LA VERITE
Article
publié dans la Lettre n° 323
du
28 février 2011
LA VÉRITÉ de Florian Zeller (n°323).
Mise en scène Patrice Kerbrat avec Pierre Arditi, Fanny Cottençon,
Patrice Kerbrat, Christiane Millet.
Si le mensonge est autant l’apanage des hommes que des femmes, quoique…,
l’inconscience de Michel à son propos reste sans limite. Marié à
Laurence, il a pour maîtresse Alice, la femme de Paul, son meilleur
ami. Mis à la porte par son entreprise de la pire des façons, ce
dernier a bien sûr le moral en berne. Loin d’avoir honte de sa trahison,
Michel continue de le voir régulièrement comme si de rien n’était.
Alice se lasse cependant de cette liaison à la sauvette dans des
chambres d’hôtel anonymes, avec un partenaire qui, une heure après
son arrivée, commence déjà à chercher fébrilement ses chaussettes
! Elle décide de lui en parler, alléguant son inquiétude quant aux
conséquences morales du chômage chez son mari et sa culpabilité
quant à sa trahison. Mais lui dit-elle la vérité ? Michel n’y réfléchit
pas, il semble même surpris du cas de conscience de sa partenaire.
Ces rendez-vous coupables lui conviennent parfaitement. Alice menace
alors de tout avouer à Paul, de cesser leur liaison, à moins qu’ils
ne partent quelques jours ensemble. Michel balaie d’une phrase les
scrupules de sa maîtresse mais accepte son idée. Un week-end en
amoureux, pourquoi pas ? Le sempiternel congrès en province, donné
comme raison à sa femme, lui semble parfait. Il n’imagine pas un
instant que les alibis fumeux qu’il invoque depuis des mois mettent
la puce à l’oreille de Laurence, pas plus que celle-ci, au courant
de sa liaison, lui rende la pareille. Il n’entrevoit pas non plus,
dans certaines réflexions de Paul, des signes avant-coureurs de
celui qui sait. Mais surtout, surtout, menteur invétéré, il ne peut
pas comprendre que l’on puisse parfois préférer, tout simplement,
dire la vérité. Le petit week-end en question va être quelque peu
contrarié et les menteurs seront prisonniers de leur propre mensonge.
La pièce de Florian Zeller est très ingénieuse. Du début à la fin,
il promène ses personnages dans les méandres du mensonge. Qui ment
et à qui ? Là est la question à laquelle il répond sans faillir
car les rebondissements sont nombreux jusqu’à la dernière réplique.
Ce jeune auteur ne laisse pas de surprendre. Aucune de ses œuvres
ne laisse indifférent quel que soit le genre.
Florian Zeller a écrit cette comédie pour Pierre Arditi. Quel formidable
cadeau pour un comédien ! Il excelle bien évidemment dans la mauvaise
foi. Charmeur comme toujours, présent dans toutes les scènes, nous
n’aurions presque d’yeux que pour lui si ses partenaires n’étaient
pas de la même trempe. La présence de Fanny Cottençon, merveilleuse
Alice, celle de Christiane Millet, excellente Laurence, sont de
grande qualité. Patrice Kerbrat, fantastique dans le personnage
ambigu de Paul, signe dans la foulée une mise en scène d’une brillante
efficacité. Florian Zeller, Cyril Gely, pour ne citer que les deux
auteurs de ce numéro, font partie d’une jeune génération foisonnante,
dotée d’un talent tout à fait réjouissant. Théâtre Montparnasse
14e.
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