VINGT-NEUF DEGRES A L'OMBRE

Article publié dans la Lettre n° 224


MONSIEUR VERNET de Jules Renard - VINGT-NEUF DEGRES A L'OMBRE de Eugène Labiche. Mise en scène Jean-Laurent Cochet avec Jean-Laurent Cochet, Raphaëlle Cambray, Pierre Delavène, Geneviève Raffin, Elisabeth Ventura, Philippe Le Gars, Géraldine Azouelos, Marie-Véronique Raban, Jean-Pierre Leroux, Pierre Chaillet, Jacques Mougenot, Silvia Campos, Raphaël Cohen et Philippe Davenet au piano.
En conviant Mr Henri, poète de son état, à prendre le thé la veille de son départ en vacances, Mr Vernet ne se doute pas des conséquences que va entraîner cette invitation. Conquis par le charme, la culture mais aussi la réserve qu'impose à ce nouvel ami la modestie de son existence, Mr Vernet convainc le jeune homme de se joindre à sa famille pour les vacances. L'homme, déjà mûr, en impose. Il a fait fortune dans la soie et fait partie de cette race d'homme d'origine modeste qui a bâti sa fortune à la force du poignet. S'il en est fier, il reste toutefois lucide sur ses limites culturelles. Fréquenter un poète lui semble d'autant plus prestigieux qu'elle lui apporte la considération de son entourage. Il coule depuis neuf ans des jours heureux avec sa femme qu'il a sortie de sa condition mais qui reste le miroir intellectuel de ce qu'il n'est pas. L'admiration qu'il lui porte n'a d'égal que son amour pour elle, amour apparemment partagé. Une seule ombre à leur bonheur: l'absence de descendance. C'est pourquoi ils ont rejeté leur affection sur une nièce qu'élève Pauline, la soeur de Mme Vernet, vieille fille acariâtre. Pourtant échaudé par un incident survenu quelques mois plus tôt avec un portraitiste, Mr Vernet ne mesure pas le danger d'introduire dans son ménage ce jeune poète de vingt-six ans.
Réunir Jules Renard et Eugène Labiche, c'est embrasser d'un seul coup la France de la fin du XIXe à la moitié du XXe, c'est jeter un regard sur la société bourgeoise débonnaire parfois ridicule de cette époque mais qui savait croquer la vie à belles dents. Les deux auteurs observent et esquissent leurs petits travers d'une plume pleine d'un humour souvent incisif.
Jean-Laurent Cochet met remarquablement en évidence ce qui unit le style des deux pièces. Le comique franc et jubilatoire des situations et des dialogues des deux actes de Jules Renard sont rehaussés par l'acte de Labiche où, par 29° à l'ombre, Mr Pomadour va avoir toutes les peines du monde à laver un affront sans y laisser de plumes. Les couplets de Sacha Guitry sont la cerise sur le gâteau de ce spectacle drôle, léger et savoureux, mené d'un train d'enfer par Jean-Laurent Cochet suivi par d'excellents comédiens. Théâtre 14 J.M. Serreau 14e.


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