Parcours en images et en vidéos de l'exposition

CHRISTIAN LOUBOUTIN L'EXHIBITION[NISTE]

avec des visuels mis à la disposition de la presse,
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°501 du 15 avril 2020




Deuxième partie de l'exposition : Un musée imaginaire

 

11 - UN MUSEE IMAGINAIRE

Scénographie indiquant la direction du Musée imaginaire

Le « musée imaginaire » a été conçu comme un hommage aux artistes et aux œuvres qui n'ont cessé d'accompagner Christian Louboutin depuis son adolescence. Volontairement détachée de ses propres créations, cette déambulation rappelle combien le Palais de la Porte Dorée a agi sur lui comme un lieu de mémoire et d'inspiration, quand il était encore Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie, lieu des premières émotions esthétiques, déclencheur des voyages à venir. Curieux et sensible à toutes les cultures, sans hiérarchie ni distinction, Christian Louboutin aime l'éclectisme, celui qui façonne son travail depuis près de trente ans : on retrouve ici des moments de mode, le prisme de la peinture, les figures iconiques de son panthéon personnel et amical, la culture queer, l'art du Gandhara, l'art africain contemporain, la photographie, et une brassée d'objets d'art, croix précieuses, couronne royale du Bhoutan, céramique de Wedgwood, joyaux, art populaire, céramiques vernaculaires, des coquillages et des plumes. De ce musée de partis pris, Christian Louboutin donne les clés, commentant chaque œuvre choisie, comme si les inspirations devenaient ainsi de nouveaux points de départ.

 

DAMIEN HIRST
À l'école en France, on étudie au même moment les trois grandes civilisations : romaine, grecque et égyptienne. Les enfants qui aiment les machines, la guerre, l'ordre, le sport, le combat, les jeux : c’est Rome qu'ils préfèrent. Les enfants plus littéraires, intéressés par la loi, la politique, la poésie, le théâtre, la philosophie : c'est la Grèce. Et les enfants qui aiment le dessin, l'imaginaire, les mystères, les mythes, les chimères : c'est l'Égypte. Dans mon cas, c’était l'Égypte. J'ai adoré l'exposition de Damien Hirst « Treasures from the Wreck of the Unbelievable », à Venise, en 2017 : une fiction artistique racontée avec les moyens d'une superproduction hollywoodienne. Cette exposition, dans le fond, était un nouveau chapitre de l'égyptomanie.

Texte du panneau didactique
 
Damien Hirst. Tadukheba, 2011. Marbre de Carrare. Collection particulière.
Scénographie
 

La Vague perpétuelle (circa 1980) a été popularisée par Jean Jacques Beineix dans le film Diva (1981) comme clin d'œil à la Nouvelle Vague cinématographique. On retrouve cette sculpture dans un certain nombre de plans.

Anonyme. Lampe « Pigna » blanche, 20e siècle. Céramique. Collection particulière.
 
- Bernard Faucon. A quoi ça ressemble la fin du désir ? Série « Les écritures ». 1991/92 - Tirage 2019. Tirage photographique. Collection particulière.
- Vague perpétuelle, vers 1980.

- Carl Cauer. Foot of a dancer, 1856. Marbre. Collection Ömer Koç.
- Anonyme. Lot de céramiques d'Iznik, 16e - 20e siècle. Céramique peinte. Collection Ömer Koç.

 

ÖMER KOÇ
Cette œuvre appartient à mon ami Turc Ömer Koç qui est pour moi l'exemple parfait de l'esthète accompli. Chez l'esthète, tout procède du même univers, du même raffinement, on sent une continuité, une coloration. Dans l'idée que je me fais de l'esthète, il y a une forme d‘obsession, non pas sur une chose en particulier, mais sur tout ce qui fait partie de la vie. C’est la différence avec une personne qui aurait uniquement du goût, ou qui nourrit une passion pour un domaine précis, sans se mêler du reste. Les maisons, les collections et l'art de vivre d’Ömer sont un ravissement.

