ÊTRE MODERNE : LE MoMA À PARIS. À travers quelque 200 œuvres  du célèbre musée new yorkais, la Fondation Louis Vuitton pose la question de  savoir comment « être moderne » pour une grande institution comme le  Museum of Modern Art. 
                Le parcours de l’exposition se  déploie dans la totalité des salles, permettant un accrochage très aéré et une  visite confortable. Il commence par une première salle où l’on trouve côte à  côte une toile de Paul Cézanne (Le  Baigneur, vers 1885), une sculpture de Constantin Brancusi (Oiseau dans l’espace, 1928), des  photographies de Walker Evans prises durant la Grande Dépression dans les  années 1930, et des objets industriels en inox (Soupape de vidange, roulement à  billes, hélice de hors-bord). En effet, dès sa création en 1929 par trois  femmes, Lillie P. Bliss, Abby Aldrich Rockefeller et Mary Quinn Sullivan, le  MoMA se veut un musée pluridisciplinaire s’intéressant à toutes les formes  d’art, y compris l’architecture, la photographie et le design. A cette époque  se pose aussi la question de savoir à quelle date commencer. Le Metropolitan  Museum, fondé en 1870, ayant déjà beaucoup d’œuvres du XIXe siècle, le MoMA  décide de créer sa collection à partir de 1880, sauf pour la photographie, un  art jeune, qui est prise en compte dès ses débuts, dans les années 1820-1830.  Son premier directeur, Alfred H. Barr Jr, imaginait le fonctionnement du musée  comme une torpille évoluant dans le temps à la recherche des nouveaux artistes,  ne conservant ses œuvres que durant cinquante ans. En effet, le MoMA, comme  d’autres institutions américaines, ne s’interdit pas les ventes ou les échanges.  Un exemple fameux est l’acquisition des Demoiselles  d’Avignon grâce à la vente d’une peinture de Degas. Néanmoins, en 1947, la  décision fut prise de ne pas se dessaisir des œuvres au-delà de cinquante ans.
                Le parcours continue d’une  manière chronologique avec, dans la deuxième salle, un ensemble de toiles de  peintres européens tels que Picasso, Matisse, Signac, Magritte, de Chirico,  Picabia, Dali, Beckmann, Kirchner, Klimt, Mondrian, auxquels s’ajoutent Marcel  Duchamp avec sa Roue de bicyclette, Frida Kahlo avec son Autoportrait aux cheveux coupés ainsi que deux films et des  photographies. Pour les films, on note la très grande diversité de choix du  MoMA puisque nous avons, d’une part, le Cuirassé  Potemkine de Serguei M. Eisenstein et, d’autre part, le premier film  d’animation sonore de Walt Disney, Steamboat  Willie, dans lequel apparaît le futur personnage de Mickey. Pour la  photographie, à côté d’un rayogramme de Man Ray et de photographies de Lisette  Model et Alfred Stieglitz, nous avons une série de clichés du français Eugène  Atget, dont la totalité de l’atelier (8500 pièces) fut rachetée par une  photographe américaine qui, plus tard, en fit don au musée. On voit également  dans cette salle des affiches soviétiques et catalanes montrant, là aussi, la grande  diversité du musée dans ses acquisitions. 
  À partir de cette époque, le MoMA  se penche davantage vers les artistes américains. La troisième salle est  justement consacrée aux Expressionnistes abstraits américains tels que Pollock,  Rothko, Newman et de Kooning dont on voit quelques-uns de leurs chefs d’œuvre.  On passe ensuite devant un mural de Sol LeWitt, Wall Drawing #260, pour faire connaissance avec les séries et les  structures minimales d’artistes tels que Carl Andre, Frank Stella, Ellsworth  Kelly, etc. pour entrer dans la salle consacrée au Pop Art, entré tardivement  au MoMA. Pour la première fois en France, on peut voir la série complète des 32 Boîtes de soupe Campbell d’Andy  Warhol à côté du Double Elvis et de  quelques Screen Tests du même  artiste, des toiles de Roy Lichtenstein et Jasper Johns, la légendaire Fender Stratocaster Electric Guitar et  des photographies, y compris prises par des anonymes !
                L’accès au premier niveau se fait  en passant devant le fameux papier peint de General Idea, Aids qui ouvre sur une salle consacrée à « L’art en  action » où sont représentés des artistes qui jouent avec des matériaux  pauvres ou insolites, comme celui du Costume  en feutre de Joseph Beuys ou celui de l’installation de Felix  Gonzalez-Torres, Sans titre (USA Today),  constituée de milliers de bonbons. Vient ensuite « Images et  identités : USA 1975-2000 », qui fait écho aux prises de position des  artistes après la guerre du Vietnam et pendant les « guerres  culturelles » qui caractérisent ces décennies. Parmi les artistes  représentés ici, nous pouvons citer Jeff Wall, Philip Guston, George Brecht ou  encore Lynn Hershman Leeson, qui s’invente un alter ego de fiction, Roberta Breitmore. 
                Au dernier étage, nous avons des  œuvres issues des nouvelles technologies, numériques en particulier, et d’autres  réalisées par des artistes provenant « d’autres horizons » tels les  noirs-américains. Chacune des trois dernières salles est dédiée à un artiste  contemporain. Avec Measuring the Universe,  Roman Ondak recueille la taille des visiteurs, inscrite avec leur prénom par un  performeur sur le mur du musée. La vidéo de Ian Cheng raconte une histoire  générée par un algorithme. Enfin l’installation de Janet Cardiff nous permet  d’écouter séparément ou en totalité, selon l’endroit où l’on se place, chacune  des voix du Motet à quarante voix de Thomas Tallis (XVIe siècle). Une belle  exposition, bien présentée, avec des explications lisibles et très complètes  sur les objets exposés. R.P. Fondation  Louis Vuitton 16e. Jusqu’au 5 mars 2018. Lien : www.fondationlouisvuitton.fr.