'Erik Satie, 1892-1893. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Au début des années 1890, Valadon fréquente le compositeur Erik Satie, qui habite comme elle rue Cortot, à Montmartre. Tandis qu'il la croque à plusieurs reprises sur du papier à musique, elle réalise son portrait, une de ses toutes premières toiles, qui révèle son talent précoce de portraitiste. Après six mois de relation passionnée, le couple se sépare. Dévasté, Satie compose en réaction Vexations, une partition obsédante dont le motif doit être répété huit cent quarante fois et peut durer jusqu'à vingt-quatre heures selon le tempo adopté. Retrouvée à son domicile après sa mort, l'œuvre n'a jamais été jouée de son vivant.
 
Suzanne Valadon. Gilberte nue se coiffant, 1920. Huile sur toile. Collection particulière.

Dans ses dessins comme ses peintures, le motif du nu féminin se coiffant est récurrent chez Valadon. Loin d'une vision éthérée des figures allégoriques sur ce thème, comme dans Les Jeunes filles au bord de la mer (1879) de son maître Pierre Puvis de Chavannes, Valadon campe ici un personnage au corps non idéalisé, enroulant une lourde mèche de cheveux. Gilberte, petite-nièce de Valadon et qui a servi de modèle à plusieurs reprises, se tient nue dans un intérieur où quelques détails évoquent l'atelier. La sellette à l'arrière, le fauteuil canné où se déploie un drap blanc, deux tapis disposés, l’un au sol, l'autre suspendu, et l'arête d'un mur enserrent fermement le corps juvénile qui semble ignorer le regard du peintre.
 
Suzanne Valadon. Germaine Utter devant sa fenêtre, 1926. Huile sur toile. Collection particulière.

En 1926, Valadon réalise plusieurs portraits à la fenêtre de Germaine Utter, une de ses belles-sœurs, lors d'un séjour au château de Saint-Bernard acquis trois ans plus tôt. Le jeu sur l'opacité et la transparence du rideau rappelle celui de la Jeune fille faisant du crochet (vers 1892). Cette toile s'inscrit dans un ensemble plus vaste consacré aux «femmes respectables», à partir des années 1920, qui rompent avec ses portraits de femmes du peuple et soulignent son ascension sociale.
 
Suzanne Valadon. André Utter et ses chiens, 1932. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.

 
Suzanne Valadon. La Mère de l'artiste, 1912. Recto, huile sur carton. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Don du Docteur Albert Charpentier, 1935.

 
Edgar Degas (1834, Paris (France) - 1917, Paris (France)). Une répétition d'un ballet à l'Opéra, entre 1890 et 1917. Épreuve photomécanique (photolithographie}) dédicacée reproduisant l'œuvre de Degas dans un montage ancien avec liserés et cadre en bois noirci avec liseré doré. Musée d'Orsay, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Chien couché, étude II, s. d. [vers 1920]. Fusain et crayon de couleur sur papier. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.



3 - PORTRAITS DE FAMILLE - DESSINS

Scénographie
Portraits de famille. Dessins

«J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts.» C’est avec la pratique du dessin que la carrière artistique de Valadon a débuté, notamment en 1894 lorsqu’elle présente pour la première fois ses œuvres au public lors du Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Sous la plume des critiques qui remarquent très vite ses dessins, les mots «âpreté» et «dureté» sont les termes les plus récurrents pour les décrire. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses «dessins méchants et souples». Le trait bien appuyé, qui cerne les corps et les objets, est la véritable «signature» de Valadon et influence très fortement sa peinture.
 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. Portrait de jeune fille, 1920. Fusain et tampon. Collection particulière P&GS.

 
Suzanne Valadon. Utrillo de trois quarts, 1925. Fusain sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Utrillo de face, 1925. Fusain sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Utrillo enfant nu, vers 1895. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Utrillo pensif, 1911. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Scénographie
 
De gauche à droite et de haut en bas :
- Suzanne Valadon. Utter nu, vers 1909. Fusain et mine graphite sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Utter de profil, 1911. Mine graphite sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1970.
- Suzanne Valadon. Utter de trois quarts, vers 1911-1912. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
De haut en bas:
- Suzanne Valadon. Maurice Utrillo sur un canapé, 1895. Fusain sur papier. Weisman & Michel Collection.
- Suzanne Valadon. La Mère de Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, vers 1890. Crayon sur papier. Weisman & Michel Collection.

De gauche à droite :
- Suzanne Valadon. Paul Mousis lisant, vers 1892. Fusain et mine graphite sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Paul Mousis et son chien, 1891. Mine graphite sur carton.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1970.
- Suzanne Valadon. Portrait de Miguel Utrillo de profil, 1891. Fusain et crayon sur papier.
Weisman & Michel Collection.
De gauche à droite et de haut en bas :
- Suzanne Valadon. Catherine nue se coiffant, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national 'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Grand-mère et enfant, 1908. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national 'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Grand-mère et Louise nue assise à terre, 1910. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, pointe sèche sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1970.
- Suzanne Valadon. Catherine nue se coiffant, 1895. Estampe, épreuve, vernis mou et monotype sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Catherine et jeune garçon nu, 1910. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, pointe sèche sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Catherine au tub, 1895.  Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national 'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
De gauche à droite :
- Suzanne Valadon. Mère et enfant, vers 1883. Crayon gras sur papier.
Musée d'Art moderne, Paris. Don Marcelle Berr de Turique, 1979.
- Suzanne Valadon. Utrillo enfant, 1886. Sanguine et mine graphite sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Acquisition de l'État, 1937; attribution, 1937.
- Suzanne Valadon. Utrillo nu assis sur un divan, 1895. Fusain sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.


4 - « JE PEINS LES GENS POUR APPRENDRE À LES CONNAÎTRE. »

Scénographie

Forte d’une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la «haute société»: Nora Kars, femme du peintre Georges Kars, avec qui elle noue une solide amitié jusqu’à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère. Ou encore, celui de Mme Lévy, femme d’affaires, qu’elle considère comme «le mieux peint de tous ses tableaux». Les portraits d’hommes, s’ils sont plus rares, ne sont pas totalement absents et représentent des personnages qui ont compté dans sa vie: le Dr Robert Le Masle qui sera auprès d’elle jusqu’à ses derniers jours, le collectionneur Charles Wakefield-Mori, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Boeuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits où elle affirme sa place d’artiste, suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets.

 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. Femme à la contrebasse, 1908. Huile sur toile. Association des Amis du Petit Palais Genève.

 
Suzanne Valadon. Le Jardin de la rue Cortot, 1928. Huile sur toile. Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise. En dépôt au musée de Montmartre. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (Musée de Montmartre, 18e arr.)