 

 

ROMUALD HAZOUMÈ
L’art international reste encore dominé par un regard très européen, très waspy : on peut trouver intéressante et exotique une sculpture africaine mais on refusera toujours de lui accorder la même importance qu’une œuvre européenne ou nord-américaine. Ce regard est condescendant et teinté des restes de I'héritage colonialiste. La collection de Jean Pigozzi, grâce notamment au travail du galeriste André Magnin, va à l'encontre de l'ordre établi  et remet à leur juste place des artistes extraordinaires comme Romuald Hazoumè qui revisite l'histoire de la sculpture africaine avec ses masques imaginés et fabriqués à partir de morceaux du quotidien, débris, plastiques, plumes.

Défilé YSL et Claude Lalanne, 1969.
 
Romuald Hazoumè. Tobago, 2019. Bidon en plastique, plumes, fils de cuivre. Collection particulière.
Scénographie avec, à gauche, Indiens Tapirapé, Brésil. Masque Cara Grande, 19e - 20e siècles.
Plumes, bois, fibres végétales, nacre d’eau douce et coton tressé.
Collection particulière.
- Oscar Niemeyer. Banc « Marquesa », 1974. Bois laqué noir et cannage. Collection particulière.
- Sabyasachi Mukherjee. Charbagh. Collection Bridal Hiver 2019. Broderie zardosi sur velours. Calcutta (Inde). Sabyasachi Couture.

- La couronne de sa majesté la reine Jetsun Pema du Bhoutan, 2019. Techniques traditionnelles bhoutanaises, reproduction à l’identique de l’original. Prêt exceptionnel du Royaume du Bhoutan.
- Couronne de théâtre ? Fin du 18e et début du 19e. Angleterre : Intailles de Charles Brown (1749-1795), moulée en verre. Porcelaine dure nouvelle, or.
- Elkington & Cie. Couronne reliquaire dite « Couronne de Liège », circa 1888. Reproduction galvanoplastique en cuivre doré, argenté, avec un décor en résine teintée de la couronne offerte par Saint-Louis aux Dominicains de liège en 1270 (aujourd’hui conservée au musée du Louvre). Paris, Musée des Arts Décoratifs.

 

COURONNES
La couronne, c'est finalement un soleil dont les rayons ont été relevés : la tête et le cerveau deviennent un centre lumineux adorné par une sorte de cercle astral. J'apprécie les formes qui reposent sur une explication symbolique simple. Par extension, j'aime les tiares, les turbans, les diadèmes, les fez, le croissant de Diane, les chignons ornés, presque tous les ornements de tête.

 

 

Anne et Patrick Poirier. Ruines d’Égypte (éléments du surtout), 1980-2005.
Porcelaine dure nouvelle, or. Sèvres, Manufacture et Musées nationaux.

 

RUINES
L’égyptomanie, c’est la façon dont chacun peut fantasmer l'Égypte et c'est inépuisable. J’aime l'Égypte, et du coup, assez naturellement, j'aime aussi l'égyptomanie. Ce surtout imaginé par Anne et Patrick Poirier et réalisé par la manufacture de Sèvres est un clin d'œil à celui dessiné  par Vivant Denon, le premier directeur du Louvre, pour Napoléon au début du XIX° siècle. J’aime la beauté de ce paysage de ruines, comme une promenade, celle qui me porte souvent sur le site des colosses de Memnon au pied de la montagne thébaine.

 

 

 


Janine Janet. Le Roi, 1959. Bois et métal. Paris, Musée des Arts Décoratifs.

 

 
Tête auréolée de Bodhisattva. Gandhara (actuel Pakistan), 1er – 3e siècle. Schiste gris bleu. Collection particulière.

JANICE JANET
Janine Janet a conçu beaucoup de vitrines pour Balenciaga dans les années 1950, dont cette sculpture, le Roi. C'est elle qui a dessiné les costumes et les décors du Testament d'Orphée de Jean Cocteau. Janine Janet a réalisé beaucoup d'objets dans le domaine de la rocaille, avec des coquillages et des minéraux. Comme chez Line Vautrin, son travail dépasse la frontière qui délimite l'art de l'artisanat. Janine Janet est une artiste et elle est aussi un artisan. Il y a plein d’artisans qui ne sont pas des artistes, plein d'artistes qui ne sont pas artisans et elle, j‘estime qu’elle est les deux à la fois.

