VIOLETTE
SUR LA TERRE
Article
publié dans la Lettre n° 256
VIOLETTE SUR LA TERRE de Carole Fréchette.
Mise en scène Maxime Leroux avec Maryline Even, Vincent Jaspard,
Juliette Marcelat, Olivier Saladin en alternance avec Maxime Leroux.
Le carreau de la mine semble abandonné. Il fait encore nuit. Etienne
est sorti de chez lui, suivi de loin par Marie-Jeanne, sa femme.
Elle veut savoir où il va. Il se dirige vers ce lieu aujourd’hui
mort, où il exerçait autrefois ses talents de dynamiteur. Il presse
le pas, la rage au cœur. Il a quelque chose à accomplir. Syndicaliste
à la retraite, il veut faire entendre son cri de révolte. Marie-Jeanne
l’épie, accordant son allure à celle de cet époux dont elle partage
la vie depuis vingt-quatre ans. Ils ne se parlent plus que par l’intermédiaire
de papiers griffonnés sur la table de la cuisine. Elle souhaiterait
tout quitter, partir droit vers le sud, mais n’en a pas la force.
Paul se dirige lui aussi vers le terrain vague. Ancien mineur, cloué
au lit à la suite d’un accident, il est resté longtemps cloîtré
chez lui. Sa femme l’a quitté. La solitude l'étouffe entre ses quatre
murs. Il veut respirer. Judith, quant à elle, craint tout de l'avenir
proposé par Eric qui l'a amoureusement couchée sur les lieux.
Mais, durant leur étreinte, elle a entendu du bruit, comme des sanglots
étouffés. Il fait très chaud en ce début de juin. Il peut être 1h1/2,
4h42 ou 5h et 20, qu’importe. Ils sont là tous les quatre à soliloquer
dans leur détresse. Pourtant, le carreau n’est pas tout à fait désert,
une petite bonne femme avec un drôle de chapeau se cache, muette.
Elle ne peut plus communiquer, répète seulement les mots ou des
morceaux de phrase prononcés par ces visiteurs nocturnes. D’où vient-elle,
que fait-elle seule, avec pour tout bagage un sac contenant un carnet
où elle a barré toutes les phrases de sa vie sauf une ? Qui est-elle
surtout cette petite Violette, échouée sur la terre ?
L’univers des terrils a inspiré Carole Fréchette, auteur québécoise
reconnue. Elle en retrace les réalités qu’elle a embrassées d’une
plume drôle et touchante à la fois, grâce à ses rencontres avec
les habitants des villes dont les mines ont cessé toute activité.
Privés de leur travail, ils ont gardé « la ténacité, la vitalité,
le courage » et l’humour indispensable pour continuer de vivre.
Maxime Leroux s’est emparé de cette pièce avec la même volonté qu’Etienne
dont il campe le rôle en alternance. Il ressemble à son personnage,
transmettant comme lui son indignation, son incompréhension et son
impuissance face à la laideur, à la malhonnêteté, à l’hypocrisie.
Et, comme Paul, il a besoin d’espace. Sa mise en scène occupe non
seulement le plateau mais aussi les escaliers qui y mènent. Complexe
et savante, elle allie avec dextérité scénographie, direction d’acteur
et éclairages. Là se trouve l’originalité de ce travail de groupe,
dans les lumières, torches électriques, briquets, phares de voiture
et projecteurs, que les comédiens actionnent et dont ils se renvoient
les faisceaux comme des répliques, ponctuant celles-ci d’une musique
et de chansons omniprésentes, personnages à part entière. Tous évoluent
avec un formidable talent parce qu’ils donnent chair et corps dans
un même élan à « cette histoire à chavirer les cœurs ». Ils savent
en exprimer la poésie, l’émotion et l’humour dans le décor savamment
hétéroclite du carreau mort, également éclairé par des affiches
et des toiles peintes où, par la violence des couleurs et des mots,
Joseph Leroux exprime la rébellion de la jeunesse. Un travail brillant,
fruit d’une grande expérience de la scène, dont l'originalité apporte
une pierre nouvelle et non négligeable à l’édifice théâtral tout
en se faisant l’écho pertinent d’une pièce à la fois populaire et
poétique. Théâtre 13 13e.
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