Valadon réalise plusieurs vues du jardin du 12, rue Cortot et des bâtiments qui l'entourent. Dans un cadrage resserré, à l'image de l'urbanisme hétéroclite de Montmartre, on reconnaît la Maison du Bel Air vue depuis l'atelier de Valadon. Réputée comme étant la plus vieille maison de la Butte, elle semble se faire progressivement envahir par la végétation. La touche maçonnée du bâtiment contraste avec celle, plus vibrante, employée pour figurer l'enchevêtrement des branches d'arbres. Lorsqu'elle réalise cette toile, Valadon et Utrillo habitent dans une villa au 11 avenue Junot achetée par la galerie Bernheim-Jeune en 1925, tandis qu'Utter préfère rester rue Cortot. À cette adresse, se situe aujourd'hui le musée de Montmartre dans lequel l'atelier de Valadon a été reconstitué.
 
Suzanne Valadon. Le Sacré-Cœur vu du jardin de la rue Cortot, 1916. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Le Château de Saint-Bernard (Ain), 1931. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Dr John D. et Françoise Geiser, 2007.

 
Suzanne Valadon. L'Église de Saint-Bernard, 1929. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat de l'État, 1938 ; attribution, 1938.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Jeune fille faisant du crochet, vers 1892. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Réalisé en 1892, Jeune fille faisant du crochet est le plus ancien tableau à l'huile de Valadon qui nous soit parvenu. Le thème de la couture lui est familier. Sa mère a exercé le métier de couturière en arrivant à Paris. Elle-même a appris très jeune le métier, sur les conseils de sa mère, et l'a pratiqué dans une maison de haute couture. En 1883, sur l'acte de naissance de son fils Maurice, elle déclare exercer les fonctions de couturière. La composition à contre-jour, les couleurs assourdies, les traits proches de la technique du pastel, sont caractéristiques de ses premiers tableaux. Valadon reprendra en 1914 ce thème dans un tableau plus abouti (La Couturière, ci-contre).
 
Suzanne Valadon. La Couturière, 1914. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat de l'État, 1938; attribution, 1938. En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges.

 
Anonyme, Portrait mis en scène de Mauricia Coquiot et Suzanne Valadon, [1926]. Épreuve argentique en noir et blanc, 23,8 x 18,2 cm. Paris, Centre Pompidou, bibliothèque Kandinsky. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

 
Suzanne Valadon. Portrait de Mauricia Coquiot, 1915. Huile sur toile, 91 × 73 cm. Donation Charles Wakefield-Mori, 1939. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

Surnommée la «femme bilboquet», Anaïs Marie Bétanty dite Mauricia de Thiers est une ancienne vedette de cirque et de music-hall, connue notamment pour ses acrobaties spectaculaires en voiture ou à cheval. Grande personnalité mondaine, elle noue des liens d'amitié avec de nombreux artistes. En 1916, elle devient l'épouse et l'associée du collectionneur et critique d'art Gustave Coquiot. Valadon compte parmi les témoins du mariage. La personnalité fantasque du modèle transparaît dans ce portrait, où elle pose, légèrement de profil, avec un aplomb plein d'ironie, telle une diva s'apprêtant à entrer en scène. Le portrait est le prétexte à une véritable profusion décorative: les motifs de la robe sont mis sur le même plan que l'énorme gerbe de fleurs à gauche et le rideau coloré à droite.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894. Huile sur panneau. Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise. Dépôt au musée de Montmartre. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.)

Ce portrait fait partie de la série des premiers portraits peints de Valadon des années 1890, qui se distinguent par une touche fluide et irisée et des tonalités vertes, comme dans Jeune fille faisant du crochet et le Portrait d'Erik Satie. Il représente le profil de la mère de l'artiste montmartrois Louis Bernard-Lemaire. Voisin et proche de Valadon, ce dernier expose quelques années plus tard avec Picasso à la galerie Berthe Weill.
 
Suzanne Valadon. Bernard Lemaire, 1892 - 1893. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Portrait de petite fille, 1892. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

 
Suzanne Valadon. Portrait de femme, 1893. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Portrait de Germaine Eisenmann, 1924. Huile sur toile. Collection particulière, Suisse.

Élève de Suzanne Valadon et grande admiratrice de son œuvre. Germaine Eisenmann peint des paysages et des natures mortes dans un style proche de celui de sa «mère spirituelle». En mai 1937, elle participe à l'exposition «Valadon et ses élèves», à la galerie Lucie Krohg aux côtés d'Odette Desmarais et de Pierre Noyelle. La composition, d'une sobriété exceptionnelle, souligne l'élégance du modèle. L'arabesque du fauteuil est en parfaite harmonie avec celle du bras et la grande plage unie de la robe.
 
Suzanne Valadon. Portrait de Charles Wakefield-Mori, 1922. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Donation M. Charles Wakefield-Mori, 1939. En dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton.

Charles Wakefield-Mori, marchand mais aussi collectionneur d'art ancien et d'art moderne, est représenté ici dans un riche intérieur bourgeois. Sa pose, ses vêtements, l'assurance de son regard témoignent de sa réussite. Sa collection personnelle comprend trois œuvres de Valadon, son portrait (1922), celui de Mauricia Coquiot (1915) et Vénus noire (1919). Conservateur du Palais princier de Monaco puis fondateur du Musée National des Beaux-Arts de Monaco en 1935, il lègue sa collection à l'État français en 1939.
 
Suzanne Valadon. Portrait de Madame Pétridès, 1937. Huile sur toile. Collection particulière.

 
Suzanne Valadon. Portrait de Madame Maurice Utrillo (Lucie Valore), 1937. Huile sur toile. Collection particulière.

Lucie Valore, alors mariée à un riche banquier mécène et collectionneur, rencontre Suzanne Valadon et Maurice Utrillo au début des années 1920. Elle leur achète des œuvres et les reçoit dans son salon littéraire. À la mort de son mari, en 1933, elle se rapproche d'Utrillo qu'elle épouse en 1935. Le couple s'installe au Vésinet et Lucie Valore prend en main la gestion de l'œuvre d'Utrillo puis, à son décès, celle de Valadon. En 1963, elle fonde l'Association Maurice-Utrillo. Valadon, qui lui reproche son ingérence dans les affaires d'Utrillo, la dépeint ici les traits durs et la silhouette imposante, dans une expressivité proche du style de Toulouse-Lautrec et des caricaturistes de Montmartre.
 
Suzanne Valadon. Portrait de Paul Pétridès, 1934. Huile sur toile. Collection Maryse et Max Marechal, Paris.