 

ART DU GANDHARA
L'art du Gandhara résulte du métissage de I’art grec et de l'art indo-bouddhiste, ce qui donne une statuaire très singulière, de sangs mêlés dans la pierre : c’est un peu comme si un Grec et une Afghane s‘étaient mariés et avaient eu des enfants, dans les visages desquels se seraient lues leurs origines mélangées. J'aime les croisements de civilisations, ou chacun apporte à l'autre le meilleur de soi, ou bien un rêve de l'autre. Ce qui m’intéresse, dans cette statuaire extraordinaire, c’est aussi la part de féminité qui s’invite dans une esthétique très masculine.

 

- Indiens Hopi, Arizona, USA. Masque « Lacoué Mana », circa 1890. Bois, plumes, pigments, fils de laine. Collection particulière.
- Indiens Zuni, Nouveau Mexique, USA. Masque serpent à sonnette, circa 1920-1930. Bois, plumes, fils de laine.
Collection particulière.
- Indiens Acoma, Nouveau Mexique, USA. Masque oiseau, circa 1890. Bois, plumes et matériaux divers.
Collection particulière.

 

POUPÉES KACHINAS ET ZUNIS, MASQUES HOPIS
Les poupées Kachina et zunis me fascinent ainsi que les masques hopis de racine indo-américaine. Je ne sais pas trop pourquoi. Moi qui prise les lignes courbes, ici il y en a peu, mais j'aime la rigueur géométrique de ces objets, la construction graphique soulignée par les couleurs, les visages découpés, les yeux en forme de rectangles.

 

 

 
Pierre Molinier. L'Enfant-Homme. Planche 38 du Chaman et ses créatures. Photomontage, circa 1969. Tirage argentique d'époque sur Agfa doux. Collection particulière.
 
Pierre Molinier. Les Bottes. Planche 14 du Chaman et ses créatures. Photomontage, 1968. Tirage argentique d'époque sur Agfa doux. Collection particulière.
 
PIERRE MOLINIER
On dit souvent que le fond est plus important que la forme. Je ne suis pas toujours d’accord avec cette affirmation. Chez Molinier, le fond est au service de la forme, son travail est ornemental. J’adore son écriture, ces kaléidoscopes calligraphiques qu’il confectionne. Molinier se photographiait lui-même et réalisait des collages de ses différentes poses. C’est par lui qu’il veut être vu et regardé : la première personne à qui il a envie de plaire complétement, et qu'il ne veut pas décevoir, c'est lui-même.
Pierre Molinier. Je rampe vers Gehamman. Planche 25 du Chaman et ses créatures. Photomontage, 1968. Tirage argentique d'époque sur Agfa doux. Collection particulière.
 
Scénographie
 

 

Helmut Newton. Big Nude Paris - Big Nude V, 1980 - tirage 1992. Tirage gélatino-argentique contrecollé sur aluminium. Paris, Collection Maison Européenne de la Photographie.

 

 
Allen Jones. Smokescreen, 1997. Huile sur toile. Propriété de l’artiste.

HELMUT NEWTON
Helmut Newton, c'est le corps féminin sublimé, dont émane le sentiment de pouvoir. Newton n‘est pas quelqu’un qui voit le corps féminin comme un corps lascif ou comme un corps-objet, mais bien plutôt comme un corps dominant. Le soulier est très important dans son oeuvre et personne n'a fait autant de nus avec des souliers qu'Helmut Newton, montrant par là qu’une femme paraît encore plus nue lorsqu'elle porte des souliers, chose qui évidemment me parle.

ALLEN JONES
Quand on pense au travail d'Allen Jones, ce sont le plus souvent ses meubles composés de corps féminins, hyper réalistes, qui viennent à l'esprit, de véritables sculptures érotiques. Pour tout dire c'est son travail graphique et pictural que je préfère, avec ses tonalités très Pop, son sens de la courbe, et cette manière unique qui est la sienne de donner de la tension sensuelle, du sex appeal, aux jambes qu'il peint. Tout l'élan de ce tableau se trouve dans la continuité du soulier et du talon, le côté vibrant, dans une explosion de couleurs. Alors évidemment ça me parle.

 

 

 

- Anonyme. Vase en forme de tête de femme, non daté. Céramique caltagirone. Collection particulière.
– Anonyme. Chandelier. Mexique, 20e siècle. Céramique.
Collection particulière.
– Anonyme. Vase en forme de tête d’homme, non daté. Céramique caltagirone.
Collection particulière.

