PEINTRES FEMMES, 1780-1830
Naissance d'un combat

Article publié dans la Lettre n°525 du 2 juin 2021



 
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PEINTRES FEMMES, 1780-1830. Naissance d’un combat. Avec quelque soixante-dix tableaux provenant de collections publiques et privées françaises et internationales, ce sont quarante « peintres femmes » qui sont exposées au Musée du Luxembourg. Aujourd’hui très peu d’entre elles sont connues. Il y a bien sûr Élisabeth Vigée-Lebrun, dont nous avons vu en 2015 une magnifique rétrospective (Lettre n°387). Il y a aussi Adélaïde Labille-Guiard, reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture en même temps que Vigée-Lebrun, une première pour des femmes. Les connaisseurs noteront aussi la présence d’Angélique Mongez, dont le gigantesque Mars et Vénus (1814)est dans la pure veine davinienne, et aussi Constance Mayer dont on voit le charmant Flambeau de Vénus, (1808), une copie du tableau de Prud’hon, son compagnon de vie et d’atelier, à qui l’on réattribua maints tableaux de Constance. Mais les autres, pourquoi ne sont-elles pas mentionnées par les historiens de l’art ? C’est à cette question que tente de répondre Martine Lacas, commissaire de cette exposition.
Pour elle on a oublié les peintres femmes parce qu’il n’y a rien de « grand », tel que grand homme, grand genre, grande œuvre, grande histoire, dans leur peinture. C’est vrai que l’interdiction qui leur était faite de pratiquer le nu et donc la peinture d’histoire (le « grand genre »), le numerus clausus de l’Académie (quatre femmes seulement), leur minorisation sociale et politique, la limitation de leur pratique à des genres « mineurs » comme le portrait ou le tableau de genre, ont contribué à les laisser dans l’ombre. Mais cet oubli est avant tout un problème de méthode des historiens de l’art plus qu’un problème des œuvres de ces femmes.
L’exposition montre à l’évidence qu’elles avaient autant de talent que leurs confrères. Leurs portraits et autoportraits sont vivants et plein de fraîcheur. Les quelques paysages que l’on peut voir n’ont rien à envier à ceux de leurs contemporains hommes. D’ailleurs, à leur époque, elles ne souffraient pas de leur condition de femme pour être appréciées, recevoir des commandes et vendre leurs tableaux, faisant ainsi concurrence à ces messieurs ! Les critiques des Salons – où elles étaient admises mais avec un taux de refus supérieur à celui des hommes ! -  montrent combien elles étaient considérées. C’est ainsi que Charles Paul Landon écrit à propos du Salon de 1814 : « on ne peut disconvenir qu’un bon tableau de genre est préférable à un mauvais tableau d’histoire ».
Le parcours comprend quatre sections. La première, « Le droit d’être peintres », rappelle les controverses nées de l’apparition des femmes peintres autour de 1780, des interdictions diverses qui leur sont faites et enfin de leur droit d’exercer et d’exposer librement. Dans les années 1820, elles sont deux cents à exposer dans les Salons.
La deuxième section « Apprendre » nous montre comment les femmes se sont mises à la peinture. La bourgeoise s’approprie les signes de distinction des classes privilégiées comme la maîtrise du dessin et la fréquentation des expositions. Les jeunes filles se forment à la peinture dans laquelle certaines voient une profession rémunératrice. De grands ateliers (Greuze, David, Suvée, Regnault) les accueillent. L’interdiction du nu et de la peinture d’histoire est transgressée. Celles qui en font profession deviennent des artistes.
Pour se faire connaître, en dehors des liens que l’on peut tisser au sein des ateliers, « Le Salon » est un passage obligé. Au milieu des années 1820, quinze pour cent des exposants sont des exposantes. Le salon est envahi par les scènes de genre, les portraits et les petits tableaux, plus faciles à accrocher chez soi que les grands tableaux historiques. Or ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses à peindre de tels tableaux.
Le parcours se termine avec cette affirmation « Moi. Peintre », montrant comment la Révolution, tout en interdisant aux femmes d’adhérer à la nouvelle Société populaire et républicaines des arts jusqu’en 1794, a permis aux femmes de « débattre, parler, penser, créer, travailler en tant que sujet de droit » et de pouvoir dire « Moi. Peintre ». Quel beau sujet que celui-ci qui revisite une histoire de l’art bien mal traitée, voire misogyne. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu'au 4 juillet 2021. Lien : www.museeduluxembourg.fr.


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