VOUS AVEZ QUEL AGE ?
Article
publié dans la Lettre n° 309
« VOUS AVEZ QUEL ÂGE ? » de Françoise
Dorin. Mise en scène Stéphane Hillel avec Jean Piat.
Le bureau est élégant, à l’image de l’homme qui l’occupe. Il est
au téléphone avec madame la ministre de la Santé, de la Jeunesse
et des Sports qui a lu partiellement la conférence qu’il vient de
donner salle Gaveau. Au cours de cette conférence sur l’avenir
de l’humanité face à l’allongement de la durée de la vie, sujet
de société qu’on lui avait demandé de traiter le plus humoristiquement
possible, Il avait alors suggéré avec le plus grand sérieux de créer
un ministère de la Vieillesse et de son Sort qui n’aurait
rien à envier à son homologue. Grisé par l’effet positif que cette
boutade, seulement destinée à faire rire, avait produit sur le public,
public de la salle Gaveau s’entend, il avait ajouté un peu légèrement
qu’il en assumerait les responsabilités. Madame la ministre, enthousiasmée
par cette idée séduisante, vient de le prendre au mot. Comédien
de renom, il avait accepté de jouer les conférenciers mais de là
à devenir ministre de la Vieillesse et de son Sort, tout de même,
le pas est grand !
Tout à ce coup de fil et à cette proposition à laquelle il lui faudra
répondre dans les plus brefs délais, il se rend compte subitement
que le rideau est levé et que son public attend. Il le prie de l’excuser
mais le prend à témoin. Il est vrai que, de nos jours, l’âge recule
et que le nombre des centenaires augmente chaque année ! L’âge,
le grand mot est lâché, tout comme l’interrogation : « Vous avez
quel âge ? », question dérangeante que l’on peut poser d’innombrables
façons: agressive, amicale, inquiète…, à l’image d’une célèbre tirade,
et à laquelle tout un chacun répond selon la dose de lucidité qu’il
éprouve chaque matin devant l’image que lui renvoie le miroir de
sa salle de bains. Une lucidité qui, d’ailleurs, permettrait de
chercher des remèdes ou de trouver des raisons d’espérer. Nous y
sommes : telle serait la raison d’être de son fameux ministère.
Notre homme s’emballe alors. Entre alexandrins et mots d’auteurs,
il revient au sujet de sa conférence ce qui lui permet, dans la
foulée, de rappeler la célèbre phrase d’Agatha Christie, aux dames
de l’assistance avides de conseils avisés : « Épousez un archéologue.
Plus vous vieillissez, plus il s’intéresse à vous ! ».
Le voici alors prodiguant dix conseils à son auditoire puis il le
place devant la triste réalité que sont les fameux signes qui avertissent
que si l’on n’est pas encore vieux, on n’est déjà plus très jeune,
avant de conclure sur une note pragmatique plutôt revigorante. Parolière,
romancière, auteur, Françoise Dorin possède de multiples casquettes
dont elle régale ses inconditionnels depuis des décennies. Au théâtre,
on se souvient de Comme au théâtre, le Tournant, la
Facture, Soins intensifs ou encore l’Étiquette,
souvenir mémorable de rires en cascades incontrôlés en compagnie
des roulons bouffons et des pensons causons ! La mise
en scène et l’interprétation soulignent sans ostentation la culture
éclectique dont elle fait preuve lorsqu’elle évoque d’innombrables
bons mots, l’intelligence et l’esprit - apanages de ses pièces -
lorsqu’elle relativise avec un humour réjouissant cette étape inéluctable
de la vie.
Françoise Dorin, Stéphane Hillel et Jean Piat, quelle alliance !
Un texte diablement efficace, mis en scène avec une subtile légèreté
et dit par l’un de nos plus grands comédiens dont l’énergie, la
vitalité et l’enthousiame semblent avoir définitivement balayé les
affres d’une vieillesse qui ne lui est pas ennemie. Comédie des
Champs Elysées 8e.
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