 

CÉRAMIQUE POPULAIRE
Dans l'artisanat populaire, même quand il y a des particularités stylistiques fortes qui indiquent l'existence d’un auteur, l'individu s‘efface derrière la création : généralement les objets ne sont pas signés, comme s’ils appartenaient avant tout à une culture, à une communauté. Ce goût communautaire, universel presque, et cette générosité à abandonner l'individualisme, c’est une chose que je trouve noble et émouvante.

 

 

- Roger Vivier pour Christian Dior. Escarpin, 1955. Tulle or, broderie de fils cuivrés, strass et cabochons. Paris, Musée des Arts Décoratifs.
– Pierre Hardy. Sandales. Collection Automne - Hiver 2015. Veau velours. Paris, Musée des Arts Décoratifs.

 

ROGER VIVIER
Roger Vivier est le plus grand dessinateur de souliers de tous les temps, capable de faire des pièces extrêmement simples, avec des lignes très pures, aussi bien que des modèles très alambiqués : il a été un maître sur les deux tableaux. En 1987, je me suis occupé de l'exposition Roger Vivier au musée des Arts décoratifs. J’ai beaucoup appris à son contact. C'est lui qui m'a transmis l'importance de la forme dans la conception du soulier.

 

 

PIERRE HARDY
À mes yeux, Pierre Hardy est le personne la plus intéressante aujourd'hui dans son approche du soulier, C’est très architectural, avec des références au Bauhaus et au design, par moments on croirait aussi des collages constructivistes. Grâce à son travail sur les lignes droites et les couleurs, certains de ses souliers sont de véritables sculptures.

- Line Vautrin. Miroir « Papyrus », circa 1960. Talosel et incrustations de miroir. (Les reflets dans la glace sont ceux des esquisses de Christian Louboutin accrochées en face). Collection particulière.
- Pyrites à deux cubes, non daté. Gisement de Navajún, province de la Rioja, Espagne.
Collection particulière.

 

LINE VAUTRIN
Les objets de Line Vautrin naviguent entre les arts décoratifs, la mode, les bijoux, l'artisanat, l'art, la sculpture. J’ai toujours adoré les personnalités dont les œuvres ont une ombre portée sur d'autres domaines que le seul cœur de leur travail. C'est le propre de l'esthète. Chez Line Vautrin, ce que j'aime, c'est la récupération de matériaux ordinaires pour créer des objets luxueux. Elle a inventé une matière qui est devenue son identité esthétique : le Talosel, que l'on retrouve dans les pièces ici exposées.

 

 

CRISTAUX ET GEMMES
J’aime quand on a le sentiment d'une fabrication. Qu'il s'agisse d'une personne, d'une œuvre ou d'un objet, ce qui est intéressant, c'est de percevoir une personnalité, un goût, une folie. C'est pour cela que j'aime les gemmes et les minéraux, parce qu'on a souvent l'impression d'une constellation, d'une installation, d'un micromonde. Comme si un génie complétement fou était intervenu pour les créer, les inventer.

 
ART PRÉCOLOMBIEN
J'ai toujours adoré tout ce qui est aztèque, précolombien, olmèque, toltèque. Cela me vient de ma lecture, enfant, de deux albums de Tintin, L ‘Oreille cassée et Les Sept Boules de cristal : c‘est par Tintin que j'ai commencé à voyager et à avoir envie de découvrir d'autres cultures. À l'inverse de la sculpture grecque, romaine ou même bouddhique, on trouve dans l'art précolombien une dimension presque minimaliste, abstraite et ludique qui m‘enchante.

 

Anonyme. Guerrier aztèque, porte-étendard, circa 1500. Mexique. Pierre volcanique. Collection particulière.
 
Line Vautrin. Pyrite à deux cubes.
Christian Louboutin. Ensemble de dessins, 1991-2019. Techniques variées. Archives Maison Christian Louboutin.

ESQUISSES
Par un principe défini pendant la conception de l'exposition, le « Musée Imaginaire » ne contient aucun soulier signé de Christian Louboutin : l'idée première a été d'y éviter le dialogue réducteur et littéral dans lequel les œuvres d'art se retrouvent trop souvent convoquées pour servir d'illustrations ou de faire-valoir à des créations de mode. Si les souliers ne sont pas ici exposés, une série de croquis de la main de Christian Louboutin vient cependant rappeler combien la mémoire de l'art, et jamais sa reprise directe, la manière dont l'imagination s'en saisit et la transforme, inspire un travail graphique libre, où le dessin donne à voir ce qui se passe durant la conception des modèles et d'une collection, quelquefois sans finalité ni aboutissement, et comment l'esquisse capture la flânerie de l'esprit, recrée une vision, fait naître un modèle, au-delà du plaisir tangible et réel de dessiner.

