Les nouvelles VOLTAIRE'S FOLIES

Article publié dans la Lettre n° 277


Les nouvelles VOLTAIRE’S FOLIES d’après Voltaire. Spectacle de Jean-François Prévant avec Charles Ardillon, Olivier Claverie, Gérard Maro, Jean-Jacques Moreau.
Jean-François Prévant avait déjà frappé les esprits en 1970, puis en 1989, en créant Voltaire’s Folies (Lettre 20). Tout aussi talentueux, il récidive aujourd’hui. Les nouvelles Voltaire’s folies n’ont nul besoin de décor. Un rideau rouge, une petite estrade mobile et quelques meubles font l’affaire. Tout est dans le texte et dans l’interprétation.
On ne présente pas ce philosophe, symbole des Lumières, penseur humaniste et pamphlétaire acerbe, dont l’oeuvre a traversé les siècles, Zadig ou Candide étant des sujets d’étude incontournables dans tous les établissements scolaires, des générations de professeurs ayant décortiqué, à travers eux, la pensée et les idées de leur auteur. Jean-François Prévand s’est de nouveau penché sur les écrits subversifs de Voltaire, libelles courant sous le manteau et imprimés en Suisse ou en Hollande. A une époque on l’on finissait sur le bûcher après avoir subi la question ordinaire et extraordinaire au moindre mot séditieux, à la moindre opinion contestataire, Voltaire ne se gêna pas pour écrire ce qu’il pensait. Voltaire’s Folies jette l’anathème sur les errances des religions, l’abus du pouvoir et fait l’apologie de la tolérance.
Renouant avec les premières versions de Voltaire’s Folies, Jean-François Prévant a choisi et adapté parmi les milliers parvenus jusqu’à nous quelques uns de ces pamphlets et nous sommes de nouveau étonnés par la modernité de sa réflexion. Si les quatre comédiens qu’il met en scène avec une fantastique énergie, évoquent l’interdiction de la publication de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, s’il rappelle le cas de Jean Calas ou du chevalier de La Barre et leur fin tragique, il mène la charge satirique de Voltaire, en une douzaine de tableaux, sur un sujet plus que jamais d’actualité: les religions, leurs dogmes, leurs différences, leur intolérance, leur endoctrinement aveugle et leurs effroyables excès. Au nom d’un dieu catholique, protestant, juif ou musulman, qui n’en demandait pas tant, on a tué, massacré des millions d’hommes. Ce qui frappe, c’est la lucidité et la justesse de la pensée du philosophe, mais aussi la force de la satire, l’explication de l’Immaculée conception étant pour le moins saisissante. On comprend pourquoi il se réfugia dans sa maison de Ferney, à la frontière entre la Suisse et la France afin d’éviter la prison et les persécutions ! En adaptant les réflexions de Voltaire avec un remarquable à propos, Jean-François Prévant met intelligemment le doigt sur l’un des plus grands maux de notre temps. Les siècles ont passé mais les atrocités sont plus que jamais présentes. On brûle, on crucifie encore, aux quatre coins du monde, au nom du dieu d’une religion que l’on croit supérieure aux autres. « La Prière à Dieu », extrait du Traité sur la tolérance, est un grand moment et mériterait d’être étudié plus avant par les représentants contemporains du pouvoir civil mais aussi religieux.
Sur scène, nos quatre comédiens se dépensent sans compter avec un formidable dynamisme. Il faut plus que du talent pour faire passer ces textes et subjuguer un public que certaines diatribes pourraient rebuter. Il n’en est rien. Ils y parviennent sans peine et nous les suivons, amusés mais aussi interloqués par leurs répliques incendiaires. Tous les quatre sont exceptionnels. Nous retiendrons tout de même la prestation de Gérard Maro se métamorphosant en chinois aux yeux bridés ou en sssserpent, sous le regard impassible de ses complices ! Du grand art pour celui qui officie mais aussi pour les trois autres qui parviennent à garder leur sérieux. Théâtre de l’œuvre 9e (01.44.53.88.88).


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