VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU
Article
publié dans la Lettre n° 338
du
19 mars 2012
VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU de
Dale Wasserman. Mise en scène Stéphane Daurat avec Patrick d’Assumçao,
Olivier Baucheron, Stéphane Daurat, Olivier Deville, Pierre Giraud
ou Hervé Jouval, Catherine Hauseux, Sandra Honoré ou Gwenaël Ravaux,
Thierry Jahn ou Jérôme Ragon, Audrey Langle, Richard Leroussel,
Arnaud Perrel.
Comment rendre encore plus délirant ce nid de coucou, métaphore
d’un univers de folie?
La machine thérapeutique est bien huilée sous la férule de l’infirmière
en chef, Miss Radched, Big Brother femelle qui s’est emparée d’un
pouvoir que lui laisse sans résistance le Dr Spivey, psychiatre
mou et gentil. Elle en use et abuse, et il est difficile de savoir
ce qui l’emporte chez elle, du sadisme indéniable ou du despotisme
maniaque. Ses deux acolytes, la niaise Miss Flyn et le vicieux Williams,
rivalisent de servilité.
Face à eux, une basse-cour de victimes, Cheswick rustaud et obsédé,
Harding le mal marié, Martini, ses hallucinations et son coussin,
Billy le fils bègue et puceau. Et surtout, cœur et témoin de cette
machine à broyer les cerveaux, Chef Bromden, un roc de mutisme et
de surdité feinte, s’est réfugié dans le silence pour échapper à
la menace terrifiante qu’il pressent partout autour de lui, les
machines du sous-sol qui le guettent.
Ils avalent sans discuter leurs potions d’oubli et d’anéantissement,
jouent aux cartes, obéissent.
A délire, délire et demi… quand survient le fauteur d’insurrection,
Mc Murphy, petit escroc vaguement violeur, placé là en prétendue
observation et surtout redressement de torts. Joyeusement effaré
devant cet assassinat de poulailler, il se fait fort de plumer
aux cartes les victimes consentantes, de mener une victorieuse guérilla
de tranchées contre le tyran en jupon, de résister aux violentes
mesures de rétorsion, de faire exploser le système quasi carcéral.
On croirait le pari presque gagné, mais ce serait mésestimer l’inexorabilité
de l’engrenage que nul grain de sable ne saurait enrayer.
Le trublion sera laminé, le poulailler retournera à ses caquetages.
Seul l’Indien, enfin grandi, s’envolera de ce nid vers les grandes
plaines de ses pères dans le souffle de la liberté recouvrée.
Sont-ils vraiment fous ? Leur bon sens est par moments confondant.
Mais, écrasés par des culpabilités diverses, ils ne peuvent que
subir la terreur de ces petits chefs en mal de réduction de têtes.
On s’émeut beaucoup à la beauté des visions de l’Indien solitaire,
on rit sans retenue aux farces et inventions d’un Mc Murphy capable
de soulever les inerties. On est bouleversé et on s’effraie encore
davantage de l’oppression entrevue en filigrane. Les machines
du sous-sol et l’Organisation qui les commanderait sont-elles
le fruit de la seule imagination de Chef Bromden ?
Dans un espace scénique volontairement banal et dégagé, les onze
acteurs, tous excellents, impriment à ce texte à la fois quotidien
et illuminé un mouvement et un rythme sans répit, entre éclats de
rires, drôlerie grinçante et lucidité effrayée. De quoi ne pas sortir
indemne de ce cocktail de saine curation… Théâtre 13 13e.
A.D.
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