MARK ROTHKO

Article publié dans la Lettre n°587 du 14 février 2024



 
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MARK ROTHKO. Il n’y a que deux peintures de Mark Rothko (1903-1970) dans les collections publiques françaises (au Centre Pompidou). Son œuvre n’a eu droit qu’à trois expositions personnelles en France, au Musée d’Art moderne de Paris en 1962 (44 œuvres de 1945 à 1961), au Musée national d’Art moderne en 1972 (42 œuvres de 1938 à 1969) et enfin en 1999 de nouveau au Musée d’Art moderne de Paris. Nous avons parfois l’occasion de voir ses tableaux lors d’expositions thématiques comme «Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet» (Lettre n°459) mais Rothko est finalement mal connu en France. La présente manifestation, avec 115 toiles couvrant la période de 1932 à 1970, est donc tout à fait exceptionnelle. Elle nous permet de voir non seulement les toiles abstraites qui ont fait la réputation de Rothko mais aussi une trentaine de peintures figuratives et néo-surréalistes de ses débuts.
Le parcours chronologique commence donc avec The Road (1932-1933) et diverses scènes urbaines ou de métro, des nus et des portraits, dont le seul Autoportrait (1936) qu’il ait peint. C’est d’ailleurs parce qu’il estimait avoir échoué à représenter la figure humaine «sans la mutiler» qu’il abandonne la figuration. En 1940 il arrête même de peindre et se consacre à l'écriture d'un texte théorique sur la peinture, retrouvé après sa mort et publié à titre posthume en 2004 sous le titre «The Artist's Reality».
Viennent ensuite des tableaux regroupés sous le titre «Mythologie et néo-surréalisme» où l’on remarque tout particulièrement Rites of Lilith et Slow Swirl at the Edge of the Sea (1944), deux grandes compositions complexes.
C’est alors que Rothko change complétement de style. C’est la période des «Multiformes» avec des compositions abstraites organiques aux couleurs multiples. Mais en 1949 il abandonne à son tour ce type de peintures au profit de ses compositions caractéristiques aux rectangles superposés, dans une palette lumineuse et translucide. C’est le début des œuvres dites «classiques». À partir de là, il ne change plus de sujet et seul le choix des couleurs caractérise certaines périodes les unes des autres. Nous avons ainsi les «Blackforms» (1964) qui culminent avec la chapelle Rothko à Houston, inaugurée en 1971, un an après la disparition de l’artiste, brièvement évoquée en fin de parcours.
Deux sections sont particulièrement intéressantes. La première rappelle la présentation des trois Rothko de la Phillips Collection à Washington, seul musée ayant présenté des œuvres de l’artiste de son vivant. La seconde nous montre les fameuses toiles commandées à Rothko en 1958 par Mies van der Rohe pour le restaurant d’un nouveau gratte-ciel, le Seagram Building. Enthousiasmé d'avoir la maîtrise totale d'un lieu où il cherche à créer une œuvre indissociable de l'architecture, Rothko s’installe dans un nouvel atelier aux dimensions du restaurant et réalise une trentaine de toiles dans des tons noirs ou rouges sur marron évoquant parfois des portails ou des fenêtres. Mais en 1959 il prend conscience que le lieu ne correspond nullement à l'esprit du projet qu'il avait conçu et résilie le contrat. Il offrira dix ans plus tard neuf de ces toiles à la Tate. Ce sont elles que nous voyons ici avec quelques autres.
Dans la dernière salle, nous avons dix toiles «Black and Gray» (1969-1970) présentées à côté de Homme qui marche et de Grande femme de Giacometti. Rothko avait reçu de l’UNESCO une commande d’une œuvre monumentale pour son siège parisien. Elle devait être associée à une sculpture de Giacometti, qu’il admirait, mais il y avait renoncé.
Pour Rothko «une peinture vit en se dilatant et en se ranimant dans les yeux de l’observateur».En dépit de leur abstraction, ses peintures, toutes semblables avec leurs couleurs déposées sur d’autres couleurs, mais toutes différentes, impulsent véritablement une dimension nouvelle, que l’on ressent de toile en toile. Une magnifique exposition, bien documentée et bénéficiant d’une scénographie parfaite. R.P. Fondation Louis Vuitton 16e. Jusqu’au 2 avril 2024. Lien : www.fondationlouisvuitton.fr.

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