Peintre et courtière en tableaux, Odette Bosc rencontre en 1925 le tailleur Paul Pétridès. Elle l'initie au monde de l'art avant de l'épouser en 1929. La même année, le couple Pétridès devient le principal soutien de Valadon, dont le contrat avec la galerie Bernheim-Jeune n'est pas renouvelé. En témoignage de sa reconnaissance, Valadon réalise ces deux portraits, où elle se concentre sur les visages, sans s'attarder sur l'environnement et le mobilier comme dans ses portraits précédents. La défense de l'œuvre de Valadon par le couple se poursuit bien au-delà de la mort de l'artiste. En 1971, Paul Pétridès publie L'Œuvre complet de Suzanne Valadon.
 
Suzanne Valadon. Portrait d'une femme, 1934. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

 
Suzanne Valadon. Portrait de Miss Lily Walton, 1922. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat de l'État, 1938;  attribution, 1938. En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges.

Les années 1920 sont celles de la reconnaissance et des premiers vrais succès commerciaux pour Valadon. Cette relative aisance financière lui permet ainsi d'embaucher une gouvernante anglaise du nom de Lily Walton. Elle est assise dans un intérieur bourgeoisement décoré, dans le même fauteuil que celui des portraits de Nora Kars et Germaine Eisenmann. Bien que salariée par Valadon, Walton est représentée dans la même mise en scène et au même titre que les proches et mécènes de l'artiste. On note la présence de deux autres personnages: le chat Raminou, dont le pelage roux fait écho à la chevelure de Walton, mais aussi une poupée, comme dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913) ou encore La Poupée délaissée (1921).
 
Suzanne Valadon. Portrait de Madame Lévy, 1922. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974. En dépôt au Musée de Cambrai.

Cette œuvre, que Valadon considérait comme «le mieux peint de tous ses tableaux», s'inscrit dans la série des portraits des proches, mécènes et collectionneurs que l'artiste réalise dans les années 1920. Ces portraits de personnalités de la bonne société, réalisés dans le cadre de commandes, sont autant de prétextes à créer de multiples effets de contrastes de textures et de couleurs. La profusion de drapés peut évoquer le faste des intérieurs bourgeois. Madame Lévy, dont la robe noire tranche avec le tapis bigarré déployé derrière elle, est une femme d'affaires, proche du critique d'art et collectionneur Gustave Coquiot.
 
Suzanne Valadon. Les Deux Soeurs, 1928. Huile sur toile, 72 × 53 cm. Collection particulière. Photo © Matthew Hollow.

 
Suzanne Valadon. Portrait de Geneviève Camax-Zoegger, 1936. Huile sur toile, 56 × 46 cm. Collection particulière, Bergame, Italie. Photo © Galleria Michelangelo.

La peintre Marie-Anne Camax-Zoegger contacte Suzanne Valadon en 1932 pour lui demander de participer au Salon des Femmes artistes modernes (F.A.M.) dont elle est la présidente. Valadon, réticente à être exposée uniquement avec des artistes femmes, finit par céder devant la personnalité et la renommée de sa consœur. Elle se lie d'amitié avec Camax-Zoegger et participera au Salon des F.A.M. chaque année jusqu'à son décès. Début 1936, elle demande à sa fille, Geneviève Camax-Zoegger, de poser pour elle. Elle la représente en buste, assise sur un fauteuil. Le décor dépouillé met en relief le visage de Geneviève inondé de lumière.
 
Suzanne Valadon. Portrait de Richmond Chaudois, vers 1931. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Dr John D. et Françoise Geiser, 2007.

Élève de Henri de Poincaré et «véritable champion de physique quantique» (sic), le chimiste Richmond Chaudois est un voisin montmartrois de Valadon et grand ami d'Utrillo. Habitué du cabaret Le Lapin Agile où il joue parfois du piano, il revient de la Grande Guerre «défiguré par une blessure qui lui retroussait la lèvre d'un singulier sourire». Avec le critique d'art et collectionneur Gustave Coquiot, il organise en 1924 un banquet pour fêter la signature du contrat de Valadon avec la galerie Bernheim-Jeune.
 
Suzanne Valadon. Portrait de Louis Moyses, fondateur du Bœuf sur le toit, vers 1924. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

Bien que ses œuvres semblent imperméables aux différents mouvements modernistes du 20e siècle (fauvisme, cubisme, futurisme, surréalisme…), Valadon est bien intégrée aux différents réseaux et lieux de sociabilité fréquentés par l'avant-garde artistique, comme le montre ce portrait. Louis Moysès est le fondateur en 1922 du cabaret Le Bœuf sur le toit, situé dans le 8e arrondissement de Paris. Nommée d'après le ballet composé par Darius Milhaud et dont l'argument est écrit par Jean Cocteau, cette salle de spectacle compte parmi ses habitués Pablo Picasso, Francis Picabia, André Breton mais aussi Suzanne Valadon.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Femme dans un fauteuil (Portrait de Madame G.), 1919. Huile sur toile. Weisman et Michel Collection.

 
Suzanne Valadon. Portrait de Nora Kars, 1922. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Mme G. Kars, 1966.

Nora Kars est l'épouse du peintre tchèque Georges Kars dont Valadon est très proche. L'artiste peint ici avec affection le portrait peu flatteur d'une femme aux lèvres pincées et au menton disparaissant dans son cou. Mais c'est aussi l'image d'une femme simple, digne, solide, dévouée, qui fut à de nombreuses reprises d'un grand soutien dans les épreuves que l'artiste traverse avec son fils. Valadon, qui admire l'œuvre de Georges Kars, entretient des relations amicales avec le couple jusqu'à sa mort en 1938. Ce portrait, dédicacé «Amicalement à Mme Kars», a toujours été conservé par Nora Kars avant d'être légué au Musée national d'art moderne en 1966.
 
Suzanne Valadon. Le Docteur Robert Le Masle, vers 1930. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Proche des compositeurs comme Erik Satie et Maurice Ravel, des artistes comme Marie Laurencin ou André Dunoyer de Segonzac, Robert Le Masle (1901-1970) vouait une dévotion toute particulière à Valadon. Ils se rencontrent par l'intermédiaire de Pierre Noyelle, élève de Valadon. Naît alors une amitié fidèle avec la famille (Valadon, Utter et Utrillo), qui perdurera jusqu'au décès de l'artiste. Ce portrait représente le docteur posant dans un large fauteuil recouvert d'un tissu multicolore. Derrière lui, un nombre important de peintures, posées au sol contre le mur, témoigne de sa passion pour l'art et de son activité de collectionneur. À son décès, il lègue la majeure partie de sa collection à l'État français.
 