 

 
Attribué à François Quesnel. Portrait de Louis de Beauvau à l’âge de 29 ans, circa 1598. Huile sur toile. Collection particulière.

 

 
Gogote de Fontainebleau. Période oligocène (-34 à -23 Ma). Concrétion gréseuse. Collection particulière.

PORTRAIT DE LOUIS DE BEAUVAU
Ce qui fait la beauté de ces jambes, c’est bien sûr la finesse des membres mais aussi que cet homme porte un soulier qui est exactement de la couleur de ses bas, comme si ils étaient sa peau : la proportion de la jambe va jusqu’au bout du soulier. Cet effet est précisément celui recherché par les Nudes, ces souliers que je fais dans différentes couleurs de peau, de brun foncé à rose pâle. Le soulier de la couleur de la peau est un soulier qui conserve la nudité, qui n'habille pas mais au contraire continue de déshabiller la jambe.

 

COQUILLAGES
La représentation du coquillage est ancienne et omniprésente. Je ne crois pas qu'il y ait d'éléments de la nature qui n‘aient été autant célébrés, sous des formes aussi nombreuses et variées. Ce motif revient à toutes les époques et partout dans le monde, y compris dans les pays où les civilisations loin de la mer, au Bhoutan par exemple, ou l'on trouve des coquilles sur des sceptres et sur des instruments de musique.

- Croix, 19e siècle, Éthiopie. Laiton. Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac.
- Croix de Bénédiction. Époque byzantine (395-641). Bronze. Paris, Musée du Louvre. Département des Antiquités égyptiennes.
- Anonyme. Appliques décoratives de sépulture à char. La Garenne Colombes, Hauts-de-Seine « Sablière Hubert », 6e siècle av. J.-C. Musée d’Archéologie nationale - Domaine de Saint-Germain-en-Laye.
- Croix pectorale : Bras ornés d’une tête. Italie, quatrième quart du 6e siècle. Or. Paris, Musée de Cluny. Musée national du Moyen Âge.

 

CROIX
En architecture il y a les formes pures, élémentaires, comme le triangle, le carré, le rectangle, le losange, le cercle ou encore l'ellipse. Et juste après, je citerais la croix : la croix est la première forme non géométrique qui soit une forme pure. J‘ai toujours adoré les croix. La seule chose que j’ai demandé de garder de ma mère est la croix creuse quelle portait.

 

 

 
Andy Warhol. Flowers, 1964. Acrylique et encre sérigraphique sur toile. Lugano, collection particulière.
 
Victoire de Castellane. Lunae Lumen Satine Mummy Blue, 2013. Or jaune et blanc, platine, émeraude, diamants, laque de couleur, socle en argent. Victoire de Castellane, créatrice de joaillerie.

 

ANDY WARHOL
Quand j‘ai dessiné mon soulier Pensée, je pensais aux Flowers de Warhol. Je ne me suis référé à aucun document, aucun livre, j'avais ce tableau en tête et j’ai essayé de le citer de mémoire dans mon dessin. Après l’avoir terminé, je me suis rendu compte que ça n’avait rien a voir. Mais comme je me référais malgré tout à Warhol, j'ai immédiatement pensé à décliner ce soulier dans différentes couleurs. C'est la seule fois que je l’ai fait dans mon travail et c’est ce qui m’a amené à l'idée de la semelle de couleur : la seule façon de retrouver la force du dessin originel dans le soulier fini était de remplacer le noir de la semelle par une couleur, en l'occurrence celle du vernis à ongles rouge de mon assistante de l'époque.

 

VICTOIRE DE CASTELLANE
Victoire de Castellane pourrait prétendre au titre de Trésor national vivant : elle est l'un des plus grands joailliers de l'Histoire. Son travail est très personnel et singulier, flamboyant, non dénué d’humour ou de fantaisie, mais il témoigne aussi d’une culture historique du bijou français, d’un œil français, d’un savoir-faire spécifiquement français. Je pourrais tout à fait comprendre qu’une personne donne tout ce qu'elle possède pour acquérir l'un de ses bijoux. Elle incarne vraiment l'idée du trésor.

