FÉNÉON
Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse

Article publié dans la Lettre n°492 du 11 décembre 2019



 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

FÉNÉON (1861-1944). Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse. Après « Félix Fénéon, les arts lointains » au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, voici, au musée de l’Orangerie, le deuxième volet de cette double exposition consacrée à cet homme discret qui a défendu une vision décloisonnée de la création au moment du basculement de l’art vers la modernité et œuvré pour la reconnaissance des arts extra-occidentaux. Félix Fénéon est tout à la fois anarchiste, critique d’art, éditeur, directeur de galerie, collectionneur passionné.
Anarchiste, il l’est toute sa vie, non pas pour poser des bombes comme il en est accusé avec l’attentat du restaurant Foyot, mais pour parvenir à une utopie où l’homme travaille dans une nature bienveillante comme l’exprime Paul Signac dans Au temps d’harmonie : l’âge d’or n’est pas dans le passé, il est dans l’avenir (1896), dont on voit une réplique.
Critique d’art, il l’est également une grande partie de sa vie en collaborant à diverses publications comme Le Figaro, Le Matin, mais aussi Le Père Peinard et surtout La Revue Blanche, de tendance anarchiste, dont il est rédacteur en chef de 1863 jusqu’à la cessation de parution de cette revue en 1903. Son ami Jean Paulhan écrit plus tard « Nous n’avons peut-être eu en cent ans qu’un critique, et c’est Félix Fénéon ». En dehors de ses articles et de ses insolites Nouvelles en trois lignes, il n’écrit qu’un ouvrage, Les Impressionnistes en 1886.
Comme éditeur il publie, avec les éditions de La Sirène qu’il dirige de 1920 à 1924, Cendrars, Cocteau, Radiguet, Joyce, Stevenson, Lucie Cousturier, etc.
En 1906, il devient directeur artistique de la section art moderne de la galerie Bernheim-Jeune, l’une des plus importante de Paris. Il y organise diverses expositions d’artistes comme Cézanne, Seurat, Signac, Matisse, Henri-Edmond Cross, Bonnard, Vuillard, Van Dongen, Dufy, Modigliani, Henri Rousseau, etc. Picasso n’y est pas car Fénéon n’aimait pas sa peinture !
Mais c’est surtout le collectionneur qui nous intéresse ici. Ce serait au début du XIXe siècle que Fénéon aurait acheté ses premiers « objets exotiques ». C’est l’un des premiers à s’intéresser à l’art africain puis à l’art océanien et à en faire la promotion avec des publications, des expositions et en posant cette question à des artistes, marchands, collectionneurs, conservateurs « Seront-ils admis au Louvre ? ». Entre ceux qui approuvent comme le galeriste Paul Guillaume ou qui esquivent comme Van Dongen ou le conservateur de la peinture au Louvre, il y a des opposants comme le conservateur du musée des Antiquités nationales pour qui « la sculpture sur bois des nègres est hideuse ; s’y complaire me paraît une aberration, quand ce n’est pas une simple fumisterie » ! Les commissaires de cette exposition ont recensé 543 pièces de sa collection d’art africain, dont 457 furent mises en vente aux enchères en 1947, mais n’en ont retrouvé qu’une centaine.
À côté des œuvres d’art africaines Fénéon collectionne aussi les peintres contemporains avec lesquels il est ami et dont il encourage les plus jeunes. Achetant directement aux artistes il réunit une collection considérable, de l’ordre d’un millier de pièces. Il en vend quelques-unes (87 dont 9 Seurat) en 1941 afin de payer ses frais d’hospitalisation ainsi que ceux de sa femme et ceux d’une de ses maîtresses, récoltant la somme considérable de six millions de francs, ce qui ne l’empêche pas de continuer de vivre modestement. Le reste est dispersé après sa mort au cours de trois vacations en 1947 au profit de l’Université de Paris, charge à elle de créer avec ce pactole (vingt millions de francs) un Prix Félix Fénéon récompensant un jeune écrivain ou artiste.
Le parcours de l’exposition illustre ces différentes facettes de Fénéon. En introduction on trouve son magnifique portrait peint par Maximilien Luce, trois Poseuses de Seurat achetées par l’état en 1947 et trois sculptures africaines. La première salle est consacrée « Au temps d’anarchie » avec de nombreux documents dont le dossier réalisé par sa femme sur le « Procès des Trente », où Fénéon, alors fonctionnaire au ministère de la Guerre, ridiculise l’accusation et suscite l’hilarité des journalistes. Comme la plupart des accusés, il est acquitté.
Vient ensuite une salle dédiée au « promoteur du Néo-impressionnisme », un terme de son invention pour qualifier la peinture de ces artistes qui s’appropriaient les travaux sur les couleurs de Michel Eugène Chevreul. Parmi ces peintres, Seurat est tout particulièrement mis à l’honneur avec plus de vingt huiles et dessins.
Les sections suivantes rappellent l’homme de lettres et particulièrement son rôle « d’éminence grise de La Revue Blanche » avec des livres, revues et catalogues d’exposition d’une part, et des tableaux et affiches signés Bonnard, Toulouse-Lautrec, Vuillard et surtout Vallotton (Félix Fénéon à La Revue Blanche, vers 1896) et Théo van Rysselberghe (La Lecture par Émile Verhaeren, 1903) d’autre part.
Puis on arrive « Vers un nouvel Eden » où, à côté de quelques toiles de Matisse, Modigliani et Bonnard, on a un remarquable aperçu de ses sculptures africaines dont une vingtaine sont exposées ici avec divers ouvrages et catalogues.
L’exposition se termine en mettant l’accent sur la promotion par Fénéon des mouvements d’avant-garde avec une évocation de l’exposition des Futuristes italiens qu’il organise à la galerie Bernheim-Jeune en 1912, exposition qui fait scandale et provoque même une bagarre durant la conférence inaugurale ! Une exposition absolument passionnante. R.P. Musée de l’Orangerie 1er. Jusqu’au 27 janvier 2020. Lien : www.musee-orangerie.fr.

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