VOYAGE, VOYAGES
Article
publié dans la Lettre n° 346
du
19 novembre 2012
VOYAGE, VOYAGES d’après le roman de
Laurent Graff. Mise en scène Panchika Vélez avec Fred Bianconi.
L’homme sans qualités, dans un voyage autour de sa chambre. Patrick,
quadragénaire, mène une terne existence de croupier de casino, dans
la ville classée la plus sinistre de France. Pascal, son
méridional de voisin, pour qui vivre c’est boire, est exubérant
et envahissant. Pas de femmes autres qu’occasionnelles, une jeune
serveuse thaïlandaise qui accepte passivement l’inventaire anatomique
de la sexualité, l’habituée de casino, finissante et esseulée. Dans
cet univers domestique et social sans nulle grâce, tout en grisaille
et dépouillement, seuls détonent la valise rouge, porteuse des espoirs
du Voyage définitif, et le lustre en mappemonde colorée. Quatre
décennies s’égrènent dans la mastication incessante des rêves avortés,
dans une solitude étriquée, même pas insupportable. Rien ne l’atteint
vraiment, Patrick, quelque vague nostalgie de sa Thaïlandaise partie
sans sillage, son déménagement contraint. La bougie pourrait s’éteindre
sans qu’on y prête garde. Il se voyait comme le médecin légiste
de sa propre dissection, sûrement pas lunaire. Et pourtant, la Lune
est si proche finalement…
Fred Bianconi, dans un espace scénique à l’aune de cette absence
de tout envol, habite un personnage déconcertant de banalité, tant
étriqué qu’inquiétant, d’une médiocrité qu’on penserait au bord
de l’explosion, paradoxalement sans émotion dans la constance de
ses fantasmes. Et le rire qu’il suscite par moments est d’autant
plus dérangeant qu’il va puiser au tréfonds de nos échappées avortées.
Une efficace leçon de la vie à laquelle nous croyons échapper. Voire…
La Manufacture des Abbesses 18e. A.D.
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