 
Clovis Trouille. La Voyeuse, 1960. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Paradisier Grand-Émeraude (paradisaea apoda), non daté. Oiseau naturalisé. Collection particulière.

 

CLOVIS TROUILLE
Il y a chez Clovis Trouille quelque chose d’un peu immature, fantasque et irrévérencieux qui me plaît, à la frontière entre l'enfance et l'âge adulte, entre la peinture et ce qui pourrait paraître relever de la bande dessinée. Ils sont rares les artistes qui ont la faculté d’être perçus par les enfants comme faisant partie de leur monde, alors qu’ils ne sont pas des artistes qui s‘adressent exclusivement aux enfants, ce qui est le cas de Clovis Trouille. C’est pour moi une grande qualité.

 

PLUMES
J’ai toujours associé les plumes aux oiseaux, mais aussi aux danseuses de music-hall et de revues de cabaret. Enfant, quand je voyais des danseuses sur scène, je les voyais comme des oiseaux. Pour moi, il n’y avait pas de costumes. De manière naturelle et physique, à mes yeux, les plumes c’étaient les oiseaux, mais c’étaient aussi des danseuses. La seule chose qu’elles avaient et que n’avaient pas les oiseaux, c’étaient les souliers. C’est pour cette raison que je me suis intéressé aux souliers et que j’ai d’abord voulu en dessiner pour les danseuses.

 

 

- Imran Qureshi. Monologue, 2019. Gouache sur papier. Collection particulière.
- Imran Qureshi. Monologue, 2019. Gouache sur papier. Collection Thaddaeus Ropac, London - Paris - Salzburg.

 

IMRAN QURESHI
Ce que j’apprécie, avec les miniatures, c’est qu'on doit s'approcher pour les regarder, on peut entrer à l'intérieur, on ne reste pas spectateur d’un panorama. J’adore la délicatesse du travail d’Imran Qureshi. Quand il peint des situations violentes, il le fait avec douceur, ce qui me touche beaucoup. La violence dans la douceur, la douceur dans la violence, ce mélange, c'est quelque chose qui m’intéresse. Je n’aime pas les œuvres violentes de leur seule violence. Dans la démarche sur talon haut, il y a une douceur, une sensualité, mais il y a aussi comme une prise de pouvoir, une affirmation, les deux peuvent parfois s‘opposer.

 

 

 
Pierre et Gilles. La Madone voilée (Farida Khelfa), 2018. Photographie imprimée par jet d’encre sur toile et peinte. Collection particulière.
 
James Bidgood. Le Matador, début des années 1960. Impression numérique à partir d’un négatif. Collection particulière.

 

PIERRE ET GILLES
Très souvent, l'œuvre de Pierre et Gilles joue des modèles comme des icônes aux yeux grands ouverts, comme à travers le regard d'un enfant. Ils ont été des précurseurs en ceci qu'ils ont très tôt épuré, lissé les visages de leurs modèles, pour les rendre encore plus beaux. Ils veulent toujours embellir pour enchanter. Leur travail se nourrit de gentillesse et de sourire. Ils ont perpétué dans le domaine de l'art, le genre populaire du portrait, voir du poster de célébrité, mais combiné à l'idée du sacré, de la religion, de l'adoration païenne et du culte rendu à une divinité.

 

JAMES BIDGOOD
James Bidgood est l’auteur d’un film culte et fondateur dans la communauté homosexuelle : Pink Narcissus. Bidgood n’en ayant pas revendiqué la paternité pendant de longues années, son film a été tour à tour attribué à Paul Morrissey, Kenneth Anger et Andy Warhol. Comme il était anonyme, beaucoup d’artistes se sont inspirés de son esthétique et de son iconographie fortement identitaires, comme si elles étaient un bien commun du milieu gay, alors qu’elles avaient été entièrement inventées par Bidgood. Après de multiples péripéties, il a fini par s'en déclarer l’auteur et c'est ainsi qu’il a réapparu comme artiste majeur.

 

Eyvind Earle. Desert Monument, 1993. Huile sur panneau. Collection particulière.

