MONDRIAN FIGURATIF

Article publié dans la Lettre n°489 du 30 octobre 2019



 
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MONDRIAN FIGURATIF. La peinture figurative de Piet Mondrian (1872-1944) est longtemps restée méconnue. C’est grâce à l’intérêt et à l’amitié que lui portait Salomon Slijper (1884-1971), héritier d’un diamantaire d’Amsterdam, que nous pouvons voir aujourd’hui cette exposition. En effet les 67 tableaux présentés ici proviennent tous du legs de 180 tableaux de Mondrian fait par Slijper au Kunstmuseum de la Haye. Slijper découvrit par hasard, en 1915, un tableau abstrait de Mondrian dans une petite auberge où ce dernier avait séjourné. Il n’était pas intéressé par la peinture abstraite, qu’il découvrait, mais finit par acheter, au bout de quelques semaines, ce tableau et demanda à rencontrer le peintre. Une solide amitié se noua entre les deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre au point de faire des copies au Rijksmuseum pour survivre. Slijper ne revendit aucune toile. Mondrian lui en saura gré et lui confiera un jour « J’apprécie beaucoup que tu les conserves ensemble… Tu me les as payées à l’époque avec ce dont tu pouvais te passer, ce n’était pas grand-chose, mais aucun ne l’a fait ».  Et c’est vrai que Mondrian n’en avait pas demandé beaucoup mais Slijper lui achetait sans compter, y compris sans avoir vu les tableaux, comme il le fit en 1919 en rachetant toutes les toiles restées dans l’atelier de Mondrian à Paris pendant la guerre, ce qui permit à ce dernier de retourner en France et même d’épargner.
Dès l’entrée nous avons deux toiles que tout oppose : un Lièvre mort (1891) et une Composition N°IV / Composition 6 (1914). La première s’inscrit dans la tradition hollandaise du XVIIe siècle, la seconde est celle achetée par Slijper dans l’auberge.
Les premières toiles du parcours  représentent des paysages (fermes, moulins, bovins …) qui rappellent l’école de la Haye dont la démarche rejoint en partie celle des français de Barbizon. Cependant, conscient que « les couleurs de la nature ne peuvent être imitées sur la toile », Mondrian opte, dès 1907, pour des couleurs pures, privilégiant les aplats et les contrastes colorés. L’évolution est palpable dans ce parcours chronologique. Moulin dans le crépuscule (1907-1908) en est un bon exemple, tout comme Bois près d’Oele (1908) qui montre un nouveau tournant, vers le luminisme cette fois, à l’instar des écoles symbolistes, divisionnistes et fauves alors peu connues en Hollande. Les couleurs éclatent sur la toile par-dessus des traits marquant les principales lignes du sujet, que ce soit un enfant (Dévotion, 1908) ou un moulin (Moulin dans la clarté, 1908).
Ayant rejoint en 1909 la société théosophique dont le but est d’atteindre la vérité inhérente à toute chose, Mondrian adopte une démarche spirituelle dans sa peinture. Ses sujets sont toujours figuratifs mais leur traitement avec des cadrages resserrés, des formes angulaires, des couleurs vives et contrastées, posées en aplat, se rapproche de celui des cubistes, qu’il n’a pas encore vus. Dune (1909), Phare à Westkapelle (1909), Clocher en Zélande (1911), Moulin (1911) illustrent cette période. Le pas vers le cubisme est franchi avec ce Portrait de femme (1912), dont le sujet est entièrement noir.
Mais le plus surprenant est de voir comment Mondrian fait coexister le figuratif, tel qu’il l’a revisité, avec l’art abstrait. Ainsi, en 1916 et 1917, il continue à peindre des sujets figuratifs comme cette Ferme à Duivendrecht ou ces Moulins, à différents moments de la journée, tout en peignant simultanément des tableaux abstraits … qu’il peine alors à vendre. On trouve la synthèse de cette dualité dans son Autoportrait de 1918 où il se représente, bien ressemblant, fidèle à la tradition naturaliste, devant une de ses toiles en damier.
L’exposition se termine avec le troisième et dernier tableau abstrait de la collection Slijper, la plus importante consacrée à Mondrian, et une série de fleurs. Au début Mondrian réalisait celles-ci pour gagner sa vie car ce type de tableaux se vendait bien. Ensuite, il continua à le faire durant toute sa vie, commençant sa journée en peignant une fleur, tout comme un pianiste fait ses gammes. Une exposition intéressante, bien présentée et qui complète la connaissance que nous avons de Mondrian dont on ne voit habituellement que les peintures abstraites. R.P. Musée Marmottant Monet 16e. Jusqu’au 26 janvier 2020. Lien : www.marmottan.com.


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