LA VIE DE GALILÉE
Article
publié dans la Lettre n° 353
du
15 avril 2013
LA VIE DE GALILÉE de Bertolt Brecht.
Mise en scène Christophe Luthringer avec Régis Vlachos, Aurélien
Gouas, Charlotte Zotto, Philippe Risler, Jean-Christophe Cornier
ou Gilles Vincent Kapps.
Un monument incontournable, ce Galileo Galilei et ses astres qui
tournent. Parce qu’il refuse de cautionner plus longtemps Ptolémée
et Aristote, que Copernic le convainc, qu’il croit à la douce
violence de la raison sur les hommes, il s’évertue à faire tourner
les pommes devant les yeux ébahis du jeune Andrea, il rêve de ce
temps de recherche, tout à lui, qui donnerait réalité à ses rêves
et ses intuitions, sans la contrainte d’enseigner aux riches ignares.
Mais il faut bien vivre et la survie matérielle suppose des compromissions.
Alors il triche un peu avec ses lentilles, mais le génie est là
qui dépasse l’invention ordinaire. Des ciels infinis se déploient
dans la fébrilité de sa quête. Giordano Bruno s’y était brûlé plus
que les ailes… mais, même face à la menace du Saint-Office omniprésent
et toujours victorieux, à l’imbécillité insondable des pseudo-savants,
comment renoncer à la lucidité du chercheur visionnaire ? Galilée
paiera d’une reculade sa nécessaire survie.
Brecht avait ôté à son Galilée les pieuses paillettes qui voilaient
l’homme célèbre, pour le montrer entaché de si humaine banalité.
Pas moins de 43 personnages composaient la fresque initiale sur
fond de Renaissance italienne, quatre personnages vont ici tournoyer,
en en traduisant l’esprit tout en lui conférant une tonalité burlesque
mise au goût de notre époque contemporaine. Sans pour autant galvauder
l’efficacité en miroir de cette leçon d’intelligence. Le ton est
donné dès le début par un témoin latéral sans dénomination fixe,
sdf goguenard, blasé, intempestif, qui raconte, intervient et commente.
Une énorme malle se prête à tous les jaillissements, anachronismes
et métamorphoses jubilatoires. La mise en scène fourmille de trouvailles
et de cabrioles. Il n’est qu’à se réjouir devant la chorégraphie
aimantée des deux universitaires stupides, à regarder rêveusement
la gondole de la Duchesse…Trois personnages protéiformes mènent
la sarabande autour d’un Galilée d’autant plus émouvant qu’il ne
renie pas ses faiblesses et ses petites lâchetés. Et le sdf donne
le ton, le son, le rythme, avec des instruments improbables. Dans
sa lumière qui s’éteint au soir de la vieillesse, Galilée nous interroge
une ultime fois, comment est la nuit ? Et, sans hésiter,
nous lui répondons, Claire. Théâtre du Lucernaire 6e. A.D.
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