EYVIND EARLE
Eyvind Earle a signé les décors des films de Disney des années 50. Peter Pan, La Belle et le Clochard, La Belle au bois dormant, c'est sa patte, c'est son dessin. L'œil ne sait pas toujours, quand il tombe sur une œuvre d’Eyvind Earle, s'il est devant une peinture ou dans un univers féerique provenant des dessins animés qu'il a imaginés. Comme son écriture visuelle vient d'un autre monde que celui de le peinture traditionnelle, quand on regarde ses œuvres c'est comme si le cerveau se mettait en marche avec des souvenirs inconscients. Il y a une impression de déjà-vu, un impact, qui doivent venir des zones profondes de la mémoire, des réminiscences de l'enfance.

 

 
Bodys Isek Kingelez. Mongolique soviétique, 1989. Carton, polystyrène, plastique et divers matériaux. Genève, CAAC. Collection Pigozzi.

 

 
Soulier de Mae West, circa 1930. Cuir et liège. Collection particulière.

BODYS ISEK KINGELEZ
L‘art international reste encore dominé par un regard très européen, très waspy : on peut trouver intéressante et exotique une sculpture africaine mais on refusera toujours de lui accorder la même importance qu‘une œuvre européenne ou nord-américaine. Ce regard est condescendant et teinté des restes de l'héritage colonialiste. La collection de Jean Pigozzi, grâce notamment au travail du galeriste André Magnin, va à l'encontre de l'ordre établi et remet à leur juste place des artistes extraordinaires comme Bodys Isek Kingelez et ses architectures exceptionnelles, entre utopie d’un autre monde, poésie d’une totale liberté et le rêve de cités improbables.

 

MAE WEST
J’ai toujours eu une véritable passion pour Mae West. Tout le côté théâtral et frondeur de Mae West est présent dans ce soulier, ainsi que son rapport à l'illusion. Comme elle était toute petite et qu'elle portait toujours des robes longues, elle faisait ajouter des plateaux très épais sous ses souliers. À la fin de sa vie, des roulettes fixées sur ces plateaux lui permettaient de rouler tout en marchant. Parmi les démarches les plus importantes de l'Histoire du cinéma, il y a celle de Marylin, la plus belle de toutes, et ensuite celle de Mae West : il me suffit de la regarder marcher pour être heureux.

 

David Rochline. Fresque pour un projet d’aquarium, 2013. Technique mixte. Collection particulière.
(Voir ci-dessous détails de la fresque)

DAVID ROCHLINE
David Rochline réalisait des fresques qui, pour lui, étaient comme un studio à Hollywood. Il se sentait comme Josef Von Sternberg sur le tournage d'un film, il dirigeait Marlène au milieu d'une armée de figurants et de techniciens. Il ne fonctionnait qu’aux obsessions et, toute sa vie, il a été obsédé par Marlène. Il connaissait tout sur Marlène. Toutes les femmes des tableaux de David étaient « marlènisées » : leurs visages reprenaient les yeux de Marlène et leur corps les courbes de Marlène. Et moi aussi, j'adore Marlène.

 

David Rochline. Fresque pour un projet d’aquarium, 2013, détail.
David Rochline. Fresque pour un projet d’aquarium, 2013, détail.
David Rochline. Fresque pour un projet d’aquarium, 2013, détail.
David Rochline. Fresque pour un projet d’aquarium, 2013, détail.
 
Bertozzi et Casoni. Buste. Matériaux divers.
 
Malene Hartmann Rasmussen. My Inner Beast, 1, 2017. Céramique Collection Ömer Koç.

 

BERTOZZI ET CASONI
J’aime la capacité des meilleurs artistes et artisans à dépasser la maîtrise parfaite de leur art et de leur savoir-faire. Ce buste en est un exemple, une œuvre à la manière d’Arcimboldo où dialoguent la céramique, les éléments de métal, des bouts de plastique. Il faut beaucoup de talent pour se jouer des codes et des illusions. Duo de céramistes italiens formés à Faenza, Bertozzi et Casoni me séduisent pour cette raison.