Suzanne Valadon. Femme aux bas blancs, 1924. Musée des Beaux-Arts, Nancy. Legs Henri Galilée, 1965.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. L'Aide amicale aux artistes, Bal de l'AAAA, Gymnase municipal, 1927. Affiche entoilée, impression mécanique Gaillard. Paris-Amiens. Fondation de soutien à l'Hermitage. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

En 1927, l'Aide Amicale Aux Artistes, une association philanthropique qui vient en aide aux artistes en difficulté fondée en 1921, fait appel à Valadon pour réaliser l'affiche pour un bal caritatif. Valadon mélange ici le langage allégorique avec des allusions autobiographiques. La femme nue à la palette, personnification de la peinture, est un autoportrait de dos de Valadon. Les fleurs qui jaillissent de son pinceau rappellent la série de natures mortes aux vases qu'elle entreprend à la même période tandis que la sellette sur laquelle elle se tient semble faire référence à son passé de modèle.
 
Suzanne Valadon. Nu à la palette, [1927]. Fusain sur papier, 64 x 45 cm. Legs de Docteur Robert Le Masle, 1970. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

 
Marie Laurencin (1883, Paris (France) - 1956, Paris (France)). Portrait de la baronne Gourgaud à la mantille noire, 1923. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Don de la baronne Eva Gourgaud, 1946.

Bien qu'une génération les sépare, Valadon et Marie Laurencin fréquentent les mêmes salons et sont toutes deux très proches du Docteur Le Masle. Laurencin réalise sur commande la même année, deux portraits d'une riche mécène américaine, épouse du baron Napoléon Gourgaud. En 1923, elle confie à son marchand René Gimpel: «J'ai presque terminé le portrait de la baronne G. Ce me fut difficile, ce n’est pas mon genre, c'est une américaine, elle est tout en dents et son corps est sec. Mais quand on la connaît, on voit qu’elle est bonne; elle est si robuste qu'elle a besoin de beaucoup de joies, beaucoup de monde autour d'elle et, c'est curieux, elle a une petite âme religieuse.»
 
Émilie Charmy (1878-1974). Autoportrait, vers 1923. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Michel Descours, 2007.

Repérée par Berthe Weill (1865-1961) au Salon d'Automne de 1905, l'artiste bénéficie de plusieurs expositions dans sa galerie. C'est probablement là qu'elle rencontre Valadon avec qui elle expose chez la galeriste en 1921. Les deux artistes se lient d'amitié. En 1926, Valadon lui dédicace Bouquet de fleurs dans un verre, «A E. Charmy pour son beau talent». Toute deux participent aux Salons des Femmes Artistes Modernes dont Émilie Charmy est la secrétaire. L'autoportrait est le thème de prédilection de Charmy qui ne supportait pas la présence d'un modèle. Sa palette franche et sa liberté de composition est qualifiée par le critique André Warnod de «masculine, vigoureuse, brutale même parfois.»


5 - « LA VRAIE THÉORIE, C'EST LA NATURE QUI L'IMPOSE. »

Scénographie

«La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l’eau et les êtres, me charment» écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l’associent à l’esthétique de Paul Gauguin ou d’Émile Bernard, ancien locataire de son atelier rue Cortot. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers.
Certains motifs sont récurrents comme ce tissu brodé appelé «suzani» présent dans la Nature morte, 1920 et La Boîte à violon, 1923. Parfois, on aperçoit en arrière-plan un de ses tableaux entreposé dans l’atelier. Dans les années 1930, lors de séjours au château de Saint-Bernard, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans, canards, perdrix, rapportés de la chasse par André Utter. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.

 
Texte du panneau didactique.
 
Mela Muter (1876, Varsovie (Pologne) - 1967, Paris (France)). Les Poissons, vers 1920. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Acquisition, 1929.

Les routes de Suzanne Valadon et de la peintre franco-polonaise Mela Muter, de onze ans sa cadette, se sont croisées à de nombreuses reprises. Avec Erik Satie, un temps amant de Valadon et ami de Muter; chez le marchand Ambroise Vollard qui publie des gravures de Valadon et expose Muter; aux Salons d'Automne et des Indépendants où toutes deux exposent aux mêmes moments; à la Société des Femmes Artistes Modernes où elles sont présentes depuis sa création en 1931 par Marie-Anne Camax-Zoegger et enfin chez le galeriste Bernheim-jeune où elles participent toutes deux à une exposition collective en 1935. D'abord influencée par le symbolisme, la peinture de Muter évolue rapidement vers une facture à la touche expressionniste et aux couleurs éclatantes.
 
Suzanne Valadon. Nature morte au lièvre, faisan et pommes, 1930. Huile sur toile. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.

 
Suzanne Valadon. L'Étable en Beaujolais, 1921. Huile sur toile. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.

 
Suzanne Valadon. Nature morte, 1920. Huile sur carton. Centre national des arts plastiques, Paris. Achat à l'artiste, 1921. En dépôt au musée de Grenoble.

Sur une table recouverte d'un grand tissu à motifs, un plat d'étain chargé de fruits, un bouquet dans un vase dont on n'aperçoit pas le sommet, un pot de fleurs et une cruche sont posés côte à côte, apparemment sans organisation. Le tissu drapé et la vue plongeante rendent volontairement instable la composition. Ce tissu brodé, appelé «suzani», a sûrement été rapporté d'Ouzbékistan par son premier mari Paul Mousis, négociant en étoffes. Suzanne Valadon le représente dans plusieurs de ses toiles (Femme nue à la draperie de 1919, Les Baigneuses, La Boîte à violon de 1923 et Les Dames Rivière de 1924).
 
Suzanne Valadon. Chien endormi sur un coussin, vers 1923. Huile sur carton marouflé sur panneau. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

Valadon vivait entourée de chiens - l’Arbi et la Misse - qu'elle représente sur plusieurs tableaux. Dans cette composition, les rondeurs du petit chien couché sur une chaise et enroulé sur lui-même contrastent avec la verticalité des bandes blanches et vertes du tissu de la chaise. Il semblerait que ce chien soit celui figuré dans une position identique dans son tableau  La Dame au petit chien (1917).
Scénographie
 
Suzanne Valadon. La Cour du Château de Saint-Bernard, 1930. Huile sur toile. Collection particulière.

En 1923, Valadon et Utter font l'acquisition d'un château à moitié en ruine à Saint-Bernard, dans l'Ain. Le trio Valadon-Utter-Utrillo séjourne à plusieurs reprises dans leur «domaine féodal», parfois de façon éparpillée, au gré des disputes et des besoins d'isolement de chacun. Dans cette toile, Valadon ne présente pas de vue globale et frontale du château et opte pour un cadrage permettant davantage de jeux perspectifs où l'architecture fusionne avec la végétation, comme pour Le Jardin de la rue Cortot de 1928. La palette, la touche et la simplification des formes évoquent les paysages provençaux de Cézanne.
 
