UNE CONFRERIE DE FARCEURS

Article publié dans la Lettre n° 274


UNE CONFRÉRIE DE FARCEURS d’après l’anthologie Les farces, Moyen Age et Renaissance, édition et traduction Bernard Faivre. En introduction LA NAISSANCE DU JONGLEUR de Dario Fo. Chefs de troupe François Chattot et Jean-Louis Hourdin avec Catherine Hiegel, Pierre Vial, Roger Mollien, Stéphane Varupenne et Éloïse Brunet, Priscille Cuche, Jacques Fornier, Félicien Juttner, Stéphane Szestak.
Aristophane et Plaute l’illustraient déjà, mais c’est au XVème siècle que la farce, très prisée lors des fêtes publiques ou privées, trouvera la popularité qu’elle mérite avant d’être oubliée. Quelque cent cinquante d’entre elles, du Moyen Âge et de la Renaissance, sont parvenues jusqu’à nous. Bernard Faivre en a traduit une vingtaine puis les a réunies en deux volumes, l’un sur les démêlés du couple, l’autre sur les fourberies en tout genre. Il fait merveille, offrant une version fidèle de ces petits chefs-d’oeuvre heureusement conservés dont il a su préserver la langue et le potentiel scénique. François Chattot et Jean-Louis Hourdin s’en sont emparés avec délectation. Le spectacle créé au mois de juin dans la Cour de Bar du Palais des Ducs à Dijon, a continué sa route en tournée, sur les parvis romans de Bourgogne. C’est cette ambiance de fêtes du Moyen Âge, que le théâtre du Vieux-Colombier a souhaité faire revivre, époque où l’on se produisait quelques heures et sans façons, sur des tréteaux aussi vite montés que démontés. Sur la scène du théâtre, des tréteaux. La petite troupe s’agite, livrant cinq de ces oeuvres médiévales, source d’inspiration pour Molière mais dont on retrouvera aussi les éléments comiques dans la Commedia dell’arte.
En prologue, La naissance du jongleur en illustre le genre et le style de façon saisissante. Dario Fo, l’auteur caustique et anticonformiste de « Mort accidentelle d’un anarchiste » et de « Faut pas payer!», est idéal pour imaginer le destin tragique du paysan qui voulut braver le patron de toute la vallée mais qui, après un signe de Dieu, deviendra le jongleur dénonçant de places en places les injustices. Catherine Hiegel raconte cette histoire avec une telle conviction que l’auditoire est suspendu à ses lèvres. Puis, emplissant les lieux de sa forte personnalité, elle entraîne sa « confrérie de farceurs » avec le même talent, dans toutes sortes d’aventures. D’une farce à l’autre, c’est la bagarre. Hommes et femmes en décousent et personne n’est épargné: scènes de ménage, maris cocus, fourberies en tout genre révèlent les mœurs de l’époque qui autorisaient des transgressions plutôt osées, mêlant rires et plaisanteries réjouissantes et le plus souvent graveleuses.
Par la diversité de leur choix, elles donnent une excellente idée des thèmes abordés à l’époque. Mahuet, fils benêt, le trio mari, femme et amant, Lison et Naudet le couple de paysans, Frère Guillebert proposant aux femmes des services pour le moins surprenants pour un curé, ou Thierry et son pourpoint qui rétrécit, chacun est le héros caricaturé d’une drôle d’histoire drôle, qu’interprètent les acteurs de la Comédie-Française et du jeune Théâtre National et de la région de Bourgogne. Incarnant ces personnages pittoresques avec un enthousiasme débonnaire, Ils oeuvrent sur scène mais aussi aux abords, allant comme au Moyen Âge à la rencontre d’un public devenu badaud le temps d’une soirée. Le vin coule, c’est la fête! Une manière gaie et ludique de découvrir un genre oublié. Théâtre du Vieux Colombier 6e.


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