VICTOR
Article
publié dans la Lettre n° 386
du
5 octobre 2015
VICTOR d’Henri Bernstein. Mise en
scène Rachida Brakni avec Grégory Gadebois, Éric Cantona, Caroline
Silhol, Marion Malenfant et Serge Biavan. Quel homme serait assez
amoureux pour purger une peine de onze mois de prison pour détournement
de fonds à la place d’un ami, n’acceptant en échange qu’une somme
équivalente à trois années de salaire, mais aussi la tache indélébile
d’une condamnation inscrite dans son casier judiciaire ? Victor
Delestrande s’est en effet laissé condamner par amour pour Françoise,
la femme de son ami Marc Pélicier, un homme d’affaires très en vue,
héros d’une guerre récemment achevée, homme cynique et sans scrupules.
À sa sortie de prison, Victor est fébrile. Il attend l’épouse de
Marc, la femme de sa vie. Pourtant, lorsqu’elle lui propose de se
retrouver un peu plus tard dans le studio qu’elle a décoré pour
lui, il décline cette invitation non équivoque. Victor a besoin
de mettre de l’ordre dans ses sentiments, il part se ressourcer.
A son retour, Françoise est décidée à divorcer pour lui, mais Marc,
perfide, écrase son projet dans l’œuf. En prison, Victor s’est lié
d’amitié avec Jacques Génot, libéré en même temps que lui. L’homme
lui offre de devenir son associé, lui promettant de rester désormais
dans la légalité. Un an et demi plus tard, Jacques vend à l’International
Motors pour quarante mille dollars et des royalties à vie, les droits
du brevet d’un accumulateur ultra-léger pour l’aviation, inventé
par Victor. Celui-ci a rencontré Marianne, une jeune femme libre,
avec laquelle il souhaite faire sa vie. Mais Marc réapparaît. Acculé
par des ennemis jaloux de sa réussite, il va être arrêté pour malversations.
Il remet à Victor une lettre adressée au garde des Sceaux afin de
lui permettre d’obtenir sa réhabilitation et lui confie sa femme
avant de disparaître. Persuadé de ses propres sentiments, Victor
respecte le souhait de Marc et se sépare de Marianne. Mais Françoise
a pris le temps de peser ses sentiments et ceux de Victor. Henri
Bernstein place sa pièce en 1948, période de reconstruction effrénée,
où chacun tente de s’enrichir, honnêtement ou non. Jacques y voit
« la chance de vivre à une époque où un tas d’hommes et de femmes
ont été mis en taule, on ne sait plus trop pourquoi. Ni même par
qui ». La pièce analyse parfaitement les dispositions d’esprit qui
conduisent les actes des personnages et la confusion de leurs sentiments
face à l’importance de l’amitié, de l’admiration et de la reconnaissance.
Elle aborde aussi des thèmes universels et immuables tels que la
quête du pouvoir, de l’argent, de l’ascension sociale. Le travail
de restructuration effectué sur le texte allège l’action tout en
conservant une écriture qui manie habilement le drame avec légèreté.
La mise en scène fluidifie les nombreux changements de lieux. Les
décors et les costumes respectent l’époque avec raison et bonheur.
L’interprétation est irréprochable même si l’osmose qui permettrait
aux comédiens de « vivre » leur rôle plutôt que de le jouer, fait
défaut. Théâtre Hébertot 17e.
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