Suzanne Valadon. Le Chemin dans la forêt, vers 1918. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

 
Suzanne Valadon. «La Nature & la Peinture», n.d. [vers 1922 ?]. Lettre manuscrite, probablement en réponse à une enquête menée par le Bulletin de la vie artistique publiée le 1er septembre 1922. Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle.

 
Suzanne Valadon. Le Canard, 1930. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Donation Adèle et George Besson, 1963. En dépôt au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.

 
Suzanne Valadon. Nature morte au lapin et à la perdrix, 1930. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007.

Dans les années 1930, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans canards, perdrix, lapins. Elles sont réalisées lors de séjours à Saint-Bernard avec le gibier qu'Utter rapportait de la chasse. Nature morte au lapin et à la perdrix est la moins sombre d'entre-elles. Ici, Valadon anime la composition en représentant, aux côtés du lapin et de la perdrix posés sur la table, une coupe de raisins, une corbeille à fruits et un somptueux bouquet de fleurs très coloré.
 
Suzanne Valadon. Nature morte au poisson, 1926. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Dr. John D. et Françoise Geiser, 2007.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Vase de fleurs, 1934. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

 
Suzanne Valadon. Fleurs, 1929. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs M. Georges Grammont, 1959. En dépôt au musée de l'Annonciade, Saint-Tropez.

 
Suzanne Valadon. Bouquet de fleurs, 1930. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat de l'État 1931; attribution, 1932. En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges.

Le motif du bouquet de fleurs, présent notamment dans plusieurs portraits, devient un sujet autonome et récurrent dans les dernières années de Valadon. Souvent offertes en guise de remerciements aux proches de l'artiste, ces toiles se caractérisent par un certain dépouillement que seuls quelques détails ornementaux, comme ici les motifs circulaires incisés sur la panse du vase ou encore le petit napperon, viennent contrecarrer.
 
Suzanne Valadon. Bouquet de roses, 1936. Huile sur contreplaqué. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974. En dépôt au musée des Beaux-Arts de Brest.

 
Suzanne Valadon. Vase de fleurs sur un guéridon, 1936. Huile sur toile. Collection Paul Dini, Lyon.

 
Suzanne Valadon. Route dans la forêt de Compiègne, 1914. Huile sur toile. Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole. Achat de la Ville de Montpellier, 1938.



6 - LE NU : UN REGARD FÉMININ

Scénographie

Valadon s’est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l’une des premières œuvres de l’histoire de l’art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l’iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amoureuse avec André Utter. La position frontale des nus offrant au regard les parties génitales de la femme et de l’homme est particulièrement audacieuse. L’audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d’Utter d’une feuille de vigne, sans doute pour pouvoir présenter le tableau au Salon des Indépendants en 1920.
Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. Ces dernières, loin d’être idéalisées, sont peintes pour elles-mêmes et non pour le désir d’un spectateur voyeur. Libérée des carcans sociaux et artistiques, Valadon investit le domaine de la sexualité en peinture, longtemps cantonné à l’antagonisme «artiste mâle / modèle femme nue».

 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. Vénus noire, 1919. Huile sur toile, 162 × 97 cm. Donation Charles Wakefield-Mori, 1939. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

Représentée en pied, regardant fixement et fièrement le spectateur, la Vénus noire semble sortir d'un bain en pleine nature. Son corps athlétique, dont les courbes sont cernées d’un épais trait noir, se confond presque avec le paysage sombre et saturé de branchages qui l'entoure. C'est avec un regard féminin que Valadon représente ici une femme noire, sans exotisme, ni condescendance. En réimaginant une ancienne déesse romaine sous les traits d'une femme noire, l'artiste cherche peut-être à moderniser la tradition de l’histoire de-l’art et élargir la définition de la beauté. Cette version est l’une des cinq œuvres d'une série créée en 1919 et présentée au Salon d'Automne l'année de sa réalisation.
Suzanne Valadon. La Joie de vivre, 1911. Huile sur toile, 122,9 x 205,7 cm.
Legs de Mademoiselle Adélaïde Milton de Groot (1876–1967), 1967. Metropolitan Museum of Art.
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image of the MMA.


Après Puvis de Chavanne, Degas, Renoir, Cézanne, Matisse (à qui elle emprunte le titre de son œuvre) et bien d'autres, Valadon exploite le thème des baigneuses dans un paysage champêtre. Elle donne ici une version inédite d'un regard féminin sur un thème jusque-là dominé par les hommes et destiné au regard voyeur masculin. En effet, en introduisant une figure masculine nue dans le tableau, son amant André Utter, Valadon provoque un jeu entre le regard masculin de l'extérieur du tableau (celui qui regarde habituellement les scènes de baigneuses) et celui de l'intérieur du tableau (Utter nu regardant les femmes nues) et interroge par là-même la position du voyeur. Il existe une seconde version de Joie de Vivre où Utter est accompagné d'un chien.
 
Suzanne Valadon. La Petite Fille au miroir, 1909. Huile sur toile, 104,3 × 74,5 cm. Collection d’Emelia Wilson, MA History of Art, Courtauld Institute of Art. Photo © Christie’s Images / Bridgeman Images.

Le miroir, élément indispensable pour la toilette, est de fait un motif récurrent dans les nombreuses représentations de baigneuses chez Valadon. Cependant, sa fonction pratique y est très souvent détournée, comme dans cette toile de 1909. Adossée à un fauteuil dans une position peu naturelle ni confortable, une petite fille tourne la tête vers le miroir ovale que lui tend une femme. L'absence de reflet accentue l'atmosphère d'étrangeté qui émane de ce tableau. Le corps juvénile et adolescent est un sujet central chez Valadon. Contemporaine du Nu au miroir, cette toile préfigure également La Poupée délaissée de 1921, où le miroir devient aussi le révélateur du passage de l'enfance à l'âge adulte.
 
Suzanne Valadon. Nu assis sur un canapé, 1916. Huile sur toile, 81,4 × 60,4 cm. Weisman & Michel Collection - Photo © Christopher Fay.

Scénographie. Photo-Audrey-Laurans.
 
