LA VIE DE GALILÉE

Article publié dans la Lettre n°32 du 21 mai 1990


LA VIE DE GALILÉE de Bertold Brecht. Mise en scène Antoine Vitez avec 22 comédiens dont Roland Bertin, Martine Chevallier, Valérie Dréville, Redjep Mitrovitsa. La vie de Galilée de 1609 où il découvrit l'emploi scientifique d'une lunette à 1633 où il abjura sa doctrine de la rotation de la terre, est une pièce à part dans l'oeuvre de Bertold Brecht. De 1938 à 1953, il ne cessera d'en récrire le texte. Les différentes versions, ponctuent les événements de sa vie. Eloi Recoing a traduit la dernière, celle de 1953. Dans son adaptation, il a privilégié le côté historique, poétique et musical de l'écriture brechtienne, trois aspects négligés en faveur du côté politique. Cependant, il ne s'agit pas que d'une biographie historique, même si les premiers tableaux présentent le savant dans son laboratoire donnant une leçon de science à son jeune disciple Andréa. Le décor ocre de Yannis Kokkos est un jeu de miroir entre le passé et le présent. Deux édifices se font face, un grand palais inspiré de la fin de la Renaissance et un bâtiment moderne sans grâce. Les personnages évoluent au milieu de cet espace avec une perspective mourant sur un fond mobile ponctuant les lieux de la vie de Galilée, par l'apparition d'églises, de bateaux ou de fenêtres de plus en plus petites, nous faisant ressentir l'enfermement progressif et les tentatives d'étouffement de ses découvertes.
La mise en scène d'Antoine Vitez, polarise tout le début de la pièce du côté de la façade Renaissance pour laisser petit à petit l'action se développer du côté moderne, de même que les personnages subissent cette évolution dans leurs costumes devenant tout ou en partie «modernes» dès que Galilée affronte l'Inquisition. La pièce trouve toute sa force dans ses résonances entre le passé, et le présent : en stigmatisant la bêtise, l'ignorance et l'obscurantisme de nos aïeux, Brecht nous pousse à réfléchir sur notre attitude présente. L'une des scènes les plus remarquables est celle de la rencontre de Galilée et d'un petit moine physicien, partagé entre sa foi et sa curiosité scientifique. Il expose tout ce que la doctrine galiléenne remet en cause : les certitudes acquises au cours des siècles, que le maître a enseignées autrefois, et fait ressortir la vanité des découvertes et leur danger car elles sont faites pour être dépassées. La dernière réplique de Galilée à Andréa, son disciple déçu par « sa lâche rétractation », en lui donnant la copie de ses derniers travaux, est une mise en garde : « Et surtout, garde la vérité cachée sous ton manteau en traversant l'Allemagne ».
Antoine Vitez, dont la récente disparition laisse un vide irremplaçable, Eloi Recoing et Yannis Kokkos ont réalisé un spectacle éblouissant. Les rôles sont tenus par des comédiens tous excellents et chaque personnage est interprété comme s'il était le plus important. Mais c'est Roland Bertin qui assume avec le plus de brio le rôle écrasant de Galilée dont il fait admirablement ressortir l'humanisme. Redjép Mitrovitsa apporte une aura toute particulière au petit moine, faisant de lui un personnage clé de la pièce. M-P.P. Comédie-Française 1er.

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