 

ÖMER KOÇ
Cette œuvre appartient à mon ami Turc Ömer Koç qui est pour moi l'exemple parfait de l'esthète accompli. Chez l'esthète, tout procède du même univers, du même raffinement, on sent une continuité, une coloration. Dans l'idée que je me fais de l'esthète, il y a une forme d‘obsession, non pas sur une chose en particulier, mais sur tout ce qui fait partie de la vie. C’est la différence avec une personne qui aurait uniquement du goût, ou qui nourrit une passion pour un domaine précis, sans se mêler du reste. Les maisons, les collections et l'art de vivre d’Ömer sont un ravissement.

 

Poupées Kachina et zunis.

POUPÉES KACHINAS ET ZUNIS - MASQUES HOPlS
Les poupées Kachina et zunis me fascinent ainsi que les masques hopis de racine indo-américaine. Je ne sais pas trop pourquoi. Moi qui prise les lignes courbes, ici il y en a peu, mais j’aime la rigueur géométrique de ces objets, la construction graphique soulignée par les couleurs, les visages découpés, les yeux en forme de rectangles.

 

 
René Buthaud. Vase « Nus aux gazelles ». Circa 1930. Terre cuite émaillée. Collection particulière.
 
Richard Avedon. Bouglione avec un boa, 1955. Tirage argentique. Collection Passebon.

 

VASE DE LA PORTE DORÉE
Je suis tombé un jour sur une photographie de ce vase dans le catalogue d‘une vente à Drouot. II m‘a tout de suite sauté aux yeux, car, pour le réaliser, le grand céramiste Art Déco René Buthaud s‘était inspiré du style de la façade du Palais de la Porte Dorée. Tout à coup, beaucoup de souvenirs me sont revenus, car enfant j'habitais à proximité de ce bâtiment, qui abritait alors le Musée des Arts africains et océaniens, où j‘allais souvent me promener. Mon goût des objets provient de ces fréquentes visites. Et ma vocation est un peu née dans ces murs : j‘étais fasciné par un écriteau sur lequel était dessiné un escarpin à talons aiguilles barré d‘un trait rouge.

 

CIRQUE
Ce portrait d’Émilien Bouglione me captive. Il pose, il regarde bien le photographe, mais on sent dans toute sa présence la vie du cirque : la concentration, le voyage, l'isolement, la musique, les numéros qui s‘enchaînent, la famille, le bâton de la tradition. J'adore le cirque depuis l'enfance, pour les couleurs, les plumes, les costumes, les brandebourgs, les animaux, les chapiteaux, les pistes, les cerceaux et surtout les trapézistes, le côté « on n’a peur de rien », la légèreté dans le péril.

- Manufacture de Wedgwood. Ensemble de médaillons, 2020. Céramique. Commande réalisée pour l’exposition.
- Josiah Wedgwood and Sons (manufacture), William Hackwood (dessin). Médaillon, circa 1787, Etruria. Céramique.
Londres, Victoria and Albert Museum.
- Manufacture Ltd Wedgwood & Sons. Service à thé, 1785-1790. Grès fin.
Paris, Musée des Arts Décoratifs.

MÉDAILLON DE WEDGWOOD
La famille Wedgwood était très engagée en faveur de l’abolition de l'esclavage. Lorsqu’elle vendait des porcelaines, elle offrait à sa clientèle ce médaillon pour dénoncer l’esclavagisme : c’est à ma connaissance le premier pin’s de histoire. Une idée reçue voudrait que les personnes s’intéressant aux arts décoratifs seraient nécessairement superficielles et élitistes, indifférentes à la marche du monde, ou opportunistes. C‘est naturellement absurde et ce médaillon produit par Josiah Wedgwood dès 1787 en fournit une preuve supplémentaire.

 

Jean-Noël Lavesvre. Ensemble de sculptures, 2016-2019. Terre cuite. Collection particulière et collection de l’artiste.

JEAN-NOËL LAVESVRE
Une des choses qui me fascinent le plus dans le travail de certains artistes, c’est le côté sexy, désirable, qu’ils parviennent à donner à leurs œuvres, quand, à travers un dessin, une œuvre, on perçoit une sensualité. Pour moi, Jean-Noël Lavesvre a une patte incroyablement sexy et sensuelle. C’est assez rare : on l'a ou on ne l'a pas, on ne peut pas apprendre à avoir un travail sexy, c’est, je pense, la chose la plus difficile à acquérir, c’est de l'ordre du très mystérieux où se loge le sexy.

 

 

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