Suzanne Valadon. Utter nu de profil, 1911. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Nu au miroir, 1909. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

Présenté au Salon d'Automne de 1909, Nu au miroir est l'une des premières peintures à l'huile de Valadon représentant des jeunes filles à la puberté. Ici, une jeune fille est présentée de face, la plus grande partie de son corps étant exposée. Elle semble sortir de son bain car elle tient une couverture blanche dans sa main gauche et sa peau est teintée d'une nuance rougeâtre. Elle tient dans sa main droite un petit miroir à main qu'elle regarde. D'après sa pose et la position du miroir, la jeune fille contemple probablement son talon droit. Le reflet du miroir est délibérément dissimulé. Le miroir n'est donc pas destiné au plaisir voyeur du spectateur mais à la seule jouissance de la jeune fille.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Les Baigneuses, 1923. Huile sur toile. Musée d'arts de Nantes. Don de la Société des Amis du musée des Beaux-Arts de Nantes, 1957.

 
Suzanne Valadon. Jeune fille au bain, 1919. Huile sur toile. Weisman & Michel Collection.

Depuis ses premières œuvres graphiques, le motif du bain est un sujet central dans l'œuvre de Valadon. Ses nus, qui prennent souvent des poses académiques ou du moins peu naturelles comme dans ce tableau, sont représentés au milieu d'activités quotidiennes banales. Outre la toilette et le soin du corps, Valadon s'intéresse aussi à des tâches plus prosaïques, comme ici le nettoyage de la baignoire. Ce tableau se distingue des autres représentations de baigneuses peintes à la même période par son aspect plus esquissé. Valadon opte pour une touche extrêmement fluide, notamment pour figurer le linge blanc déposé sur la baignoire ou encore la peau de bête posée au sol.
Jacqueline Marval (1866, Quaix-en-Chartreuse {France} - 1932, Paris (France)). Odalisque à la rose, vers 1908.
Dédicace: «Amicalement à Arsène Alexandre, qui seul a su parler de Lautrec». Huile sur toile.
Comité Jacqueline Marval, Paris.


Jacqueline Marval partage avec Valadon ce goût pour la représentation du nu féminin contextualisé dans des postures, attitudes et décors inscrits dans un quotidien contemporain. Elles exposent toutes deux dans les mêmes Salons et sont représentées par les mêmes galeristes et marchands, Ambroise Vollard, Berthe Weill, Georges Petit. Dans L'Odalisque à la rose, Marval situe son modèle entre l'imagerie classique de l'odalisque et un registre plus réaliste. Le sexe poilu et les coussins en désordre tendent à attribuer un aspect banal à cette femme allongée caressant une rose. Son autre bras, en tenant sa tête, indique qu'elle se repose. À l'instar du nu, le rêve est un sujet que Marval abordera souvent dans sa peinture.
 
Marie Laurencin (1883, Paris (France) - 1956, Paris (France)). Danseuse couchée, 1937. Huile sur toile. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Achat de l'État, 1937; attribution, 1938.

 
Angèle Delasalle (1867, Paris (France) - 1939, Saint-Martin-de-Ré (France)). Femme endormie, 1920. Huile sur toile. Musée d'Orsay, Paris. Achat à Angèle Delasalle, 1921.

Angèle Delasalle et Valadon se connaissaient certainement. Elles sont exposées au Salon d'Automne de 1909 dans la même salle. Toutes deux sont des fidèles du Salon des Femmes Artistes Modernes. Delasalle est, comme Valadon, l'une des premières femmes à peindre des nus féminins sans, comme le remarque Raymond Escholier, sublimer leurs corps: «Tout d'abord nacrées de reflets, puis, bientôt, maçonnées en pleine chair. Ce qui caractérise ces nus, c'est qu'ils sont bien modernes. Sans que l'artiste y ait songé, ils sont autant des déshabillés que des nus. C'est que Mlle Delasalle n'obéit à aucun souci d'idéalisation académique et qu'elle peint simplement la femme qu'elle a sous les yeux.» (Raymond Escholier, Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art, n°4, 1912, p. 328.)
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923. Huile sur toile, 64,6 × 91,8 cm. Lucien Arkas Collection. Photo © Hadiye Cangokce.

Cette toile offre une sorte de résumé des sujets de prédilection de Valadon. Cerné d'un trait noir appuyé, le corps nu de sa domestique Catherine, aux formes pleines et à la peau striée d'une multitude de couleurs (roses, bleus, jaunes, verts...), est présenté selon un dispositif particulier, peut-être inspiré d’une œuvre de Gustave Courbet (La Bacchante, vers 1844-1847). La perspective plongeante accentue le contraste entre les effets de volume et de surface, entre le corps de Catherine et la peau de panthère et les tapis sur lesquels elle est allongée. Le modèle semble travaillé par divers sentiments, entre la fatigue et le désir, tandis qu'un mélange de satisfaction et d'effronterie se lit sur son visage, devenu presque un masque. Le vase bleu placé à droite figure également dans La Boîte à violon, réalisée la même année.
 
Suzanne Valadon. Nu au canapé rouge, 1920. Huile sur toile. Association des Amis du Petit Palais, Genève.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Nu à la draperie blanche, 1914. Huile sur toile. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.

 
Suzanne Valadon. Nu aux bottines, 1916. Huile sur toile. Sitskoon Collection, Pays-Bas.

 
Suzanne Valadon. Nu assis sur un divan, 1922. Huile sur toile. Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Donation Muguette et Paul Dini.

 
Suzanne Valadon. Nu, 1925. Huile sur toile. Musée d'Art moderne, Paris. Donation du comte Emanuele Sarmiento, 1939.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Baigneuse nue, 1915. Huile sur toile. Musée des Beaux-Arts de Caen. Don, 1981.

 
Suzanne Valadon. Nu au châle bleu, 1930. Huile sur toile. Musée Unterlinden, Colmar. Donation de Mme Jules Henner, 1923.

 
Suzanne Valadon. Nu sortant de l'eau, 1909. Huile sur toile. Collection B. Courtaigne.

 
Suzanne Valadon. Nu debout se coiffant, vers 1916. Huile sur carton. Washington DC, National Museum of Women in the Arts. Don Wallace and Wilhelmina Holladay.

Le thème du nu se coiffant est récurrent dans l'œuvre de Valadon. Elle l'aborde dans la gravure dès 1895 (Catherine nue se coiffant). En 1916, elle reprend ce thème en peinture et réalise deux tableaux, celui-ci de profil, le modèle au centre de la composition, debout sur une pile de tissu blanc et l'autre, Nu se coiffant, de face, jambes écartées. L'artiste représente peut-être ici sa nièce Gilberte. En effet, la chevelure de la jeune femme est très proche de celle qui figure dans un tableau daté de 1920 intitulé Gilberte se coiffant. Valadon aime surprendre les femmes de son entourage dans leur intimité, se lavant, se regardant dans un miroir ou se coiffant.
Scénographie
 
Suzanne Valadon. Femme nue à la draperie, 1919. Huile sur toile. Association des Amis du Petit Palais, Genève.

 
Suzanne Valadon. Nu assis au châle tapis, vers 1921. Huile sur toile. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

 
Suzanne Valadon. Deux figures, 1909. Huile sur carton. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

Le thème du nu groupé est une récurrence dans le travail de Suzanne Valadon. Souvent les femmes se trouvent représentées à différents âges, dans des tâches banales, comme ici. Elles sont nues pour elles-mêmes, comme si le spectateur n'existait pas. L'une d'elle semble s'être laissée tomber avec une certaine désinvolture, presque avachie, souriante. La particularité de cette proposition réside dans la physionomie des deux femmes, plus massive et tassée qu'à l'accoutumée, ainsi que dans l'espace, vu avec plus de hauteur, en plongée, traité sans décor, sur un fond vert foncé qui rappelle certaines peintures de Félix Vallotton. La présence du tapis oriental et du tub à l'avant de la composition peut suggérer que la scène se déroule dans un bordel à Montmartre.
 
Suzanne Valadon. Femme nue assise, 1921. Weisman & Michel Collection.

Ce portrait en gros plan d'une femme à demi-nue est inhabituel dans l'œuvre de Valadon. Valadon préfère peindre ses nus en pied ou allongés dans un plan qui laisse voir le décor qui les entoure. Avec ce plan rapproché, l'artiste cherche à mettre l'accent sur le visage de la femme à la chevelure abondante, et sur son imposante poitrine. Son bras gauche, dont la main tient ce qui pourrait être un mouchoir, cache en partie son sein. Son bras droit, détaché du corps, est plié à hauteur de sa tête. Le bleu profond de l'objet qu'elle tient dans la main souligne la carnation blanche du corps. L'arrière-plan constitué d'aplats colorés ne laisse apercevoir aucun décor excepté, en haut à gauche de manière furtive, le dossier de la chaise.
Scénographie
 
Georgette Agutte (1867, Paris (France) - 1922 Chamonix (France)). La Japonaise nue, 1910. Huile sur toile. Collection du musée de Grenoble. Don d'Andrée Hayart, famille Agutte-Sembat, 2005.

 
Suzanne Valadon. Jeune femme sentant un bouquet, 1929. Huile sur toile. Collection particulière.

Vitrine
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Vitrine
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Scénographie
 
Alice Bailly (1872 Genève (Suisse) - 1938 Lausanne (Suisse)). Tireurs d'arc, 1911. Huile sur toile de jute. Musée cantonal des Beaux Ans de Lausanne. Acquisition, 2007.

Comme Valadon, Alice Bailly célèbre ici le corps athlétique de jeunes hommes nus s'exerçant au tir à l'arc. Leurs puissantes musculatures rappellent celles des Tireurs à l'arc de Georges Desvallières (1895, Paris, musée d'Orsay). Deux femmes nues, assises de dos sur un drap blanc, assistent à la scène. L'une tend le bras, la main pointant probablement la flèche d'un tireur. Bailly inscrit les corps nus de ses personnages dans un vaste paysage aux couleurs dissonantes et aux formes géométriques, formant ainsi une image très dynamique. Le nu masculin figuré dans la nature sans aucun prétexte biblique, mythologique ou historique a pu être jugé immoral par les mœurs de l'époque.
 
Suzanne Valadon. La Boîte à violon, 1923. Huile sur toile, 81 × 100 cm. Achat, 1937 Paris, musée d’art moderne de Paris. Crédit Photo: CCØ Paris Musées / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Réalisée à partir d'objets figurant dans l'atelier de Valadon, cette nature morte au thème inhabituel témoigne du talent de coloriste de l'artiste. Le rouge du drapé, sur lequel repose le violon posé sur une commode, contraste avec le bleu profond de l'intérieur de l'étui. Sur le rebord, un livre dont il est impossible de lire le titre, est près de tomber. En arrière-plan, on aperçoit la partie basse de son monumental tableau Le lancement du filet partiellement dissimulé par trois vases très colorés. On peut voir dans cette nature morte une représentation de la synthèse des arts (musique, littérature, art plastique et art décoratif).
 
Suzanne Valadon. Adam et Ève, 1909. Huile sur toile, 162 × 131 cm. Achat de l’État, 1937, Paris, Centre Pompidou - Musée national d’art moderne. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. GrandPalaisRmn.

L'iconographie religieuse traditionnelle d'Adam et Ève se teinte ici d'une charge nouvelle, amoureuse et érotique. Valadon se peint avec son amant André Utter. Dans ce double portrait en pied, la position frontale des nus est audacieuse. Tandis que le sexe d'Ève est bien visible, poils pubiens compris, celui d'Utter est caché par des feuilles de vigne. Cependant, une photographie d'un premier état nous révèle, qu'à l'origine le sexe d'Utter était totalement apparent. Valadon, qui est l’une des premières femmes à oser peindre le sexe d'un homme, ajoutera la ceinture de feuilles de vigne plus tard, sans doute à la demande des organisateurs du Salon des Indépendants de 1920, où le tableau sera révélé au public.
 
Suzanne Valadon. André Utter nu, de dos, vers 1909. Crayon sur papier. Collection particulière.

Scénographie
 
Suzanne Valadon. Étude pour Le Lancement du filet, 1914. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle. 1974.

 
Suzanne Valadon. Étude pour Le Lancement du filet, 1914. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle. 1974.
Suzanne Valadon. Le Lancement du filet, 1914. Huile sur toile, 201 × 301 cm.
Achat de l’État, 1937. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Nancy.
Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Jacqueline Hyde / Dist. GrandPalaisRmn.


Valadon reprend ici un classique du nu académique qu'elle détourne dans une veine contemporaine. Elle représente le corps nu de son amant André Utter lançant un filet de pêches sur le bord d'une plage en Corse. Le même geste sous trois angles différents est décliné dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes athlétiques du modèle. Célébrant la beauté d'un corps aux couleurs chaudes et sensuelles, ce nu masculin est, à cette époque, l'une des rares représentations du désir féminin pour un corps masculin. Dans l'esquisse réalisée avant le tableau, le sexe du lanceur n’est pas caché par le filet. Une hypothèse veut que Valadon l'ait pudiquement couvert pour pouvoir le présenter au Salon des Indépendants de 1914. Le Lancement du filet est la dernière œuvre de Valadon consacrée au nu masculin.


7 - LE NU : UN REGARD FÉMININ. DESSINS

Scénographie
Le nu : un regard féminin. Dessins

Le nu, en particulier féminin, est le sujet central de l’œuvre graphique de Valadon. Dans ses dessins au fusain, à la mine graphite ou à la sanguine ou encore dans ses estampes, ces femmes nues sont la plupart du temps figurées actives, vaquant à des scènes de la vie quotidienne (toilette, bain, ménage…). Ces corps, au travail, fatigués ou contorsionnés, sont traités sans complaisance et cernés d’un trait incisif. Malgré leur apparente spontanéité, ces œuvres sont le fruit d’une lente élaboration, comme le montre son utilisation régulière du papier-calque. Cette technique, apprise auprès de Degas, lui permet de dupliquer et transférer ses personnages d’un support à un autre. C’est également grâce à Degas que Valadon s’initie à la technique du vernis mou, un type de gravure qui donne à l’estampe un aspect très proche d’un dessin au crayon.
 
Texte du panneau didactique.
 
Suzanne Valadon. Nu debout à la jupe longue, 1894. Crayon. Collection particulière, Courtesy galerie de la Présidence.

 
Suzanne Valadon. Nus au miroir, vers 1914. Fusain et pastel sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Acquisition de l'État, 1936; attribution, 1936.

 
Suzanne Valadon. Nu à sa coiffure, 1928. Crayon sur papier. Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.

Rangée du haut les quatre estampes de gauche à droite, puis les trois estampes de la rangée du bas :

- Suzanne Valadon. La Toilette, 1894. Mine de plomb sur papier bistre.
Collection Éliane et Thierry Bollag, Zurich.
- Suzanne Valadon. Nu sortant du bain, vers 1904. Sanguine.
Weisman & Michel Collection.
- Suzanne Valadon. Nu sortant du bain, vers 1909. Fusain, sanguine et craie blanche sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Vieille femme et fillette nue, 1896. Sanguine sur papier calque.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Acquisition de l'État 1938; attribution, 1938.

- Suzanne Valadon. La Coiffure - La Toilette, 1905.  Crayon, sanguine et craie blanche sur papier.
Collection Philippe Metzger.
- Suzanne Valadon. Jeune fille nue et servante à la baignoire, 1908. Fusain sur papier calque.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Nu sur un canapé, s. d. Graphite et crayon gras sur papier.
Collection galerie de la Présidence.
 
Suzanne Valadon. La Toilette, 1894. Mine de plomb sur papier bistre. Collection Éliane et Thierry Bollag, Zurich.

 
Suzanne Valadon. La Coiffure - La Toilette, 1905.  Crayon, sanguine et craie blanche sur papier. Collection Philippe Metzger.
 
Suzanne Valadon. Jeune fille nue et servante à la baignoire, 1908. Fusain sur papier calque. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Nu sur un canapé, s. d. Graphite et crayon gras sur papier. Collection galerie de la Présidence.

De gauche à droite, puis de haut en bas (détail plus bas) :
- Suzanne Valadon. Louise nue sur le canapé, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Femmes s'essuyant, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Femmes nues sous les arbres, 1904. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Christiane, 1905. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, eau-forte et pointe sèche sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Catherine prépare le tub et Louise nue se coiffe, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Femmes et enfant au bord de l'eau, 1904. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, eau-forte sur papier vélin.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.

 
Suzanne Valadon. Louise nue sur le canapé, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Femmes et enfant au bord de l'eau, 1904. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, eau-forte sur papier vélin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Christiane, 1905. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, eau-forte et pointe sèche sur papier vélin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Femmes s'essuyant, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Femmes nues sous les arbres, 1904. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte sur papier vélin. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. Catherine prépare le tub et Louise nue se coiffe, 1895. Estampe, épreuve, planche du portfolio, tirage 72/75, vernis mou et eau-forte. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
Scénographie. Photo-Audrey-Laurans.
De gauche à droite :
- Suzanne Valadon. Nu assis, 1908. Fusain et pastel sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Jeune fille nue appuyée sur un fauteuil, vers 1908. Pastel, crayon et craie sur papier marouflé sur toile.
Weisman & Michel Collection.
- Suzanne Valadon. La Toilette, 1906. Pastel.
Collection particulière, Courtesy galerie de la Présidence.
- Suzanne Valadon. La Toilette, vers 1908. Pastel et crayon noir sur papier.
Musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre, Paris. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.).
- Suzanne Valadon. Le Bain, 1908. Fusain et pastel sur papier.
Centre national des arts plastiques, Paris. Achat à l'artiste en 1916. En dépôt au musée de Grenoble.
 
Suzanne Valadon. Nu assis, 1908. Fusain et pastel sur papier. Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
 
Suzanne Valadon. La Toilette, 1906. Pastel. Collection particulière, Courtesy galerie de la Présidence.
 
Suzanne Valadon. La Toilette, vers 1908. Pastel et crayon noir sur papier. Musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre, Paris. L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.).
 
Suzanne Valadon. Le Bain, 1908. Fusain et pastel sur papier, 60 × 49 cm. Paris, Centre national des arts plastiques, Achat à l’artiste en 1916. En dépôt au musée de Grenoble. Photo © Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix.
De gauche à droite :
- Suzanne Valadon. Fillette nue assise, 1894. Fusain et gouache blanche sur papier.
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. Legs Docteur Robert Le Masle, 1974.
- Suzanne Valadon. Intimité, 1894. Crayon gras sur papier.
Collection particulière, Courtesy galerie de la Présidence.
- Suzanne Valadon. Nu à sa coiffure, 1928 (sous le précédent). Crayon sur papier.
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne. Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007.
- Suzanne Valadon.  Trois nus, 1920. Crayon gras sur papier.
Collection galerie de la Présidence.
- Suzanne Valadon. Les Danseuses, 1917. Fusain et tampon.
Collection particulière P&GS.
- Suzanne Valadon. Nu allongé sur un divan, 1907. Crayon noir sur papier.
Collection Philippe Metzger (ancienne collection Edgar Degas).
 
Suzanne Valadon. Intimité, 1894. Crayon gras sur papier. Collection particulière, Courtesy galerie de la Présidence.
 
Suzanne Valadon. Nu allongé sur un divan, 1907. Crayon noir sur papier. Collection Philippe Metzger (ancienne collection Edgar Degas).
 
Suzanne Valadon. Trois nus, 1920. Crayon gras sur papier, 55 x 44 cm. Collection Galerie de la Présidence. Photo © Galerie de la Présidence, Paris.
 
Suzanne Valadon. Les Danseuses, 1917. Fusain et tampon. Collection particulière P&GS.


8 - Sortie

 
Vue de l'atelier occupé par Suzanne Valadon, s.d. [vers 1939 ?]. Épreuve argentique en noir et blanc, photographie André Utter. Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle. © Droits réservés.
 
L’atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 se visite au 12 rue Cortot (musée de Montmartre, 18e arr.). © Musée de Montmartre, Jean-Pierre Delagarde.